Chronique ONU

Des systèmes d’alerte rapide sont nécessaires

Créer des partenariats pour répondre aux catastrophes naturelles

Par Sálvano Briceño

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L'article

Depuis les deux dernières décennies, plus de 200 millions de personnes sont touchées en moyenne chaque année par les catastrophes naturelles. Ces catastrophes ont fait de nombreuses victimes et ont eu des conséquences sociales, économiques et environnementales néfastes à long terme. Les sociétés vulnérables sont les plus exposées, en particulier dans les pays en développement où les capacités de réaction sont les plus faibles.

Pour ces pays, les catastrophes naturelles constituent un obstacle sérieux à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement1. L’expérience, notamment le tsunami dans l’océan Indien en 2004, a montré que même si les risques naturels ne peuvent être évités, leur impact pourrait être réduit si la capacité de récupération des collectivités était renforcée.

Suite à l’examen des progrès accomplis pendant dix ans dans la prévention des catastrophes, la Conférence mondiale sur la prévention des catrastrophes2, qui s’est tenue à Kobé, au Japon, en janvier 2005, a adopté un document important - le cadre d’action de Hyogo pour 2005-2015 : renforcer la capacité de récupération des pays et des collectivités face aux catastrophes3. Ce Cadre a souligné l’importance des mesures d’alerte rapide pour prévenir les risques liés aux catastrophes qui pourraient sauver des vies et permettre de protéger les moyens d’existence et les gains du développement. Les systèmes d’alerte rapide ont été reconnus comme un outil efficace pour réduire la vulnérabilité des populations et améliorer la préparation ainsi que la réaction aux risques naturels.

L’alerte rapide a été soulignée dans diverses résolutions de l’Assemblée générale comme étant un élément crucial de la prévention des catastrophes. La Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles (ISDR), qui a été établie en 2000 pour succéder à la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles 1990-1999 (IDNDR), a plaidé pour la création d’un système d’alerte rapide centré sur la population. L’importance d’un tel système a été soulignée à maintes reprises dans les programmes d’action internationaux, notamment la Stratégie de Yokohoma4, Action 215, le Plan d’action de la Barbade pour les petits États insulaires en développement6, le Plan de mise en œuvre de Johannesburg7, la Stratégie de Maurice8 et le Sommet du G-8 de Gleneagles9, ainsi que dans les accords multilatéraux importants en matière d’environnement, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention sur la lutte contre la désertification.

Pour promouvoir les objectifs de la Stratégie de Yokohama adoptée en 1994, des activités spécifiques ont été entreprises durant la Décennie internationale. En 1998, la Conférence internationale sur les systèmes d’alerte rapide pour la prévention des catastrophes naturelles s’est réunie à Potsdam, en Allemagne, afin d’étudier l’utilisation des technologies modernes pour les systèmes d’alerte rapide. La Deuxième Conférence internationale sur les systèmes d’alerte rapide (EWC II) a été organisée par le gouvernement allemand à Bonn en 2003, sous l’égide de l’ISDR, et liée aux efforts du Groupe de travail II de l’Équipe spéciale interorganisations sur la prévention des catastrophes. Cette Conférence a mis l’accent sur la nécessité d’intégrer l’alerte rapide dans les politiques publiques pertinentes. Après l’adoption du Cadre de Hyogo, la Troisième Conférence internationale, organisée à Bonn en mars 2006, s’est attelée à l’élaboration de mesures et de projets pour mettre en œuvre le Cadre de Hyogo.

Après le tsunami, survenu le 26 décembre 2004, on s’est penché sur la question quand il est devenu clair qu’un système d’alerte rapide associé à l’éducation de la population aurait pu sauver des milliers de vies. Dans son rapport intitulé Dans une liberté plus grande : vers le développement, la sécurité et les droits de l’homme pour tous, le Secrétaire général de l’ONU a proposé que le système de l’ONU dirige le développement des capacités mondiales pour axer systématiquement les systèmes d’alerte rapide sur les populations en couvrant l’ensemble des risques ainsi que l’ensemble des pays et des collectivités exposés. Il a demandé qu’une étude mondiale soit réalisée en vue de promouvoir la création d’un système mondial d’alerte rapide (SMAR) pour tous les risques naturels. Le rapport de l’étude, coordonné par le secrétariat de l’ISDR, a conclu que bien que certains systèmes soient performants, il y avait des lacunes, en particulier en matière d’accès aux populations et de réponse aux besoins des personnes à risque dans les pays en développement. Il a également recommandé la mise en place d’un système d’alerte rapide mondial basé sur les systèmes d’alerte et les capacités existants, ainsi que la création de mesures spécifiques pour mettre en place des systèmes centrés sur les populations au niveau national afin de combler les lacunes en matière de capacités globales, de renforcer les bases de données scientifiques de l’alerte rapide et de poser les bases institutionnelles pour la création d’un système mondial d’alerte rapide.
Dégâts causés par le tsunami le 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, à Point Pedro, un petit village de pêcheurs situé au nord du Sri Lanka.
Photo ONU/Evan Schneider

Dans son rapport de 2006 sur la Stratégie internationale de prévention des catastrophes, le Secrétaire général a encouragé les États Membres et les organisations à mettre en place un système mondial d’alerte rapide pour tous les risques naturels et toutes les collectivités basé sur les systèmes existants et de remédier aux insuffisances et aux besoins d’ordre technique et organisationnel, comme il est recommandé dans l’Étude mondiale des systèmes d’alerte rapide. Une planification coordonnée et des recommandations sont nécessaires pour définir les priorités et les objectifs pratiques à atteindre et gagner l’attention et la participation de toutes les parties intéressées. Cela devrait se faire au travers de mécanismes pertinents, en particulier par le biais du Programme international d’alerte rapide (IEWP).

Le rapport du Secrétaire général a pour but de fournir aux entités de l’ONU une étude stratégique des capacités et des lacunes existantes dans les systèmes d’alerte rapide actuels, de promouvoir la coopération interinstitutions et d’éviter le chevauchement d’efforts liés à la mise en place d’un SMAR. Le rapport contient des informations actualisées fournies par les entités de l’ONU confirmant leur engagement à mettre en place un SMAR au cours des deux prochaines années. Il a recommandé l’établissement de mécanismes de gouvernance, une coordination et un soutien aux plans national et régional, notamment en encourageant les institutions des Nations Unies et les autres institutions internationales à engager leurs efforts dans les domaines technique, humanitaire et du développement. En tant que processus de renforcement des capacités, l’IEWP a pour but de définir et de confirmer les responsabilités des grandes organisations internationales et de promouvoir les efforts en vue d’établir un système mondial d’alerte rapide. Toutefois, des obstacles importants doivent être surmontés pour créer et coordonner un tel système et appliquer les capacités techniques ainsi que les ressources financières des organisations internationales.

Un système mondial d’alerte rapide efficace repose sur deux piliers : les mécanismes de gouvernance, de coordination et de soutien aux niveaux international et régional et les capacités des pays. Ces mécanismes permettent de définir le rôle et les capacités des organisations pertinentes, d’apporter l’appui nécessaire aux partenariats institutionnels et d’engager la responsabilité des gouvernements. Qu’est-ce qu’un système mondial d’alerte rapide ? C’est un système où les systèmes de prévision ne sont pas seulement mis en place pour créer un système mondial en assemblant les pièces des systèmes régionaux, mais où les protocoles correspondent aux normes internationales, où les données sont évaluées avec rapidité et précision et où les informations sont partagées systématiquement avec les pays voisins par le biais de réseaux régionaux fiables.

Au plan national, un système d’alerte efficace permet d’assurer que les pays sont en mesure d’émettre et de recevoir des alertes en cas de catastrophe et de diffuser efficacement ces informations à la population et aux services de secours. Au niveau local, des plans de réponse sont mis en place par les autorités locales, par exemple pour déterminer les refuges et évacuer la population sans confusion et sans délai. Les cartes de risques faciles à lire indiquant les routes d’évacuation sont des outils efficaces dans de nombreux cas. Pour pouvoir réagir efficacement, il est important d’éduquer la population au niveau des collectivités ainsi que les enfants par des programmes scolaires leur enseignant ce qu’il faut faire en cas de catastrophes. Par exemple, une petite fille ayant appris les premiers signes d’un tsunami au cours d’une leçon de géographie a réussi à sauver sa famille et d’autres personnes dans une station balnéaire de Thaïlande lors du tsunami en décembre 2004. Les exercices d’évacuation permettent d’identifier les obstacles pouvant se présenter pendant les secours. Les personnes vulnérables, comme les enfants, les pauvres, les personnes âgées et les handicapés, peuvent nécessiter une aide supplémentaire de leur gouvernement, ainsi que des organisations gouvernementales et non gouvernementales.

Même s’ils paraissent coûteux au premier abord, les investissements dans les grandes villes permettraient de réduire à long terme les pertes liées aux catastrophes. Il faut encourager les études sur l’analyse de rentabilité des investissements dans les systèmes d’alerte rapide pour minimiser les pertes liées aux catastrophes. Mais quels que soient les efforts menés par les parties intéressées, il y aura toujours des personnes qui ne recevront pas le message, même dans les pays en développement. Dans certains cas, les populations peuvent prévenir les risques grâce à leur savoir traditionnel local et aux observations. Par exemple, en 2004, le tsunami a fait peu de victimes parmi la population vivant sur l’île indonésienne Simeulue car elle a su réagir à temps. Un système l’alerte rapide doit donc intégrer le savoir traditionnel local et la technologie avancée et lier efficacement les réseaux internationaux, nationaux et locaux afin de sauver des vies et des biens. Il est également important de considérer tous les risques et de relier les systèmes d’alerte entre eux pour créer ce qu’on appelle un système d’alerte à « tous les risques ».

Les réseaux établis sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sont également un élément important. Reliant les services météorologiques et hydrologiques nationaux afin de soutenir les services opérationnels 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, ils recueillent les données hydrométéorologiques et climatiques, établissent les seuils d’alerte et les algorithmes d’aide à la décision pour déclencher les alertes et les diffuser au public. Ces réseaux servent de modèle pour améliorer d’autres systèmes d’alerte aux risques moins développés. Le secrétariat de l’ISDR consulte actuellement les parties intéressées pour voir comment mettre en œuvre ces approches.

L’étude mondiale de l’ONU est une mesure importante pour déterminer les lacunes et les besoins en matière de systèmes d’alerte rapide. Dans le même temps, il est clair que la capacité d’alerte au niveau mondial ne sera pas un système de gestion centralisé mais s’appuiera sur les accords institutionnels existants et les renforcera afin de mieux protéger les populations et les collectivités et de réduire les risques liés aux catastrophes.

Notes
1 Le rapport du Secrétaire général « Plan de campagne pour la mise en œuvre de la Déclarations ud Millénaire » (2001) comprend des stratégies spécifiques concernant l’ISDR et l’alerte rapide.
2 http://www.unisdr.org/wcdr/
3 Cadre d’action de Hyogo 2005-2015: http://www.unisdr.org/eng/hfa/hfa.htm
4 Stratégie et Plan d’action d’Yokohama pour un monde plus sûr  (1994), http://www.unisdr.org/eng/about_isdr/bd-yokohama-strat-eng.htm
5 http://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/english/
agenda21toc.htm

6 Programme d’action de la Barbade pour les petits États insulaires en développement (1994), http://www.un.org/documents/ga/conf167/aconf167-9.htm
7 Sommet mondial du développement durable (Johannesburg, Afrique du Sud, 2002) http://www.un.org/esa/sustdev/documents/WSSD_POI_PD/English/WSSD_PlanImpl.pdf
8 Rapport de la réunion internationale chargée d’examiner la mise en œuvre du programme d’action pour le développement durable des petits États insulaires en développement (Port Louis, Maurice, janvier 2005), http://www.un.org/smallislands2005/documents/documents.html
9 Réponse du G-8 à la catastrophe dans l’océan Indien et action future en vue de réduire les risques de catastrophes (Gleneagles, 2005), http://www.g8.gov.uk/Files/KFile/PostG8_Gleneagles_Tsunami.pdf

Biographie

Sálvano Briceño est directeur du secrétariat de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles. Il a été chargé de la gestion des programmes pour l’environnement et le développement durable aux Nations Unies, à l’Union mondiale pour la nature et dans le gouvernement vénézuélien. Il a assumé les fonctions de Coordonnateur de l’initiative BIOTRADE et d’échanges des droits d’émissions de gaz à effet de serre de la Conférence de l’ONU sur le commerce et le développement et de secrétaire exécutif adjoint de la Convention de l’ONU sur la lutte contre la désertification.

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