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Il est temps d’adopter des mesures concrètes
Par Asbjørn Eide

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Un forum social débutera en 2002 pour suivre les situations de la pauvreté et de l’indigence à travers le monde qui constituent une violation des droits de l’homme. La première session, qui aura lieu en 2002, aura pour thème principal les relations entre la réduction de la pauvreté et la réalisation du droit à une nourriture adéquate.


Photo/FAO

La faim dont souffrent toujours des centaines de millions de personnes, alors que la nourriture est abondante dans le monde, est largement reconnue comme étant un affront fait à l’humanité. Les leaders mondiaux, réunis à Rome en 1996 à l’occasion du Sommet mondial de l’alimentation, ont déclaré qu’il était intolérable et inacceptable que plus de 800 millions de personnes, la plupart d’entre elles vivant dans les pays en développement, n’aient pas une nourriture suffisante pour répondre à leurs besoins nutritionnels de base. Ils ont donc pris des engagements et démontrer leur volonté politique afin d’éradiquer la faim. Lorsqu’ils se réuniront cinq ans après pour le suivi du Sommet, ils devraient adopter des mesures concrètes visant à appliquer le droit fondamental pour chaque être humain de vivre à l’abri de la faim. Ce droit est énoncé dans les instruments fondamentaux des droits de l’homme, notamment dans l’article II du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Chaque État partie au Pacte est tenu de faire en sorte que chaque être humain sous sa juridiction ait accès à une alimentation suffisante.

Cette initiative permettra à chaque être humain de vivre à l’abri de la faim. Le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a fait remarquer que ce droit imposait trois niveaux d’obligations pour les États parties : l’obligation de respecter l’accès existant à une alimentation adéquate, c’est-à-dire que les États parties s’abstiennent de prendre des mesures qui contrecarrent cet objectif ; l’obligation de protéger les personnes, en d’autres termes, que l’État prenne des mesures pour s’assurer que les entreprises ou les personnes ne privent pas les personnes de l’accès à une alimentation adéquate et l’obligation de remplir ou de faciliter cette obligation, c’est-à-dire que l’État participe à des activités visant à renforcer l’accès des personnes aux ressources et à l’utilisation de ces ressources et assure les moyens d’existence, y compris la sécurité alimentaire. Lorsqu’un être humain ou un groupe ne peut, pour des raisons indépendantes de sa volonté, jouir du droit à une nourriture adéquate, les États sont tenus de remplir cette obligation. Celle-ci concerne également les personnes qui sont victimes des catastrophes naturelles ou autres. Pour mettre en place des mesures visant à assurer le droit de chacun de vivre à l’abri de la faim, une cartographie et une surveillance adéquates sont indispensables pour pouvoir déterminer les groupes qui souffrent d’insécurité alimentaire, les facteurs en cause et l’efficacité de ces mesures. La faim n’est généralement pas causée par un manque de vivres sur le marché mondial mais par l’incapacité des personnes sous-alimentées de produire des quantités suffisantes pour vivre décemment. De nombreuses populations vivant dans des zones rurables des pays en développement soit ne possèdent pas de terre soit sont incapables de produire suffisamment. De plus, leurs moyens d’existence sont parfois détruits. Il arrive aussi que les droits à la terre des peuples autochtones ne soient pas reconnus et que d’autres empiètent sur leurs terres.

La discrimination contre les femmes constitue une part importante du problème de la faim. En Afrique subsaharienne, un grand nombre de fermiers sont des femmes. Leur droit à la terre ou à l’héritage sont précaires, voire inexistants. De plus, l’épidémie du VIH/sida a diminué leur capacité à pourvoir à leurs propres besoins ainsi qu’à ceux de leur famille et a engendré un problème majeur pour les veuves à qui est nié tout droit à l’héritage. En Asie du Sud, un autre facteur responsable de la malnutrition est la discrimination contre les femmes au sein même des ménages, les conséquences se faisant le plus sentir dans les sections les plus pauvres. Les mères sous-alimentées donnent naissance à des enfants sous-alimentés dont les capacités d’apprentissage sont souvent diminuées. Il est probable que ces enfants subiront des échecs scolaires et vivront à leur tour dans la pauvreté, perpétuant un cycle de pauvreté et de malnutrition de génération en génération.

Photo/FAO
Toute discrimination en matière d’accès à la nourriture ou aux moyens ou aux droits de se la procurer, fondée sur la race, la couleur, le sexe ou sur d’autres facteurs constitue une violation du droit à la nourriture et de vivre à l’abri de la faim. Conformément aux lois relatives aux droits de l’homme internationaux, chaque être humain a le droit de bénéficier des progrès scientifiques et technologiques. Le Groupe d’étude d’experts éminents en matière d’éthique alimentaire et agricole créé par la FAO a souligné les dangers de la privatisation croissante de la recherche, menée principalement par les grandes corporations multinationales. Il est important de développer la recherche par le biais de subventions de l’État afin de générer des méthodes et des technologies qui permettent d’augmenter la productivité des petits agriculteurs dans les pays en développement.

Non seulement les États mais tous les membres de la société, y compris le secteur du commerce privé, sont tenus d’assurer la réalisation du droit à une nourriture adéquate. Les États devraient, en coopération avec la société civile et le secteur privé, adopter une stratégie nationale afin d’assurer la sécurité alimentaire et de la nutrition pour tous, en fixant des objectifs pour y parvenir et en évaluant les progrès accomplis ainsi que les difficultés à remplir les obligations. Ils partagent la responsabilité de fournir une aide humanitaire et de secours lors des catastrophes naturelles et ce, tout en veillant à ne pas affecter les producteurs et les marchés locaux. L’objectif est de faciliter l’autosuffisance alimentaire des bénéficiaires.

En vertu de la charte de l’ONU et des conventions internationales, les États devraient satisfaire à leurs engagements et entreprendre une action commune et une action individuelle visant à la réalisation du droit de chacun de vivre à l’abri de la faim. L’engagement éthique fondamental de la FAO en faveur de ce droit est énoncé dans la Constitution et les engagements qui ont suivi. Conjointement aux autres organisations d’aide alimentaire - le Programme mondial de l’alimentation et le Fonds international pour le développement agricole - la FAO a un rôle primordial à jouer dans la coordination de la coopération, avec le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds de l’ONU pour l’enfance, la Banque mondiale et les banques de développement régionales. Il faut que l’ONU participe à promouvoir la réalisation du droit à une nourriture adéquate, particulièrement par le biais de l’aide au développement de l’ONU au niveau des pays.

Sous l’égide de la Sous-commission sur la promotion et la protection des droits de l’homme, un forum social débutera en 2002 pour suivre les situations de pauvreté et d’indigence à travers le monde qui constituent une violation des droits de l’homme. Il proposera des normes et des initiatives de nature juridique, des directives et des recommandations qui seront soumises à l’examen d’autres organes pertinents de l’ONU et suivront les accords obtenus lors des grandes conférences mondiales et du Sommet du millénaire. Le thème principal de la première session, qui aura lieu en 2002, sera les relations entre la réduction de la pauvreté et la réalisation du droit à une nourriture adéquate.

Asbjørn Eide est Président du groupe d’experts éminents sur l’éthique alimentaire et agricole de la FAO et membre de la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Il est associé principal et ancien Directeur de l’Institut norvégien des droits de l’homme à l’université d’Oslo (Norvège).



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