9502e séance – matin
CS/15524

Conseil de sécurité: la Présidente du Mécanisme des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda présente un plan d’action pour l’avenir

Compte tenu de l’achèvement en substance des principaux travaux judiciaires hérités des Tribunaux ad hoc, le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda se concentre sur la planification pour l’avenir et sur la réduction progressive de ses opérations, a expliqué ce matin sa Présidente, Mme Graciela Gatti Santana.  Maintenant que les procédures en première instance et en appel sont closes, son Bureau s’attache pleinement à l’exécution de ses fonctions résiduelles restantes, a assuré le Procureur, M. Serge Brammertz, lors du débat semestriel sur le Mécanisme au Conseil de sécurité.

Mme Gatti Santana a informé qu’elle avait revu les priorités de sa présidence « pour mieux refléter la nouvelle phase de l’existence du Mécanisme », une évolution saluée par la majorité des délégations.  Ainsi a-t-elle présenté hier au Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux un projet de « cadre d’action pour mener à bien les fonctions ».  J’entends démontrer la valeur de la transparence et de la responsabilité, a-t-elle dit, et « prouver qu’une institution aux ressources limitées peut continuer à fonctionner dans le respect des normes d’exécution les plus rigoureuses ». 

La Présidente et le Procureur ont présenté le onzième rapport annuel et les progrès du Mécanisme.  Les Chambres ont considérablement avancé dans l’achèvement de leurs activités judiciaires, ont-ils expliqué.  À la suite du prononcé de l’arrêt le 31 mai 2023 dans l’affaire Le Procureur c. Jovica Stanišić et Franko Simatović, la dernière affaire héritée du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, le Mécanisme n’est plus saisi que d’une affaire relative aux crimes principaux, à savoir l’affaire mettant en cause Félicien Kabuga, qui est temporairement suspendue en attendant qu’il soit statué sur l’appel de la décision par laquelle la Chambre de première instance a conclu que M. Kabuga n’était pas apte à être jugé.  S’agissant de la procédure dans cette affaire, M. Brammertz a dit ressentir un « très grand mécontentement ».  Non pas à l’égard des juges, dont la décision est fondée sur la jurisprudence et doit être respectée, a-t-il expliqué, mais pour la justice non obtenue par les victimes et les rescapés des crimes commis par M. Kabuga, qui ne rendra pas de comptes pour le rôle qu’il a joué dans les souffrances du peuple rwandais.  Mais « nous avons le pouvoir de veiller à ce que d’autres criminels soient jugés, en particulier ceux qui continuent de se cacher au sein de diasporas à travers le monde », a insisté le Procureur. 

De l’avis du Gabon, qui préside le Groupe de travail informel, le Mécanisme doit désormais pouvoir se consacrer de façon définitive à la réouverture de l’affaire Kabuga.  « La lutte contre l’impunité doit demeurer un impératif pour la communauté internationale. »  Soulignant le rôle capital des États dans l’exécution des peines, le Mozambique a pour sa part invité le Conseil à se pencher sur la situation préoccupante des personnes acquittées et libérées qui ont été réinstallées au Niger.  Saluant l’arrestation de Fulgence Kayishema, l’un des derniers fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le 24 mai 2023, en Afrique du Sud, le Ghana a appelé tous les États qui abritent des fugitifs à coopérer avec le Mécanisme.

Le Mécanisme a fait un pas de plus vers l’achèvement de ses fonctions en matière de recherche de fugitifs, a précisé Mme Gatti Santana, qui a signalé le décès, le 15 novembre, du fugitif Aloys Ndimbati, initialement mis en accusation par le TPIR en 1995 et dont l’affaire avait été renvoyée au Rwanda.  À ce jour, il ne reste plus que deux fugitifs du TPIR. M. Brammertz n’a émis aucun doute quant au fait que les autorités sud-africaines veilleront à ce que M. Kayishema soit remis au Mécanisme sans plus tarder. 

Le Mécanisme a officiellement reconnu la capacité du Rwanda à mener des procès pour génocide dans le strict respect des normes internationales de procédure régulière, a souligné le représentant de ce pays.  Selon lui, la responsabilité s’étend au-delà des individus responsables du génocide des Tutsis en 1994 et concerne également les nations où ils cherchent refuge.  À ce jour, le Rwanda a émis plus de 1 000 actes d’accusation contre des suspects de génocide dans 33 pays et auprès du Secrétariat d’INTERPOL. 

« On ne peut pas m’expliquer de manière rationnelle pourquoi un tribunal ad hoc existe depuis si longtemps », a protesté la Fédération de Russie.  Dans une situation où le « panier » judiciaire du Mécanisme est vide, les efforts de ses dirigeants devraient viser, avant tout, à restreindre ses activités, a-t-elle ajouté, disant se méfier des tentatives visant à augmenter « artificiellement » le nombre de procès pour « outrage à la justice ». 

S’agissant de l’ex-Yougoslavie, et devant « l’absence de progrès dans l’affaire Petar Jojić et Verica Radeta pour outrage au tribunal », la Serbie a assuré qu’elle a respecté ses obligations internationales et invité le Mécanisme à « reconsidérer sa décision » et à autoriser le renvoi de cette affaire aux autorités judiciaires serbes.  « Ce ne sont pas les Serbes, les Croates ou les Bosniaques qui sont coupables.  Ces crimes ont été l’œuvre d’individus.  Et ce sont ces individus, provenant de tous les groupes ethniques, que nous avons fait juger et déclarer coupables », a dit le Procureur, pour avoir pris part à une entreprise criminelle commune visant à un nettoyage ethnique dans de vastes portions du territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. 

Aux yeux de la Croatie, ce jugement établit un lien clair entre les hauts dirigeants serbes et les crimes d’atrocité commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.  Quelque 3 000 auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide commis en ex-Yougoslavie n’ont toujours pas été traduits en justice, a rappelé la Bosnie-Herzégovine, appelant à renforcer la coopération judiciaire régionale.  Plusieurs délégations, dont la France, se sont dites préoccupées par le déni des crimes, les discours de haine et la glorification de génocidaires et criminels de guerre condamnés par les Tribunaux pénaux internationaux au terme de procédures impartiales et indépendantes. 

Si le Mécanisme est déterminé à rationaliser ses activités et à réduire ses effectifs, « il ne ferme pas encore ses portes », conclut le rapport annuel du Mécanisme.  De nombreuses responsabilités à long terme et relatives aux fonctions résiduelles continues nécessiteront l’attention du Mécanisme jusqu’à ce que le Conseil de sécurité en décide autrement.

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (S/2023/566)

Déclarations

Mme GRACIELA GATTI SANTANA, Présidente du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (MIFRTP), a fait valoir le rôle pionnier des Tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda (TPIY et TPIR) qui ont traduit en justice des centaines d’auteurs de crimes notoires qui, pour beaucoup à l’époque, échappaient aux juridictions nationales.  Quant au Mécanisme, il est l’incarnation des promesses faites il y a 75 ans par l’Assemblée générale, et des mesures qu’elle a prises il y a 30 ans pour les matérialiser en réponse aux ravages causés en ex-Yougoslavie et au Rwanda dans les années 1990.  Mme Gatti Santana a indiqué que « des événements décisifs » se sont produits depuis sa dernière intervention devant le Conseil, en juin dernier, le Mécanisme ayant enfin opéré une transition en entrant dans sa phase véritablement résiduelle. 

Ainsi, concernant le Rwanda, cette institution n’est plus saisie d’aucun procès en première instance ou en appel dans des affaires relatives à des crimes principaux depuis la suspension sine die, en septembre, de la procédure dans l’affaire concernant Félicien Kabuga, a-t-elle indiqué. Dans l’intervalle, ce dernier demeure au quartier pénitentiaire des Nations Unies, à La Haye, pendant que la Chambre de première instance est saisie de la question de sa mise en liberté provisoire.  Les conseils assurant la défense de Félicien Kabuga, avec l’aide du Greffier, cherchent activement un lieu qui convienne à cet effet, et ces questions seront débattues au cours d’une conférence de mise en état qui se tiendra demain, le 13 décembre. En outre, il a été conclu à titre provisoire, en octobre, que Félicien Kabuga n’était pas indigent et qu’il serait en mesure de financer l’intégralité des frais engagés pour sa défense s’il lui était donné accès aux avoirs gelés par le TPIR et le Mécanisme.  Établir la faisabilité du recouvrement des frais engagés pour sa défense et les recouvrir in fine est primordial pour le Mécanisme, a affirmé la Présidente. 

Par ailleurs, le Mécanisme a fait un pas de plus vers l’achèvement de ses fonctions en matière de recherche de fugitifs. Mme Gatti Santana a rappelé le décès, le 15 novembre, du fugitif Aloys Ndimbati, qui avait été initialement mis en accusation par le TPIR en 1995 et dont l’affaire avait été renvoyée au Rwanda, ce qui fait que désormais, il ne reste plus que deux fugitifs du TPIR. En conséquence, le Mécanisme se concentre maintenant sur la planification pour l’avenir et sur la réduction progressive de ses opérations, ainsi que pour répondre pleinement aux éléments connexes de la résolution 2637 (2022), et aux recommandations formulées par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI).

La Présidente du Mécanisme a informé qu’elle avait revu les priorités de sa présidence « pour mieux refléter la nouvelle phase de l’existence du Mécanisme ».  Ainsi a-t-elle présenté hier au Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux un projet de « cadre d’action pour mener à bien les fonctions », en particulier la promotion d’une direction efficace et une bonne gouvernance dans la transparence et la responsabilité, aux fins de « prouver qu’une institution aux ressources limitées peut continuer à fonctionner dans le respect des normes d’exécution les plus rigoureuses ».  Le Mécanisme s’attèle aussi à identifier les domaines dans lesquels son efficacité peut être accrue en fusionnant, restructurant et rationalisant son organisation et ses processus internes. 

Se déclarant convaincue que les informations et les propositions présentées aideront le Conseil de sécurité à décider de l’avenir des diverses activités, Mme Gatti Santana a signalé que le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) a présenté certaines conclusions préliminaires sur le plan opérationnel et qu’elle attend de recevoir ultérieurement l’intégralité de son rapport.

La Présidente du Mécanisme a ensuite évoqué certaines difficultés susceptibles de survenir après le prononcé de jugements. S’agissant de l’exécution des peines, par exemple, des difficultés, imprévisibles il y a 30 ans, ont récemment engendré d’épineux problèmes.  Elle a ainsi expliqué que plusieurs personnes condamnées ont été renvoyées au quartier pénitentiaire des Nations Unies, à La Haye, par des États incapables de poursuivre l’exécution de leurs peines, créant par là-même une charge tant pour le Mécanisme que pour l’État hôte et « transformant en substance le quartier pénitentiaire en prison ».  Mme Gatti Santana a dit s’attendre à ce qu’une telle situation se répète dans les années à venir, insistant que « la solution à ce problème est politique ».  Elle a néanmoins reconnu que les responsabilités liées à l’exécution des peines peuvent être lourdes, et salué les efforts des 12 États chargés de l’exécution des peines, dont l’engagement avéré en faveur de la justice pénale internationale est source d’inspiration.  Elle a également tenu à rappeler la situation des sept personnes réinstallées au Niger, autre difficulté qui n’aurait pu être prévue au moment de la création des tribunaux ad hoc et qui requiert la ferme intervention des États.  Le 27 décembre, cela fera deux ans que les personnes réinstallées sont de facto assignées à résidence, a-t-elle fait savoir, exhortant les États à prêter main-forte au Mécanisme par tous les moyens possibles en vue de régler la question une fois pour toutes. 

Par ailleurs, la Présidente a mentionné les tentatives « inquiétantes » visant à affaiblir les travaux et les jugements du Mécanisme, en faisant référence à la propension toujours plus grande, selon elle, à la négation du génocide et au révisionnisme, ainsi qu’à la glorification des criminels de guerre.  Cela peut se traduire de diverses manières, notamment par l’utilisation des médias sociaux pour nier, banaliser ou justifier ce qui s’est passé au Rwanda et en ex-Yougoslavie.  « La négation du génocide nous concerne tous, et le meilleur moyen d’éviter de nouvelles atrocités passe par la protection de la vérité », a-t-elle affirmé.  Elle a notamment rappelé le « refus persistant » de la Serbie d’exécuter les mandats d’arrêt et ordres de transfèrement visant les accusés dans l’affaire d’outrage Jojić et Radeta.  Pareil comportement, particulièrement dans le contexte d’un outrage au tribunal, vise à affaiblir le processus judiciaire engagé devant le Mécanisme.  Il porte également directement atteinte à l’autorité du Conseil de sécurité, a-t-elle tranché.  « À cet égard également, nous demandons votre aide. »

Le Mécanisme se tient prêt à coopérer dans le cadre de l’examen pour l’année 2024, a conclu Mme Gatti Santana, se disant déterminée à faire « tout ce qui est en son pouvoir » afin de « mener à terme, de manière optimale, les activités restantes, qu’elles soient exercées par le Mécanisme lui-même ou par une autre instance appropriée désignée pour prendre la relève ». 

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, présentant les activités de son Bureau et des résultats qu’il a obtenus, a indiqué avoir mené à bien son importante mission qui consistait à diligenter les poursuites dans les dernières affaires héritées du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). 

Ainsi, le 31 mai 2023, la Chambre d’appel a rendu son arrêt dans l’affaire Stanišić et Simatović.  Elle a retenu les arguments du Bureau montrant que Jovica Stanišić et Franko Simatović étaient pénalement responsables en tant que participants à une entreprise criminelle commune visant à un nettoyage ethnique dans de vastes portions du territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. « Ce ne sont pas les Serbes, les Croates ou les Bosniaques qui sont coupables.  Ces crimes ont été l’œuvre d’individus.  Et ce sont ces individus, provenant de tous les groupes ethniques, que nous avons fait juger et déclarer coupables », a déclaré le Procureur.

S’agissant de la procédure dans l’affaire Kabuga, elle est close, a dit M. Brammertz, ajoutant que son Bureau, et tous ceux qui ont foi en la justice, ne peuvent que ressentir un « très grand mécontentement ».  Non pas à l’égard des juges, dont la décision est fondée sur la jurisprudence et doit être respectée, a-t-il expliqué, mais pour la justice non obtenue par les victimes et les rescapés des crimes commis par Félicien Kabuga, qui ne rendra pas de comptes pour le rôle qu’il a joué dans les souffrances du peuple rwandais.  Mais « nous avons le pouvoir de veiller à ce que d’autres criminels soient jugés, en particulier ceux qui continuent de se cacher au sein de diasporas à travers le monde », a insisté le Procureur.  Quant à Fulgence Kayishema, il a été arrêté le 24 mai dernier et reste en détention en Afrique du Sud, dans l’attente de son transfèrement initial à Arusha.  M. Brammertz a dit ne pas douter que les autorités sud-africaines veilleront à ce que Fulgence Kayishema soit remis au Mécanisme, sans plus tarder. 

Maintenant que les procédures en première instance et en appel sont closes, son Bureau s’attache pleinement à l’exécution de ses fonctions résiduelles restantes, a assuré le Procureur.  La plus importante de ces fonctions est l’assistance apportées aux autorités nationales qui poursuivent le processus d’établissement des responsabilités pour les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie. Conformément aux stratégies d’achèvement des travaux, le Bureau continue de répondre aux demandes d’assistance des partenaires nationaux.  Les autorités rwandaises entendent toujours traduire en justice plus de 1 200 génocidaires en fuite.  De même, les parquets en ex-Yougoslavie doivent encore diligenter des enquêtes pour plus de 1 000 criminels de guerre présumés et, lorsqu’il y a lieu, les poursuivre. 

Les autorités dans les États Membres tiers, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, ont également des dossiers à traiter, a poursuivi M. Brammertz.  Au cours des dernières années, le Bureau a reçu plus de 300 demandes d’assistance par an.  C’est là le signe de la réelle nécessité de l’appui que nous apportons, s’est réjoui le Procureur, avant de détailler les formes d’assistance apportées à ses partenaires nationaux.  Mais alors que cette année marque le soixante-quinzième anniversaire de l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il a rappelé qu’« il n’y a pas de date de péremption pour l’obligation qu’a la communauté internationale de juger les auteurs de crimes de génocide ».  S’il est vrai que les procès internationaux concernant les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie sont aujourd’hui terminés, les parquets nationaux poursuivent le travail dans leurs tribunaux.  Sachant que des milliers d’auteurs de crimes provenant du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie doivent toujours être jugés, chaque État Membre a la responsabilité et la possibilité de jouer un rôle en apportant son entière coopération et un appui concret, a-t-il conclu. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a appuyé les efforts déployés par le Mécanisme en dépit des nombreux défis pour mener à bien les fonctions résiduelles.  Le représentant a noté l’efficience des procédures judiciaires, tant pour le respect des droits fondamentaux des accusés que pour la protection de l’identité des témoins.  Il a soutenu les mesures prises en vue de permettre une transition effective des fonctions résiduelles.  S’agissant des procédures judiciaires, la conclusion de l’affaire Jovica Stanišić et Franko Simatović représente selon lui une étape cruciale dans la réponse aux violations des lois et des coutumes de la guerre, aux cas de déportation, aux actes inhumains et aux crimes contre l’humanité commis dans les Balkans en 1992.  Elle redonne aux victimes l’espoir que, « quelle que soit la durée, justice sera rendue », a-t-il souligné.

De l’avis du représentant, le Mécanisme doit désormais pouvoir se consacrer de façon définitive à la réouverture de l’affaire Félicien Kabuga, tel qu’il ressort du jugement de la Chambre de première instance, le 8 septembre 2023.  La lutte contre l’impunité doit demeurer un impératif pour la communauté internationale, a-t-il insisté.  À cet égard, il a encouragé les États Membres concernés à une coopération étroite avec les deux branches du Mécanisme afin de maximiser la collecte des éléments de preuve indispensables à l’ouverture d’enquêtes judiciaires futures. En conclusion, il a dénoncé la glorification des auteurs de crimes graves.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a encouragé les efforts visant à faire du Mécanisme résiduel une entité véritablement restreinte, temporaire et efficiente, telle qu’imaginée par les résolutions 1966 (2010) et 2637 (2022) du Conseil de sécurité.  Le représentant a reconnu les défis qui subsistent s’agissant de l’exécution du mandat du Mécanisme, y compris l’exécution des peines. Il a souligné le rôle capital des États dans l’exécution desdites peines.  Il a également invité le Conseil à se pencher sur la situation des personnes acquittées et libérées qui ont été réinstallées au Niger, en vertu d’un accord entre ce pays et les Nations Unies.  Leur situation sans issue est préoccupante, notamment depuis le coup d’État qui a eu lieu au Niger le 26 juillet dernier, a fait observer le délégué. Il a estimé que ces personnes, qui ont purgé leurs peines, doivent pouvoir jouir de leur liberté et de leurs droits.  « Nous encourageons la poursuite des efforts en vue de trouver une solution à cette question rendue urgente par l’instabilité politique au Niger », a-t-il déclaré. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a noté l’efficacité des travaux du Mécanisme au cours du semestre écoulé, relevant notamment la confirmation de la mort du fugitif Aloys Ndimbati, et se faisant l’écho de l’appel figurant dans le rapport en faveur de la poursuite de la coopération entre tous les États afin de parvenir à l’arrestation des deux derniers fugitifs rwandais dès que possible.  Le travail du Mécanisme demeure essentiel, a-t-il affirmé en pointant l’exacerbation des tensions « ethnonationales » dans les Balkans occidentaux ainsi que l’utilisation « inquiétante » de discours de haine par certaines personnalités politiques.  Un tel langage enracine la division et empêche les pays d’offrir les environnements sûrs, inclusifs et prospères que leurs citoyens méritent, a opiné le représentant pour qui le Mécanisme a joué un rôle essentiel dans l’administration de la justice pour tous.  Après avoir salué les progrès dans les discussions avec le Gouvernement de la Croatie sur l’établissement à Zagreb d’un centre d’information sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il a estimé que de tels centres pourraient contribuer à lutter contre le déni de crimes d’atrocités. Il a considéré tout aussi essentiel le travail avec le Gouvernement rwandais alors que le Rwanda s’apprête à commémorer, en avril 2024, le trentième anniversaire du génocide contre les Tutsis. 

Le Royaume-Uni, a indiqué le représentant, manifeste son soutien au Mécanisme en exécutant les peines et en prenant soin des détenus, sous la supervision dudit Mécanisme.  Il a néanmoins signalé plusieurs questions en suspens qui ont une incidence sur la capacité du Mécanisme à s’acquitter de son mandat, et exprimé sa déception concernant les informations selon lesquelles certains États bloquent la coopération dans les Balkans occidentaux.  Il a ainsi appelé la Serbie à s’acquitter de son obligation d’arrêter et de transférer Petar Jojić et Vjerica Radeta au Mécanisme après des années de demandes.  Cela est également vrai face à la situation des Rwandais relocalisés au Niger qui sont devenus apatrides depuis 2022 et restent assignés à résidence.  Enfin, il a souhaité une mise à jour sur les efforts déployés pour trouver une solution durable concernant ces personnes.

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a noté que le Mécanisme continue de jouer un rôle important pour que justice soit faite pour les crimes les plus graves commis au siècle dernier.  S’agissant des derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, il a salué l’arrestation de Fulgence Kayishema en Afrique du Sud, après 20 ans en cavale.  Il a pris note de la mort d’Aloys Ndimbati, recherché depuis près de 20 ans, et du fait que M. Kabuga n’est pas apte à être jugé. Le délégué a toutefois espéré que les victimes de ces criminels puiseront du réconfort dans le fait que le Mécanisme ne les a pas oubliées.  Pour ce qui est de l’ex-Yougoslavie, il s’est félicité du jugement en appel dans l’affaire Stanišić et Simatović, la dernière relative aux crimes les plus graves commis en ex-Yougoslavie, refermant ainsi un chapitre important de la justice internationale.  Alors que le Mécanisme passe par sa phase pleinement résiduelle, le délégué a salué les recommandations à cet effet par la juge Santana ainsi que les efforts du Mécanisme face aux demandes d’assistance formulées par certains États.  Il a fait valoir que le bon fonctionnement et la réussite du Mécanisme dépendent avant tout d’une coopération étroite avec ces États pour que les criminels purgent leurs peines.

M. GENG SHUANG (Chine) a rappelé que, conformément aux résolutions du Conseil, le Mécanisme est une entité temporaire dont les fonctions et la taille doivent diminuer au fur et à mesure.  Le représentant a dit espérer que le Mécanisme, eu égard aux progrès réalisés, va continuer de réduire ses fonctions et de rationaliser ses dépenses tout en optimisant l’allocation des ressources financières.  Il a par ailleurs estimé qu’une coopération efficace entre le Mécanisme et les États est cruciale pour l’exécution du mandat et la poursuite des travaux du Mécanisme.  Concernant l’échange d’informations, la réinstallation des personnes libérées et acquittées et le suivi de la question des fugitifs, le délégué a souhaité que tout cela soit discuté en tenant compte des préoccupations de tous, afin de lutter ensemble contre l’impunité.  Il a enfin remercié le Gabon, qui préside le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a réaffirmé son soutien au Mécanisme et l’a félicité des efforts entrepris pour mettre en œuvre son mandat.  Elle a ajouté que les décisions rendues dans les affaires Kabuga et Stanišić et Simatović marquent l’entrée du Mécanisme dans une phase purement résiduelle, mais que la conclusion des derniers procès ne diminue toutefois en rien la pertinence du Mécanisme, au contraire.  Sa détermination à lutter contre l’impunité reste cruciale pour promouvoir la paix et prévenir les tendances négationnistes et révisionnistes ainsi que la glorification des criminels. 

La représentante a également pris note des nouvelles priorités et de l’élaboration d’un projet-cadre en vue de l’achèvement des fonctions du Mécanisme.  Elle a dit considéré avec intérêt l’échange du Mécanisme avec l’Office des Nations Unies à Genève concernant son programme de conservation numérique, avant de saluer ses efforts pour aider les communautés affectées, en particulier les jeunes générations, à mieux connaître les faits relatifs aux crimes commis et pour reconnaître leurs souffrances. 

La représentante a en outre insisté sur la nécessité d’une coopération internationale soutenue pour lutter efficacement contre les crimes internationaux.  Les fonctions dont le Mécanisme doit s’acquitter sont cruciales et il doit pouvoir compter sur un soutien vigoureux de l’ONU et du Conseil de sécurité dans cette tâche, a-t-elle plaidé, appelant les États à renforcer leurs cadres de coopération régionale en matière pénale, à l’heure où le Mécanisme entre dans une phase purement résiduelle. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a rappelé que le Mécanisme résiduel est un organisme temporaire appelé à disparaître et a demandé un calendrier clair pour la fin de ses activités.  Le représentant a aussi rappelé que les fonctions résiduelles du Mécanisme concernent le contrôle de l’exécution des peines, la protection des victimes et des témoins, la conservation des archives et la recherche des fugitifs, avant d’appeler le Bureau du Procureur à coopérer pleinement en vue de l’arrestation des deux fugitifs restants.  À cet égard, il a souligné la nécessité de collaborer avec le Mécanisme pour l’exécution des mandats d’arrêt et des ordonnances de remise et de réinstallation des personnes acquittées ou libérées.

Après avoir souligné l’importance de préserver l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le représentant a estimé nécessaire de donner du temps et des ressources au Mécanisme pour qu’il mène à bien les tâches qui lui ont été confiées, même si le mandat actuel du Procureur et de ses juges expireront en juin prochain.  Le projet de cadre de l’exercice des fonctions, récemment présenté par les responsables du Mécanisme résiduel au Conseil de sécurité, constitue selon lui un guide important pour redéfinir le mandat du Mécanisme.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a souligné la nécessité d’une poursuite du travail du Mécanisme, notamment en ce qui concerne l’exécution des peines, la préservation des archives, la protection des témoins et l’appui aux juridictions nationales.  Elle a appuyé les efforts en vue de l’arrestation des derniers fugitifs, avant de souligner la nécessité de la coopération des États afin que ceux-ci puissent être arrêtés et traduits en justice.  La déléguée a souhaité que les archives du Mécanisme soient plus aisément accessibles, compte tenu du rôle crucial que ledit Mécanisme et ses prédécesseurs ont joué dans l’établissement des responsabilités pour les atrocités commises au Rwanda et en ex-Yougoslavie.  Enfin, elle a salué l’engagement du Mécanisme et des autorités rwandaises en ce sens, ainsi que les discussions avancées en cours pour créer un centre d’information à Zagreb, en Croatie.

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) a salué l’arrêt du 31 mai 2023 rendu par la Chambre d’appel dans l’affaire Stanišić et Simatović, selon lui un réel jalon en matière de justice internationale et une source de soulagement pour de nombreuses victimes.  Il a aussi salué l’accent mis par la présidence pour mener à son terme cette phase résiduelle des activités du Mécanisme, y compris en répondant favorablement aux demandes d’assistance.  Pour le représentant, le cycle de la justice ne s’achève pas avec le fait de rendre des arrêts.  L’exécution des peines est importante, ainsi que la consolidation de l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux et du Mécanisme, tout comme la poursuite de l’assistance aux juridictions nationales.  La justice et l’établissement des responsabilités signifient aussi que les crimes du passé ne doivent plus se reproduire, a-t-il observé. Le délégué a remercié les juges et l’ensemble du personnel des TPIR et TPIY pour leur travail en faveur de la justice, afin que reviennent la réconciliation et la cohabitation pacifique dans les régions touchées.  Il a également exhorté la Serbie à arrêter et remettre à la justice Petar Jojić et Vjerica Radeta.

M. NAGANO SHUNSUKE (Japon) a loué les progrès remarquables du Mécanisme cette année.  En ce qui concerne les poursuites, il a noté l’arrêt rendu en appel dans l’affaire Stanišić et Simatović en mai dernier, et le fait que l’affaire Kabuga a fait l’objet d’un sursis à statuer pour une durée indéterminée en septembre.  Ces deux affaires marquent la fin des procès en première instance et en appel transférés par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR).  Au sujet des enquêtes, le représentant a relevé que le Bureau du Procureur a réussi à arrêter Fulgence Kayishema en mai, un fugitif recherché depuis longtemps, et a confirmé la mort d’Aloys Ndimbati, en novembre.  Il s’est en conséquence félicité que le Mécanisme passe du statut de juridiction opérationnelle à celui d’institution véritablement résiduelle. Tout en reconnaissant que le Mécanisme continue d’avoir un rôle indispensable et appuyant le projet de « cadre » présenté hier par Mme Gatti Santana aux membres du Conseil sur l’achèvement de ses fonctions, il a espéré que ses activités et sa taille seront réduites à mesure que celles-ci s’amenuisent.  Le représentant a aussi salué l’initiative de restructuration interne, qui combine à la fois une réduction des postes et une rationalisation des flux de travail. 

M. SOLOMON KORBIEH (Ghana) a fait part de son inquiétude devant les défis auxquels le Mécanisme continue de faire face, notamment en termes de coopération avec les États et dans le domaine de l’exécution. Comme indiqué à juste titre dans le rapport, le retour de certaines personnes condamnées au quartier pénitentiaire de l’ONU par les États fait peser une charge financière sur le Mécanisme alors que ce quartier n’a pas été prévu à cet effet, a-t-il relevé.  Une autre question cruciale, à ses yeux, est la réinstallation dans des États tiers des personnes acquittées et libérées par le Mécanisme.  Le Ghana souhaite encourager ce dernier à poursuivre ses efforts diplomatiques en vue de trouver une solution à l’amiable avec le ou les États destinataires, a ajouté le délégué.  L’arrestation de M. Fulgence Kayishema, l’un des derniers fugitifs inculpés par le Tribunal international pour le Rwanda, le 24 mai 2023 en Afrique du Sud, montre que lorsque les États coopèrent avec le Mécanisme, cela permet de clore rapidement les affaires dont il est saisi, a-t-il argué.  Aussi a-t-il appelé tous les États qui abritent des fugitifs à coopérer avec le Mécanisme en honorant leurs responsabilités au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a estimé que même si « les rouages de la justice peuvent parfois grincer lentement », le Conseil de sécurité doit parler d’une seule voix et reconnaître que s’il a failli à sa responsabilité de protéger les victimes des génocides, il a aujourd’hui la responsabilité collective de demander justice pour ces dernières, peu importe le temps que cela prendra.  Ayant pris note des mesures mises en place par le Mécanisme pour protéger les témoins, le délégué s’est dit confiant qu’elles encourageront d’autres à ne pas se rétracter lorsqu’ils seront appelés à comparaître.

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a rappelé que la résolution 1966 (2010) a établi le Mécanisme résiduel comme une « petite structure temporaire dont les fonctions et la taille seront réduites au fil du temps ».  Dans une situation où le « panier » judiciaire du Mécanisme est vide, les efforts de ses dirigeants devraient viser, avant tout, à restreindre ses activités, comme le prescrit le Conseil.  « On ne peut pas m’expliquer de manière rationnelle pourquoi un tribunal ad hoc existe depuis si longtemps », a protesté la déléguée, sachant que le Tribunal de Nuremberg a traité d’une catégorie de crimes tout aussi graves en un an et demi.  De plus, la résolution 1534 (2004) a chargé les Tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda de prendre toutes les mesures nécessaires pour achever leurs enquêtes et procès fin 2008 et leurs travaux en général fin 2010.  Or les Tribunaux n’ont pas respecté les délais et cette structure, a-t-elle tancé, continue non seulement d’exister 13 ans plus tard, mais compte également poursuivre ses activités « provisoirement ».

La déléguée a dit se méfier des tentatives visant à augmenter « artificiellement » le nombre de procès pour « outrage à la justice », une catégorie de procédure profondément secondaire selon elle.  Cela confine même à l’absurdité: le Mécanisme envisage le lancement d’une nouvelle affaire sur la base de circonstances survenues dans le contexte de l’affaire Kabuga, récemment gelée.  Ce projet ne suscite-t-il vraiment de questions qu’au sein de notre délégation?  Après avoir accusé le Mécanisme de ne pas aborder toutes ses fonctions avec le même zèle, notamment en ce qui concerne les règles minimales relatives aux conditions de détention des Serbes condamnés, la déléguée a estimé que lors du prochain examen du Mécanisme, en 2024, il sera nécessaire de clarifier le calendrier de l’achèvement définitif de ses travaux.  Les promesses sans fin et les prévisions vagues faites au cours des 30 dernières années ne font que retarder les choses.  Les instructions du Conseil de sécurité doivent être suivies, c’est un impératif, a-t-elle intimé, disant attendre du prochain rapport une description détaillée des options spécifiques et réalistes pour le transfert des fonctions restantes.

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a salué les efforts déployés par le Mécanisme pour exécuter son mandat, notamment l’achèvement des procès ou l’arrestation des fugitifs, ou encore l’assistance aux juridictions nationales.  Le Conseil de sécurité doit continuer à l’appuyer dans son action, a exhorté la représentante.  S’agissant de l’ex-Yougoslavie, le prononcé de l’arrêt d’appel dans l’affaire Stanišić and Simatović le 31 mai dernier marque une étape cruciale de l’activité judiciaire du Mécanisme concrétisant, pour les victimes, « la victoire de la justice face à l’impunité ».  S’agissant du Rwanda, dans leur décision du 6 juin, les juges de la Chambre de première instance ont conclu que M. Kabuga, arrêté par la France en 2020 et remis au Mécanisme, n’était pas apte à être jugé.  Le 7 août dernier, a poursuivi la représentante, la Chambre d’appel du Mécanisme a demandé la suspension de la procédure et a renvoyé la question devant la Chambre de première instance qui, le 8 septembre, a suspendu la procédure sine die.  Elle a encouragé le Mécanisme à trouver les moyens de répondre à la quête de justice des victimes. 

Si la France a regretté que certains partenaires refusent de coopérer avec le Mécanisme pour arrêter les derniers fugitifs pour qu’ils puissent comparaître devant la justice, l’arrestation de Fulgence Kayishema le 24 mai dernier est toutefois un exemple de coopération internationale efficace dans la lutte contre l’impunité.  La représentante a noté que « le Mécanisme prépare activement son avenir en tant qu’institution véritablement résiduelle » et noté le cadre d’orientation répondant à la demande du Conseil de sécurité de connaître les voies possibles et recevoir les recommandations du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) afin d’élaborer des scénarii pour l’avenir.  S’inquiétant que le Mécanisme rencontre encore des difficultés relatives à la réinstallation des personnes acquittées et des condamnés ayant purgé leur peine, elle a insisté sur l’importance de réinstaller ces personnes.  La représentante s’est également dite vivement préoccupée par le déni des crimes, les discours de haine et la glorification de génocidaires et criminels de guerre condamnés par les Tribunaux pénaux internationaux au terme de procédures impartiales et indépendantes. 

M. RASHED JAMAL IBRAHIM IBRAHIM AZZAM (Émirats arabes unis) a tout d’abord encouragé la communauté internationale à remédier aux causes profondes des atrocités commises, telles que les discours haineux et la déshumanisation de l’autre.  Il s’est ensuite félicité de la mise en place des fonctions purement résiduelles du Mécanisme et a souhaité qu’il continue de progresser dans le transfert de ses activités aux autorités nationales.  Il importe de faire rendre des comptes à tous ceux qui ont commis des crimes graves, a-t-il souligné, estimant que les organes internationaux jouent un rôle complémentaire en matière de justice.  Tous doivent coopérer avec le Mécanisme pour qu’il termine ses travaux comme prévu.  La reddition de comptes et la justice sont la meilleure façon de rendre hommage aux victimes, a-t-il ajouté, avant de souligner l’importance du respect de la Charte des Nations Unies.  C’est ainsi que la communauté internationale pourra arriver à la paix et à la sécurité de manière efficace, a conclu le délégué. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que le Mécanisme illustre ce qui peut être accompli lorsqu’il existe un engagement ferme et durable de la part de la communauté internationale.  La conclusion des affaires Stanišić et Simatović et Kabuga marque la transition du Mécanisme vers sa phase véritablement résiduelle, qui devrait dorénavant porter son attention sur les fonctions à plus long terme qui lui ont été confiées par le Conseil de sécurité en 2010.

Le représentant a suggéré que le cadre pour l’achèvement des opérations, assorti d’un calendrier pour toutes les activités et d’options relatives à leur transfert, tienne compte des recommandations du Bureau des services de contrôle interne, ainsi que du collège de juges qui a été constitué à cette fin.  Il a également conseillé de veiller à ce que les dossiers judiciaires soient accessibles au public.  Le représentant a ensuite salué le travail accompli par le Bureau du Procureur pour confirmer la mort d’Aloys Ndimbati, l’un des fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, avant de l’encourager à retrouver les autres fugitifs.  Il a en outre appuyé les mesures prises pour protéger les témoins et renforcer les capacités des autorités judiciaires nationales.  La diffusion du legs juridique et historique du Mécanisme est également l’un des outils les plus puissants de lutte contre les discours révisionnistes et la glorification des criminels de guerre, a encore souligné le délégué.

M. ERNEST RWAMUCYO (Rwanda) a rappelé que le Mécanisme a officiellement reconnu la capacité du Rwanda à mener des procès pour génocide dans le strict respect des normes internationales de procédure régulière. Ainsi le Rwanda a-t-il géré efficacement les procès et les appels dans les affaires qui lui ont été soumises par le Mécanisme au cours des dernières années.  Pour son pays, a expliqué le délégué, la responsabilité s’étend au-delà des individus responsables du génocide des Tutsis en 1994, elle concerne également les nations où ils cherchent refuge.  À ce jour, le Rwanda a émis plus de 1 000 actes d’accusation contre des suspects de génocide dans 33 pays et auprès du Secrétariat d’Interpol.  Le délégué a exhorté ces pays à intensifier leur coopération pour appréhender les fugitifs, avant de saluer l’engagement de ceux qui ont extradé ou jugé des fugitifs. Malgré plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, on constate une « réticence de la part de certains États à coopérer », a-t-il regretté.  Cette inaction, malgré les options d’extradition disponibles ou de procès sur leur territoire, pose un problème important dans la lutte contre l’impunité.

Garantir la justice aux victimes et aux survivants du génocide des Tutsis transcende les simples poursuites, a insisté le délégué. Il s’agit fondamentalement d’obtenir justice en temps voulu.  « Chaque retard dans ce processus équivaut à un déni de justice. »  La lutte contre l’impunité n’est pas une tâche que le Rwanda devrait assumer seul, a-t-il poursuivi, assurant qu’il s’agit d’une responsabilité collective que la communauté mondiale doit assumer.  Le délégué a appelé le Conseil à condamner la négation du génocide.  Sur la question de la réinstallation des personnes acquittées et libérées, il a rappelé que le Rwanda avait laissé entendre que les neuf Rwandais acquittés et libérés par le Mécanisme sont libres de revenir vivre au Rwanda s’ils le souhaitent.  Cela a été le cas pour des centaines de milliers de Rwandais, anciens réfugiés, combattants ou anciens condamnés pour le génocide qui vivent aujourd’hui en paix aux côtés de survivants, ce qui témoigne du succès de l’unité et de la réconciliation du Rwanda, a-t-il assuré.  S’ils souhaitent vivre dans d’autres pays, c’est aussi leur plein droit et ils devraient pouvoir demander l’asile dans le pays de leur choix, a-t-il ajouté.  Ce que nous trouvons très discutable, a-t-il déploré, c’est que ces personnes acquittées ou libérés et qui sont aujourd’hui libres, continuent à représenter une charge pour la communauté internationale et bénéficient des contributions statutaires des États Membres.

M. ZLATKO LAGUMDŽIJA (Bosnie-Herzégovine) a rappelé que son gouvernement s’est engagé à enquêter, poursuivre et punir toutes les personnes responsables de crimes de guerre.  La Stratégie nationale révisée sur les crimes de guerre contient des mesures visant à surmonter les difficultés qui entravent le traitement efficace de ces affaires, a-t-il dit, soulignant que l’un des objectifs de la Stratégie est la coopération régionale.  Or, quelque 3 000 auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide commis en ex-Yougoslavie n’ont toujours pas été traduits en justice.  Le délégué a noté que les autorités nationales chargées des poursuites pénales n’ont pas accès à 35% des affaires non résolues en Bosnie-Herzégovine.  Plus de 63% des personnes concernées se trouvent en Croatie, au Monténégro et en Serbie.  La justice de Bosnie-Herzégovine rencontre des problèmes de communication avec les parquets des États de la région, a-t-il souligné, appelant à renforcer la coopération judiciaire régionale.

Après la fuite en Serbie de l’accusé Novak Djukic, la justice de Bosnie-Herzégovine a demandé aux autorités judiciaires serbes d’exécuter le jugement définitif dans cette affaire, mais elle n’a jamais donné suite au verdict, a déploré le délégué pour qui cette attitude fragilise le processus de rétablissement de la confiance et des relations entre les deux pays.  Cette situation ralentit aussi le processus et va à l’encontre de la justice et de l’état de droit.  « L’indisponibilité du suspect ou de l’accusé compromet l’efficacité de nos tribunaux, banalise l’impunité et entrave le processus de réconciliation dans la région. »  Évoquant l’héritage du TPIY, du TPIR et du Mécanisme et l’importance historique de leur jurisprudence, le délégué a plaidé pour que leurs archives soient conservées en Bosnie-Herzégovine.  Son pays a ainsi appuyé le projet de numérisation complète des archives qui devraient être disponibles pour les procès en cours ainsi que pour la recherche, l’éducation et le public.

M. NEMANJA STEVANOVIC (Serbie) s’est félicité de l’intention « déclarée » de la Présidente Santana de faire en sorte que le Mécanisme achève rapidement les travaux résiduels, tout en faisant remarquer que certaines activités donnent à penser qu’elle est encline à prolonger son existence.  Notant à ce sujet l’absence de progrès dans l’affaire Petar Jojić et Verica Radeta pour outrage au tribunal, le représentant a assuré que la Serbie n’a pas failli à ses obligations internationales mais qu’au contraire elle a déployé des efforts pour agir conformément à la résolution 1966 (2010). La Serbie reste prête à engager des poursuites pénales dans cette affaire et dans d’autres affaires similaires, a-t-il dit, avant de demander au Mécanisme de reconsidérer sa décision et d’autoriser le renvoi de l’affaire Jojić et Radeta aux autorités judiciaires serbes.

S’agissant de la confirmation de l’inculpation de Vojislav Šešelj et de quatre autres personnes pour outrage au tribunal, le représentant a espéré qu’il n’y aura pas d’« oublis » dans le cadre de la procédure de décision, comme ce fut le cas pour l’affaire Petra Jojić et Verica Radeta.  Il a offert à ce propos de « solides assurances » que le système judiciaire de la Serbie dispose d’un cadre juridique et institutionnel approprié, permettant la prise en charge et le traitement de ces affaires de manière transparente et professionnelle.

Il a d’autre part jugé nécessaire de revoir les critères nouvellement établis pour la libération anticipée ou conditionnelle. À ses yeux, ces critères ont été fixés principalement pour prolonger le fonctionnement du Mécanisme, ce qui se traduit par une inégalité de traitement des personnes condamnées.  Le représentant a donc proposé de revenir aux normes en vigueur avant l’introduction de ces nouveaux critères, appelant à ce que les demandes de libération anticipée ou conditionnelle soient traitées rapidement, étant donné que toutes les personnes condamnées sont à un stade avancé de leur vie et souffrent de problèmes de santé.  Dans ce contexte, il a mis l’accent sur l’insuffisance des soins prodigués au général Ratko Mladić, rappelant que le Mécanisme, en tant qu’entité de l’ONU, est lié par l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale en 1988.

Le représentant a par ailleurs estimé que l’accusation relative à la coopération entre la Serbie et la Croatie ne tient pas compte du cadre juridique existant, ancré non seulement dans la législation nationale mais aussi dans la Convention européenne d’extradition et celle relative à l’entraide judiciaire en matière pénale.  Les retards dans les négociations bilatérales en vue d’un accord sur les crimes de guerre ne devraient pas être un obstacle à la réalisation de la coopération régionale, a-t-il argué, avant de réaffirmer que les plaintes concernant la « négation des crimes et la glorification des condamnés » par la Serbie sont sans fondement.  Il a conclu son propos sur une note critique au sujet de l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Mécanisme.  Selon lui, les acquittements de Ramush Haradinaj, Naser Orić et Ante Gotovina, respectivement accusés de crimes graves au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, ont considérablement renforcé la politique d’impunité pour les crimes commis contre le peuple serbe.

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a réaffirmé le soutien de son pays au travail du Mécanisme et à sa transition vers une institution véritablement résiduelle.  Il a réitéré l’importance du verdict rendu en mai dernier contre Jovica Stanišić et Franko Simatović, anciens responsables des services de sécurité serbes, qui ont participé à une entreprise criminelle dirigée par feu le Président serbe Slobodan Milošević.  Ce jugement établit un lien clair entre les hauts dirigeants serbes et les crimes d’atrocité commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, a-t-il souligné.  Le représentant a toutefois regretté que le Président du Mécanisme ait dû rappeler que la Serbie n’a pas arrêté et transféré Petar Jojić et Vjerica Radeta à La Haye.  L’impunité pour outrage au Mécanisme et la violation de la sécurité des témoins ne font qu’encourager d’autres cas semblables, a-t-il mis en garde, avant de se féliciter de la confirmation de l’acte d’accusation contre Vojislav Šešelj et quatre autres accusés, pour la divulgation d’informations confidentielles du TPIY, y compris des informations sur l’identité de dizaines de témoins protégés.

Le représentant a assuré que la Croatie reste pleinement engagée à respecter les obligations qui lui incombent en termes de coopération judiciaire constructive, transparente et non politisée, fondée sur des preuves, avec les autres États voisins dans les affaires liées aux crimes de guerre.  Faisant valoir qu’une coopération significative et productive n’est pas un « processus à sens unique », il a indiqué que la Croatie attend toujours la réponse de la Serbie à l’invitation qu’elle lui a adressée pour le quatrième et dernier cycle de négociations en vue d’un accord bilatéral sur le traitement des crimes de guerre. 

Le délégué a également soulevé la question de la coopération insuffisante avec la Serbie dans la recherche des personnes disparues et des dépouilles mortelles.  Déterminer où se trouvent les 1 803 citoyens croates disparus est notre priorité de longue date, a-t-il rappelé, avant de regretter que la Serbie refuse de partager les informations et de permettre l’accès aux archives.  « Il est essentiel, pour tourner la page et se réconcilier, d’établir le sort des personnes disparues, de retrouver les dépouilles mortelles et de les enterrer comme il se doit », a-t-il argué. Appelant de ses vœux une meilleure coopération bilatérale, il a demandé au Mécanisme de soutenir la recherche des personnes disparues et des dépouilles mortelles au cours du mandat qu’il lui reste à accomplir. 

Reprenant la parole en fin de séance, M. STEVANOVIC (Serbie) a déclaré que son homologue de la Croatie est « obsédé » par son pays à chaque fois qu’il intervient sur ce sujet. Après avoir donné lecture d’un paragraphe du rapport du Procureur du Mécanisme, lequel insiste sur la détérioration considérable de la coopération de la Croatie, et sur la poursuite des Serbes ethniques, il a fait valoir que les Croates ne bénéficient pas de la justice et que « les auteurs continuent de jouir de l’impunité ».

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