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" Rien n'est plus proche que le lendemain "
Par Kassymzhomart K. Tokaev

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Au cours de l'histoire, il y a eu de nombreux exemples où le manque d'eau destinée à la consommation et à l'irrigation a engendré des conflits entre les populations et les États, forçant des milliers de personnes à abandonner leur territoire. Le Kazakhstan, un pays principalement composé de déserts et de régions semi-arides, connaît le problème mieux que quiconque. Selon des informations de l'ONU, ce pays est au nombre de ceux qui possèdent des ressources en eau par habitant limitées. Et d'ici à 2005, la situation risque de se détériorer davantage.

Le gouvernement kazakh, qui partage les préoccupations de la communauté internationale concernant l'accès aux sources d'eau potable, considère qu'au vu du Sommet de Johnnesburg, l'initiative est importante et adéquate. Nous soutenons le point de vue du Sous-secrétaire adjoint aux affaires économiques et sociales, Nitin Desai, selon lequel " la question de l'eau était probablement le sujet le plus réussi du Sommet ". En ce sens, nous accueillons favorablement les initiatives de l'Union européenne, du Japon et des États-Unis, ainsi que de plusieurs banques régionales, visant à fournir des investissements financiers importants pour le développement du secteur de l'eau dans les pays en développement et les pays d'Afrique et d'Asie les moins développés. Le Troisième Forum de l'eau, qui se tiendra à Kyoto en mars 2003, sera l'occasion de faire le point sur les résultats. Nous pensons que l'initiative du Japon d'organiser cette conférence internationale est une mesure importante.

Le destin a voulu que le Kazakhstan soit pourvu d'importantes réserves de ressources naturelles, spécialement énergétiques, qui sont des ressources non renouvelables et la propriété des générations futures, dont le bien-être général dépendra, entre autres, de la capacité de notre génération à investir les revenus des ventes de pétrole et de gaz naturel. Conscient de cet enjeu, le Président Nursultan Nazarbaev, a établi, lors d'un décret datant du 23 août 2000, le " Fonds national de la République du Kazakhstan " dont l'objectif est de maintenir le développement social et économique du pays, d'accumuler des actifs financiers pour les générations futures et de réduire les effets des facteurs externes défavorables pour l'économie du Kazakhstan. À ce jour, le Fonds s'élève à 2 milliards de dollars.

Une fois de plus, le Sommet mondial du développement durable, qui a achevé ses travaux au début de septembre 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud), a confirmé une vérité bien connue qui, je pense, est la mieux illustrée dans ce proverbe kazah : " Rien n'est plus loin qu'hier, rien n'est plus proche que le lendemain. " Le XXe siècle a laissé derrière lui un grand nombre de problèmes sociaux, économiques, politiques et écologiques qui ne sont plus liés à notre passé mais à notre avenir, un avenir incertain où nos enfants et nos petits-enfants seront peut-être privés du droit de vivre dans un monde libéré des maux actuels, tels que la pollution, l'eau insalubre, les maladies, les guerres causées par la pauvreté et l'extrémisme et le fossé croissant entre les pays pauvres et les pays riches.

Les conclusions de la Commission Bruntland, qui ont fourni une base méthodologique et conceptuelle aux décisions adoptées dans le cadre de la Conférence de l'ONU sur l'environnement et le développement de 1992 (Sommet de la Terre), qui a eu lieu à Rio de Janeiro, ont introduit le concept de " développement durable " dans le lexique politique moderne comme modèle de développement social et économique permettant de satisfaire les besoins vitaux de la génération actuelle sans compromettre les chances de la génération à venir. L'un des points principaux de l'ordre du jour du nouveau siècle consiste à trouver les moyens de réaliser une croissance économique stable sans qu'elle ait des effets désastreux sur l'environnement naturel au point de menacer le niveau de vie des générations à venir. Nous n'avons pas encore clairement défini les moyens de résoudre le problème, et les résultats du Sommet de Johannesburg nous rappellent, une fois de plus, que la voie vers la réalisation du développement durable ne sera ni facile ni sans accrocs.

Il y a dix ans, le Sommet de la Terre de Rio définissait les principes fondamentaux du développement durable et mettait en place le processus de mise en ouvre des objectifs contenus dans l'Action 21. La même année, mon pays — la République du Kazakhstan — vivait sa première année d'indépendance en tant qu'État souverain et membre de la famille de la communauté internationale des nations. Le Sommet de Rio a donc été l'un des premiers grands événements internationaux où le Kazakhstan était sur le même pied d'égalité que les autres pays. Un jour, un sage a fait remarquer que si nous n'avons pas de but clairement défini, plusieurs chemins peuvent vous permettre de l'atteindre.

À cet égard, le fait que notre jeune État a fait ses premiers pas sur la route où nous avons assuré notre présence, la seule route possible qui ne conduit pas à une catastrophe sociale, économique, politique et écologique, nous semble symbolique.

C'est dans cet esprit que le Kazakhstan s'est fixé le but de prendre comme modèle d'avenir la vue d'ensemble où résident les objectifs concrets à court terme. Avant de commencer, nous devons constamment nous assurer que nous avançons dans la bonne direction, que nous ne perdons pas de vue les objectifs, que nous sommes en synchronisation avec les événements et pas à la traîne. Les résultats du Sommet de Rio nous ont fourni ce modèle comme point de référence permettant d'atteindre une nouvelle civilisation mondiale caractérisée par l'harmonie entre deux principes qui étaient considérés antagonistes : la protection de l'environnement et le développement social et économique.

En ce qui concerne le Kazakhstan, la planification stratégique est devenue un outil extrêmement important qui permet de créer un modèle de développement à la lumière des principes et des objectifs fixés à Rio.

Réaliser que le succès des changements sociaux et économiques dépend, dans une large mesure, de la politique écologique du pays s'est reflété dans les décisions des gouvernements ainsi que dans les stratégies de développement à long terme d'ici à 2030 approuvées par le Président du Kazakhstan, dont la " Stratégie sur l'écologie et les ressources naturelles — 2030 " (décret, 18 janvier 1998). Le principal objectif de cette stratégie est d'harmoniser l'interaction entre la société et l'environnement et de créer un habitat respectueux de l'environnement. Pour atteindre l'objectif fixé, quatre orientations ont été choisies : la création d'un environnement qui ne nuit pas à l'environnement, l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, la préservation de la diversité de la faune et de la flore et l'éducation écologique.

Après dix ans de réformes économiques structurelles, le Kazakhstan a réalisé des progrès considérables en matière de développement en s'engageant dans la voie d'une croissance durable. Pendant les deux dernières années, le produit national brut cumulé a progressé de 46 %, et plus de 70 % du budget de l'État ont été alloués au secteur social.

Dans le même temps, étant donné l'urgence de la politique interne menée pour modifier les paramètres économiques et sociaux, les dirigeants du pays ont compris que des problèmes écologiques tels que la catastrophe de la mer d'Aral ne peuvent que s'aggraver au fil des ans et que si l'on continuait à négliger le problème, il ne sera que plus difficile de trouver une solution acceptable dans les années à venir. On peut désormais dire qu'avec l'amélioration de l'économie du Kazakhstan, le moment est venu pour le gouvernement de porter une attention plus soutenue sur le problème écologique le plus délicat — la mer d'Aral — non seulement pour notre pays mais aussi pour la région de l'Asie centrale dans son ensemble. La mer d'Aral, qui était la deuxième mer intérieure au monde de par sa superficie, meurt devant nos yeux, transformée en deux lacs d'eau salée. Cette tragédie a changé de manière dramatique la vie de plus de 4 millions de personnes vivant dans les pays voisins et a causé la détérioration de la situation socio-économique de la région.

Sources : Nikolai Denisov, GRID-Arendal, Norvège; Centre d'information scientifique de la Commission internationale pour la coordination de l'eau (SIC ICWC); le Fonds international pour sauver la mer d'Aral (IFAS), la Banque mondiale; National Aeorautics and Space Administration (NASA); United States Geological Survey (USGS). Photos de la Terre : images satellites des changements dans l'environnement, Département américain de l'Intérieur, 2000.

En 1993, les Présidents du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan, du Turkémistan et de l'Ouzbékistan ont établi une Fondation internationale pour sauver la mer d'Aral (IFSAS) dont l'objectif est de développer un programme d'action pour stabiliser la situation dans la région dans le cadre du développement durable. C'est dans ce but qu'a été créé le Comité interministériel pour le développement durable (CIDD) afin d'évaluer les indicateurs sociaux et leur développement.

Les chefs d'État participant à l'IFSAS se sont appuyés notamment sur les études menées par le CIDD pour mettre sur pied, dans le cadre des Nations Unies, une commission chargée de l'examen des problèmes de la mer d'Aral. Cette idée a été soutenue par le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, au cours de sa visite en octobre 2002 en Asie centrale. Le Kazakhstan, pays le plus durement touché par cette catastrophe, s'attache particulièrement à mettre en ouvre l'initiative ainsi qu'une série de mesures adoptées par la communauté internationale afin d'atténuer les conséquences sociales, économiques et écologiques de ce phénomène régional.

Un autre problème social et écologique concerne la situation de l'ancien centre d'essais de Semipalatinsk où, pendant des décennies, de nombreux essais nucléaires ont été effectués. Ce vaste territoire, contaminé par la radioactivité, ainsi que ses habitants, ont fait l'objet d'une attention particulière lors de l'indépendance du Kazakhstan. Comme dans le cas du bassin de la mer d'Aral, la détérioration irréversible des terres autour du site a aggravé la situation dans la région. En même temps, un grand nombre d'initiatives ont été et sont entreprises par les autorités kazakhes et la communauté internationale. Les responsables kazakhs sont spécialement reconnaissants de l'assistance technique et financière des Nations Unies et du gouvernement japonais dans la région. Afin de coordonner les activités de la communauté internationale centrées sur l'apport d'une aide efficace aux victimes des essais nucléaires, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution pertinente avancée par le Kazakhstan et soutenue par un grand nombre d'États Membres.

Photo ONU
Dans la résolution 55/196, l'Assemblée a proclamé 2003 l'Année internationale de l'eau douce. L'initiative du gouvernement tadjik visant à attirer l'attention de la communauté internationale sur les problèmes d'accès aux ressources d'eau potable et à leur préservation a été accueillie favorablement par les États Membres, tel que l'a confirmé le nombre record de pays qui ont coparrainé la résolution.

Photo ONU
Les deux mois qui ont suivi le Sommet de Johannesburg ont été marqués par un certain silence de la part des politiques, des économistes, des écologistes ainsi que des autres participants au processus du développement durable qui avaient besoin de temps pour analyser les résultats et trouver un compromis raisonnable entre les intérêts des pays développés et des pays en développement. Seulement maintenant il devient clair que le concept de développement social et économique, ainsi que la protection de l'environnement mis en avant à Rio, sont loin de représenter une réalité pratique. Pendant des décennies, les progrès ont été trop lents pour résoudre le problème. En conséquence, comme le Président Nazarbaev l'a mentionné dans son discours à Johannesburg, " l'humanité, en dépit de progrès scientifiques et techniques évidents, ne pouvait pas éliminer les maux qui l'ont poursuivie tout au long de l'histoire : la pauvreté, la famine, les maladies et les guerres meurtrières ".

Nous pensons également que la solution des principaux problèmes écologiques devrait demeurer la pierre angulaire d'une structure commune et que nous devrions concentrer nos efforts sur la prévention des dommages écologiques irréversibles de façon à sauver les ressources vitales pour nos enfants et nos petits-enfants. À cet égard, j'aimerais une fois de plus attirer l'attention de la communauté internationale sur l'appel du Président Nazarbaev à établir une liste des problèmes écologiques mondiaux et de recommandations concrètes afin de mobiliser les ressources financières et techniques.

Le Kazakhstan estime que la communauté mondiale devrait faire face aux problèmes et relever les défis. Le développement durable n'est pas un simple groupement de mots, c'est une formule pour la survie de l'humanité.

La Biographie
Kassymzhormat K. Tokaev est secrétaire d'État et ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan. D'octobre 1999 à janvier 2002, il a été Premier ministre et, depuis 1975, il occupe divers postes au ministère des Affaires étrangères. Il est également l'auteur de plusieurs publications.
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