ESSAI
À Johannesburg
Par Jean De Ruyt
Si la majorité des gouvernements nationaux partagent les mêmes positions sur les problèmes mondiaux, il nen
est pas de même en ce qui concerne la gouvernance internationale, et ce qui devrait être notre village mondial pourrait bien devenir une jungle mondiale.
- Gro Harlem Brundtland,
Sommet de la terre,
Rio de Janeiro, 13 juin 1992
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Les dirigeants mondiaux se rassembleront à Johannesburg (Afrique du Sud) du 2 au 11 septembre 2002, à loccasion du Sommet mondial sur le
développement durable. Ils ont pour objectif dexaminer les décisions prises à la Conférence des Nations Unies de 1992 sur lenvironnement et le développement - le
Sommet de la terre - dont la Déclaration de Rio et lAgenda 21 créés pour fournir un programme complet destiné à assurer le développement durable.
Un emploi sur deux dans le monde - dans les domaines de lagriculture, des forêts et de la pêche - dépend directement de la durabilité des écosystèmes. Or, les
pratiques environnementales actuelles portent atteinte à lhéritage de nos enfants. Certes, nous avons accompli des progrès depuis le Sommet de la terre mais la
réalité est là : nos réponses ne sont pas assez nombreuses, elles sont trop limitées et trop tardives. Lors du Sommet de Johannesburg, les attentes seront donc
considérables. Comment allons-nous y répondre et élaborer ensemble une nouvelle éthique mondiale ?
Au niveau national, des préparatifs sont en cours afin de fournir des outils essentiels à la mise en œuvre des objectifs du développement durable. Dans les années
à venir, ces outils, plutôt que les stratégies de développement durable, seront la pierre angulaire de la mise en œuvre au niveau national.
Ils seront encore plus efficaces sils comprennent des objectifs visant à inverser la tendance actuelle à la dégradation de lenvironnement ainsi que des objectifs
intermédiaires et sectoriels, quantitatifs et qualitatifs sur la productivité des ressources naturelles. Les événements intergouvernementaux régionaux,
également en cours de préparation, couvrent des sujets aussi divers que les négociations sur les changements climatiques ou la Conférence internationale sur laide au
développement. Ils contribueront à renouveler le consensus et lengagement en faveur du développement durable. Le défi consistera alors à renforcer la prise en
charge de ces processus régionaux au siège de lONU, à New York, et datteindre un consensus au niveau international.
À Johannesburg, nous devrons dabord prendre des mesures pour protéger la base des ressources naturelles du développement économique et social. Nous devrons nous engager
à atteindre de nouveaux objectifs internationaux afin dinverser la tendance à la dégradation des ressources naturelles et améliorer lefficacité des projets
écologiques. Un certain nombre de conflits ayant trait à lexploitation des ressources naturelles, nous devrons aussi nous pencher sur la sécurité. Il est impératif
de prendre des initiatives dans certains domaines essentiels : 1) Leau douce. Si la tendance actuelle continue, les 2/3 de la population mondiale vivront dans des pays connaissant un manque en eau
dici 2025. 2) Les terres. Létat de dégradation des terres est tel que, chaque année, 20 millions dhectares de terres agricoles ne sont plus cultivées ou servent
à la construction dhabitations. 3) La biodiversité. Certaines espèces végétales sont en voie de disparition, de nombreuses pêcheries ont déjà
fermé leurs portes et la moitié des récifs de coraux sont menacés. 4) Lénergie. Il est impératif de prendre des mesures pour freiner le réchauffement
de la planète.
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Photo ONU
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Il serait judicieux de laisser de côté les oppositions artificielles entre le bien-être
économique et la protection de lenvironnement et dintégrer plutôt les préoccupations environnementales et léradication de la pauvreté. Aider les pauvres
signifie mettre en place des programmes destinés à assurer leurs moyens dexistence et à réduire leur vulnérabilité, tout en promouvant lutilisation et le
développement durable des terres, laccès à leau potable et à une énergie durable, une meilleure qualité de lair et une réduction de lexposition
aux substances dangereuses. Tous ces aspects doivent être pris en considération. À cet égard, nous ne pouvons ignorer le problème du sida et les objectifs
internationaux du développement continueront dêtre les bases de référence de nos actions.
À Johannesburg, nous devrons aussi trouver les moyens dintégrer les marchés au développement durable. La mondialisation ne devrait pas être limitée à
la création de marchés plus importants. Nous devons veiller à ce quelle nentraîne pas la marginalisation, lexclusion, la dégradation de lenvironnement et la
perte de la diversité. Les biens publics mondiaux nécessitent une action mondiale.
Nous devrions saisir loccasion pour nous assurer que les accords multilatéraux sur lenvironnement et ceux de lOrganisation mondiale du commerce se renforcent mutuellement. Des efforts
supplémentaires sont nécessaires pour éliminer les subventions qui entraînent la dégradation de lenvironnement et pour promouvoir laccès des pays en
développement aux marchés, en particulier aux biens produits par les petits producteurs dans les pays les plus pauvres. Il faudrait encourager lutilisation des évaluations
dimpact sur la durabilité comme outil permettant de maximiser les avantages et de réduire les impacts négatifs potentiels du commerce et de linvestissement sur le
développement durable.
Comme la montré Global Compact, une initiative lancée par le Secrétaire général, la coopération avec le secteur privé offre un grand choix
dopportunités en termes de responsabilité des entreprises, de responsabilité environnementale et de partenariats publics et privés. Lors du Sommet, les gouvernements et
le secteur privé pourraient également présenter des documents sous la forme dengagements communs.
Lors du Sommet du millénaire, les chefs dÉtat et de gouvernement se sont mis daccord sur la nécessité dune bonne gouvernance aux niveaux national et international. De
toute évidence, une bonne gouvernance et la participation sont cruciales à la mise en œuvre. Au niveau national, cela implique lélaboration de stratégies de
développement durable ainsi que létablissement et lamélioration de laccès aux informations environnementales, la participation des citoyens dans la prise de
décision et laccès aux procédures judiciaires et administratives en ce qui concerne les questions environnementales. Au niveau international, le Forum ministériel mondial
sur lenvironnement, lancé par le Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE), a mis en place un processus visant à instaurer une architecture environnementale
institutionnelle internationale plus cohérente et mieux intégrée. Il serait possible, par exemple, dadopter une sorte daccord général qui lierait entre eux les
divers éléments qui constituent la structure institutionnelle actuelle.
Enfin, lengagement visant à fournir de nouvelles ressources supplémentaires pour le développement durable na jamais été aussi important. Il sarticule autour de
trois approches : laugmentation de la mobilisation des ressources nationales pour le développement durable et le renforcement du développement des capacités;
lamélioration du niveau, de la qualité et du contenu de laide au développement, lamélioration de la mobilisation des flux financiers privés, le transfert des
technologies respectueuses de lenvironnement et la recherche de nouvelles ressources de financement.
Jespère quà Johannesburg, nous serons à la hauteur de nos ambitions et que nous parviendrons à atteindre nos objectifs mondiaux.
Jean de Ruyt est Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies. La Belgique assume actuellement la Présidence de lUnion
européenne.
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