AG/11257

L’Assemblée générale parle de la drogue et du crime comme de véritables menaces au développement

26/06/2012
Assemblée généraleAG/11257
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-sixième session

Débat thématique

Matin & après-midi


L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE PARLE DE LA DROGUE ET DU CRIME COMME DE VÉRITABLES MENACES AU DÉVELOPPEMENT


L’Assemblée générale a organisé aujourd’hui un débat thématique sur « les drogues et le crime comme menaces au développement » et lancé officiellement l’édition 2012 du Rapport mondial sur les drogues publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC).  Le débat et le lancement du Rapport coïncident avec la Journée internationale de la lutte contre l’abus et le trafic de drogues.


Comme l’a dit son Président, M. Nassir Abdulaziz Al-Nasser, la drogue et la criminalité organisée ont des effets particulièrement dévastateurs sur les pays en développement et compromettent les efforts menés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  La drogue détruit la confiance entre le public et l’État, et entre le public et la justice.  Elle alimente la violence, les guerres et le terrorisme, tout facteur contraire au développement d’un État, s’est alarmé M. Al-Nasser.


Les activités liées à la drogue contribuent à la désintégration sociale et tuent le capital social sans lequel aucun développement n’est possible, a renchéri M. Raymond Yans, Président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS).  Les flux illicites en provenance des pays en développement représentent 7 à 8 fois le montant de l’aide publique au développement (APD), a précisé le Directeur du Programme des institutions internationales et de la gouvernance mondiale du Conseil des États-Unis sur les relations étrangères.


M. Stewart Patrick a classé les pays en trois catégories: Les États très vulnérables comme la Guinée-Bissau, la Somalie et la République démocratique du Congo (RDC); les « États gruyères », très efficaces au niveau des institutions mais pâtissant d’un niveau élevé de corruption; et les « États mafieux » dotés d’instruments de souveraineté mis au service des activités criminelles comme le Libéria de Charles Taylor ou encore la République populaire démocratique de Corée.


Les Afghans, a-t-il dit à titre d’illustration, ont versé, cette année, près de 2,5 milliards de dollars de pots-de-vin.  Avec 90% de la production mondiale, l’Afghanistan est l’exemple du principe « drogue ne rime pas avec développement ».  Ce n’est que l’avancement socioéconomique du pays et de la région qui permettra de libérer les populations de la culture de l’opium, ont unanimement reconnu les délégations, ce qui suppose une meilleure coordination de l’aide internationale.


Le Président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) a d’ailleurs rappelé que son institution plaide depuis longtemps pour une plus grande intégration des programmes de lutte contre le trafic et l’abus de drogues dans les stratégies de développement.


Les principes de telles stratégies devraient être étudiés au treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale qui se tiendra à Doha, en 2015, exactement à la date butoir pour la réalisation des OMD.


De retour de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable « Rio+20 », le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a rappelé qu’au début de son deuxième mandat, en janvier dernier, il avait défini cinq objectifs impératifs pour guider la lutte mondiale contre le fléau de la drogue à savoir la mise au point d’une nouvelle voie pour la croissance et le développement durables; le renforcement des efforts collectifs de prévention; la création d’un monde plus juste, plus sûr et plus équitable, fondé sur les droits de l’homme universels; l’appui aux pays en transition; l’offre de meilleures chances aux femmes et aux jeunes.


Nous sommes face, a précisé le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), M. Yury Fedotov, à une menace de proportion mondiale qui représente quelque 320 milliards de dollars.  Même si la consommation globale de drogues semble s’être stabilisée au cours des cinq dernières années, elle augmente dans certains pays en développement, a-t-il dit, en présentant l’édition 2012 du Rapport mondial sur les drogues. 


DÉBAT THÉMATIQUE SUR LE THÈME « LES DROGUES ET LE CRIME COMME MENACE AU DÉVELOPPEMENT »


Session d’ouverture et lancement du Rapport mondial sur les drogues


Déclarations


Le Président de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale, M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, a rappelé que le débat d’aujourd’hui coïncide avec la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues, « pour montrer notre détermination à créer un monde débarrassé de la drogue ».  La drogue, a-t-il souligné, a sapé nos efforts pour le développement durable, la démocratie et la stabilité politique.


Les réseaux criminels alimentent la violence, les guerres et le terrorisme et aucune nation n’est à l’abri, s’est alarmé M. Al-Nasser.  La drogue détruit la confiance entre le public et l’État, le public et la justice, en même temps qu’elle compromet les progrès accomplis dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).


L’Assemblée générale a pris note de la vulnérabilité des États face à la drogue.  En 2005, dans le Document final du Sommet mondial, les États Membres avaient exprimé leurs graves préoccupations face aux effets néfastes du commerce illicite des drogues sur le développement, la paix, la sécurité et les droits de l’homme.


Plus récemment, l’Assemblée générale a pris des initiatives visant à réduire le trafic de drogues et ses impacts.  Ces initiatives constituent le cadre de la stratégie globale contre le phénomène.  Le système des Nations Unies joue également un rôle clef, a dit le Président, en saluant la publication du rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) qui donne un aperçu global de la situation au plan international.


Il faut, a-t-il plaidé, des mesures urgentes et conjointes.  Il faut des réponses pratiques et efficaces à tous les niveaux, et des réponses globales basées sur la coopération et la collaboration.  « Les résultats de ce débat seront versés aux documents de travail du treizième Congrès international sur la drogue qui se tiendra à Doha, au Qatar en 2015, a-t-il déclaré.


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que les drogues illicites apportent beaucoup de malheur à des millions de personnes dans le monde, tout en créant une richesse phénoménale pour les réseaux criminels.  Alors qu’il rentre de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable « Rio+20 », le Secrétaire général a expliqué combien la drogue et le crime vont à l’encontre du développement durable.  Il a reconnu le fléau de la drogue et du crime en Amérique centrale, région qui connait les taux de criminalité les plus élevés au monde.  En ce qui concerne l’Afghanistan et certaines parties du Myanmar, ce sont les efforts de développement qui pâtissent de la culture du pavot et de l’opium, ainsi que d’autres drogues illicites.  Le Secrétaire général a aussi parlé des conséquences de ces problèmes en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale où c’est la gouvernance qui est affectée, invitant à promouvoir l’état de droit pour aider ces pays à poursuivre en justice les criminels, tout en respectant les droits de l’homme.


Les piliers du développement durable doivent contenir des éléments de lutte contre la drogue et le crime, tout en garantissant que les mesures de contrôle et les stratégies de lutte contre la criminalité soient sensibles aux exigences du développement, a demandé le Secrétaire général.  M. Ban a aussi fait remarquer que, si l’on veut diminuer les stocks, il faut arriver à réduire la demande.  Le Secrétaire général a rappelé qu’au début de son deuxième mandat, en janvier dernier, il avait défini cinq objectifs impératifs pour guider la lutte mondiale contre ces fléaux: mettre au point une nouvelle voie pour la croissance et le développement durables; renforcer les efforts collectifs de prévention; créer un monde plus juste, plus sûr et plus équitable, fondé sur les droits de l’homme universels; soutenir les pays en transition; donner plus de place aux femmes et aux jeunes et leur offrir de meilleures chances.


M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), a, présentant l’édition 2012 du Rapport mondial sur les drogues, estimé que le débat d’aujourd’hui sur la drogue et le crime en tant que menace au développement est essentiel d’autant plus que la date butoir des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) approche à grands pas. 


De l’Europe à l’Afrique, en passant par les Amériques et l’Asie, la drogue tue quelque 200 000 personnes par an.  Nous sommes face, a prévenu le Directeur exécutif, à une menace de proportion mondiale qui représente quelque 320 milliards de dollars. 


En plus ou moins 100 pages, l’édition 2012 du Rapport mondial sur les drogues offre une étude globale des mouvements et des flux.  Il fournit une analyse statistique détaillée de la consommation de drogues, des différents marchés et des facteurs sous-jacents du problème.


Le Rapport, a poursuivi le Directeur exécutif, montre que la consommation globale de drogues semble s’être stabilisée au cours des cinq dernières années, même si elle augmente dans certains pays en développement. 


Quelque 230 millions de personnes soit 5% de la population adulte mondiale ont consommé de la drogue en 2010.  La production mondiale d’opium a approché les 7 000 tonnes en 2011, soit une augmentation par rapport à 2010 quand une maladie a détruit la moitié des plantations en Afghanistan.


C’est ce pays, a souligné le Directeur exécutif, qui reste le plus grand producteur d’opium dans le monde, avec 90% de la production mondiale annuelle.  S’agissant de la cocaïne, les plantations ont diminué de 18% entre 2007 et 2010 et de 33% entre 2000 et 2010.  Le cannabis reste la drogue de prédilection.


Malheureusement, a regretté le Directeur exécutif, notre tentative de travailler avec les États Membres pour réduire les plantations et la production a été compromise par l’augmentation des drogues synthétiques.


Il a signalé une tendance émergente en Europe centrale: celle de la consommation de désomorphine ou crocodile pour remplacer la pénurie d’héroïne.  Il a aussi signalé, sur les marchés européens, un recours accru à de nouvelles substances psychoactives qui échappent au mandat de l’UNODC.


Nous devons avoir plus de données car nous ne pouvons agir sans bien comprendre le problème, a prévenu le Directeur exécutif qui a rappelé que la réponse de son Office se fonde sur les conventions des Nations Unies contre la drogue.


L’Office, a-t-il dit, contribue à la création de partenariats interinstitutions comme en témoigne le Groupe de travail sur le trafic de drogues et la criminalité organisée, créé en 2011 par le Secrétaire général. 


L’UNODC a aussi créé une série de programmes intégrés pour lui et ses partenaires.  Son programme régional pour l’Afghanistan et les pays voisins a connu ses premiers succès.  Plus récemment, l’Office a lancé un programme de pays pour l’Afghanistan et un programme régional pour le Sud de l’Europe orientale.  Les programmes pour l’Ouest et le Centre de l’Asie sont étroitement liés à d’autres initiatives régionales.  L’UNODC développe aussi des programmes pour l’Afrique australe et l’Asie du Sud.


Mais si nous voulons relever tous ces défis de manière globale, a encore prévenu le Directeur exécutif, il nous faut travailler sur la demande.  En la matière, l’approche de l’UNODC se fonde sur la prévention, le traitement, la réhabilitation, la réintégration et la santé, a-t-il rappelé. 


« Défis posés par l’intégration du contrôle des drogues dans les initiatives de développement, et moyens d’améliorer les efforts coordonnés de la communauté internationale pour atténuer les conséquences défavorables des drogues illicites sur le développement »


Table ronde 1


La discussion du matin était présidée par M. LUIS ALFONSO DE ALBA (Mexique) qui a formulé l’espoir de voir définis des objectifs de lutte contre la drogue et le crime pour après 2015, date butoir pour les OMD.  Il a souligné, à cet égard, l’importance de la coopération entre États, souhaitant que l’action commune soit renforcée.  M. de Alba a demandé aux délégations de partager leurs expériences, dans le but de mettre au point des outils permettant de mieux lutter contre cette criminalité.  Une conférence des ministres de l’intérieur et de la justice de la région a récemment été organisée au Mexique, a-t-il signalé.


Si la lutte contre la drogue ne fait pas partie des OMD, ce phénomène a un impact négatif important sur le développement et sur les jeunes, a fait remarquer Mme CARMEN BUJAN, Présidente de la Commission des stupéfiants.  Elle a expliqué que la criminalité prive le développement durable de ressources précieuses.  Dans la lutte contre ce fléau, on doit agir à la fois pour réduire l’offre et diminuer la demande, a-t-elle aussi observé.  Mme Bujan a exhorté les États à agir dans ce sens, tout en demandant aux entreprises, aux familles et aux organisations de la société civile de participer aux campagnes de prévention et de traitement de ce problème.  Si on constate une certaine réduction de la consommation de drogues dans les pays développés au cours des dernières années, le problème est au contraire en train de s’aggraver dans les pays émergents.  Mme Bujan a averti que si l’on examine l’incidence de la drogue sur la sécurité des pays, le problème est beaucoup plus complexe qu’on le croit.  La lutte contre la drogue exige d’abord que l’état de droit soit renforcé, puis que l’on s’attache à lutter contre la pauvreté, facteur qui alimente le trafic de drogues.


La Commission des stupéfiants, qui siège à Vienne, a adopté cette année 12 résolutions, portant notamment sur le développement durable, la lutte contre le VIH/sida, l’égalité des sexes, les politiques agricoles et le développement rural, comme les cultures de substitution.  Le traitement et la réinsertion des toxicomanes, ainsi que le traitement médical, sont d’autres sujets abordés par la Commission, a indiqué sa Présidente.  Elle a aussi parlé de la Déclaration et du Plan d’action adoptés en 2009 par la Commission, qui visent à renforcer la lutte contre la drogue, documents qui ont ensuite été entérinés par l’Assemblée générale.  Couvrant une période d’action de 10 ans, ces textes constituent un cadre de coopération internationale de lutte et de contrôle des drogues.  Mme Bujan a évoqué « la responsabilité commune » des États dans ce domaine.


M. RAYMOND YANS, Président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), s’est dit alarmé par les chiffres de la consommation de drogues et la violence qui y est associée.  Les activités liées à la drogue contribuent à la désintégration sociale et tue le capital social sans lequel aucun développement n’est possible.  La prévention, a-t-il dit, doit être au cœur de toute politique de contrôle des drogues et les volets « traitement et réhabilitation » doivent être renforcés en même temps que l’on aligne les législations nationales sur les Conventions internationales.


Étant donné qu’il s’agit d’une question multisectorielle, la coopération est essentielle, a souligné M. Yans.  Les programmes liés à la santé, à l’éducation et à l’état de droit, par exemple, doivent comprendre un volet « lutte contre la drogue ».  Les services de détection et de répression doivent être dûment appuyés et les secteurs de la santé et de l’éducation doivent avoir pour objectif de réduire la demande de drogues.  Les programmes de développement, a-t-il insisté, doivent inclure tous les aspects du contrôle des drogues et pas seulement la répression.  Il a estimé que le contrôle des drogues et la régulation de leur consommation pour raison médicale sont essentiels pour le développement sociétal.


M. OTAVIANO CANUTO, Vice-Président et Chef du Réseau de la réduction de la pauvreté et de la gestion économique de la Banque mondiale, a indiqué que les coûts du trafic de stupéfiants représentent près de 8% du produit intérieur brut (PIB) mondial.  M. Canuto a expliqué que la prévention de la violence exige une forte détermination politique des États et une concertation internationale.  Faisant le constat des conséquences adverses du trafic de drogues, il a souligné qu’il promeut la violence et le crime, entretient une culture de méfiance dans la population, affaiblit des institutions déjà faibles, encourage la corruption et a un impact négatif sur l’environnement et les affaires.


En ce qui concerne les actions à mener, M. Canuto a proposé de suivre une approche basée sur les faits, afin de bien définir les risques.  C’est là où la dépendance à l’égard de l’opium est la plus grande qu’il faut introduire des cultures légales et soutenir les agriculteurs, a-t-il dit.  L’approche doit aussi être holistique, en renforçant la prévention et la justice pénale.  Il ne faut pas seulement se concentrer sur le personnel de répression, mais renforcer l’état de droit à tous les niveaux, selon M. Canuto.  Il a encore appelé à partager les gains de l’éradication du trafic de drogues avec ceux qui sont les plus touchés.  En outre, les stratégies à long terme doivent être complétées par des mesures à moyen terme, a-t-il ajouté.


M. MAGED ABDELAZIZ, Secrétaire général adjoint et Conseiller spécial pour l’Afrique du Secrétaire général, a rappelé que depuis quelques années, l’Afrique de l’Ouest se trouve désormais au centre des trafics de drogues entre l’Amérique et l’Europe.  Cela a donné comme résultat que ces pays sont devenus également des pays consommateurs.  Près de 2,5 millions de consommateurs sont recensés dans cette partie du monde.  Ces trafics affaiblissent l’état de droit, la stabilité régionale et les efforts de développement.  La criminalité organisée est apparue et fait désormais peser le terrorisme sur cette partie du continent africain. 


Pour faire face à cette situation, les Nations Unies ont un rôle à jouer notamment dans la mise en œuvre des initiatives prises par les organisations sous-régionales.  Les efforts des uns et des autres doivent être mis en commun pour une feuille de route globale.  Néanmoins, certaines organisations ont besoin de plus d’appui que d’autres comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  Elle a besoin d’un appui, en particulier du transfert des technologies, pour la surveillance en mer et sur les côtes, et le partage des informations.   


La discussion qui a suivi a souligné la nécessité de garantir le développement économique et social des pays producteurs pour diminuer leur dépendance à la culture du pavot.  De même pour les pays de transit qui dépendent, eux, du trafic de drogues.  Cela implique de soutenir les efforts de ces pays non seulement par le biais de la coopération internationale mais aussi par une lutte efficace contre l’abus et le trafic de drogues dans les autres pays.  Car s’il y a des pays producteurs, des pays consommateurs et des pays de transit, « chacun est simultanément, selon des proportions variables, producteur, transitaire et consommateur », a relevé le représentant de la France.  Son homologue du Luxembourg a précisé que, avec le développement des drogues synthétiques, les pays de transit sont en train de devenir des pays producteurs.


Lançant le débat, le Ministre des affaires étrangères du Guatemala a expliqué que son pays est un lieu de transit entre le plus grand pays consommateur de drogues et le plus grand pays producteur de drogues.  La drogue produite dans la zone andine est acheminée vers les États-Unis qui absorbent 40% de la production mondiale, a-t-il ajouté.  De son côté, le Guatemala, qui a connu récemment une augmentation sensible de la consommation de drogues, veut continuer à lutter contre le trafic tout en lançant néanmoins un appel à la communauté internationale pour qu’elle intensifie la coopération.


Le Guatemala et les pays d’Amérique centrale font preuve d’une grande solidarité dans la lutte contre le trafic de drogues, par rapport au niveau international de coopération, a remarqué le Directeur exécutif de l’UNODC, qui animait le débat.


En Amérique du Sud, le volume de cultures de pavot détruites a représenté la moitié de toutes les cultures, alors qu’en Afghanistan il n’a représenté que 2% des cultures, a comparé le Directeur adjoint du Service fédéral de contrôle des drogues de la Fédération de Russie.  Selon lui, le problème en Afghanistan est sous-estimé.


Plusieurs intervenants se sont en effet alarmés du niveau élevé de production de drogues en Afghanistan, où, selon les chiffres de l’UNODC, 6 000 tonnes d’opium sont produites chaque année.  « Usine mondiale de production des opiacées », l’Afghanistan continue d’être le centre planétaire de production de drogues, s’est inquiété le représentant russe.  Il a remarqué que la production d’opium ne diminue pas en moyenne sur plusieurs années, même si elle peut baisser d’une année sur l’autre.  Le commerce d’opium continuera de constituer une part importante de l’économie afghane, représentant actuellement 1/6 de son PIB, a-t-il précisé.  Il s’est aussi inquiété des conséquences du retrait des forces de la coalition.


Le Ministre de la lutte contre les stupéfiants de l’Afghanistan s’est pourtant réjoui d’avoir pu réduire de façon importante la culture du pavot dans son pays, cette réduction ayant augmenté de 300% par rapport à l’an dernier.  Il a indiqué que 41 membres des forces de police ont perdu la vie dans les actions de lutte contre le trafic de drogues.  Expliquant que la pauvreté, le chômage et le manque de moyens de subsistance alternatifs rendent vulnérable la population face à ce trafic, il a indiqué que son gouvernement met en place un programme de substitution pour réduire la dépendance des exploitants agricoles à la culture du pavot.  Actuellement, seulement 50% de l’opium afghan est cultivé.  Nous avons saisi cette année 542 tonnes d’opium, soit trois fois plus que l’an dernier, a-t-il ajouté.  Plus de 2 000 suspects ont été arrêtés, soit 24% de plus que l’an dernier, et 50 fonctionnaires corrompus ont été arrêtés.


Un développement de l’Afghanistan et de la région est un élément crucial de la lutte contre le trafic de drogues, a pour sa part indiqué le Directeur adjoint de la réduction de la demande au Bureau de la politique nationale de contrôle de la drogue des États-Unis.  Seul un développement durable pourra libérer ce pays de la culture de l’opium, a-t-il estimé.  Les États-Unis ont lancé le Projet « Arc-en-ciel 2 » qui vise l’élimination de l’opium en Afghanistan et qui correspond à la stratégie adoptée par l’Union européenne en 2010.  Le représentant américain a aussi demandé que le Conseil de sécurité de l’ONU aborde cette question, soulignant l’obligation pour la communauté internationale d’assurer la sécurité pour toutes les nations.


Le Directeur de l’Agence de contrôle des drogues du Tadjikistan a, lui aussi, plaidé pour que la communauté internationale joigne ses efforts à ceux de l’Afghanistan, afin de régler ses problèmes sociaux et de développement.  De façon générale, il a appelé la communauté internationale à conjuguer ses efforts pour lutter contre la drogue, invitant l’ONU à jouer le rôle de centre de coordination dans ce domaine.  Autre pays de transit, le Tadjikistan joue le rôle de zone tampon entre un pays producteur et des pays consommateurs.  Le Directeur a témoigné de l’engagement de son pays, en signalant notamment que le Tadjikistan a adhéré aux conventions de l’ONU et qu’il a réussi à intercepter un volume important de drogues.


Le nombre de consommateurs de stupéfiants de type amphétamine dépasse maintenant celui de consommateurs d’opiacées et de cocaïne réunis, a également observé le représentant du Tadjikistan.  Le Ministre afghan a soulevé le problème de la production de produits chimiques nécessaires à la transformation de l’opium en héroïne et en morphine.  Un litre d’acide acétique se paye 700 dollars en Afghanistan, alors qu’il coûte presque 100 fois moins à produire.


Le Directeur de la Police nationale italienne a prévenu que l’Europe est désormais alimentée en drogues par des pays d’Afrique qui sont devenus des plateformes importantes de transit.  Les organisations criminelles ont conclu des accords avec des cartels de drogues pour pénétrer les marchés nationaux.  L’Union européenne, dont les pays membres fournissent 1/3 du budget de l’UNODC, est en effet impliquée dans des projets en Afrique et recherche de nouvelles coopérations avec l’Office en Amérique latine et dans les Caraïbes, a indiqué son représentant.  La délégation de l’Allemagne a parlé, en particulier, de la promotion de cultures de substitution en Asie.


Le représentant de la France a appelé à mettre en œuvre de manière plus efficace les outils juridiques élaborés par les Nations Unies, ainsi que les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité.  L’action coordonnée doit se baser sur les conventions des Nations Unies, a d’ailleurs rappelé le Directeur exécutif de l’UNODC.  Le représentant des États-Unis, qui s’est réjoui de ce que la consommation de drogues dans son pays ait baissé de 30% au cours des 30 dernières années, a aussi parlé de la formation que dispense son pays dans le cadre de la coopération internationale et de son appui aux efforts de l’UNODC.


Table ronde 2


Mme BAJRAKITIYABHA MAHIDOL, Princesse de la Thaïlande et Présidente de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, a axé son intervention sur les conséquences néfastes de ces trafics sur l’ensemble de la société.  Les trafics entraînent l’injustice surtout à l’égard des plus vulnérables pris dans un cercle vicieux.  Pour y faire face, a-t-elle estimé, les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) doivent être remis au centre des préoccupations. 


D’après Mme Mahidol, un état de droit solide et une justice impartiale sont deux des panacées contre le trafic de drogues.  Elle a donc regretté que la lutte contre ce fléau ne figure pas dans les OMD et que par conséquent, aucune ressource n’ait été prévue.  Elle a donc appelé à un changement de paradigmes qu’elle a espéré voir à Doha en 2015, au Congrès international sur la lutte contre le trafic de drogues.  Nous devons en même temps revisiter les différents traités des Nations Unies qui offrent différents leviers pour combattre ce fléau, a-t-elle estimé.


Elle a encouragé tous les États à mettre en place une justice sociale, et en la matière, la Thaïlande est disposée à partager son expérience.  La menace de la criminalité organisée est réelle.  Il faut que l’UNODC reçoive tous les moyens pour faire face à ces menaces, a plaidé la Princesse Mahidol.


M. BRUCE JONES, Directeur du Centre sur la coopération internationale de l’Université de New York et Directeur du Programme de gestion de l’ordre mondial de la Brookings Institution, a indiqué que malgré une absence de données, l’impact du crime et de la drogue sur le développement était notable.  Parmi les effets les plus notables, il a cité l’érosion des institutions de l’ordre public, phénomène qui sape par la suite la capacité de l’État à agir.  Il a estimé que la Guinée-Bissau était un « exemple spectaculaire » de ce phénomène.  M. Jones a plaidé pour une meilleure intégration des programmes de développement et de sécurité pour consolider l’état de droit.


On se concentre trop sur la santé et l’éducation, domaines certes importants, au détriment des institutions de l’ordre public, a-t-il prévenu.  Il a également insisté sur la nécessité de réagir au niveau international et réclamé un accord multilatéral sur les envois de fonds.


M. FRANCIS FORBES, Directeur exécutif de l’Agence de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour le crime et la sécurité, a indiqué que les Caraïbes continuaient d’être utilisées comme une zone importante de transit des drogues provenant d’Amérique latine destinées à l’Amérique du Nord et à l’Europe.  Le trafic de drogues, a-t-il déploré, représente au moins 29 milliards de dollars par an dans l’économie de la région.  Il a lié ce fléau à la corruption, à l’absence d’état de droit et au trafic d’armes.  À ces défis, il a ajouté celui de la traite des êtres humains dans la région.  Pour combattre ces trafics, le Directeur exécutif a recommandé le renforcement du système judiciaire des pays concernés et la modernisation des législations.  Il a voulu que l’on fasse le parallèle entre trafic de drogues et trafic d’armes légères.


M. STEWART PATRICK, Directeur du Programme des institutions internationales et de la gouvernance mondiale du Conseil des États-Unis sur les relations étrangères, a indiqué qu’après la libéralisation du commerce, d’autres types de criminalité transnationale organisée avaient vu le jour en plus des activités de contrebande.  Il a également fait observer que les statistiques en matière de criminalité transnationale organisée manquent de précisions, les entités concernées ne publiant pas de rapports trimestriels et certains États concernés cherchant à gonfler les chiffres afin d’obtenir davantage d’aides.


Le panéliste a ensuite indiqué que les flux illicites en provenance des pays en développement représentent 7 à 8 fois le montant de l’aide publique au développement (APD) qui leur est destinée.  Il a également fait une distinction entre les États vulnérables.  Il a par exemple indiqué que la Guinée-Bissau, la Somalie ou encore la République démocratique du Congo (RDC) étaient très vulnérables à la criminalité organisée.  D’autres États vulnérables sont en revanche de « véritables gruyères » très efficaces au niveau des institutions mais pâtissent d’un niveau élevé de corruption.  Enfin, a enchainé M. Patrick, il y a les « États mafias » où tous les instruments de souveraineté sont déployés dans l’intérêt d’activités criminelles comme ce fut le cas au Libéria pendant le règne de Charles Taylor ou encore en République populaire démocratique de Corée à l’heure actuelle.


Le panéliste a indiqué, à titre d’exemple, que les Afghans avaient versé près de 2,5 milliards de dollars de pots-de-vin.  Un autre obstacle à la lutte contre la criminalité organisée découle du fait que les États sont peu enclins à partager des données sensibles.


Outre l’obtention de meilleures données, le panéliste a plaidé pour qu’un meilleur usage soit fait des nouvelles technologies pour accroître la transparence.  Il a évoqué les programmes qui permettent de signaler anonymement le versement de pot-de-vin ou d’envoyer des textos pour vérifier l’origine d’un médicament. 


M. Patrick a également estimé qu’il fallait envisager d’accorder au Conseil de sécurité la possibilité d’imposer des sanctions pour des activités n’ayant pas trait au terrorisme.  Il a aussi estimé que davantage d’efforts devaient être déployés pour combattre le blanchiment d’argent.


Cette deuxième table ronde a été présidée par M. Jim McLay, Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies, qui a d’emblée dénoncé le fait que les revenus du trafic de drogues sont 80 fois plus importants que le produit national brut (PNB) de son pays.  Le monde ne reste toutefois pas les bras croisés, même si les experts prédisent que « nous sommes en train de perdre la bataille contre ce fléau ».  Le débat s’est alors focalisé sur les voies et moyens dont disposent les États dans cette lutte.


Pour le Honduras, la victoire passe par la coopération entre pays d’Amérique centrale.  C’est aussi la conviction du représentant de l’Ouzbékistan qui a appelé la Fédération de Russie, les États-Unis et les autres pays présents en Afghanistan à mettre au service de la lutte contre la culture du pavot les moyens de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). 


Il faut des réponses holistiques, globales et transversales, ont argué les représentants de l’Ukraine et de l’Australie qui fonde sa stratégie sur les partenariats, en particulier avec les pays de la région Asie-Pacifique.


Ces partenariats, aux yeux de l’Australie mais aussi du Japon et de l’Inde doivent viser le renforcement des capacités de la police des pays dits « vulnérables » qui doivent lutter en même temps contre le corollaire du trafic de drogues, à savoir le trafic d’armes, a souligné le Suriname, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), et celui de l’Ukraine.  La meilleure des préventions est de cibler les pays de destination et de renforcer les contrôles des frontières, a estimé l’Australie.


La question de la demande a été soulevée par l’Inde, le Sri Lanka et la République démocratique populaire lao.  Ils se sont heurtés à la position de la Finlande qui préfère combattre les trafiquants plutôt que les consommateurs.  En Ouzbékistan, a expliqué son représentant, la politique de « confiscation » a permis de mettre la main sur quelque 5,4 tonnes de drogues en 2011.  La même politique est appliquée en Australie où la saisie de l’argent des trafiquants sert, entre autres, à équiper les unités concernées.  Une politique forte contre le blanchiment a aussi été défendue par le représentant de l’Australie tout comme ses homologues de la Colombie et de la Norvège.


Il faut, ont plaidé plusieurs pays, mettre en place une « communication stratégique » entre les pays.  Un partage d’informations entre les services concernés est la clef de la solution, ont acquiescé l’Égypte et l’Arménie.


Des appels ont été lancés pour que l’UNODC renforce son assistance technique aux pays, en particulier pour la mise en œuvre des conventions pertinentes de l’ONU.  Outre l’aide de l’UNODC, des délégations comme l’Inde, ont souligné celle de la société civile, des médias et des ONG.  La représentante de l’Autriche a attiré l’attention sur l’Académie contre la corruption qui est devenue une référence mondiale. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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