9358e séance - matin
CS/15334

RDC: les membres du Conseil de sécurité s’inquiètent des attaques contre les civils dans l’est du pays et misent sur les initiatives régionales

Dans l’attente, le mois prochain, du rapport du Secrétaire général de l’ONU qui fixera les grandes lignes du retrait de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), le Conseil de sécurité a fait le point, ce matin, sur la situation sécuritaire dans l’est du pays.  S’il est revenu à la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Mme Martha Ama Akyaa Pobee, de détailler la dégradation de la situation en Ituri, tandis que le précantonnement des éléments du Mouvement du 23 mars (M23) a entraîné une diminution de ses attaques au Nord-Kivu, c’est le témoignage d’une habitante du village d’Arr’, relayé par la Suisse, qui a marqué les esprits.  « Des villages entiers n’existent plus car des assaillants les ont incendiés. »  Des constats qui ont incité les membres du Conseil à lancer des appels pour que les efforts de protection des civils soient renforcés et pour que les parties s’engagent dans un dialogue sincère en vue de la stabilité et des élections de décembre. 

Avant ce témoignage, Mme Pobee avait indiqué que si le cessez-le-feu entre le M23 et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a contribué à des gains relatifs sur le plan sécuritaire au Nord-Kivu, il demeure urgent que le M23 se retire des territoires occupés et rejoigne le programme de démobilisation, désarmement, relèvement et stabilisation communautaire.  Elle a reconnu que ces gains étaient largement éclipsés par la détérioration de la situation en Ituri, cette province ayant souffert du vide sécuritaire créé par le redéploiement des FARDC au Nord-Kivu.  « Plus de 600 personnes y ont été tuées par des groupes armés au cours de la période considérée », a-t-elle amèrement constaté, expliquant que la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), une « milice zaïroise », et les Forces démocratiques alliées (ADF) étaient les principaux auteurs de ces atrocités.  Elle a notamment déploré l’attaque perpétrée par la CODECO qui a atteint le site de déplacés de Lala dans la nuit du 11 au 12 mai, où plus de 40 personnes déplacées ont été tuées et 800 abris incendiés.  La totalité des participants au débat ont condamné cette attaque. 

Après avoir exhorté tous les groupes armés à cesser les hostilités, Mme Pobee a rendu hommage aux équipes de la Mission, qui assurent actuellement la protection physique de 50 000 à 70 000 personnes déplacées.  Elle a souligné qu’à plusieurs reprises, la Mission n’avait pas hésité à repousser les attaques de la CODECO contre des civils ces derniers mois.  De leur côté, les autorités congolaises, par la voix de leur représentant, ont demandé que l’on cesse de considérer que ce qui se déroule dans l’est du pays est un problème strictement « congolo-congolais ».  Le délégué a ainsi demandé au Conseil de ne pas oublier que le conflit ravageant depuis plus de vingt-cinq ans la région, qui a fait plus de 10 millions des morts, « ne tire pas sa vraie source ou son origine en RDC ».  C’est un conflit exporté et ensuite transposé sur le sol congolais, a-t-il affirmé. 

Le délégué congolais a accusé nommément le Rwanda de se livrer à la « prédation des ressources naturelles de la RDC » et de continuer d’ambitionner une extension territoriale, laquelle a été selon lui réitérée dans le récent discours du Président Paul Kagamé au Bénin.  « Cessez de rêver, la terre congolaise est sacrée! » s’est exclamé le délégué, en martelant que le Président de la RDC et son peuple ne céderont aucun pouce du territoire national. 

Le représentant rwandais a pour sa part déploré l’absence de condamnation par le Conseil ou la MONUSCO des « actes de génocide » en cours contre les Tutsis congolais et les Congolais rwandophones.  Accusant le Gouvernement de la RDC de continuer à soutenir plusieurs groupes armés, il a considéré que le soutien de celui-ci aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) est directement lié à la montée « dramatique » de la violence contre les civils.  Selon lui, les autorités de la RDC, en autorisant les discours de haine antirwandophone et antitutsi et en incitant à la violence, propagent un sentiment antirwandais pour « marquer des points » sur le plan politique.  Il a appelé la Commission des droits de l’homme à enquêter sur ces crimes, avant d’exprimer son étonnement de l’absence de mention des FDLR dans le rapport du Secrétaire général, alors qu’ils sont selon lui « le principal orchestrateur de l’instabilité dans l’est de la RDC ».  Il a cependant assuré que son pays reste déterminé à travailler au sein des mécanismes en place, en particulier les processus de Nairobi et de Luanda, appelant la communauté internationale à les soutenir. 

L’importance du dialogue régional a d’ailleurs été largement soulignée, notamment par la Suisse, à la veille du sommet quadripartite qui aura lieu demain sous l’égide de l’UA, et la Chine, qui a plaidé pour une meilleure coordination des initiatives régionales.  Malte a suggéré le recours à des mécanismes de vérification régionaux pour le désamorçage des tensions.  Cela n’a pas empêché la France et les États-Unis d’exprimer leurs inquiétudes face au soutien militaire continu du Rwanda au M23 et de la présence de soldats rwandais sur le territoire congolais.

S’agissant du volet politique, Mme Pobee a salué les mesures annoncées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour assurer l’inscription de tous les électeurs congolais éligibles dans les provinces de l’est en vue des élections de décembre prochain.  Conformément à son mandat, a-t-elle ajouté, la MONUSCO a fourni un appui logistique à la CENI et une formation aux policiers chargés de la sécurité pendant des élections.  Le représentant congolais a assuré que la Commission allait continuer à travailler sans relâche, et ce, conformément à la volonté exprimée de son gouvernement en faveur de la tenue d’élections transparentes, inclusives et crédibles. 

Pour ce qui est du retrait prochain de la MONUSCO, les membres du Conseil de sécurité ont souligné que le départ de la Mission devra s’effectuer de manière progressive et souple, afin qu’elle puisse continuer de protéger les civils.  Néanmoins, tous les efforts de sécurité devront être coordonnés au premier chef par les autorités congolaises, a-t-il été répété.  Le représentant de la RDC a indiqué que dans l’optique du retrait, le Gouvernement, la Mission et l’équipe de pays de l’ONU poursuivent un dialogue constructif autour de la redéfinition du plan de transition.  Il a appelé par ailleurs au financement complet du Plan de réponse humanitaire des Nations Unies d’un montant de 2,25 milliards de dollars.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, a déclaré qu’au cours des trois derniers mois, la situation sécuritaire dans l’est de la RDC a continué de se détériorer en Ituri et au Nord-Kivu, malgré une diminution du nombre d’affrontements armés entre le Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).  Elle a informé que le cessez-le-feu entre le M23 et les FARDC tient et qu’il a contribué à certains gains en matière de sécurité, le retour à un « calme relatif dans le territoire de Rutshuru » ayant par exemple permis à plus de 45 000 personnes du groupe Bishusha de rentrer chez elles.  Mme Pobee a néanmoins rappelé que le M23 contrôle toujours une grande partie des territoires de Masisi et de Rutshuru, sans compter que son repositionnement offensif ces dernières semaines fait craindre que les hostilités ne reprennent à tout moment.  « Le M23 continue de semer l’insécurité, il a ainsi tué au moins 47 civils au Nord-Kivu au cours de la période récente. » 

Dans ce contexte, Mme Pobee s’est félicitée des efforts constants des dirigeants régionaux pour que les parties concernées mettent en œuvre les décisions de la feuille de route de Luanda et le processus de Nairobi, assurant de la disposition de la MONUSCO à aider les autorités congolaises à cette fin.  Sur ce point, elle a noté que, pas plus tard que la semaine dernière, la MONUSCO, la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et le mécanisme conjoint de vérification élargi ont mené une mission de reconnaissance à la base de Rumangabo, afin d’évaluer les conditions du précantonnement du M23. Pour que ces efforts portent leurs fruits, il est urgent que le M23 se retire complètement des territoires occupés, dépose les armes sans condition et rejoigne le programme de démobilisation, désarmement, relèvement et stabilisation communautaire, a-t-elle insisté. 

Mme Pobee a néanmoins reconnu que ces avancées au Nord-Kivu sont malheureusement fragiles et surtout largement éclipsées par la détérioration de la situation en Ituri, cette province ayant longtemps souffert du vide sécuritaire créé par le redéploiement des FARDC au Nord-Kivu.  Plus de 600 personnes ont été tuées par des groupes armés au cours de la période considérée, a-t-elle amèrement constaté, expliquant que la Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO), une « milice zaïroise », et les Forces démocratiques alliées (ADF) étaient les principaux auteurs de ces atrocités.  Elle a déploré en particulier l’attaque de la milice CODECO contre le site de déplacés de Lala dans la nuit du 11 au 12 mai, où plus de 40 personnes déplacées ont été tuées et 800 abris ont été incendiés. 

Après avoir exhorté tous les groupes armés à cesser les hostilités et appelé au redéploiement des forces de sécurité nationales, notamment en Ituri, pour restaurer l’autorité de l’État dans cette zone, Mme Pobee a rendu hommage aux équipes de la Mission.  Dans l’est de la RDC, à ce jour, ce sont entre 50 000 et 70 000 personnes déplacées qui sont sous la protection physique directe de la MONUSCO, a-t-elle indiqué, avant de souligner que la Mission n’a pas hésité à repousser les attaques de la CODECO contre des civils à de nombreuses reprises.  Les opérations conjointes entre les FARDC et la brigade d’intervention de la force de la MONUSCO ont également contribué activement à la lutte contre les ADF, ces opérations conjointes ayant concrètement abouti à la protection d’un hôpital à Oicha et au démantèlement de plusieurs camps d’entraînement des ADF, a-t-elle aussi signalé. 

La Sous-Secrétaire générale a poursuivi en attirant l’attention sur le fait que l’insécurité dans l’est de la RDC continue d’alimenter une longue crise humanitaire souvent ignorée par la communauté internationale.  Environ 6,3 millions de personnes ont ainsi été déplacées dans le pays et, depuis mars 2022, plus de 2,8 millions ont fui leur foyer dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en raison de l’insécurité, a-t-elle précisé.  Elle a dénombré au total 26 millions de personnes, soit plus d’un quart de la population, qui sont confrontées à l’insécurité alimentaire en RDC.  Notant en outre que la violence sexiste a augmenté de 23% dans tout le pays et de 73% dans la seule province du Nord-Kivu, cela par rapport à la même période l’an dernier, Mme Pobee a exhorté la communauté des donateurs à financer le Plan de réponse humanitaire 2023, lequel, au 18 juin, était abondé à hauteur de 28%. 

Concernant la situation politique, la Sous-Secrétaire générale a salué les mesures annoncées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour assurer l’inscription de tous les électeurs congolais éligibles dans les provinces de l’est en vue des élections de décembre prochain.  Conformément à son mandat, a-t-elle ajouté, la MONUSCO a fourni un appui logistique à la CENI et une formation aux policiers chargés de la sécurité pendant des élections.  Elle a demandé un renforcement des efforts de prévention de la violence électorale, notamment par le soutien du Fonds pour la consolidation de la paix. 

S’agissant de la transition, elle a pris note de la volonté des autorités congolaises d’accélérer le processus, rappelant que, dans un environnement national et régional aussi volatile, « nous devons garder le cap pour une transition ordonnée, graduelle et responsable ».  À ce propos, elle a souligné que le retrait de la MONUSCO ne doit pas compromettre la protection des civils et qu’il revient aux acteurs de terrain d’éviter de créer tout vide sécuritaire.  Rappelant que la transition de la MONUSCO équivaut, en termes simples, à la continuation du mandat de la Mission endossée par les autorités congolaises, Mme Pobee a insisté sur le fait qu’il appartient au Gouvernement congolais de réunir les conditions pour qu’une telle continuation soit viable à long terme.  Elle a assuré qu’au fin de la transition, la Mission, conjointement avec l’équipe de pays, demeure pleinement engagée à aider les autorités congolaises.  C’est dans cette optique que la MONUSCO et l’équipe de pays se sont engagées de manière proactive avec le Gouvernement pour réévaluer conjointement le plan de transition conjoint, conformément à la demande du Conseil de sécurité, a-t-elle expliqué.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a demandé le retrait du M23 et son cantonnement ainsi que la démobilisation des groupes armés.  Les auteurs des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire doivent être traduits en justice, a-t-il plaidé.  Il a estimé à cet égard que la décision du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’examiner les faits commis au Nord-Kivu en réponse à la demande des autorités de la RDC est un signal important pour la lutte contre l’impunité.  Le représentant a condamné les discours de haine ciblant les communautés tutsies.  Il s’est également dit préoccupé par les informations du Groupe d’experts des Nations Unies confirmant le maintien du M23 sur les positions qu’il a conquises au cours des derniers mois dans l’est de la RDC, s’inquiétant du soutien militaire continu du Rwanda à ce groupe armé et de la présence de soldats rwandais sur le territoire congolais.  « Ce soutien, que nous condamnons, doit cesser. »  De même, a-t-il ajouté, le soutien apporté par certains membres des forces armées congolaises à des groupes armés tels que les FDLR doit prendre fin. 

Pour le représentant, la priorité doit être de faire aboutir les processus régionaux de Nairobi et de Luanda.  Les États de la région doivent démobiliser et rapatrier les groupes armés étrangers, a-t-il demandé en exigeant des mesures contre ceux qui entravent la paix et qui commettent des exactions.  Il a appelé à financer le Plan de réponse humanitaire des Nations Unies informant que l’Union européenne (UE) avait déjà fourni 80 millions d’euros et a acheminé 260 tonnes de fournitures essentielles.  Les autorités congolaises doivent aussi œuvrer aux côtés de la MONUSCO pour protéger les camps de déplacés, a encore recommandé le délégué.  Enfin, le représentant a dit que son pays est prêt à accompagner la RDC à l’approche des élections de décembre 2023 notamment les efforts de la CENI pour mettre en œuvre ce processus dans les délais constitutionnels.  Les parties prenantes doivent promouvoir l’inclusion, condamner les propos haineux, respecter les libertés publiques et établir un espace d’expression et de débat sans entrave, a-t-il conclu.

M. DAI BING (Chine) a rappelé que son pays a toujours soutenu la RDC dans ses efforts de stabilisation et de développement.  Alors que la RDC se trouve à la croisée des chemins, la communauté internationale devrait lui apporter une assistance accrue, a-t-il fait remarquer avant de condamner les attaques perpétrées par des groupes armés contre des camps de personnes déplacées à la frontière avec le Rwanda. Se disant inquiet pour la stabilité du pays, le représentant a exhorté ces groupes à cesser toute activité violente et à participer au processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Il a salué les actions conjointes menées par les Forces armées de la RDC et celles de l’Ouganda pour ramener le calme. Le représentant a également plaidé pour une meilleure coordination des initiatives régionales. 

Abordant ensuite le sujet des élections, prévues en fin d’année en RDC, il a souhaité que toutes les parties parviennent à régler leurs différends pour que le processus électoral se déroule sans heurts.  Il a aussi appelé la communauté internationale et la MONUSCO à respecter la souveraineté de la RDC et à apporter aux autorités nationale une aide matérielle et logistique.  Le délégué a ensuite averti que l’instabilité dans l’est de la RDC a une incidence sur toute la région.  Il s’est donc félicité du sommet des dirigeants de la région des Grands Lacs sur cette question le mois dernier, avant d’exhorter ces mêmes dirigeants à promouvoir les processus de Nairobi et de Luanda, et à régler leurs divergences de vues par la voie du dialogue.  Enfin, après avoir invité la MONUSCO à renforcer sa coopération avec les autorités de la RDC, notamment sur le plan de transition, il a demandé au Conseil de sécurité de prêter attention aux besoins du Gouvernement et du peuple congolais en tenant compte des derniers événements dans l’est du pays. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est félicitée que le processus d’inscription sur les listes électorales soit en voie de conclusion, malgré la difficulté de mener cet exercice sur l’ensemble du territoire de la RDC.  En vue des élections de décembre prochain, elle a engagé les parties à régler leurs problèmes de manière inclusive.  La représentante a d’autre part réaffirmé l’appui de son pays aux efforts régionaux destinés à soutenir le processus de paix dans l’est de la RDC.  Saluant les assurances temporaires fournies à cet égard lors du vingt-troisième sommet de la CAE, elle a aussi pris note avec satisfaction de la décision de la troïka de déployer une force régionale pour contrer les actions du M23.  Elle a toutefois constaté que, malgré ces efforts, Kigali semble vouloir étouffer les chances d’un rapprochement avec la RDC.  Sur ce point, la représentante a appelé à parachever le retrait du M23 des zones qu’il occupe. 

La déléguée s’est ensuite inquiétée de la situation humanitaire en RDC, aggravée par la recrudescence de la violence dans le Nord-Kivu et en Ituri.  Dénonçant les actions violentes perpétrées par des groupes armés tels que les ADF et la CODECO, elle a déploré que les ressources naturelles du pays soient devenues des facteurs du conflit plutôt qu’un élément de développement.  Après avoir appelé ces groupes à se rallier au processus de paix, elle a souhaité que le projet de force de réserve soit examiné par la RDC afin de pas réduire à néant les gains du processus de Nairobi.  Pour finir, après s’être félicitée des condamnations d’individus reconnus coupables de violations des droits humains, elle a réitéré le ferme soutien de l’Albanie à la MONUSCO et à sa contribution à la protection des civils, jugeant crucial de préparer un retrait progressif de la Mission pour éviter tout vide sécuritaire. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a dit être préoccupé par la situation en Ituri, par les violences sexuelles liées au conflit, la prolifération des armes et le projet d’intégrer des groupes armés dans l’armée régulière de la RDC. Il s’agit de la ligne rouge à ne pas franchir, a prévenu le représentant qui a encouragé les pays de la région à sortir de l’impasse.  Il a reconnu que la MONUSCO fait un travail vital, citant notamment son aide au démantèlement d’un camp des ADF, la protection qu’elle fournit à des milliers de civils ainsi que son appui pour l’acheminement de l’aide alimentaire.  Le représentant a invité à tirer les leçons des erreurs du passé pour ne pas en commettre de nouvelles en RDC.  À l’aune du renouvellement du mandat de la Mission, il a encouragé le Gouvernement à dialoguer avec la MONUSCO sur l’avenir de la présence de la Mission dans le pays. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a partagé le témoignage d’une habitante du village d’Arr’, dans la province de l’Ituri, dans laquelle celle-ci raconte que des villages entiers n’existent plus car des assaillants les ont incendiés.  « Nos enfants avaient une bonne école, mais durant le conflit tout a été détruit », a-t-elle encore lu. Elle a ainsi souligné l’urgence à s’engager dans un dialogue sincère et à placer la protection des civils au cœur de tous les efforts.  Elle a plaidé pour le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme ainsi que pour la lutte contre l’impunité, qualifiant d’odieuse l’attaque perpétrée par des éléments présumés de la CODECO dans un site de personnes déplacées dans l’Ituri.  La représentante a indiqué que la Suisse collabore avec les autorités congolaises et l’Union africaine (UA) dans le domaine de la prévention des violences. 

La déléguée a en outre estimé qu’un dialogue sincère et inclusif est nécessaire pour faire progresser les processus politiques, recommandant qu’il soit mené au niveau national, entre les autorités congolaises, l’opposition politique et la société civile, particulièrement dans le contexte pré-électoral où des tensions se font déjà sentir.  Au niveau régional, elle a souligné l’importance du dialogue entre les États de la région pour le succès des processus de Luanda et de Nairobi en saluant la tenue, demain à Luanda, du sommet quadripartite sous l’égide de l’UA.  « Les initiatives de paix régionales doivent se renforcer mutuellement. »  Elle a aussi souligné l’importance d’un dialogue inclusif entre Kinshasa, la MONUSCO et l’équipe de pays des Nations Unies dans le cadre du plan de transition.  Il faut une compréhension commune des étapes de la transition, a souhaité la déléguée, en particulier sur les conditions minimales de sécurité permettant une sortie responsable et durable de la Mission. 

S’adressant ensuite au Gouvernement, la déléguée l’a invité à augmenter ses efforts pour la stabilisation du pays, notamment à travers la restauration de l’autorité de l’État, la bonne gouvernance et la réforme du secteur de la sécurité.  À cet égard, elle a rappelé le soutien de son pays à l’appel du Secrétaire général à ce que le projet de loi établissant une réserve de défense armée ne conduise pas à l’intégration de facto de groupes armés au sein des forces armées congolaises.  En conclusion, elle a assuré que si la Suisse est attentive à la voix des autorités congolaises appelant à une transition accélérée de la MONUSCO, le témoignage de l’habitante du village d’Arr’ illustre le besoin que, durant cette période de transition, le Gouvernement congolais redouble ses efforts pour renforcer la protection de la population civile. 

M. ROBERT A.  WOOD (États-Unis) s’est dit préoccupé par les appels croissants du Gouvernement de la RDC en faveur d’un retrait de la MONUSCO.  Certes, a-t-il dit, la Mission ne doit pas rester indéfiniment mais il y un processus général en cours et le Gouvernement de la RDC n’aura pas atteint en 2023 les objectifs fixés pour assurer ce retrait, lequel entraînerait un vide sécuritaire avec des effets dévastateurs pour les populations les plus vulnérables.  En cas de retrait précipité, nous verrions la CODECO et d’autres groupes armés redoubler d’activités, il y aurait davantage de massacres et la crise humanitaire s’aggraverait encore, du fait notamment des violences, sexuelles et autres, a averti le représentant.  Face à ce risque, il importe selon lui de privilégier le dialogue, de faire preuve de volonté politique et de mettre en œuvre des réformes.  Il a ainsi salué le rapport du Gouvernement congolais au Conseil de sécurité sur la gestion des armes et des munitions, avant d’applaudir la récente condamnation d’un commandant rebelle pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

À cet égard, il s’est réjoui qu’une aide technique ait été apportée aux poursuites, ce qui montre l’importance de la collaboration entre le Gouvernement et la MONUSCO pour traduire en justice les coupables. Ces initiatives doivent se poursuivre tant que la Mission est sur place, a-t-il plaidé, reconnaissant toutefois que des progrès restent à réaliser dans le secteur de la sécurité.  Le représentant s’est alarmé à ce propos de la coopération entre les FARDC et certains groupes comme le FDLR, qui est sous le coup de sanctions.  Il a donc demandé au Gouvernement de la RDC de professionnaliser ses forces de sécurité et de mettre un terme à ces liens.  Dans le même temps, il a appelé le Gouvernement du Rwanda à retirer ses troupes de la RDC et à « cesser d’appuyer le M23 séance tenante ».  À ses yeux, il s’agit d’une crise régionale qui requiert une solution globale.  Tout doit par conséquent être fait pour aider la MONUSCO à s’acquitter de sa mission de protection des civils et de rétablissement de la stabilité, a-t-il conclu. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a salué la conclusion du processus d’inscription des électeurs et de la vérification externe du registre électoral, se félicitant aussi du rôle croissant des femmes dans les procédures électorales. À l’approche des élections, les acteurs politiques doivent faire en sorte d’éviter que les tensions politiques ne dégénèrent en violences électorales, a prié le représentant.  Le délégué a ensuite exprimé la préoccupation des A3 du fait de la violence des groupes armées.  Il a demandé à ceux-ci d’adhérer à l’initiative du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation et de se retirer du territoire congolais.  Il a appelé de ses vœux l’émergence d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix et d’opérations antiterroristes, dirigées par des forces régionales, avec un financement garanti et prévisible, faisant valoir que l’Union africaine est le « partenaire évident » de ce Conseil dans cette mission.  Il a appuyé la décision de la CAE, qui a acté le prolongement du mandat de sa force régionale, notamment pour le renforcement de la coordination et des synergies entre cette force, les FARDC, la MONUSCO, le mécanisme de vérification ad hoc et d’autres acteurs militaires sur le terrain. 

S’agissant de la transition de la MONUSCO, le représentant a réitéré la nécessité d’un retrait ordonné, en consultation avec les autorités congolaises.  Les A3, a poursuivi le délégué, encouragent la RDC et les pays de la région à renforcer les contrôles internes, le suivi et la vérification conformément aux mécanismes régionaux de certification afin de s’assurer que les richesses minières de la RDC contribuent à sa prospérité et à son développement.  Il a exhorté le Gouvernement de la RDC à améliorer les conditions de vie des personnes touchées par le conflit et à leur fournir un soutien psychosocial adéquat.  Les bailleurs de fonds internationaux doivent poursuivre leurs contributions à ce plan, a-t-il demandé en guise de conclusion. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a rappelé que, le mois prochain, le Conseil devrait recevoir le rapport du Secrétaire général sur les options de reconfiguration de la MONUSCO et le rôle futur des Nations Unies en RDC.  Nous sommes tous d’accord pour reconnaître l’importance d’une coopération étroite et constructive entre toutes les parties prenantes pour assurer une transition souple, responsable et durable, a-t-il dit. Rappelant que la priorité stratégique de la Mission est, et restera, de contribuer à la protection des civils, le représentant a néanmoins souligné que tous les efforts de sécurité doivent être coordonnés au premier chef par les autorités congolaises, y compris la pleine mise en œuvre du Programme national de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation, un programme « essentiel » selon lui pour parvenir à une paix durable.  S’agissant du volet politique, il a indiqué sur son pays, en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), soutient les efforts du Gouvernement visant à organiser de manière inclusive, en décembre prochain, des élections libres, équitables et sûres, cela en fournissant un renforcement adapté des capacités.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté une détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC.  Elle s’est particulièrement alarmée de la confrontation prolongée entre les forces gouvernementales congolaises et le M23 dans la province du Nord-Kivu, mais aussi des tensions entre Kinshasa et Kigali, ainsi que des activités du « groupe islamiste » ADF, qui, selon elle, recourt de plus en plus aux méthodes terroristes.  Malgré l’opération militaire conjointe menée depuis 2021 par les Forces armées de la RDC et celles de l’Ouganda contre l’ADF, ce groupe a réussi à étendre considérablement le territoire sous son contrôle, a-t-elle relevé, condamnant l’attaque meurtrière qu’il a perpétrée le 16 juin contre une école en Ouganda.  La représentante a également dénoncé les agissements d’autres groupes armés opérant sur le territoire de la RDC, notamment la CODECO, Red Tabara, les Maï-Maï et les FDLR.  Elle s’est aussi déclarée préoccupée par l’aggravation de la crise humanitaire, jugeant crucial d’obtenir des résultats concrets dans les efforts régionaux menés à travers les processus de négociation de Nairobi et de Luanda. 

La priorité est de parvenir à une cessation des hostilités et à un dialogue global et inclusif, tout en continuant d’œuvrer à la pleine mise en œuvre de l’accord-cadre de 2013 sur la paix, la sécurité et la coopération dans les régions orientales de la RDC, a-t-elle poursuivi, jugeant impossible de parvenir à une normalisation à long terme par des mesures purement militaires.  Dans ce contexte, la représentante a estimé que la présence de la MONUSCO demeure un important facteur de stabilisation.  Pour améliorer la protection de la population congolaise, elle a appelé à davantage de coordination entre les FARDC et la Mission, ainsi qu’avec d’autres forces régionales et nationales.  Elle a par ailleurs déclaré attendre avec intérêt les propositions du Secrétaire général sur la reconfiguration de la Mission à la lumière des travaux en cours destinés à réviser le plan de retrait progressif des Casques bleus du pays.  Estimant à cet égard que la responsabilité du sort du pays incombe aux Congolais eux-mêmes, elle a réitéré son appui aux décisions du Conseil relatives à la levée de l’embargo sur les armes qui pèse sur la RDC.  Enfin, la représentante a salué la préparation des élections générales prévues en décembre et a souhaité plein succès à l’organisation du scrutin. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué le travail « colossal » de la MONUSCO dans le pays dans les domaines de l’humanitaire et de la sécurité.  Le représentant s’est également félicité de l’achèvement du processus d’inscription sur les listes électorales.  Il a appelé au respect de l’espace civique et de la liberté d’expression et de réunion.  Le délégué a aussi souligné l’importance du rôle de la société civile en cette période préélectorale.  Préoccupé par la situation sécuritaire, le représentant a demandé une protection accrue de la population.  Il a encouragé le Gouvernement à mettre en œuvre le plan national sur la violence sexuelle. 

Sur les plans politique et sécuritaire, il a exhorté les parties à mettre en œuvre le processus de Nairobi.  Le M23 doit quitter les zones occupées, a exigé le délégué pour qui le Rwanda doit avancer sur la voie de la diplomatie pour trouver une solution à la situation.  Le délégué a aussi souligné l’importance de l’aide humanitaire internationale pour aider la population, notamment dans les zones contrôlées par le M23.  Il a appelé à faire cesser les campagnes de désinformation et de mésinformation en RDC, arguant qu’elles sapent le travail de la MONUSCO.  Le représentant a par ailleurs salué les formations entreprises pour renforcer le système judiciaire en RDC et salué la visite du Procureur de la CPI.  Disant suivre de près les prochaines étapes, il a demandé au Gouvernement de prendre des mesures pour la paix et la réconciliation et pour renforcer le système judiciaire du pays.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est dit convaincu qu’en dépit d’une situation sécuritaire particulièrement préoccupante, il est impératif de donner la priorité aux initiatives positives les plus urgentes, cela en évitant les actions susceptibles de faire obstacle à l’atteinte de la paix et de la stabilité. À cet égard, les prochaines élections générales offrent une occasion de choix pour insuffler l’espoir d’un changement au sein de la population congolaise, a-t-il voulu croire.  Le représentant a ainsi salué les opérations d’enregistrement des électrices et des électeurs conduites par les autorités congolaises, parfois dans des régions marquées par une insécurité croissante.  Sur ce point, il a encouragé les autorités à protéger et à promouvoir le droit de réunion politique.  Après avoir formé le souhait que des mesures de confiance soient prises, au lieu des discours de haine, le représentant maltais a appelé au désamorçage des tensions entre la RDC et le Rwanda, suggérant le recours à des mécanismes de vérification régionaux à cette fin.  Alors que nous nous préparons à organiser le retrait progressif de la MONUSCO, notre Conseil doit préconiser une approche sur mesure accordant la première priorité à la protection des civils, a-t-il conclu. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’abord fait observer que, parmi les dizaines de groupes armés illégaux différents qui opèrent dans l’est de la RDC, celui qui a été le plus souvent cité est le M23.  Bien qu’il ne s’agisse pas d’un groupe important par la taille, il a un impact disproportionné en raison du fait qu’il s’appuie sur un haut niveau d’organisation et aussi parce qu’il est bien équipé, a-t-il expliqué.  S’il a salué la nette réduction des hostilités entre le M23 et les FARDC au cours des dernières mois, il a déploré la flambée de violences et d’atrocités en Ituri signalée par Mme Pobee.  Le Brésil réitère l’appel du Conseil à tous les groupes armés pour qu’ils déposent les armes, a déclaré le représentant en exhortant aussi à cesser tout soutien extérieur aux groupes armés illégaux en RDC. 

Par ailleurs, le délégué a noté la volonté du Gouvernement de la RDC d’accélérer le retrait de la MONUSCO dans le cadre de la transition.  Prenant note du dialogue constant entre la Mission et les représentants du Gouvernement au sein du groupe de travail conjoint sur la transition, le délégué a souligné que le départ de celle-ci sans le respect strict des critères du plan de transition créerait davantage de difficultés pour la population de l’est de la RDC.  La transition doit en effet être bien coordonnée avec les autorités nationales et locales, ainsi qu’avec les forces régionales et autres forces extérieures présentes dans le pays, a-t-il recommandé, soulignant à cet égard l’importance de renforcer le rôle de l’Équipe de pays des Nations Unies. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a dit qu’il n’y a pas de solution simple au conflit et à la situation humanitaire en RDC.  La représentante a rappelé aux parties leurs obligations de protéger les populations civiles et condamné les attaques des groupes armés contre les civils.  Elle a demandé au M23 de cesser ces attaques avant de dénoncer les discours de haine qui contribuent aux conflits.  Rappelant l’importance du dialogue pour résoudre le conflit et relever les défis humanitaires, la représentante a souligné l’importance d’octroyer des ressources pour une médiation efficace afin de pouvoir éliminer les causes sous-jacentes du conflit dès qu’elles bourgeonnent dans les communautés.  À cet égard, elle a noté l’importance du rôle de la MONUSCO notamment pour dissuader les attaques contre les camps des déplacés qui doivent être protégés. 

Dénombrant trois crises en RDC, nommément la crise des violences sexuelles, la crise humanitaire et alimentaire et la crise sécuritaire, la représentante a néanmoins estimé que « la paix est possible ».  Pour qu’il en soit ainsi, elle a invitéà s’engager sur la voie du dialogue en soulignant que celui-ci doit être inclusif.  La déléguée a plaidé contre l’instrumentalisions de la haine et souligné l’importance des prochaines élections. Elle a également salué les processus de Luanda et de Nairobi, qui viennent contribuer à la stabilité de la RDC.

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a souligné que la situation politique de son pays est principalement dominée par la poursuite du processus électoral et des efforts régionaux et internationaux pour résorber la crise dans l’est de la RDC.  Concernant les élections, il a noté la promulgation, le 15 juin 2023, par le Président Félix Tshisekedi Tshilombo, de la loi portant répartition des sièges pour les élections, ajoutant que la Commission électorale avait clôturé le processus d’enrôlement le 25 avril 2023.  Il a assuré qu’aux mois de juillet et de septembre, les populations et les personnes déplacées dans les territoires de Masisi et Rutshuru seront aussi enregistrées, ces zones n’ayant pas été encore listées du fait de l’insécurité.  La Commission va continuer à travailler sans relâche, et ce conformément à la volonté exprimée de mon gouvernement en faveur de la tenue d’élections transparentes, inclusives et crédibles, a-t-il ajouté. 

Pour ce qui est de de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, le représentant a demandé aux partenaires de son pays qu’ils cessent de considérer que ce qui s’y déroule n’est qu’un problème congolo-congolais.  « Si nous n’agissons pas en bloc collectif pour éradiquer les groupes armés et traiter sans complaisance les causes profondes de ce conflit, nous paierons tous d’une manière ou d’une autre le prix collectif de ce qui se développe dans la région. »  Il a demandé que le Conseil n’oublie pas que le conflit qui ravage depuis plus de vingt-cinq ans l’est de la RDC, et qui a fait plus de 10 millions des morts, « ne tire pas sa vraie source ou origine en RDC ».  C’est un conflit exporté et ensuite transposé sur le sol congolais, a-t-il dit. 

Sur la dynamique régionale, il a affirmé que les FDLR ne constituent nullement une véritable menace ni militaire ni sécuritaire pour le Rwanda, ce pays utilisant ce prétexte pour se livrer à la « prédation des ressources naturelles de la RDC » et continuer d’ambitionner une extension territoriale réitérée dans le récent discours du Président Paul Kagamé au Bénin.  « Cessez de rêver, la terre congolaise est sacrée! »  Le délégué a assuré que le Président congolais et son peuple ne céderont aucun pouce du territoire national.  Poursuivant sur cette question, il a accusé « le tandem M23/RDF » de saboter les processus de Nairobi et de Luanda.  Enfin, il a averti que les massacres perpétrés dans l’est de la RDC démontrent une volonté d’extinction de la population civile congolaise de l’Est, celle-ci étant tuée, violée, terrorisée, traumatisée et chassée de ses terres vers des camps des déplacés insalubres pour s’assurer ensuite de leur lente extermination.  Face à cette « réalité atroce », il a exigé un minimum de respect pour les populations civiles de la RDC et les vaillantes forces de sécurité congolaises (FARDC), qui se battent au prix du sacrifice pour libérer le pays de l’agression. 

S’adressant ensuite au Conseil de sécurité, le représentant lui a demandé de réaffirmer l’intangibilité des frontières de la RDC, d’appuyer le processus de Nairobi-Luanda, de sanctionner plus vigoureusement les « mouvements terroristes », d’exiger une accélération du retrait des troupes de du M23 des zones qu’ils occupent pour « qu’ils puissent retourner dans leur véritable pays d’origine », d’accélérer le financement du plan d’aide humanitaire d’urgence et de prendre des sanctions ciblées contre les autorités rwandaises concernées, les ADF et la CODECO.  Enfin, s’agissant du retrait de la MONUSCO, il a assuré le Conseil que son gouvernement poursuit un dialogue constructif avec la Mission autour de la redéfinition du plan de transition. 

M. CLAVER GATETE (Rwanda) s’est tout d’abord félicité des efforts régionaux qui ont conduit à la cessation des hostilités dans l’est de la RDC, saluant le soutien des États de la région des Grands Lacs et le suivi quotidien de la force régionale de la CAE. À cette aune, il a exhorté la communauté internationale à soutenir la mise en œuvre complète de ces mécanismes.  Il a ensuite déploré l’absence de condamnation, par le Conseil ou la MINUSCO, des « actes de génocide » en cours contre les Tutsi congolais et les Congolais rwandophones.  Accusant à cet égard le Gouvernement de la RDC de continuer à soutenir plusieurs groupes armés, y compris les FDLR, qui fait l’objet de sanctions de l’ONU, il y a vu un lien direct avec la montée « dramatique » de la violence contre les civils.  Dans la seule province de l’Ituri, 643 civils ont été tués par des groupes armés tels que la CODECO et les ADF en moins de trois mois, ce qui constitue un niveau de violence jamais vu depuis 2017, s’est-il indigné, regrettant le silence de la MONUSCO et du Gouvernement de la RDC sur le « caractère génocidaire » de ces atrocités.  Le représentant a fait valoir qu’un certain nombre de rapports de l’ONU et d’autres organisations régionales et internationales ont détaillé la manière dont les autorités de la RDC autorisent les discours de haine antirwandophone et antitutsi, l’incitation à la violence, les massacres et les actions ciblées.  Il s’est dit particulièrement inquiet du fait que de hauts responsables congolais propagent un sentiment antirwandais comme une « expression de patriotisme ou de devoir civique » pour « marquer des points politiques ».  Il a donc appelé la Commission des droits de l’homme à enquêter sur ces crimes et à prendre les mesures appropriées. 

Le représentant s’est par ailleurs étonné que le rapport du Secrétaire général ne fasse pas mention des FDLR, alors même que ce groupe armé est « le principal orchestrateur de l’instabilité dans l’est de la RDC ».  Selon lui, cette milice se démarque des plus de 120 groupes armés opérant dans l’est de la RDC sur trois plans: son savoir-faire militaire, son vaste réseau économique et son indéfectible soutien aux Forces armées de la RDC.  Compte tenu de l’imposition de sanctions à son encontre, le groupe des FDLR aurait dû être désarmé et renvoyé au Rwanda pour y faire face à la justice pour son rôle dans le génocide de 1994 contre les Tutsi, a-t-il fait valoir. Or, les FARDC et les FDLR ne cessent de violer l’intégrité territoriale du Rwanda, prouvant ainsi l’intégration des FDLR dans les forces gouvernementales, en a déduit le représentant. Ce choix de la RDC démontre, selon lui, que Kinshasa « n’est pas intéressé par la paix ».  Il a regretté que la MONUSCO et le Conseil de sécurité, bien qu’ils aient pleinement conscience de la volonté du Gouvernement de la RDC de collaborer avec les FDLR, n’aient pris « aucune mesure de fond ».  Au lieu de cela, a-t-il relevé, le Rwanda est devenu le « bouc émissaire de l’insécurité » dans l’est de la RDC. 

Le Rwanda reste néanmoins déterminé à travailler au sein des mécanismes en place, en particulier les processus de Nairobi et de Luanda, a assuré le délégué, pour qui le Gouvernement de la RDC bloque la mise en œuvre de ces efforts, notamment en empêchant la force régionale d’Afrique de l’Est d’exécuter son mandat.  Il a cependant observé que l’application des accords de Nairobi et de Luanda progressent, comme en attestent le déploiement des forces régionales de l’Afrique de l’Est, la sécurisation du cessez-le-feu et le retrait du M23 des territoires qu’il occupe.  Si, idéalement, ces réalisations devraient être suivies par la RDC pour rapprocher la région de ses objectifs de paix, le représentant a constaté qu’il n’en est rien et qu’aucune mesure sans ce sens n’a été prise par ce pays. Dans ces conditions, tant que Kinshasa soutiendra les FDLR génocidaires et d’autres « éléments antirwandais », le Rwanda maintiendra ses mécanismes défensifs et préventifs pour se prémunir contre les violations de ses frontières et de son espace aérien, et assurer la sécurité totale de son territoire, a-t-il prévenu, appelant la communauté internationale à soutenir les processus de Luanda et de Nairobi, qui demeurent « notre meilleure chance de paix et de stabilité pour la région ». 

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