7769e séance – après-midi
CS/12515

Libye: « l’économie de guerre doit devenir une économie de paix », déclare le Représentant spécial du Secrétaire général

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Martin Kobler, a affirmé, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, que, depuis son dernier exposé, le « paradoxe » de ce pays était « devenu encore plus évident ».

Après avoir fait le point sur la situation sécuritaire et politique de la Libye, M. Kobler a insisté sur l’urgence de résoudre la crise économique. 

Le pays, a-t-il ainsi souligné, dispose d’un potentiel énorme, d’immenses ressources naturelles et d’une jeune population impatiente de refaçonner forme à son avenir.  Et pourtant, les Libyens font la queue devant les banques pour retirer leur limite quotidienne de 200 dinars, soit environ 40 dollars, et acheter des produits de première nécessité de plus en plus chers.

« Avec peu de perspectives, une insécurité rampante et une corruption endémique, la tentation pour les jeunes de quitter le pays ou de joindre des groupes armés peut être trop forte », a-t-il constaté. 

Abordant la situation sécuritaire, M. Kobler a déploré l’attaque menée par des unités de l’Armée nationale libyenne, commandées par le général Khalifa Haftar, contre les terminaux et les ports pétroliers du Croissant pétrolier, qui va priver la Libye de sa seule source de revenus et accroître la division du pays.  

« Les ressources naturelles libyennes appartiennent à tous les Libyens », a déclaré le Représentant spécial.  « Elles doivent être protégées et légalement exportées sous l’autorité du Conseil de la présidence. »  Il a appelé à une cessation immédiate des hostilités.  Il a précisé qu’il avait essayé, en vain, de contacter le général Haftar pour l’encourager à accepter le dialogue.

Sur une note positive, les forces loyales au Conseil de la présidence ont réalisé des progrès impressionnants pour bouter l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) de son dernier bastion en Libye, à Syrte.  « Très bientôt, l’EIIL n’aura plus de territoire en Libye », a-t-il assuré.  Il a remercié en particulier les États-Unis pour leur soutien aérien qui a renforcé l’aptitude du Conseil de la présidence à vaincre l’EIIL.

M. Kobler a expliqué qu’il avait convoqué une réunion avec les principaux ministres du Gouvernement d’entente nationale pour élaborer un plan après la libération de Syrte.  « Les efforts de reconstruction de Syrte doivent servir de modèle pour d’autres endroits tels que Benghazi », a-t-il souhaité.

Par ailleurs, la Libye reste une plaque tournante pour des milliers de migrants.  Cette année, 112 000 migrants ont atteint les côtes italiennes; 3 000 se sont noyés et plusieurs milliers sont morts en route dans le désert.    

« Cette perte insensée de vies humaines est inacceptable », s’est écrié M. Kobler.  La lutte contre le terrorisme et le flux de migrants sont les symptômes du manque d’institutions unifiées et effectives en Libye.

En outre, la situation de sécurité à Tripoli reste très fragile.  Les progrès ne seront possibles que si tous les acteurs de sécurité libyens tombent d’accord sur une hiérarchie unique avec le Conseil de la présidence comme commandant suprême de l’armée libyenne.

M. Kobler a fait ensuite le point sur la situation politique.  Après des mois d’impasse, la Chambre des représentants a décidé, le 22 août, de rejeter le Gouvernement d’entente nationale.  Néanmoins, M. Kobler y a vu une nouvelle opportunité pour solliciter l’approbation d’un gouvernement d’unité. 

Le rôle du dialogue politique libyen conserve son importance, a-t-il estimé.  Bien qu’il y ait des divergences, c’est la seule façon d’avancer dans la transition.   « Il n’y a pas d’alternative », a-t-il insisté. 

L’appui au Conseil de la présidence doit se refléter dans la pratique sur le terrain.  Il ne doit pas y avoir d’institutions parallèles libyennes en dehors du Gouvernement d’entente nationale et « il ne faut pas leur dérouler le tapis rouge ».  Tous les membres du Conseil de la présidence doivent se mettre d’accord sur une nouvelle liste et, notamment, réserver 30% des postes à des femmes.  À cet égard, M. Kobler a appelé de ses vœux la présence d’observateurs libyens et internationaux.  

Sur la question de la réconciliation nationale, le Représentant spécial a indiqué que la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) avait lancé, le 31 août, un cycle de discussion pour « aider les Libyens à trouver en eux-mêmes la volonté de pardonner et de surmonter le passé, et de bâtir un avenir ensemble ». 

En Libye, 70% de la population est âgée de moins de 35 ans et la fuite des cerveaux constitue un problème très grave pour la Libye.  

Enfin, M. Kobler a parlé de la situation économique.  « Nos efforts ne seront couronnés de succès que si les Libyens traitent de la crise économique croissante », a-t-il souligné.  « Le pays est au bord du gouffre. »

La production pétrolière est à son point le plus bas, avec seulement 200 000 barils par jour, comparé à 1,4 million avant la révolution.  Le pays enregistre un déficit budgétaire de 75%.

La Libye ne pourra pas dépendre longtemps de ses réserves étrangères, a averti le Représentant spécial.  « L’économie de guerre doit devenir une économie de paix », a-t-il continué.  Il est indispensable de rouvrir les oléoducs.

Constant que les divisions politiques s’approfondissaient plus que jamais, il a jugé qu’une action forte était nécessaire pour convaincre les parties prenantes libyennes d’instaurer des institutions ouvertes et participatives.

En conclusion, M. Kobler a dit attendre avec intérêt la réunion ministérielle sur la Libye, qui se tiendra le 22 septembre prochain, en marge de l’Assemblée générale.

M. Ramlan Bin Ibrahim, de la Malaisie, est revenu sur les travaux du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, couvrant la période allant du 7 juin au 14 septembre, notamment la notification déposée au Comité par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques concernant l’embargo sur les armes et sur laquelle le Conseil n’a pas pris de « décision négative », le 15 juin 2016. 

Le 23 août, le Comité a approuvé la demande d’extension de l’exemption d’interdiction de voyager pour six mois supplémentaires.  Le Comité a également reçu, le 29 août, une notification concernant les mesures gel des avoirs et restrictions commerciales sans faire d’objection.

 

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