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Sur le terrain
La moitié de la population n'a pas accès à l'eau potable
Par Vivek Rai, pour la Chronique

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Karoli: Les plaines arides situées dans l'est du Rajasthan, en Inde, sont à quelques heures en voiture de Delhi, la capitale. Le long de la nouvelle autoroute, les arbres verts, qui se font de plus en plus rares, font place à une terre brune et sèche. Dans la chaleur de l'été, on peut presque apercevoir le cour de la terre entre les crevasses formées dans le sol. Lorsqu'on arrive au village de Karoli, situé dans le district de Sawai Madhopur, on a l'impression de découvrir une oasis.

Alors que cette région de l'Inde se bat contre la sécheresse, le sol de cette terre désertique est humide, et les villageois exploitent deux cultures par an, ce qui était impensable il y a encore quelques années. Ceci est dû en grande partie au travail de Tarun Bharat Sangh (TBS), une organisation non gouvernementale qui travaille dans la région depuis près de vingt ans. Dirigée par le charismatique Rajendra Singh, lauréat du prix Ramon Magsaysay 2001 (prix créé en l'honneur du Président des Philippines qui récompense les Asiatiques ayant contribué aux initiatives d'utilité publique et aux arts), TBS s'est centré sur la remise en activité des sources d'eau au travers du développement de la communauté.

Il y a seulement quelques années, le manque d'eau dans cette région avait forcé un grand nombre de personnes à abandonner leurs champs et leur foyer pour vivre dans les villes ou dans d'autres régions à la recherche de travail, ce qui se résumait souvent à un travail manuel. Ceux qui étaient restés arrivaient à peine à gagner leur vie, n'ayant pas suffisamment de fourrage ou de céréales à vendre sur les marchés. C'est là que TBS est intervenu.

Réalisant que l'eau est cruciale pour mettre fin à la pauvreté, l'Organisation a centré ses efforts pour que les villageois remettent en activité les sources d'eau en voie de tarissement en construisant des " johads " ou barrages fixes déversants aux alentours. La méthode était simple : amener les villageois à construire des barrages en boue qui capteraient l'eau de pluie, laquelle s'infiltrerait lentement dans le sol et entraînerait une élévation de la nappe phréatique, permettant ainsi d'obtenir un sol fertile pendant la plus grande partie de l'année.

Les villageois ont financé près de 90 % des coûts, ce qui a renforcé leur sentiment d'appartenance. Aujourd'hui, Saroopa Devi, devant son champ où les feuilles humides de la rizière brillent, évoque les changements qui ont eu lieu. " Sans pluie, rien ne poussait pas même dans les rizières sèches. Les hommes ont donc cherché du travail ailleurs. Nous n'avons jamais eu deux récoltes. On travaillait dans les champs et on vivait de la récolte. Mais maintenant, notre réservoir d'eau nous permet de faire deux récoltes et tous les hommes sont revenus. "

Saroopa Devi, et d'autres femmes comme elle, ont été les plus grandes bénéficiaires de ces projets communautaires. La recherche de fourrage, de bois de chauffage et de l'eau représentait 18 heures de travail par jour, ce qui laissait peu de temps pour faire autre chose. Maintenant, la disponibilité de l'eau leur offre au moins plus de temps pour s'occuper de leurs enfants.

Non seulement ces villageois ont travaillé dur pour créer leurs propres ressources mais ils ont aussi appris les rouages de la bureaucratie. Dans le village de Hamirpur, par exemple, situé dans le Rajasthan, les villageois ont réussi à restaurer l'eau dans une rivière à sec. Rudha Mal, un résident, raconte : " Lorsque cette rivière était à sec, le gouvernement ne s'occupait pas de nous. Mais une fois qu'il y a eu de l'eau, ils ont délivré des contrats de pêche. Nous étions contre. Légitimement, le poisson et l'eau sont à nous. Nous ne voulons pas que la pêche soit pratiquée ici. On nous a répondu qu'on nous enverrait en prison. Nous leur avons dit que nous ne capitulerons pas. Nous avons occupé la digue du réservoir pendant six mois. Nous n'avons pas lâché prise et le gouvernement a dû finalement céder. "

Les décisions unilatérales, comme l'octroi de contrats de pêche, semblent aller à l'encontre de la volonté de renforcer la capacité d'action des communautés. Mais c'est une question où s'oppose aussi la technologie traditionnelle et la technologie " moderne ". Le gouvernement de l'État du Rajasthan a longtemps été sceptique sur la sécurité de ces simples barrages de boue, comme dans la région de Lava Ka Bas, où un barrage en boue a été construit pour irriguer plus de dix villages avoisinants. Le responsable de l'irrigation a délivré un ordre de démolition malgré les protestations du TBS et des villageois assurant que les pierres et la boue qui bordaient le barrage étaient suffisamment solides pour retenir l'eau.

Kallu et Dharma, deux villageois de la région, s'expliquent : " Les villageois en sont persuadés même si les ingénieurs gouvernementaux ne le sont pas. Ceux-ci pensent que nous sommes ignorants mais ce n'est pas vrai, nous avons toujours travaillé avec la boue et nous savons comment l'utiliser. " Finalement, un comité indépendant, composé d'ingénieurs, de bureaucrates et de scientifiques, a été créé pour établir un rapport de sécurité et il conclu que le barrage en boue ne présentait aucun risque.

Les villageois avait gagné cette bataille !
Mais l'opposition entre le savoir traditionnel et l'expertise des personnes et la technologie de l'État demeure. Selon les membres du TBS, 4 000 barrages fixes déversants ont été construits au cours des vingt dernières années, ce qui s'est avéré fiable à la fois structurellement et financièrement pour leurs communautés — ceci à un moment où les Indiens, comme le reste du monde, débattent des mérites des grands barrages ! À part les coûts humains — le déplacement de milliers de personnes et la submersion de grandes parcelles de forêts — les coûts moyens des grands barrages sont beaucoup plus élevés que ceux des petits barrages fixes déversants localisés, qui s'élèvent à un peu plus de 6 000 dollars, et plus respectueux de l'environnement.

Il y a trois ans, réalisant le potentiel de travail accompli par le TBS, le Programme des Nations Unies pour le développement a financé les activités de l'organisation, les étendant ainsi aux autres régions du Rajasthan et au-delà. Il est ironique de constater que les fonds du PNUD sont remis au même gouvernement fédéral qui avait initialement découragé les villageois, mais qui peut désormais prévenir les problèmes comme ceux rencontrés à Hamirpur et à Lava Ka Bas.
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