7575e séance – après-midi
CS/12151

Le Conseil de sécurité est divisé sur l’examen des violations des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée

En présence de deux ex-prisonniers politiques nord-coréens, qui se sont levés silencieusement à l’invitation des États-Unis, le Conseil de sécurité a débattu cet après-midi, pour la première et la dernière fois cette année, de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Bien que cette réunion ait connu un précédent, le 22 décembre 2014, elle n’a pu se tenir qu’à l’issue d’un vote de procédure, à la demande de la Chine, pour qui « le Conseil de sécurité n’est pas l’enceinte appropriée aux Nations Unies » pour examiner une telle situation.  Le vote a recueilli 9 voix pour, 4 contre (Angola, Chine, Fédération de Russie et Venezuela) et 2 abstentions (Tchad et Nigéria).

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Zeid Al Hussein, a assuré qu’en 2015, les violations flagrantes se sont poursuivies en RPDC, comme l’ont établi la Commission internationale d’enquête, diligentée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mais aussi les témoignages accablants de transfuges recueillis par le Bureau que le Haut-Commissariat a ouvert à Séoul en juin dernier.

C’est précisément parce que ni la Commission d’enquête, ni le Haut-Commissariat n’ont été, jusqu’à présent, en mesure de se rendre en RPDC que le Tchad a justifié son abstention lors du vote, en arguant qu’il était nécessaire d’enquêter sur le territoire nord-coréen.  Le Haut-Commissaire s’est, toutefois, réjoui d’avoir reçu tout récemment du Ministère nord-coréen des affaires étrangères une invitation à se rendre en personne dans le pays.

Enlèvements de ressortissants étrangers, disparitions forcées, traite des êtres humains, absence d’indépendance judiciaire sont au nombre des allégations relayées aujourd’hui par M. Al Hussein devant le Conseil de sécurité.  Il a ainsi affirmé que les droits fondamentaux et les libertés individuelles de « millions de personnes » étaient bafoués par un régime « repoussant », « sans équivalent dans le monde contemporain ».

« Elles ne peuvent se déplacer librement à l’intérieur du pays, ni dénoncer les injustices.  Elles ne peuvent choisir de religion.  Elles sont privées d’accès à des informations qui n’ont pas été préalablement approuvées par le régime et ne peuvent adhérer à des organisations considérées comme critiques du Gouvernement », a-t-il précisé.

De son côté, a poursuivi le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, la Commission internationale d’enquête a fait état d’un réseau de « camps de prisonniers politiques », où la famine, le travail forcé, les assassinats extrajudiciaires et exécutions sommaires, les actes de torture et les abus sexuels sont monnaie courante.  Des « centaines de milliers de personnes seraient mortes, depuis des décennies, dans ces camps, où entre 80 000 et 120 000 personnes continueraient d’être internées.

Trois types d’allégations se dégagent des enquêtes que mène, pour sa part, le Haut-Commissariat depuis la République de Corée: la dureté du traitement réservé aux prisonniers politiques nord-coréens; l’insécurité alimentaire généralisée; et les violences sexuelles et la discrimination dont sont victimes les femmes en RPDC.  La question de la séparation des familles demeure, en outre, un sujet de grave préoccupation pour la République de Corée, comme celle des enlèvements pour le Japon, deux pays qui se sont exprimés aujourd’hui.

Alors que plusieurs membres du Conseil de sécurité contestaient la pertinence de la séance de cet après-midi, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, a rappelé que la communauté internationale avait la « responsabilité collective de protéger » la population de la RPDC contre des crimes graves si les autorités de ce pays échouent à le faire.

« Les violations persistantes et les lacunes systémiques renforcent les inquiétudes de la communauté internationale sur la possibilité d’un virage abrupt, d’un événement aux répercussions considérables qui pourrait rapidement engloutir la région », a mis en garde, quant à lui, le Haut-Commissaire.

Rejetant les accusations d’une politique de « deux poids deux mesures » faites par certains membres, la représentante des États-Unis –pays qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité pendant le mois de décembre–, a estimé, elle aussi, que les violations massives, décrites aujourd’hui, constituaient une menace évidente à la paix et à la sécurité internationales.

Sa délégation estime, a-t-elle dit, que le Conseil doit déférer la situation des droits de l’homme à la Cour pénale internationale (CPI), comme l’avait encouragé, le 19 novembre dernier, la Troisième Commission de l’Assemblée générale.  C’est ce qu’ont souhaité également le Chili, l’Espagne, la France, la Lituanie et le Royaume-Uni, tous signataires de la lettre* demandant la convocation de la réunion d’aujourd’hui.

La Fédération de Russie a, pour sa part, demandé la reprise des Pourparlers à Six, afin de parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Pour le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, « tout appel à la responsabilisation » doit d’ailleurs « aller de pair » avec un dialogue ouvert avec le Gouvernement de la RPDC.  Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a indiqué que les autorités à Pyongyang avaient donné, récemment, des signes d’engagement en ce sens.

* S/2015/931

 

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

Déclarations

M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a rappelé que la Troisième Commission avait adopté, le 19 novembre, un projet de résolution sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Il a souligné que la RPDC avait la responsabilité de protéger sa population contre la menace de crimes graves et que la communauté internationale avait, quant à elle, la responsabilité collective de protéger la population de la RPDC.  La communauté internationale n’a pas encore trouvé un moyen efficace de remédier aux violations graves des droits de l’homme en RPDC évoquées par la Commission d’enquête, a-t-il concédé, en ajoutant que selon les conclusions de cette Commission, ces violations révélaient un « État sans équivalent dans le monde contemporain ».  Il a affirmé que, malgré les différentes perspectives sur ce sujet, les discussions relatives aux droits de l’homme, y compris au sein de ce Conseil, permettaient de mieux comprendre la situation sécuritaire en RPDC.  « L’histoire nous montre que les violations graves des droits de l’homme sont souvent un signe avant-coureur d’instabilité et de conflit, en particulier lorsque ces violations restent impunies. »

M. Feltman s’est ensuite dit préoccupé par les informations selon lesquelles la RPDC aurait procédé à un tir test balistique sous-marin le 28 novembre, en dépit des résolutions du Conseil de sécurité demandant une cessation de ces essais.  Bien que chaque situation soit distincte, le plan d’action relatif au programme nucléaire iranien montre que la diplomatie peut être efficace concernant les questions de non-prolifération, a-t-il assuré.  « Il y a un fort consensus international sur le besoin de paix, de stabilité et de dénucléarisation dans la péninsule coréenne », a indiqué M. Feltman, qui a appelé au dialogue.

Le Secrétaire général adjoint a expliqué que les efforts de la communauté humanitaire et l’engagement du Gouvernement de la RPDC en vue d’améliorer sa capacité de réponse à des catastrophes naturelles avaient permis une amélioration des relations entre ce pays et l’ONU.  L’ouverture croissante du Gouvernement à la conduite, avec l’ONU et des ONG, de missions d’évaluation, a-t-il estimé, ont permis un meilleur acheminement de l’aide humanitaire à ceux qui en ont le plus besoin.  M. Feltman a rappelé le rôle critique de cette aide pour la RPDC et exhorté les États Membres à accroître leur assistance.  Il a précisé que l’équipe pays des Nations Unies discutait avec le Gouvernement en vue d’élaborer un cadre stratégique pour l’aide humanitaire et le développement du pays qui serait effectif en 2017.

Rappelant que cette année marque le soixante-dixième anniversaire des Nations Unies, mais aussi le soixante-dixième anniversaire de la division de la péninsule coréenne, M. Feltman s’est dit encouragé par la tendance positive enregistrée dans le dialogue entre la RPDC et la République de Corée, en particulier « l’Accord d’août ».  Il a souligné l’engagement de la RPDC en faveur du dialogue avec l’ONU, ainsi que la volonté du Secrétaire général de jouer un rôle constructif, y compris par une visite en RPDC, dans la facilitation du dialogue entre les deux Corées.  L’invitation faite par la RPDC au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est un signal positif, a-t-il dit.

Enfin, M. Feltman a affirmé que certains membres de ce Conseil avaient exprimé leur volonté de revoir leur position vis-à-vis de la RPDC si ce pays adoptait des mesures concrètes sur les droits de l’homme.  Il a ajouté que la discussion de ce jour était l’occasion pour la RPDC et la communauté internationale de prendre des mesures concrètes afin d’améliorer les droits de l’homme et les conditions de vie de la population nord-coréenne.  « J’exhorte la RPDC et les États Membres concernés à prendre de telles mesures », a-t-il dit avant de conclure.

M. ZEID RA’AD ZEID AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que l’enlèvement de ressortissants étrangers, les disparitions forcées et le trafic et le mouvement continu de réfugiés et de demandeurs d’asile le démontrent clairement: les violations flagrantes des droits de l’homme se poursuivent en République démocratique populaire de Corée (RPDC), où les victimes sont toujours privées de recours et de procédures pour la reddition des comptes par une justice indépendante.  Jugeant opportun de discuter de cette situation au moment où nous célébrons la Journée des droits de l’homme,  M. Al-Hussein a affirmé que des millions de personnes voyaient leurs droits fondamentaux et leurs libertés individuelles bafoués.  « Elles ne peuvent pas se déplacer librement à l’intérieur du pays, ni dénoncer les injustices.  Elles ne peuvent pas choisir leur religion.  Elles sont privées d’accès à des informations qui ne bénéficient pas de l’approbation du régime et ne peuvent adhérer à des organisations considérées comme critiques du Gouvernement », a-t-il précisé.

La Commission internationale d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme a décrit en détail la « nature repoussante » du réseau de camps de prisonniers politiques, où même des enfants sont délibérément affamés, contraints au travail forcé, victimes d’assassinats extrajudiciaires et d’exécutions sommaires, torturés et abusés sexuellement.  La Commission, a poursuivi le Haut-Commissaire, a indiqué que des centaines de milliers de personnes avaient péri dans ces camps au cours des décennies écoulées et qu’entre 80 000 et 120 000 personnes y sont toujours retenues contre leur gré.  « Cette année, le Haut-Commissariat a commencé de mettre en œuvre les recommandations de la Commission d’enquête, pour qui « la gravité, l’ampleur et la nature des violations des droits de l’homme révèlent un État sans équivalent dans le monde contemporain » et des crimes contre l’humanité ont été commis.  Au nombre de ces recommandations, figure l’établissement d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a été inauguré à Séoul en juin dernier.  Il a depuis recueilli de nombreux témoignages accablants, qui confirment l’aggravation de la situation en RPDC.  M. Al Hussein a par ailleurs dénoncé les menaces adressées par le régime de Pyongyang contre le Bureau du Haut-Commissariat à Séoul.  Le Haut-Commissaire s’est toutefois félicité de l’invitation qui vient de lui être adressée par le Ministre des affaires étrangères de la RPDC pour qu’il se rende dans le pays.  « Mon bureau est maintenant engagé avec les autorités du pays pour étudier les modalités d’une éventuelle visite », a-t-il dit.

Trois types d’allégations ont été identifiés dans le cadre des enquêtes du Haut-Commissariat.  Tout d’abord, le « traitement sévère » infligé aux détenus dans les camps de prisonniers politiques et dans d’autres lieux de détention, en particulier aux premiers stades de la procédure pénale. Privés d’accès à des avocats indépendants, ils subissent des conditions de détention « inhumaines », dont des actes de torture lors des interrogatoires, a accusé le Haut-Commissaire.  La seconde allégation récurrente porte sur l’insécurité alimentaire en RPDC, en raison de l’« échec » du système public de distribution des vivres.  Étant donné les inégalités sociales au sein de la RPDC, la vulnérabilité des populations les plus pauvres demeure préoccupante.  Troisièmement, comme dans de nombreux autres pays, les femmes de la RPDC sont victimes de violences sexuelles et de discrimination.  Leur souffrance semble être exacerbée par l’absence de « prise de conscience » que cette violence est « inacceptable » mais aussi de mécanismes de soutien appropriés.  En outre, les récentes restrictions imposées aux mouvements à la frontière avec la Chine, souvent empruntée par les femmes qui font du commerce privé, ont d’autant plus limité leur capacité à subvenir à leurs propres familles, aggravant leur vulnérabilité face à la traite d’êtres humains.

Si des progrès ont été observés s’agissant des réunions avec les familles, la question des enlèvements internationaux demeure un sujet de très grave préoccupation, a poursuivi le Haut-Commissaire.  Alors qu’une Commission spéciale d’enquête sur cette question a été créée en RPDC, aucune information n’a été fournie depuis sur ses conclusions.  De même, le sort de centaines de victimes d’enlèvement de la République de Corée doit être éclairci.  Le 21 septembre dernier, le Haut-Commissariat a organisé des consultations sur la situation des droits de l’homme en RPDC, y compris la question des enlèvements internationaux, des disparitions forcées et les questions connexes.  « Cela a été suivi par une visite au Japon par mon équipe de Séoul », a précisé M. Al Hussein.

Une fois de plus, cette année, l’Assemblée générale a demandé au Conseil de sécurité de prendre des mesures en renvoyant la situation en RPDC devant la Cour pénale internationale (CPI), étant donné l’ampleur et l’extrême gravité des allégations, a rappelé M. Al-Hussein.  Tout appel à la responsabilisation doit cependant aller de pair avec un dialogue ouvert avec le Gouvernement de la RPDC, qu’il a encouragée aux réformes et à accepter de l’aide.  « Les violations persistantes et les lacunes systémiques renforcent les inquiétudes de la communauté internationale sur la possibilité d’un virage abrupt, d’un événement aux conséquences considérables qui pourrait rapidement engloutir la région.  Comme nous l’avons dit à maintes reprises, si la communauté internationale souhaite sérieusement atténuer les tensions dans la région, davantage doit être fait sur un plan collectif pour veiller au respect des droits de l’homme en RPDC », a déclaré le Haut-Commissaire avant de conclure.

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a affirmé que la RPDC était un État totalitaire, qui affame sa population.  « Nous ne sommes pas ici pour régler des comptes mais parce que les violations commises en RPDC ne peuvent pas être ignorées. »  Si un État ne respecte pas les droits de l’homme, tous les États doivent être préoccupés, a-t-il précisé.  Le représentant britannique a vivement déploré la priorité que les autorités de la RPDC accordent au renforcement des capacités militaires de leur pays au lieu de veiller à assurer la sécurité alimentaire de la population.  « La résolution de la Troisième Commission reflète la conviction commune que nous voulons pour la RPDC, le respect des droits de l’homme que nous voulons pour nous-mêmes », a affirmé le délégué.

Il s’est ensuite félicité de l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Séoul, malgré les menaces essuyées par ce Bureau, avant de rappeler qu’il incombait en premier lieu aux autorités de la RPDC d’améliorer les droits de l’homme dans le pays.  Le délégué a dit attendre avec impatience la manière dont les autorités nord-coréennes  allaient mettre en œuvre les recommandations de l’examen périodique universel.  Nous verrons alors que les autorités de ce pays n’ont rien à cacher, a-t-il dit, en ajoutant que le monde avait les yeux rivés sur la RPDC.  Enfin, le représentant du Royaume-Uni a appuyé l’appel lancé au sein de ce Conseil en vue d’assurer la reddition des comptes en RPDC, y compris par la saisine de la CPI.

M. WANG MIN (Chine) a rappelé que son gouvernement était opposé à l’examen de la situation des droits de l’homme en RPDC par le Conseil de sécurité.  Maintenir la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne, qu’il faudrait dénucléariser, est un équilibre délicat qui requiert, selon lui, un dialogue constant avec toutes les parties prenantes.  La Chine, pour sa part, s’y emploie, en déployant des efforts inlassables et appelle la communauté internationale à se joindre à elle, a-t-il dit.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a rappelé l’appui inconditionnel de son pays aux efforts de non-prolifération nucléaire.  Il a déclaré avoir voté contre l’inscription de ce point à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, « parce que la situation des droits de l’homme en RPDC ne constitue pas une menace à la paix et à la sécurité internationales et ne relève donc pas du mandat de ce Conseil ».  Il a ajouté que l’Assemblée générale s’était d’ores et déjà saisie de cette question et que le Conseil des droits de l’homme était l’instance appropriée pour en débattre.  Pourfendant la politique des « deux poids deux mesures » qui a présidé, selon lui, à l’inscription de ce point à l’ordre du jour, le délégué a rappelé que des États mécènes du terrorisme, au sein desquels des violations des droits de l’homme sont commises, n’étaient pas condamnés par ce Conseil.

Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a rappelé que le respect de l’état de droit était étroitement lié à la paix et à la stabilité internationales.  Or, la RPDC est engagée dans un exercice de militarisation extrême dans le cadre de sa politique dite « Seon Gun ».  Dans la mesure où la situation des droits de l’homme dans ce pays ne s’est pas améliorée de façon notable depuis l’année dernière, il convient que le Conseil aborde de nouveau ce sujet.

Mme Schwalger a évoqué plusieurs violations des droits de l’homme citées par le Rapporteur spécial et la Commission d’enquête, dont l’exécution publique de 1 382 personnes entre 2010 et 2014, et la détention de 120 000 prisonniers politiques dans des camps.  Elle a en outre jugé « inacceptables » les menaces proférées par la RPDC à l’encontre du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Séoul.  Elle a toutefois noté que le pays avait accepté près de la moitié des recommandations faites lors du second Examen périodique universel (EPU).

« Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour sortir les Nord-Coréens de leur isolation forcée », et pour poursuivre les discussions sur la responsabilité de la RPDC, a conclu la représentante, en rappelant le rôle central de la péninsule nord-coréenne dans la sécurité de la région Asie-Pacifique.

M. TCHOULI GOMBO (Tchad) a réitéré ses vives inquiétudes concernant la situation des droits de l’homme en RPDC, tout en précisant que sa délégation s’était abstenue lors du vote de procédure car les enquêtes qui avaient été menées n’ont pas eu lieu sur le territoire de la RPDC.  C’est pourquoi nous appelons à la « prudence » et demandons des investigations « plus poussées » pour établir les responsabilités d’une manière « sans équivoque ».  En outre, a indiqué le représentant, l’examen de la situation des droits de l’homme en RPDC devrait être élargi à toutes les autres situations comparables dans d’autres pays du monde.  Il a ensuite plaidé en faveur de la mise en place d’un cadre de coopération idoine entre la RPDC et les structures onusiennes chargées d’enquêter sur les violations des droits de l’homme.  Le délégué du Tchad a appelé, en conclusion, toutes les parties ayant de l’influence sur la RPDC à l’exercer pour parvenir à rétablir le dialogue.

Mme DINA KAWAR (Jordanie) a déploré les violations massives des droits de l’homme commises en RPDC, en particulier à l’encontre des femmes et des enfants, et qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité.  Citant la menace de tirs nucléaires qui planent au-dessus de la péninsule coréenne du fait de la RPDC, elle a soutenu que la situation déplorable des droits de l’homme en RPDC constituait bel et bien une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La représentante de la Jordanie a exhorté les autorités de la RPDC à coopérer avec le Rapporteur spécial et à respecter les pertinentes résolutions du Conseil de sécurité.  Mme Kawar a estimé que le Conseil devrait présenter un front uni sur cette question.

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a indiqué que l’examen de cette situation des droits de l’homme au Conseil illustrait l’application de la politique des « deux poids deux mesures » qui devrait plutôt se pencher en priorité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine.  Le Conseil de sécurité outrepasse aujourd’hui ses prérogatives, a-t-il affirmé, en rappelant que le Conseil des droits de l’homme était l’enceinte appropriée pour ce type de débat, tout particulièrement son Examen périodique universel.  La situation dans la péninsule coréenne demeure complexe et délicate, a fait observer le délégué, pour qui la « politisation » des droits de l’homme par certains pays est « inefficace » et ne fait que saper la réalisation des objectifs premiers de l’ONU.  Le représentant du Venezuela a rappelé, avant de conclure, que le Conseil de sécurité devrait s’acquitter de ses responsabilités et s’en tenir aux questions liées au maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

« La situation dramatique des droits de l’homme en Corée du Nord n’a pas évolué », a affirmé M. ALEXIS LAMEK (France).  Après avoir dénoncé la poursuite de violations systématiques et de crimes « d’un autre âge », il est revenu en particulier sur les disparitions forcées qui sont innombrables dans un territoire qui ne permet pas leur recensement.  Si les autorités nord-coréennes ont reconnu leur responsabilité pour une partie des cas de disparitions, « il leur revient de répondre à l’inquiétude des familles et de permettre le retour des personnes enlevées », a-t-il insisté.  La France soutient la stratégie du Rapporteur spécial dans cette perspective, de même que la mission du Comité et du Groupe de travail sur les disparitions forcées.

La France est particulièrement attachée à la lutte contre l’impunité.  « Au-delà de l’indignation, c’est la seule réponse qui permet la justice et le retour durable de l’état de droit », a poursuivi M. Lamek.  Les responsables des crimes commis en « Corée du Nord » devront rendre des comptes devant la justice.  « Certains des crimes décrits par la Commission d’enquête pourraient être constitutifs, par leur ampleur et leur gravité, de crimes contre l’humanité, au sens du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ».  En ce sens, a-t-il précisé, la recommandation adressée par la Commission d’enquête visant à déférer la situation à la Cour, « mérite toute l’attention du Conseil ».

Pour le représentant, il faudrait continuer à documenter les violations et à faire la lumière sur les crimes.  « Ces crimes sont commis dans l’obscurité des geôles et des camps, dans un État qui refuse l’accès à toute forme d’observation, qu’elle vienne de la société civile, des médias, des défenseurs des droits, ou qu’elle vienne des organisations compétentes de l’ONU », a-t-il précisé.  M. Lamek a ajouté que l’ampleur des violations, à l’échelle d’un système gouvernemental, constituait en soi une menace à la paix et à la sécurité internationales.  C’est pourquoi il importe que le Conseil de sécurité, saisi de cette situation, continue d’être mobilisé.      

Mme DAINIUS BAUBLYS (Lituanie) a relevé que la Lituanie faisait partie des neuf pays membres du Conseil de sécurité favorables à la tenue de cette réunion publique.  La menace posée à la paix et à la sécurité internationales par la RPDC ne résulte pas que de ses programmes d’armes nucléaires clandestins.  Elle résulte aussi des violations « massives et atroces » des droits de l’homme qu’elle commet contre son peuple.  Depuis des décennies, a martelé la représentante, la RPDC commet des crimes qui choquent la conscience de l’humanité.  « La communauté internationale doit accepter sa responsabilité de protéger la population de la RPDC. »

Pour la représentante de la Lituanie, la situation en RPDC devrait être déférée à la CPI.  Elle a également estimé que le Conseil de sécurité devrait envisager des sanctions ciblées contre les principaux responsables des crimes contre l’humanité.  En outre, la situation des droits de l’homme en RPDC devrait être régulièrement inscrite à l’ordre du jour du Conseil.  La représentante a estimé que le Conseil devrait demander aux autorités nord-coréennes d’appliquer sans tarder les recommandations de la Commission d’enquête.

M. USMAN SARKI (Nigéria) a assuré que son pays accordait une grande importance aux droits de l’homme.  Il a noté qu’il pouvait y avoir des divergences de vue sur la manière de promouvoir les droits de l’homme et la paix.  Les États souverains doivent s’impliquer en faveur des questions des droits de l’homme qui les concernent, sur la base d’un respect mutuel, a-t-il affirmé.  La question des droits de l’homme ne doit pas être liée à celle de la prolifération des armes nucléaires, a fait remarquer le représentant du Nigéria.  Il a rappelé que les mécanismes de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme, en particulier l’Examen périodique universel, avaient montré leur efficacité.  Le délégué a noté, à ce propos, que la RPDC avait pris part aux premiers cycles de cet examen et ratifié certains instruments conventionnels de défense des droits de l’homme.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a rappelé l’opposition de sa délégation à la tenue de cette réunion et à celle qui l’avait précédée le 22 décembre 2014.  Il a estimé que l’examen du point à l’ordre du jour déjà « surchargé » du Conseil de sécurité ne relève en rien de la compétence du Conseil de sécurité, mais de celle du Conseil des droits de l’homme.  Le Conseil serait, selon lui, avisé de se concentrer à l’avenir sur les situations qui font peser une menace pour la paix et la sécurité internationales, ce qui n’est pas le cas des droits de l’homme en RPDC.  S’agissant de ce pays, le représentant russe a insisté sur la nécessité de reprendre les pourparlers à Six, priorité dont nous éloigne la réunion d’aujourd’hui.

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili), saluant cette réunion organisée à l’appel de la Troisième Commission de l’Assemblée générale, a reconnu qu’il faudrait étudier la possibilité de déférer la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC) à la Cour pénale internationale (CPI).  Il s’est inquiété des graves violations des droits de l’homme et des crimes contre l’humanité commis en RPDC et du climat d’impunité qui y prévaut.  Jugeant impératif de protéger la population touchée par ces violations, il a exhorté la RPDC à reconnaître les recommandations formulées par la Commission d’enquête et le Rapporteur spécial et, notamment, à coopérer avec le système des Nations Unies.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a affirmé que les violations massives des droits de l’homme en RPDC représentaient une menace à la paix et à la sécurité internationales et appuyé l’inscription de ce point à l’ordre du jour du Conseil.  Il a déclaré que ces violations constituaient des crimes contre l’humanité et menaçaient la stabilité de la région.  Les interventions des représentants du Japon et de la République de Corée seront utiles à ce Conseil pour s’en convaincre, a-t-il estimé.  « Le Gouvernement nord-coréen est le premier responsable de cette situation déplorable et, face à son inaction, la communauté internationale doit assumer ses responsabilités », a-t-il souligné.

Le représentant a estimé que le moment était venu pour le Conseil de répondre à ces violations, et ce, sans préjudice des questions de non-prolifération dont il est également saisi.  Il ne s’agit pas de politiser cette question, mais de remédier à notre inaction, a assuré le délégué.  Il a ainsi invité la communauté internationale à aller au-delà des condamnations verbales et à montrer qu’elle était prête à régler cette situation.  Le  Conseil, a-t-il dit, doit appuyer la stratégie du Rapporteur spécial.  Il a également souhaité que le Conseil lance un message sans équivoque à Pyongyang et fasse montre d’un engagement sans équivoque dans la lutte contre l’impunité, y compris par la saisine de la CPI.  En conclusion, le délégué a salué l’ouverture d’un Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Séoul et souligné  l’importance du rôle des organisations régionales pour améliorer les droits de l’homme en RPDC.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a exprimé son soutien à l’examen de la question à l’ordre du jour du Conseil aujourd’hui tout en rappelant les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies.  Il s’est félicité du dialogue qui s’est amorcé entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la RPDC, tout en encourageant ce pays à une plus grande coopération avec l’ensemble des entités du système des Nations Unies.  Le délégué a aussi salué les engagements pris récemment par la RPDC et la Corée dans le cadre de leur relation bilatérale.  Avant de conclure, il s’est déclaré convaincu que les pourparlers à Six demeuraient toujours la meilleure formule pour atténuer les tensions dans la péninsule coréenne.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a affirmé que les violations massives des droits de l’homme en RPDC constituaient une menace à la paix et à la sécurité internationales.  S’étonnant que certains membres du Conseil de sécurité avaient émis des critiques sur le recours à la politique des « deux poids deux mesures », elle a prévenu que l’histoire montrera que leurs objections étaient mal fondées.  Elle a souligné la nature totalitaire du régime nord-coréen, lequel, comme l’a affirmé la Commission d’enquête, n’a pas d’équivalent dans le monde contemporain. « Connaissez-vous un autre régime de ce type? »  a demandé la déléguée, en s’adressant à ceux qui pourraient en douter.

Mme Power a ensuite longuement détaillé les violations épouvantables commises en toute impunité en RPDC, parmi lesquelles les exécutions extrajudiciaires, l’enfermement dans des camps et les emprisonnements de ressortissants étrangers.  Elle a souligné aussi l’acuité de la faim dont souffrent les habitants de la RPDC.  Le Gouvernement nord-coréen cherche à déshumaniser son propre peuple car il sait que sa mainmise sur le pouvoir dépend de l’état de terreur dans lequel ce peuple est plongé, a-t-elle précisé.  Mme Power a ensuite décrit les épreuves traversées par deux anciens prisonniers politiques nord-coréens, un homme et une femme, qui se trouvaient dans la salle et qui se sont levés à sa demande.  La représentante des États-Unis a fait observer que la jeune femme avait vu des membres de sa famille mourir de faim, tandis que le jeune homme avait été torturé, en étant notamment pendu par les bras, avant que les deux ne puissent quitter le pays.  Des millions de personnes traversent des épreuves similaires, a affirmé Mme Power.

« Aucun membre de ce Conseil ne peut se permettre d’ignorer la réalité du régime de la RPDC », a-t-elle dit, en soulignant le mépris de ce pays pour les résolutions du Conseil et sa volonté affichée de détruire ses voisins.  La déléguée a ainsi expliqué que la RPDC avait fait du bureau du Haut-Commissariat  des Nations Unies aux droits de l’homme à Séoul une cible. Il est difficile d’imaginer un État Membre de l’ONU proférer de telles menaces contre le personnel de l’ONU, a-t-elle dit.  Il ne faudrait pas, a-t-elle prévenu, prendre à la légère les tentatives d’intimation de la RPDC.  Elle a affirmé qu’il incombait à ce Conseil d’agir et de prendre des mesures pour que les responsables des horreurs commises dans ce pays soient jugés.  Ce serait une erreur que d’adopter une rhétorique plus conciliante avec la RPDC sur cette question des droits de l’homme, a-t-elle dit,  avant de souligner qu’il était nécessaire de rester ferme.  Le Conseil doit se réunir, examiner cette situation et la déférer à la Cour pénale internationale, a-t-elle argumenté, en formant l’espoir que ce message de fermeté parviendra à la population nord-coréenne en dépit du contrôle exercé par le régime.  Il est urgent de mettre fin au cauchemar que vit la population de la RPDC, a-t-elle affirmé.

Mme Power a également invité les États Membres concernés à ne pas expulser vers la Corée du Nord les personnes ayant réussi à s’en échapper, en raison des mauvais traitements que ceux-ci risquent d’y subir.  Elle a mentionné le sort d’une personne ayant fui la RPDC pour les États-Unis mais qui continue de se sentir solidaire des millions de personnes laissées derrière elle.  « Nous devons tous porter le fardeau de ces millions de personnes », a conclu la déléguée.  C’est la raison pour laquelle le Conseil devrait continuer de se réunir sur cette question, de se documenter sur les horreurs commises et de tout faire pour qu’un jour justice soit rendue, a-t-elle expliqué avant de conclure son intervention.

M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) s’est dit préoccupé par les violations persistantes des droits de l’homme commises par la RPDC à l’encontre de ses citoyens et qui s’étendent aux ressortissants d’autres pays, y compris Japonais.  En novembre dernier, a-t-il souligné, la Troisième Commission avait adopté, par 112 voix pour, une nouvelle résolution demandant une amélioration de la situation.  Ce texte sera adopté en séance plénière la semaine prochaine. 

Malheureusement, a déploré M. Yoshikawa, la situation reste inchangée en RPDC.  Pour lui, les violations graves des droits de l’homme sont un signe précurseur d’instabilité et de conflit.  Selon le rapport de la Commission d’enquête, des centaines de ressortissants de la République de Corée, du Japon, et d’autres États ont été enlevés et se voient refuser le droit de quitter le pays.  À ce sujet, le Japon demande à la RPDC de résoudre sans attendre cette question.  Enfin, a conclu le représentant, « il est essentiel que le Conseil de sécurité reste saisi de la situation ». 

M. OH JOON (République de Corée) a constaté que la situation des droits de l’homme en RPDC n’avait pas véritablement évolué depuis l’année dernière.  Les violations se poursuivent et, dans certains cas, s’aggravent.  Il est important d’examiner la question des droits de l’homme en « Corée du Nord », à la fois pour promouvoir les droits de l’homme en tant que valeur universelle et pour maintenir la paix dans la péninsule coréenne.  Par conséquent, le représentant a demandé au Conseil de sécurité de continuer à jouer « un rôle actif » pour améliorer la situation.

M. Oh a espéré que la RPDC coopérera avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies.  L’année 2015 marque 70 ans de division de la nation coréenne, a-t-il fait remarquer.  La question des familles séparées, dont les membres ont en moyenne 80 ans d’âge, reste « la préoccupation d’ordre humanitaire la plus urgente pour le peuple coréen », a poursuivi M. Oh. Il a souhaité que la RPDC se joigne à la République de Corée pour résoudre cette question, y compris en organisant régulièrement des réunions familiales.  Il a conclu son intervention en citant le livre intitulé « The girl with seven names », écrit récemment par une jeune femme nord-coréenne ayant fui son pays.   

 

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