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Le Consensus de Monterrey
Par Matthias Georg Wabl, pour la Chronique

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La première conférence importante organisée par l’ONU avec le partenariat de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce, des institutions de l’ONU, des représentants de la société civile et du secteur du commerce représente une étape décisive en matière de lutte contre la pauvreté et d’amélioration des conditions de vie dans les pays en développement.

La Conférence - qui s’appelait la Conférence sur le financement du développement (mars 2002, à Monterrey, Mexique) - vise davantage à mettre en place des actions concrètes qu’à établir des déclarations. Ses objectifs comprennent l’augmentation de l’investissement étranger direct privé (IED) et l’aide publique au développement (APD); la lutte contre la corruption; la réduction de la dette; un meilleur accès du marché aux pays en développement; l’établissement de politiques macro-économiques saines et le renforcement de la coopération fiscale internationale. Toutefois, les points de vue des participants divergent sur la manière d’atteindre ces objectifs.

Les pays donateurs, en particulier les 22 États Membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), insistent pour que les fonds soient utilisés de manière plus efficace dans les pays qui reçoivent l’aide afin de lutter contre la corruption et améliorer la gouvernance. Tant que les pays en développement n’auront pas amélioré leur performance dans ces domaines, un grand nombre de pays donateurs ont pris la décision de ne pas augmenter l’APD.

De leur côté, les pays bénéficiaires déclarent que les donateurs ne satisfont pas à plusieurs engagements pris lors de déclarations antérieures. Ils demandent une réduction plus importante de la dette, et dans des délais plus courts, tandis que la Banque mondiale considère la croissance économique comme le facteur le plus important. Compte tenu de la baisse constante de l’APD, qui est passée de 0,35 % du revenu national en 1990 à 0,22 % en 2000, les pays en développement demandent une augmentation de l’aide financière. Ce pourcentage va à contre-courant de l’objectif adopté par les États Membres, qui était d’accorder 0,7 % de leur revenu national à l’APD. En effet, sur les 22 pays donateurs de l’OCDE, seuls cinq d’entre eux ont satisfait à cet objectif. En 2000, le montant total de l’APD s’élevait à 53,7 milliards de dollars et, selon les estimations de la Banque mondiale, ce montant annuel devrait être multiplié par deux pour satisfaire, d’ici à 2015, aux objectifs du développement. Les organisations non gouvernementales ont donc proposé d’élaborer un traité international contraignant.

Le consensus obtenu par le Comité préparatoire sur le projet de document reflète ouvertement ces différentes approches. Le “Consensus de Monterrey” reconnaît qu’“une importante augmentation de l’APD est nécessaire” mais n’approuve pas l’appel lancé par le Secrétaire général qui vise à doubler le montant annuel de l’ADP de 53 milliards à 100 milliards de dollars. Plus précisément, les États-Unis se sont opposés à toute formulation qui aurait engagé les pays riches à l’objectif de l’ONU, datant d’une dizaine d’année, visant à augmenter l’aide au développement à hauteur de 0,7 % du PNB, par rapport au pourcentage moyen actuel de 0,22 %.

De plus, la baisse marquée des taux de croissance enregistrée en 2000 dans les pays développés a compromis les chances d’atteindre cet objectif, les ministères des Finances ayant tendance à réduire les postes budgétaires alloués à l’aide étrangère afin d’assurer des politiques macro-économiques saines au niveau national. Généralement, les pays donateurs font référence à l’investissement privé, qui compenserait la baisse des budgets d’aide des gouvernements. L’IED des pays de l’OCDE a presque triplé, passant de 41,6 milliards de dollars en 1993 à 119,5 milliards en 2000. Cependant, les critiques font valoir que les investissements étrangers sont davantage orientés vers le profit que vers les intérêts et que, bien souvent, ils ne sont donc pas soutenables sur le plan social. Selon les données de l’OCDE, les flux d’aide de la part des pays donateurs ont légèrement augmenté durant les dix dernières années. En 1993, l’APD, les crédits à l’exportation et les flux privés conjugués représentaient 165,7 milliards de dollars et, en 2000, 190,3 milliards, ce qui montre que l’augmentation des investissements privés n’a pas véritablement compensé la baisse de l’aide publique.

Autre question épineuse : l’accès des pays en développement aux marchés occidentaux. Les critiques font valoir que les membres de l’OCDE protègent leurs marchés agricoles et ceux du textile en accordant aux agriculteurs d’importantes subventions et en imposant des prix d’importation élevés pour les textiles et les produits agricoles. Un accès ouvert à ces produits apporterait chaque année plusieurs milliards de dollars de revenu supplémentaire aux pays en développement. Tous les participants partagent l’avis que la libéralisation du commerce profite à la fois aux pays développés et aux pays en développement. Certaines ONG critiquent cependant le système de libéralisation du commerce, considérant qu’il profite seulement aux pays occidentaux.

On estime que les paradis fiscaux représentent une perte fiscale annuelle de 50 milliards de dollars pour les pays occidentaux. Les pays en développement perdent également des milliards de dollars en recettes fiscales, devant réduire leurs taux d’imposition des sociétés pour attirer l’investissement des entreprises. La politique fiscale internationale sera une question traitée à la Conférence de Monterrey.

La Conférence fournit aux organisations internationales une chance unique d’unir leurs efforts et d’améliorer la coordination des politiques. Toutefois, même les estimations prudentes de la Banque mondiale montent qu’une augmentation de l’APD est nécessaire pour atteindre les objectifs d’ici à 2015. Dans le meilleur des cas, au moins 39 milliards de dollars supplémentaires par an seront nécessaires. Si les pays développés prennent véritablement leurs engagements, ils devront non seulement augmenter l’APD mais aussi s’assurer qu’elle est employée efficacement.

Si la Conférence est un succès, le “Consensus de Monterrey”, tel qu’on l’appelle, pourrait remplacer le “Consensus de Washington”. Tandis que ce dernier traitait de la politique économique et de la libéralisation du commerce, le Consensus de Monterrey pourrait représenter une approche plus globale : le développement économique et humain soutenu par l’apport de ressources financières supplémentaires allouées par les pays donateurs. Mais les ressources doivent correspondre à la rhétorique.



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