Conférence de presse

Conférence de presse de Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix 2003

9/11/2010
Communiqué de presseConférence de presse
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE SHIRIN EBADI, LAURÉATE DU PRIX NOBEL DE LA PAIX 2003


« La situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran n’a cessé de se détériorer depuis l’élection présidentielle contestée de 2009 », a assuré ce matin Mme Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix 2003, lors d’une conférence de presse qu’elle a donnée aux côtés de M. Antoine Madelin, Coordonateur des organisations intergouvernementales de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).


Avocate iranienne et militante des droits de l’homme, Mme Ebadi a expliqué qu’elle était aux Nations Unies aujourd’hui afin d’apporter son soutien à un projet de résolution qui sera présenté pour la septième fois à l’Assemblée générale.  Ce texte, notamment, engagerait vivement le Gouvernement iranien à coopérer sans réserve avec les « titulaires de mandat des procédures spéciales thématiques », qui n’ont jamais été autorisés à effectuer une visite dans le pays.


Les mandats thématiques des procédures spéciales chargent en général les titulaires de ces mandats à faire rapport sur des phénomènes graves de violations des droits de l’homme dans le monde entier.


Pour étayer ses accusations, Mme Ebadi a multiplié les exemples de violations des droits de l’homme perpétrées depuis la réélection, le 12 juin 2009, de M. Mahmoud Ahmadinejad.  Ainsi, en 2010, 400 personnes ont été exécutées, avec la plus grande proportion de mineurs exécutés dans le monde.  La dépouille d’un condamné à mort n’est jamais retournée aux proches, qui sont totalement privées d’information.


Le nombre exact de prisonniers politiques est actuellement inconnu, en raison de l’absence de communication de la part des autorités iraniennes, a poursuivi la lauréate du Prix Nobel.  Toute tentative d’en savoir plus est passible de prison, a-t-elle précisé, ajoutant que la moindre protestation d’un étudiant pouvait conduire à son exclusion du campus, voire à son incarcération.


L’Iran occupe désormais le 175e rang, sur 178, du classement annuel de liberté de la presse, juste avant le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Érythrée.  Dans ce pays, des châtiments corporels, tels que les coups de fouet, l’amputation de la main, la lapidation ou la crucifixion, ont été réintroduits depuis l’imposition de la loi islamique.  Vols et adultère y sont passibles de tels châtiments, comme l’illustre le cas de Sakineh Mohammadi Ashtiani, condamnée à la peine capitale par lapidation pour adultère.


Le cas de Sakineh ne devait pas occulter celui de nombreux autres individus, qui pourraient se voir infliger des châtiments comparables, a prévenu Mme Ebadi.  Aussi, a-t-elle jugé pertinent que les campagnes de soutien visant à sauver cette femme de la condamnation à mort convergent en un mouvement plus vaste visant à prendre la défense de tous ceux et celles qui n’ont pas de nom.  « À mon sens, se faire trancher la main pour avoir chapardé dans une boulangerie n’est pas plus souhaitable que de se faire lapider », a-t-elle déclaré.


Mme Shirin Ebadi s’est toutefois opposée à l’imposition de sanctions économiques contre l’Iran, car elles n’ont selon elle, d’impact que sur la population, qui n’a pas les moyens de s’en prémunir, contrairement aux élites du pays.  Favorable en revanche aux sanctions « militaires » du Conseil de sécurité, elle a proposé pour sa part des « sanctions politiques » ciblées, du type interdiction de voyager et gel des avoirs à l’étranger.  Notant que l’immunité diplomatique protégeait les chefs d’État, elle a plutôt suggéré de viser les dignitaires de rang inférieur, comme les généraux ou les procureurs, « pour briser les ailes d’un aigle devenu fou ».


Interrogée sur son sentiment quant à l’élection éventuelle de l’Iran au Conseil d’administration de l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme (ONU-Femmes), Mme Ebadi s’est demandé comment un pays qui n’a pas ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes pouvait prétendre à intégrer un tel organe.  Selon elle, une telle élection porterait atteinte à la légitimité d’ONU-Femmes, encourageant d’autres États Membres ayant un bilan positif en matière de respect des droits de la femme à se présenter.


Il ne faut pas oublier que, depuis 1979, l’Iran, a-t-elle fait observer, a promulgué diverses lois qui constituent autant de violations des droits de la femme: « si mon frère et moi-même étions victimes d’une attaque commise dans la rue, je ne pourrais prétendre qu’à la moitié des dommages et intérêts éventuels qui lui seraient versées », a-t-elle expliqué.  Et dans la loi islamique telle qu’en vigueur en Iran, si un homme peut épouser jusqu’à quatre femmes, une femme ne peut pratiquement jamais divorcer, a-t-elle dénoncé.


Souhaitant que Michelle Bachelet, l’ancienne Présidente du Chili élue à la tête d’ONU-Femmes, s’acquitte pleinement de ses fonctions, elle a déclaré que l’attribution du prix Nobel 2010 au prisonnier politique chinois Liu Xiaobo avait été « l’un des plus beaux moments de ma vie ».  Elle a émis le vœu que l’ONU agirait en conséquence pour faire protéger les droits de l’homme en Chine ou au Myanmar.


Consciente des limites du mandat de la Haut-commissaire aux droits de l’homme, Mme Navi Pillay, Mme Ebadi a cependant affirmé qu’elle disposait de « pouvoirs symboliques » qu’elle pouvait mettre à l’épreuve, par exemple en faisant afficher dans la salle de l’Assemblée générale une photo gigantesque de M. Xiaobo pour embarrasser le régime chinois.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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