Les démocraties nouvelles ou rétablies
Cotonou, Bénin
(4-6 December 2000)

 

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Soutenir l’esprit démocratique est l’objectif de la réunion de décembre au Bénin

La très forte augmentation de la demande d'assistance pour mettre sur pied les mécanismes nécessaires à la gestion d'une démocratie témoigne bien du fait que de plus en plus de pays s’efforcent sérieusement d’établir des gouvernements démocratiques. Ce savoir-faire démocratique est grandement recherché par les pays qui requièrent de l'aide de la part de la communauté internationale, que ce soit pour organiser des élections, créer des institutions efficaces et transparentes, ou encore élaborer des lois qui régissent les pratiques et les procédures démocratiques.

Les pays qui ont choisi la démocratie savent aussi à quel point il est important d'échanger les enseignements qu'ils ont tirés de leur expérience. C’est à cet effet qu’ils se rencontreront à la Quatrième Conférence Internationale sur les Démocraties Nouvelles ou Rétablies, du 4 au 6 décembre prochains à Cotonou, capitale du Bénin. L’objectif est aussi d’apporter un soutien mutuel à leurs traditions démocratiques naissantes.

L’élan en faveur de la démocratie est en plein essor partout dans le monde. Des régimes démocratiques sont maintenant solidement établis dans des pays comme les Etats baltes, la Pologne, la République tchèque et la Roumanie. En Amérique latine, les régimes militaires font partie du passé, et l’expansion de la démocratie continue son chemin en Asie.

Il y a dix ans encore, peu nombreux étaient les pays africains à avoir un gouvernement démocratique stable, à l’image par exemple du Botswana, qui depuis son indépendance, en 1966, organise des élections justes et libres. Pour la première fois aujourd’hui, les deux plus grands pays d’Afrique subsaharienne — l’Afrique du Sud et le Nigéria — vivent sous un régime démocratique, et avec eux, beaucoup d’autres. Hélas trop souvent, la démocratie est éclipsée par les conflits civils qui submergent des régions sans traditions démocratiques bien enracinées.

Les dirigeants non démocrates ont de plus en plus de mal à demeurer au pouvoir. Suivant l’exemple des manifestations qui ont mis fin au régime autocratique en République Fédérale de Yougoslavie, la population en Côte d’Ivoire a occupé les rues pour mettre fin au régime d’un Général cherchant à manipuler les résultats d’élections qui ne lui étaient pas favorables.

S’exprimant récemment sur les événements de Côte d’Ivoire, le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, déclarait: « J’ai suivi les développements de très près et j’avoue avoir été stupéfait par l’audace du Général Gueï, qui, par deux fois en un an, a essayé de bafouer les droits du peuple. »

Il ajoutait, « mais je crois que ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire et récemment en Serbie montre que les peuples découvrent leurs droits, et qu'ils vont les affirmer. Les jours de coups d’Etat et de manipulation des élections sont révolus. Ceux qui voudraient y recourir à l’avenir devront faire très attention. Pour moi, l’outil le plus puissant est la transparence, et la prise de conscience par les peuples de leurs droits, ainsi que leur insistance à faire entendre leurs voix. Si ce processus se poursuit, la Démocratie sera en bonne voie. »

Mais la démocratie ne se résume pas à une simple élection, et beaucoup parmi les nouveaux gouvernements démocratiques ont compris qu’ils avaient besoin d’aide afin de construire les institutions locales et nationales nécessaires pour réellement ancrer la tradition démocratique. Le problème est que cette aide n’est pas toujours facile à obtenir. Alors que les dictateurs au pouvoir pendant la guerre froide faisaient jouer leur hostilité réciproque pour obtenir des superpuissances une assistance militaire et au developpement, les gouvernements démocratiques de l'après-guerre froide découvrent, eux, que cette assistance est désormais beaucoup plus difficile à obtenir. En réalité, l'aide au développement, même envers les démocraties nouvelles ou récemment rétablies, a fortement décliné depuis une dixaine d'années.

La conférence du Bénin est la quatrième du genre — la première ayant eu lieu à Manille où la participaion n’avait été que de 13 pays, la deuxième à Managua, au Nicaragua, et la troisième, à Bucarest, en Roumanie avec cette fois-ci plus de 80 pays présents. Pour organiser la conférence, le Bénin a reçu une aide financière de plusieurs pays dont la Chine, le Danemark, les Etats-Unis et la Norvège. Les Nations Unies, par le biais du Secrétariat de l'ONU et du Programme des Nations Unies pour le Développement, ont également soutenu activement les préparatifs de la conférence.

La plupart des pays seront représentés par leurs ministres des affaires étrangères et plusieurs chefs d'Etat africains ont annoncé leur participation. Le Secrétaire général de l'ONU sera également présent.

Partager les expériences de démocratisation à travers le monde entier

Selon les termes du Ministre des affaires étrangères du Bénin, M. Idji Antoine Kolawole, cette conférence est « d'une importance majeure pour l'Afrique ». Elle permettra notamment de partager les différentes expériences et d’identifier comment renforcer la démocratie en Afrique, ainsi que dans le monde entier.

En préparation de la conférence, M. Kofi Annan a publié un rapport appelant à une assistance accrue des Nations Unies en faveur des démocraties émergentes. Il y encourage un débat de fond sur des propositions telles que le développement d'une « base de données sur la démocratie » et l’instauration de partenariats stratégiques pour mettre en commun l’information et partager les expériences en matière de démocratisation. Il recommande d’éviter le recours exclusif à des experts occidentaux, pour faire disparaître l’idée erronée selon

laquelle la démocratie est un concept occidental. D'autres suggestions incluent une meilleure coordination des activités d'assistance à la démocratie des Nations Unies, et une part plus importante accordée aux acteurs locaux dans la construction d'une démocratie locale.

De l’avis de M. Kolawole, la démocratie n'est pas une panacée. En outre les pays en développement ont besoin d'une assistance considérable pour entretenir la démocratie. « La démocratie est-elle compatible avec l'analphabétisme, peut-elle fonctionner alors que les gens ne savent pas lire ? Une autre grande question est de savoir si la démocratie peut cohabiter avec la pauvreté ? Les défis sont fort nombreux. Mais une chose est sûre c’est qu’il ne peut y avoir de démocratie sans développement, sans paix et sans sécurité. »

Les avis peuvent diverger sur ce qui constitue un gouvernement démocratique, et M. Kolawole reconnaît que certains des pays participant à la conférence pourraient ne pas être considérés comme de vraies démocraties. Critique des pays qui organisent des élections qui ne sont qu'une comédie, il affirme que l’on ne peut se contenter d’élections 'spectacle'.

« Nous devons tenir des élections justes et libres. Tout le monde doit comprendre de quoi il s'agit, » poursuit-il, tout en ajoutant qu'il faut plus que des élections pour faire une démocratie. Si l’on ne peut substituer la démocratie aux élections, il existe, selon lui, d'autres élements tout aussi importants, tels que la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance. « Sans cela, il ne pourrait pas y avoir de vraie démocratie », insiste-t-il, avant d’ajouter que la conférence pourrait fort bien traiter du problème des dictateurs qui se maintiennent au pouvoir des années durant.

Lors de la conférence de presse tenue à New York pour annoncer la conférence de Cotonou, M. Kolawole a évoqué la lutte pour la démocratie menée par son propre pays, le Bénin, depuis son accession à l’indépendance en 1960. Les périodes de deux à cinq années de régime démocratique se sont toujours vu arrêter par un coup d'Etat.

« Il y a dix ans nous avions un Etat à parti unique, et les choses allaient très mal. » La solution a été d'organiser une conférence nationale, avec des représentants de toutes les couches de la société, a-t-il expliqué. Après d’intenses négociations, la conférence nationale de 1991 a décidé de former un nouveau gouvernement élu de manière démocratique. Ceci a donné lieu à la formation d'une multitude de partis politiques reconnus. « Déjà au nombre de 127, ils pourraient bien être encore plus nombreux à mon retour au Bénin », a-t-il même plaisanté, avant de rappeler qu’en définitive, des élections nationales ont eu lieu, et qu’un nouveau gouvernement a été élu.

Publié par le Département de l’Information des Nations Unies - Novembre 2000