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Droits fondamentaux des personnes handicapéesConseil Économique et Social COMMISSION DES DROITS DE LHOMME RAPPORT DE LA HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE LHOMME ET SUIVI DE LA CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES DROITS DE LHOMMENote du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme 1. Dans sa résolution 2000/51, la Commission des droits de lhomme a invité la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de lhomme, en coopération avec le Rapporteur spécial de la Commission du développement social chargé de la question de linvalidité, à examiner les mesures qui permettraient de renforcer la protection et le suivi des droits fondamentaux des handicapés et à solliciter la contribution et les propositions des parties intéressées. 2. Comme suite à la résolution de la Commission des droits de lhomme, le Haut-Commissariat aux droits de lhomme (HCDH) a décidé damplifier ses activités relatives à linvalidité. Il a intensifié sa collaboration avec le Rapporteur spécial chargé de la question de linvalidité et a décidé de faire une plus large place à la question de linvalidité, de deux manières: en encourageant les entités mises en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de lhomme, parmi lesquels les rapporteurs spéciaux et les organes créés en vertu dinstruments internationaux, à sintéresser davantage aux droits des personnes souffrant dun handicap en incitant les organisations non gouvernementales (ONG) soccupant des problèmes liés au handicap à développer leurs échanges avec le dispositif de protection des droits de lhomme. Le premier résultat du projet conçu par le Haut-Commissariat à cette fin a été lélaboration et la publication dune étude où sont évalués les normes et les rouages existants en matière de droits de lhomme et dinvalidité. 3. Létude visait un triple but: a) Servir douvrage de référence sur les droits de lhomme et linvalidité; b) Examiner lutilité pratique et le fonctionnement du système mis en place par les Nations Unies en matière de droits de lhomme sous langle de linvalidité. Létude analyse les dispositions des six principaux instruments relatifs aux droits de lhomme et la manière dont les organes de suivi de ces instruments ont abordé la question et elle donne un aperçu du rôle joué par le réseau des institutions nationales chargées de la protection des droits de lhomme et par la société civile; c) Proposer des orientations futures aussi bien pour améliorer lutilisation des normes et des rouages existants en matière de droits de lhomme dans la perspective de linvalidité que pour étudier la nécessité éventuelle dun nouvel instrument international. 4. Les conclusions provisoires de létude, qui avait été commandée au Research Centre on Human Rights and Disability de lUniversité de Galway (Irlande), ont été présentées lors dune réunion à Genève, le 14 janvier 2002, par M. Gerard Quinn et Mme Theresia Degener, les deux auteurs principaux. La réunion a été accueillie par la Haut-Commissaire aux droits de lhomme et le Rapporteur spécial chargé de la question de linvalidité y a participé. Plus de 30 États étaient représentés ainsi quun certain nombre dONG et dorganes et institutions des Nations Unies. 5. À cette occasion, il a aussi été procédé à un échange de vues sur la résolution 56/168 de lAssemblée générale. Par cette résolution, lAssemblée générale a créé un comité spécial, ouvert à tous les États Membres de lOrganisation des Nations Unies et à tous les observateurs, ayant pour tâche dexaminer des propositions en vue délaborer une convention internationale globale et intégrée pour la promotion et la protection des droits et de la dignité des personnes handicapées en tenant compte de lapproche intégrée qui sous-tend le travail effectué dans les domaines du développement social, les droits de lhomme et de la non-discrimination et des recommandations de la Commission des droits de lhomme et de la Commission du développement social. Elle a en outre, invité le HCDH et le Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat à apporter leur concours à cet égard et les organes créés en vertu dinstruments relatifs aux droits de lhomme à collaborer aux travaux confiés au Comité et à faire bénéficier ce dernier de leurs compétences. 6. Les participants à la réunion ont décidé quil fallait adopter une approche multiforme en matière dinvalidité. Ils se sont accordés à reconnaître que laccent devait être mis sur la dimension droits de lhomme des questions à prendre en compte. Les conclusions provisoires de létude soulignent que lélaboration dune nouvelle convention ne devrait pas empêcher dattacher une importance accrue à linvalidité dans le cadre du dispositif international existant en matière de droits de lhomme («stratégie à deux volets»). Les débats ont montré quil fallait poursuivre et intensifier les efforts de développement social dans le domaine de linvalidité et intégrer plus efficacement les activités menées par lOrganisation des Nations Unies à cet égard en envisageant davantage la question dans loptique des droits de lhomme («stratégie à volets multiples»). Nombre de participants ont aussi insisté sur la nécessité dassocier les ONG et les organisations soccupant de linvalidité au processus de consultation et délaboration du nouvel instrument. 7. Compte tenu de la résolution 2000/51 de la Commission et de la résolution 56/168 de lAssemblée générale, le Haut-Commissariat aux droits de lhomme présente ci-après pour information à la Commission un résumé des conclusions de létude sur les droits de lhomme et linvalidité qui est en cours dachèvement. ANNEXELes droits de lhomme pour tous: évaluation de lutilisation actuelle des instruments des Nations Unies relatifs aux droits de lhomme et des possibilités quoffrent ces instruments dans la perspective de linvaliditéRésuméLa présente étude porte sur lutilisation actuelle des instruments relatifs aux droits de lhomme et des possibilités quoffrent ces instruments dans le domaine particulier de linvalidité. Plus de 600 millions de personnes, soit 10 % environ de la population mondiale, souffrent dune forme de handicap. Plus des deux tiers dentre elles vivent dans des pays en développement. Dans le monde en développement, 2 % seulement des enfants handicapés reçoivent un enseignement ou font lobjet dune réadaptation. La relation entre linvalidité, dune part, la pauvreté et lexclusion sociale, dautre part, est directe et durable partout dans le monde. Un changement radical sest opéré au cours des deux dernières décennies dans la mesure où la stratégie adoptée à légard des handicapés a cessé dêtre inspirée par la charité pour se fonder sur les droits de lhomme. Essentiellement, envisager linvalidité dans loptique des droits de lhomme revient à considérer les personnes souffrant dun handicap comme des sujets et non plus comme des objets. Les personnes qui naguère apparaissaient comme autant de problèmes sont ainsi devenues des titulaires de droits. Fait important, désormais le problème se situe au dehors de la personne handicapée et, ce qui doit être examiné, cest la manière dont les divers processus économiques et sociaux tiennent compte ou non, suivant le cas, de la différence due à linvalidité. Le débat sur les droits des personnes handicapées doit donc être rattaché à un autre débat, plus général, qui porte sur la place faite à la différence dans la société. Il sagit dassurer aux personnes handicapées plutôt que la jouissance de droits spéciaux lexercice effectif, en toute équité, de tous les droits de lhomme, sans discrimination. Le principe de la non-discrimination aide à prendre en compte les droits de lhomme en général dans la perspective particulière de linvalidité, et à faire bénéficier les personnes handicapées du même régime que les personnes âgées, les femmes et les enfants. La non-discrimination et lexercice effectif en toute équité des droits de lhomme par les personnes handicapées, tels sont donc les principaux ingrédients du changement dattitude qui est depuis longtemps nécessaire dans le monde entier, à légard de linvalidité et des personnes handicapées. Le processus tendant à assurer aux personnes handicapées la jouissance de leurs droits fondamentaux est lent et irrégulier mais il est en cours dans tous les systèmes économiques et sociaux. Il procède des valeurs qui sont le fondement des droits de lhomme: linestimable dignité de tout être humain, le principe de lautonomie ou de la libre disposition de soi selon lequel la personne doit être au centre de toutes les décisions la concernant, légalité intrinsèque indépendamment des différences et la règle de la solidarité selon laquelle la liberté de la personne doit être assurée par des aides sociales appropriées. Cette évolution est officiellement approuvée au niveau de lOrganisation des Nations Unies depuis deux décennies. Rien ne saurait mieux lillustrer que les Règles pour légalisation des chances des handicapés que lAssemblée générale a adoptées par sa résolution 48/96 du 20 décembre 1993. Lapplication de ces règles est suivie par un rapporteur spécial des Nations Unies, M. Bengt Lindqvis, qui a été chargé de cette tâche par la Commission du développement social. Lexistence de telles règles et surtout le rôle joué par le Rapporteur spécial contribuent de façon décisive à sensibiliser lopinion aux droits fondamentaux des personnes souffrant dun handicap et à favoriser une réorientation positive dans le monde entier. Les organes créés en vertu dinstruments relatifs aux droits de lhomme offrent de grandes possibilités dans ce domaine mais ont jusquici, en règle générale, été insuffisamment utilisés aux fins de la promotion des droits des personnes souffrant dun handicap. Létude est centrée sur les six principaux instruments relatifs aux droits de lhomme: le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture, la Convention relative aux droits de lenfant, la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes et la Convention internationale sur lélimination de toutes les formes de discrimination raciale. Lidée centrale est que le processus de changement en faveur des personnes souffrant dun handicap actuellement en cours dans le monde pourrait être considérablement renforcé et accéléré si ces instruments étaient utilisés davantage et de façon plus ciblée. Il convient de souligner quil incombe au premier chef aux États dassurer le respect des droits fondamentaux des personnes souffrant dun handicap. Autrement dit, le dispositif mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de lhomme ne peut être utilisé et na de valeur que si une réforme sérieuse est opérée au niveau national. Les instruments relatifs aux droits de lhomme nont pas simplement un caractère indicatif, ils imposent aux États parties lobligation du changement. Les États parties sorientent tangiblement vers une prise en compte de linvalidité dans loptique des droits de lhomme. Une étude récente montre que 39 États de toutes les régions du monde ont adopté des lois en faveur de la non-discrimination et de légalité des chances dans le contexte de linvalidité. Le dialogue des États parties avec les organes créés en vertu dinstruments relatifs aux droits de lhomme a un effet bénéfique sur laction entreprise en vue daméliorer la situation des personnes souffrant dun handicap; on compte désormais dans le monde un nombre appréciable de pratiques recommandables qui pourraient être utilement diffusées par le biais du régime conventionnel mis en place dans le domaine des droits de lhomme. Le changement dorientation constaté trouve aussi son expression dans le fait que les institutions nationales chargées de promouvoir et de protéger les droits de lhomme partout dans le monde ont commencé à sintéresser de près à la question de linvalidité. Cest important car ces institutions aident à jeter un pont entre le droit international relatif aux droits de lhomme et la réforme du droit et de la politique internes en matière dinvalidité qui est envisagée. Les institutions nationales sont des partenaires stratégiques pour mener à bien le processus et leur engagement croissant en faveur des droits fondamentaux des personnes handicapées est extrêmement prometteur pour lavenir. Les personnes souffrant dun handicap elles-mêmes expriment maintenant le sentiment dinjustice quelles ressentent depuis longtemps en termes de droit. Elles ne sont plus des victimes isolées. Les ONG qui soccupent des questions relatives à linvalidité, par exemple par le truchement du projet réalisé en collaboration «Disability Awareness in Action», commencent à se considérer aussi comme des ONG protégeant les droits de lhomme. Elles ont entrepris de recueillir et dexploiter des informations précises sur des violations présumées des droits fondamentaux de personnes souffrant dun handicap. Leurs capacités en matière de droits de lhomme, bien quelles soient encore relativement limitées, se développent. Un processus analogue de transformation est en cours au sein des ONG uvrant en faveur des droits de lhomme de type traditionnel qui, de plus en plus, voient dans linvalidité une question à inscrire dans le courant général des droits de lhomme. Ce nest pas négligeable étant donné que ces ONG possèdent des structures extrêmement élaborées et linstauration dune synergie performante entre les ONG soccupant de linvalidité et les ONG uvrant en faveur des droits de lhomme de type traditionnel nest pas seulement nécessaire depuis longtemps, elle est aussi inévitable. Au total, le moment est venu dévaluer la situation en ce qui concerne lutilisation actuelle des instruments relatifs aux droits de lhomme des Nations Unies et les possibilités quils offrent dans la perspective de linvalidité. Buts de létude Létude vise trois buts principaux. Le premier est dapporter des éclaircissements sur lapplicabilité des six instruments relatifs aux droits de lhomme à linvalidité. À cette fin, les diverses obligations incombant aux États parties en vertu des instruments seront précisées et la manière dont les mécanismes pertinents de mise en uvre fonctionnent dans la perspective de linvalidité sera indiquée. Il est à espérer que létude constituera un ouvrage de référence utile pour tous les partenaires, à savoir les États parties, les organes de suivi de traités, le Haut-Commissariat aux droits de lhomme, les institutions nationales soccupant des droits de lhomme et la société civile. Létude ne prétend pas être exhaustive. Elle représente un progrès par rapport aux textes existants dans la mesure où elle démontre lapplicabilité de la protection des droits de lhomme assurée par les six instruments à linvalidité. Une analyse plus poussée sera nécessaire lorsque le débat aura avancé. En deuxième lieu, létude vise à déterminer comment le dispositif fonctionne réellement dans la pratique pour ce qui est de linvalidité en examinant le contenu des rapports présentés par les États parties aux organes de suivi des traités sur les droits de lhomme et linvalidité et les réponses des organes de suivi des traités. Un total de 147 rapports périodiques a été passé en revue. La sélection a été effectuée en fonction de la documentation existante et de manière à assurer une répartition géographique raisonnable. Il ne sagit pas de critiquer tel ou tel État partie mais simplement de se faire une idée de la vision quont les États parties de lexécution de leurs obligations dans la perspective particulière de linvalidité. Il ne sagit pas non plus de critiquer les organes de surveillance. Leur attention et leurs modestes ressources sont engagées dans bien des directions différentes et la valeur quils attribuent désormais aux divers instruments relatifs aux droits de lhomme dans le contexte de linvalidité atteste quils ont compris que linvalidité relève des droits de lhomme. Notre analyse de lévaluation contenue dans létude ne prétend pas être scientifique mais elle offre néanmoins une base suffisante pour en tirer des enseignements généraux - lesquels, si tout va bien, aideront à recentrer les problèmes liés au handicap plus durablement et plus précisément. Enfin le troisième - et principal - but de létude est de proposer des orientations futures. Létude contient donc des observations, des commentaires et des recommandations sur la manière dont les différents partenaires pourraient améliorer lutilisation des six instruments relatifs aux droits de lhomme dans la perspective de linvalidité. Elle propose de renforcer le dispositif tout en préconisant ladoption dune convention thématique sur les droits des personnes souffrant dun handicap. Pour diverses raisons, les auteurs arrivent à la conclusion quune telle convention est nécessaire et serait propre à étayer - et non fragiliser - les instruments existants en matière dinvalidité. Aperçu de létudeLétude est divisée en trois parties. La partie I, intitulée «Du droit indicatif au droit contraignant», porte sur la nature de lévolution en faveur dune prise en compte de linvalidité dans loptique des droits de lhomme. Elle comprend trois chapitres. Le chapitre 1 traite de lapplicabilité des valeurs et de la doctrine des droits de lhomme à linvalidité. Il affirme que le problème essentiel en matière dinvalidité est la relative invisibilité des personnes souffrant dun handicap aussi bien dans la vie sociale quau titre des instruments internationaux relatifs aux droits de lhomme existants. Il conclut que la principale difficulté est daccepter la différence découlant de linvalidité et dattirer lattention sur les personnes souffrant dun handicap dans le régime conventionnel. Le chapitre 2 rappelle de façon succincte comment lévolution intervenue a trouvé son expression officielle dans toute une série dinstruments adoptés dans le cadre du système des Nations Unies au cours des deux dernières décennies. Il prélude à un examen de la place accordée actuellement aux droits des personnes souffrant dun handicap par le régime conventionnel mis sur pied par les Nations Unies dans le domaine des droits de lhomme. Le chapitre 3 présente ce régime conventionnel et jette ainsi un pont entre le «droit indicatif» et le «droit contraignant». Un important principe mis en exergue par létude est quil est nécessaire de franchir ce pont pour utiliser pleinement les instruments relatifs aux droits de lhomme dans la perspective de linvalidité. La partie II, intitulée «Examen de lutilisation actuelle des instruments relatifs aux droits de lhomme des Nations Unies - Principales constatations», est une analyse circonstanciée de limportance réelle et potentielle de chacun des six instruments relatifs aux droits de lhomme dans la perspective de linvalidité. Elle comprend six chapitres correspondant aux six instruments. Elle consiste dune part en un exposé, dautre part en une évaluation. Lexposé tend à mettre en lumière lintérêt du contenu de ces instruments du point de vue de linvalidité. Chacun des droits protégés est examiné et des éclaircissements sont apportés sur son applicabilité. Lévaluation est constituée dune série de monographies concernant la manière dont les dispositions des différents instruments sont habituellement mises en uvre dans le contexte de linvalidité. Le chapitre 4 a trait à la liberté et à linvalidité au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cet instrument est étudié en premier parce que les principes éthiques essentiels du mouvement mondial en faveur des droits des personnes souffrant dun handicap sont la liberté et la participation. En dautres termes, ce que les personnes souffrant dun handicap souhaitent le plus cest davoir accès aux mêmes droits - et obligations civiques - que les autres. Le respect systématique des droits des handicapés découlant du Pacte non seulement protégerait des abus les personnes souffrant dun handicap, mais aiderait puissamment à éliminer les obstacles à lintégration. Daprès les rapports examinés, nombre dÉtats continuent à considérer que linvalidité relève de la protection sociale et non des droits conférés par le Pacte. Les auteurs de létude ont constaté que neuf plaintes relatives linvalidité avaient été présentées au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte. La plupart ont été jugées irrecevables. Une plainte au moins a débouché sur une décision très utile qui a fait jurisprudence sur le traitement réservé aux prisonniers souffrant dun handicap. En substance, le Comité a affirmé que les États parties ont lobligation de répondre aux besoins des prisonniers ayant des besoins spéciaux. Une telle décision montre que le Comité se rend compte quil ne suffit pas de réserver le même traitement à toutes les personnes, mais quune prestation supplémentaire (ou un «arrangement raisonnable») peut être nécessaire pour rendre «réels» les droits des personnes souffrant dun handicap. Cette interprétation positive est extrêmement prometteuse pour les personnes souffrant dun handicap. Le chapitre 5 se rapporte à léthique de la justice sociale et de linvalidité dans la perspective de linvalidité. Linvalidité est lun des domaines où peuvent le mieux être affirmées et démontrées lindivisibilité et linterdépendance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Il est indispensable mais insuffisant de recourir au droit formel pour éliminer les obstacles à lintégration. Il faut permettre aux personnes souffrant dun handicap daccéder à la liberté mais aussi aux moyens den profiter. Un tel objectif peut être atteint par loctroi daides sociales appropriées et, en particulier, par le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Ce chapitre a été placé après celui qui est consacré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour éviter que les droits prévus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne soient considérés comme les plus importants dans le contexte de linvalidité en raison de leur rapport évident avec laide sociale. Dans la remarquable Observation générale no 5 sur les personnes souffrant dun handicap, quil a adoptée en 1994, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels estime que les droits énoncés dans le Pacte sont loutil indispensable pour permettre aux personnes souffrant dun handicap davoir prise sur leur propre vie et pour leur assurer une aide permanente aux fins dune participation active à la vie de la société. Ainsi, pour le Comité le droit à la santé (art. 12) est considéré comme directement lié à une telle participation. Daprès les rapports examinés, les États parties, pour la plupart, ne font pas le rapprochement entre les droits énoncés dans le Pacte et la réalisation de lindépendance, de lautonomie et de la participation. LObservation générale no 5 nen marque pas moins une étape décisive et le Pacte, en principe, peut contribuer grandement à sensibiliser tous les partenaires au meilleur emploi possible des aides sociales et des droits appropriés en vue déliminer les obstacles et de permettre aux personnes souffrant dun handicap dêtre associés à tous les aspects de la vie. Le sujet du chapitre 6 est limportante question de la protection des personnes souffrant dun handicap contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants en application de la Convention contre la torture. Cette question concerne particulièrement les millions de personnes souffrant dun handicap qui vivent dans des institutions ou dautres catégories détablissements. Linvalidité aggrave le déséquilibre des forces dans beaucoup de ces lieux de vie et rend les personnes souffrant dun handicap plus vulnérables aux mauvais traitements. Les problèmes liés à linvalidité noccupent pas une grande place dans la plupart des rapports périodiques examinés. Une plainte relative à la situation des prisonniers handicapés, qui a été soumise au Comité contre la torture, a été jugée irrecevable au motif que les recours internes navaient pas été épuisés. Le chapitre 7 est consacré à la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes dans la mesure où elle est applicable aux femmes souffrant dun handicap. LObservation générale no 5 indique que les personnes souffrant dun handicap sont parfois traitées comme des êtres humains asexués. Le Comité pour lélimination de la discrimination à légard des femmes a lui-même adopté la Recommandation générale no 18 sur les femmes handicapées où il recommande aux États parties dinclure dans leurs rapports périodiques des renseignements sur la situation des femmes handicapées en ce qui concerne lexercice de plusieurs droits énoncés dans la Convention. Dans les rapports périodiques examinés, on ne trouve guère dinformations sur la double discrimination dont peuvent être victimes les femmes souffrant dun handicap. Le chapitre 8 a trait à la Convention relative aux droits de lenfant dans la mesure où elle est applicable aux enfants souffrant dun handicap. Cette Convention est la seule parmi les instruments relatifs aux droits de lhomme qui contienne un article particulier sur les enfants handicapés (art. 23). Lexistence de cet article ne porte évidemment en rien atteinte à lapplicabilité générale de toutes les autres dispositions de la Convention aux enfants souffrant dun handicap. Le Comité des droits de lenfant est remarquablement vigilant en matière dinvalidité. En 1997, il a organisé une journée de débat général sur les enfants handicapés qui a eu une incidence très positive sur son approche de la situation des enfants souffrant dun handicap. Ladoption par le Comité dune stratégie concertée eu égard aux enfants souffrant dun handicap semble être en bonne voie. Le chapitre 9 porte sur une autre sous-catégorie de personnes handicapées, à savoir les personnes handicapées appartenant à des minorités raciales ou autres. Si la discrimination dont ces personnes sont les victimes est sans doute en grande partie attribuable à leur race, la possibilité dune double discrimination ne saurait être écartée. Dailleurs, le phénomène de la double discrimination fondée sur la race et linvalidité a été expressément reconnu à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et lintolérance qui y est associée. Beaucoup dÉtats parties incluent déjà systématiquement des renseignements relatifs à la discrimination fondée sur linvalidité dans leurs rapports périodiques au Comité pour lélimination de la discrimination raciale, le plus souvent sous la forme de données de base concernant leurs lois générales contre la discrimination. Cette pratique est des plus utiles car elle offre au Comité la possibilité de dialoguer avec les États parties sur la question de la double discrimination. La partie III de létude ébauche des orientations pour lavenir. Elle comprend quatre chapitres. Le chapitre 10 analyse les résultats dun questionnaire détaillé qui a été envoyé aux ONG soccupant de linvalidité. Environ 80 réponses ont été reçues dONG internationales, dONG régionales et dONG nationales de toutes les parties du monde. Le taux de réponse a été satisfaisant étant donné le délai fixé. Il avait été décidé de sadresser aux ONG soccupant de linvalidité et non aux ONG uvrant en faveur des droits de lhomme de type traditionnel afin de savoir si et de quelle façon ces organisations considèrent linvalidité comme une question relevant des droits de lhomme et de connaître leurs vues sur le régime conventionnel. Lexamen des réponses montre la mesure dans laquelle les ONG soccupant de linvalidité ont elles-mêmes opté pour une optique fondée sur les droits de lhomme. Beaucoup ont déclaré quelles se considéraient dabord comme des ONG uvrant en faveur des droits de l'homme. Nombre dentre elles sinspirent des préceptes relatifs aux droits de lhomme des Nations Unies dans leurs propres activités. Plusieurs ont déjà une certaine expérience du régime conventionnel mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme et le plus souvent ont des appréciations favorables à formuler à cet égard. La plupart ont vu leurs efforts entravés par un manque général de ressources matérielles et humaines et ont été découragées par linaccessibilité apparente de linformation sur le mode de fonctionnement des instruments relatifs aux droits de lhomme en ce qui concerne les problèmes liés au handicap. Ces résultats sont extrêmement encourageants. Ils montrent que ladoption de loptique fondée sur les droits de lhomme trouve son expression dans la conception que les ONG soccupant de linvalidité ont de leur mission puisque ces ONG sintéressent au dispositif mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme et sont désireuses de sy associer. Ils font aussi ressortir les facteurs qui freinent un tel engagement. Pour compléter lanalyse, il serait bon dexaminer comment les ONG soccupant des droits de lhomme de type traditionnel commencent elles-mêmes à inscrire linvalidité dans le courant général des droits de l'homme. À nen pas douter un processus de convergence est entamé. Le chapitre 11 passe en revue les expériences et les manières de voir des institutions nationales uvrant en faveur des droits de lhomme et les facteurs qui déterminent leur attitude. Un questionnaire avait été envoyé à ces institutions et, dans ce cas aussi, le taux de réponse a été satisfaisant étant donné le délai fixé. Lexamen des réponses révèle que les institutions nationales sont en fait très conscientes de la nécessité denvisager linvalidité dans loptique des droits de lhomme. Beaucoup ont déjà établi des études et des rapports intéressants sur la question des droits de lhomme des personnes souffrant dun handicap. Certains de ces documents ont joué un grand rôle dans la réforme des lois et des politiques nationales relatives à linvalidité. Toutes les institutions qui ont répondu ont manifesté un vif intérêt pour la question ainsi que la volonté de développer leurs activités dans le domaine. Cest un résultat très positif et prometteur qui laisse bien augurer de lavenir. Le chapitre 12 contient toute une série dobservations, de commentaires et de recommandations visant à améliorer lutilisation future du dispositif mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de lhomme dans la perspective de linvalidité. Par souci dexhaustivité, elles sont destinées à des parties prenantes très diverses. La pratique des États eu égard aux rapports périodiques sur linvalidité est assurément en progrès. Cette amélioration résulte certainement de lattention croissante portée à linvalidité et aux droits de lhomme au sein du système des Nations Unies depuis deux décennies, notamment en application des Règles pour légalisation des chances des handicapés. Sagissant des États parties, les auteurs font trois recommandations visant à accroître la visibilité de linvalidité dans le régime conventionnel. Plus précisément, ils recommandent aux États parties a) dintensifier leurs efforts en vue de faire régulièrement rapport sur les situations portant atteinte aux droits des personnes souffrant dun handicap; b) de consulter les ONG soccupant de linvalidité lorsquils établissent leurs rapports périodiques respectifs étant entendu quen définitive ces rapports relèvent exclusivement de leur compétence et c) denvisager de désigner des personnes souffrant dun handicap pour faire partie des six organes de surveillance. Les organes de suivi des traités effectuent dans lensemble un excellent travail dans le domaine de linvalidité étant donné les ressources limitées dont ils disposent et le grand nombre de questions et de groupes dont ils doivent nécessairement soccuper. Lesprit et la lettre des Règles pour légalisation des chances ont également eu un effet à cet égard. Les recommandations suivantes répondent à la volonté daider les organes de suivi à améliorer encore leur action concernant linvalidité. En particulier, il est recommandé a) que les organes de suivi essayent dégaler les bonnes pratiques du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et adoptent des observations générales sur la nature des obligations incombant aux États au titre de linstrument pertinent en ce qui concerne les problèmes liés au handicap; b) quils essayent dégaler les bonnes pratiques du Comité des droits de lenfant en prévoyant une journée de débat thématique, ou une séance analogue, consacrée à linvalidité; c) que dans les listes de questions envoyées aux États parties par les organes de suivi qui publient de tels documents il soit demandé plus systématiquement des informations sur lexercice des droits fondamentaux par les personnes souffrant dun handicap, compte tenu des priorités thématiques qui seront fixées dans les observations générales; d) que le dialogue avec les États parties porte plus systématiquement sur des questions relatives à linvalidité; e) que les conclusions mentionnent linvalidité, le cas échéant, en vue de définir les domaines nécessitant une attention plus soutenue et de demander aux États parties de fournir de plus amples renseignements dans leurs rapports ultérieurs; f) que les conclusions soient utilisées plus systématiquement pour mettre en exergue les méthodes efficaces à lintention de tous les partenaires. La Commission des droits de lhomme et le Haut-Commissariat aux droits de lhomme ont montré lintérêt quils portaient à la question des droits de lhomme et de linvalidité. Cest important dun point de vue symbolique mais cest aussi appréciable dun point de vue pratique étant donné le rôle central joué par le Haut-Commissariat dans lensemble du dispositif mis en place par les Nations Unies dans le domaine des droits de lhomme. Les recommandations formulées par les auteurs de létude à cet égard visent à renforcer cet intérêt. En particulier, il est recommandé que la Commission des droits de lhomme encourage le Haut-Commissariat a) à rendre plus accessible les données concernant lutilité et le fonctionnement du dispositif des Nations Unies en matière de droits de lhomme sous langle particulier de linvalidité en ajoutant à son site Web un élément consacré à linvalidité (et des liens bien conçus et très complets sur les activités pertinentes dautres secteurs des Nations Unies, des institutions spécialisées et des institutions nationales); b) à prévoir, après consultation des partenaires, une série détudes thématiques mieux ciblées et de manuels pratiques sur des sujets comme les droits de lhomme des personnes vivant en institution, le droit à léducation des enfants handicapés, le principe de la discrimination et la valeur de la diversité humaine du point de vue de la génétique, de la bioéthique et de linvalidité ainsi que les questions relatives aux droits de lhomme liées à lincapacité intellectuelle; c) à charger au moins un membre du personnel travaillant à temps complet de la question de linvalidité et des droits de lhomme; d) à faire savoir quil accueille favorablement les demandes de stage émanant de personnes handicapées; e) à encourager les programmes universitaires relatifs aux droits de lhomme à sintéresser plus activement à la question des droits de lhomme et de linvalidité; f) à jouer un rôle prépondérant dans la promotion des droits fondamentaux des personnes souffrant dun handicap au sein du système des Nations Unies, compte dûment tenu du fait que toutes les institutions compétentes sont également parties prenantes en la matière. Il importe de continuer à intégrer de plus en plus la prise en compte de linvalidité dans loptique des droits de lhomme dans les activités de lensemble du système des Nations Unies, y compris dans les activités de développement pertinentes. Il faut aussi que, dans ce domaine, une stratégie à plusieurs volets soit adoptée par toutes les entités compétentes. Des indications plus abondantes de la part du HCDH pourraient faire avancer de façon tangible le processus dintégration et améliorer les contributions des divers éléments du système. Il est en outre recommandé que le Haut-Commissariat étudie la possibilité de réunir les organes de suivi des traités pour quils examinent lapplicabilité et lapport potentiel de leurs instruments respectifs en ce qui concerne les problèmes liés au handicap. Sagissant de la Commission des droits de lhomme des Nations Unies, il est recommandé quelle maintienne en le renforçant le processus dintégration de linvalidité en tant que question relevant des droits de lhomme dans ses activités et quelle envisage sérieusement la nomination dun rapporteur spécial sur les droits fondamentaux des personnes souffrant dun handicap. Une telle entité est nécessaire pour accroître la visibilité de linvalidité considérée comme un problème de droits de lhomme et pour assurer la coordination en matière dinvalidité au sein du système mis en place dans le domaine des droits de lhomme. Sagissant des institutions nationales uvrant en faveur des droits de lhomme, les auteurs de létude recommandent quelles envisagent sérieusement de créer un lieu de discussion ou un groupe de travail sur linvalidité et les droits de lhomme, qui leur permettrait de mieux comprendre le rapport entre le problème de linvalidité et la question des droits de lhomme et déchanger dutiles données dexpérience. Pour ce qui est de la société civile, il est recommandé que les ONG soccupant de linvalidité conjuguent leurs ressources et mettent sur pied un observatoire international des droits de lhomme dans la perspective de linvalidité ou un organisme analogue qui pourrait aider à améliorer linformation et les capacités en matière de droits de lhomme dans le secteur uvrant en faveur des handicapés. Elles devraient nouer des liens étroits avec les ONG pour la protection des droits de lhomme de type traditionnel en vue de tirer des enseignements de leur expérience et aussi de les inciter à considérer linvalidité comme une question relevant des droits de lhomme. Les auteurs de létude attirent lattention sur une pratique recommandable: le financement par lAgence suédoise de coopération internationale au développement dun projet sur les droits fondamentaux des enfants souffrant dun handicap. Étant donné que la majorité des personnes souffrant dun handicap vivent dans des pays en développement, ils estiment que dautres pays donateurs devraient financer des projets relatifs aux droits de lhomme dans le contexte de linvalidité au titre de leurs programmes en faveur du développement, de la démocratisation et des droits de lhomme. Le chapitre 13 traite de la possibilité denrichir le système existant dans le domaine des droits de lhomme dans la perspective de linvalidité en adoptant un instrument thématique sur les droits des personnes souffrant dun handicap. En novembre 2001, lAssemblée générale a adopté une résolution dune importance décisive tendant à créer un comité spécial, ouvert à tous les États Membres, ayant pour tâche dexaminer des propositions en vue délaborer une convention internationale globale et intégrée pour la promotion et la protection des droits et de la dignité des personnes handicapées en tenant compte de lapproche intégrée qui sous-tend le travail effectué dans les domaines du développement social, des droits de lhomme et de la non-discrimination et des recommandations de la Commission des droits de lhomme et de la Commission du développement social. Les auteurs de létude estiment que les arguments en faveur dune telle convention sont extrêmement convaincants. Un tel instrument permettrait de centrer lattention sur linvalidité et de concevoir des normes générales relative aux droits de lhomme adaptées à la situation particulière des personnes souffrant dun handicap. Elle augmenterait la visibilité du problème de linvalidité dans le cadre du système mis en place en matière de droits de lhomme. Elle présenterait des avantages pratiques pour tous les partenaires en ce sens que les États parties connaîtraient ainsi plus précisément leurs obligations dans le domaine de linvalidité et que la société civile pourrait concentrer ses efforts sur un ensemble cohérent unique plutôt que sur six ensembles différents de normes. Ces avantages ont été exposés il y a longtemps par Leandro Despouy, Rapporteur spécial de la Sous-Commission, dans son étude intitulée «Les droits de lhomme et linvalidité», publiée en 1992. Pour les auteurs de létude, cette convention est de nature à étayer et non à fragiliser le réseau existant des instruments relatifs aux droits de lhomme pouvant se rapporter à linvalidité. Autrement dit, elle devrait permettre à lorgane de suivi concerné daccroître ses compétences normatives en la matière ce qui, en retour, devrait favoriser lintégration de linvalidité dans le dispositif existant de protection des droits de lhomme. Une convention prendrait en compte collectivement les personnes souffrant dun handicap physique, sensoriel, mental ou intellectuel. Son élaboration devrait être loccasion dexaminer la meilleure façon dutiliser tous les droits de lhomme civils et politiques ainsi quéconomiques, sociaux et culturels en vue de réaliser la pleine participation des personnes souffrant dun handicap à la vie sociale. La convention devrait prévoir des mesures de protection adéquates, en particulier pour les personnes souffrant dun handicap qui vivent en institution. En résumé, lOrganisation des Nations Unies aborde une phase passionnante de ses activités dans le domaine des droits de lhomme et de linvalidité. Les problèmes liés au handicap réintègrent la sphère des droits de lhomme. Les auteurs de létude ne doutent pas que les nombreuses suggestions et recommandations quils ont formulées et qui sont évoquées ci-dessus permettront dutiliser mieux et davantage les six instruments relatifs aux droits de lhomme dans la perspective de linvalidité. Ils sont également convaincus quun instrument thématique ferait infiniment progresser la protection des droits des personnes souffrant dun handicap tout en renforçant la capacité des instruments existants de répondre utilement aux besoins de ces personnes. |