9584E SÉANCE - MATIN
CS/15637

Conseil de sécurité: la Fédération de Russie et la Chine mettent leur veto à un projet de résolution américain sur l’établissement d’un cessez-le-feu à Gaza

Marquant un virage dans la diplomatie américaine, le Conseil de sécurité était saisi, ce matin, d’un projet de résolution déposé par les États-Unis, par lequel il aurait « considéré qu’il est impératif d’établir un cessez-le-feu immédiat et durable » dans la bande de Gaza, et « appuyé sans réserve l’action diplomatique internationale qui est menée pour parvenir à ce cessez-le-feu dans le cadre de la libération de tous les otages restants ».

Ce texte, qui a récolté 11 voix pour, n’a pas pu être adopté en raison du veto de la Fédération de Russie et de la Chine.  L’Algérie a également voté contre et le Guyana s’est abstenu.

Pourtant, avant le vote, la représentante des États-Unis avait insisté sur le fait que malgré les divisions au sein du Conseil, tous ses membres souhaitent un cessez-le-feu immédiat et durable qui permette l’acheminement d’une aide humanitaire beaucoup plus importante à Gaza.  Ne pas adopter cette résolution serait une erreur historique, a-t-elle fait valoir, notant que ce texte viendrait appuyer les efforts diplomatiques en cours des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar. 

Elle a de plus précisé que ce texte condamne « enfin » les attaques et les violences sexuelles perpétrées par le Hamas; et souligne qu’une offensive terrestre majeure à Rafah constituerait une grave menace pour les civils, « même si nous continuons à travailler à l'élimination du Hamas de toutes les parties de Gaza ». Ce texte demande en outre à Israël d’éliminer tous les obstacles et toutes les restrictions à l’aide humanitaire; condamne les appels à la réinstallation de Gaza et affirme clairement que l’Autorité palestinienne doit avoir l'autorité ultime sur Gaza. 

Exprimant son regret après l’échec du vote, la délégation américaine a soutenu que la Russie et la Chine ne voulaient tout simplement pas voter pour une résolution rédigée par les États-Unis, « car ils préféreraient nous voir échouer plutôt que de voir ce Conseil réussir ».

Comment se fait-il que ce n’est qu’au bout de six mois, alors que Gaza a été rasée et que 32 000 Palestiniens ont été tués, que Washington a enfin compris la nécessité d’un cessez-le-feu, a rétorqué la Fédération de Russie.  Rappelant que les États-Unis ont posé leur veto à « quatre reprises » en six mois sur plusieurs projets de résolution appelant à un cessez-le-feu, la délégation russe a affirmé que le « document politisé » présenté aujourd’hui avait pour seul objectif de séduire les électeurs américains tout en donnant carte blanche à Israël pour qu’il mène son offensive militaire à Rafah.

Si les États-Unis étaient sérieux sur leurs intentions, ils n’auraient pas posé leur veto à de multiples projets de résolution et n’auraient pas attendu si longtemps, tout en restant évasifs sur des questions fondamentales, leur a également reproché la Chine, qui a déploré que le Conseil de sécurité n’ait que trop « traîné des pieds » pour exiger un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et durable dans la bande de Gaza. 

S’adressant aux membres du Conseil qui ont soutenu ce texte, le délégué russe leur a assené que leur vote les déshonore et fait « le jeu de la Maison blanche » affirmant que ce projet contient des éléments qui, jusque-là, étaient inacceptables dans leurs propres capitales. 

Le Guyana a regretté de son côté que le texte américain évite d’évoquer la responsabilité de la Puissance occupante, Israël, notant qu’à la lecture du projet, il est quasiment impossible de comprendre qui commet toutes ces atrocités et inflige tant de souffrances aux civils palestiniens de Gaza.  Une position partagée par l’Algérie qui, affirmant représenter le « monde arabe », a vu dans ce projet un « laissez-passer » pour continuer de tuer des civils palestiniens.  Ce texte laisse en outre la voie ouverte à une opération militaire israélienne à Rafah, ce qui aurait des conséquences dévastatrices, et certaines de ses dispositions mettraient également à mal l’avenir d’un État palestinien, ce qui passe par la réconciliation intrapalestinienne, a indiqué la délégation. 

Par ailleurs, tout texte qui met à mal le mandat de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) est inacceptable pour les pays arabes, dans la mesure où les opérations de l’Office restent essentielles pour les réfugiés palestiniens et la stabilité dans toute la région, a rappelé le délégué.  Or le texte ne mentionne l’Office qu’une seule fois et uniquement dans le contexte des enquêtes en cours.  Il donne par contre beaucoup plus de visibilité au rôle de la Coordonnatrice de haut niveau de l’action humanitaire et de la reconstruction pour Gaza, a relevé le Guyana. 

Compte tenu de la gravité de la situation sur le terrain, le Japon, la République de Corée, l’Équateur, la Sierra Leone, la Suisse et la Slovénie ont dit avoir voté en faveur de ce projet de résolution dans l’espoir qu’il puisse faire avancer les efforts diplomatiques en cours en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et durable et de la libération des otages.  Le Royaume-Uni, Malte et la Slovénie ont en outre salué le fait que ce texte condamne les attaques et les prises d’otages du 7 octobre ainsi que l’accent placé sur les potentielles conséquences catastrophiques d’une offensive terrestre à Rafah. 

La France a maintenu pour sa part que seule la solution des deux États est à même de répondre aux besoins de sécurité du peuple israélien et aux aspirations légitimes des Palestiniens à un État, et a annoncé qu’elle proposera une initiative en ce sens au Conseil. 

Si le projet américain avait été adopté, cela aurait montré qu’aux Nations Unies « la morale a été rétablie », a déclaré Israël qui a salué la présentation d’un texte qui condamne les « monstres du Hamas » et exige la libération des otages.  Hélas, pour des raisons « purement politiques », ce texte n’a pas été adopté et les terroristes peuvent continuer de bénéficier de l’inaction du Conseil. 

S’agissant du projet d’offensive terrestre à Rafah, le représentant israélien a rappelé que son pays s’est fixé pour objectif de libérer les otages et de réduire à néant les capacités militaires du Hamas.  Nous avons réussi à démanteler 18 bataillons du Hamas, mais il en reste quatre à Rafah, a-t-il précisé.  « Il n’y a pas d’autre alternative », a-t-il affirmé, « car si nous échouons, le Hamas et d’autres groupes terroristes de la région vont à nouveau organiser des attentats ». 

Au cours de cette séance, la Russie, la Chine et l’Algérie ont par ailleurs exprimé leur soutien au projet de résolution alternatif des E10 (les 10 membres élus du Conseil de sécurité), le qualifiant tour à tour de clair, équilibré et de non politisé.  Les États-Unis ont toutefois mis en garde contre l’adoption d’un texte qui mettrait en péril les efforts diplomatiques en cours.  Ils ont également jugé « honteux » que ceux qui se sont opposés à leur texte n’aient toujours pas condamné les attentats du Hamas du 7 octobre. 

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