Quatre pays africains lors de la création de l'ONU à San Francisco en 1945

Get monthly
e-newsletter

Quatre pays africains lors de la création de l'ONU à San Francisco en 1945

Au moment de cette conférence historique, la plupart des territoires africains étaient encore sous domination coloniale.
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
28 Octobre 2020
Gabriel L. Dennis, Secrétaire d'État, président associé de la délégation du Libéria,
UN Photo/McLain
Lors de la Conférence de San Francisco, du 25 avril au 26 juin 1945, Gabriel L. Dennis, secrétaire d'État, président associé de la délégation du Liberia, signe la Charte des Nations unies lors d'une cérémonie qui se tient le 26 juin au Veterans' War Memorial Building.

Lorsque 50 pays se sont réunis à San Francisco, la ville américaine au bord de l'océan Pacifique, en avril 1945 pour délibérer sur un nouvel ordre mondial et signer la Charte des Nations Unies en juin de la même année, il n’y avait guère d'États africains souverains.

Les délégués africains à la Conférence de San Francisco sur l'organisation internationale de 1945

Égypte :

  • S. E. Abdul Hamid Pasha Badawi, Ministre des Affaires étrangères ; président
  • S. E. Ibrahim Bey Abdul Hadi, Ministre de la Santé publique
  • S. E. Mahmoud Pacha Hassan, Ministre aux États-Unis

Éthiopie

  • Bitwodded Makonnen Endalkachau, Premier ministre ; Président
  • Ato Aklilou Abte-Wold, Vice-ministre des Affaires étrangères
  • Ato Ambai Wold-Mariam, Vice-ministre de la Justice
  • Blatta Ephrem Tewelde Medhen, Ministre aux États-Unis
  • Ato Emmanuel Abraham, Drecteur général, Ministère de l'Education
  • Ato Menasse Lemma, Directeur général, Ministère des Finances 

Libéria :

  • C. L. Simpson, Vice-président ; président
  • Gabriel L. Dennis, Secrétaire d'État ; président associé
  • Lemuel Gibson, président de la commission des relations étrangères du Sénat

Afrique du Sud (Union d'Afrique du Sud) :

  • Maréchal Jan Christian Smuts, Premier ministre ; Président
  • D. D. Forsyth, Secrétaire aux affaires extérieures
  • Leif Egeland, ministre en Suède
  • H. T. Andrews, sous-secrétaire aux affaires extérieures ; chef de la mission d'approvisionnement du gouvernement sud-africain, Washington
  • R. Jones, représentant accrédité par intérim de l'Union d'Afrique du Sud, Ottawa
  • J. R. Jordaan, Chargé d'affaires ad interim, Afrique du Sud, légation, Washington
  • D. L. Smit, ancien Secrétaire aux affaires autochtones
  • L. E. Orkin, registraire industriel, Ministère du Travail

Sources : Archives de l'ONU : (https://ask.un.org/faq/199031), UNTV - 14 pays francophones d'Afrique qui ont obtenu leur indépendance en 1960 : http://webtv.un.org, Charte de l'ONU : https://www.un.org/en/charter-united-nations/

 

Quatre pays africains ont tout de même réussi à se rendre à San Francisco : Le Royaume d'Égypte, l'Empire éthiopien, la République du Liberia et l'Union d'Afrique du Sud, comme ils étaient alors connus. La plupart des autres pays du continent étaient encore sous domination coloniale.

Chacun de ces quatre pays africains avait été touché d'une manière ou d'une autre par la Seconde Guerre mondiale qui venait de s'achever, en particulier l'Éthiopie et l'Union d'Afrique du Sud.

Lors de la conférence, les pays africains ont voulu contribuer à la construction d'un nouveau cadre international qui contribuerait à prévenir l'apparition de futures guerres et crises susceptibles de menacer l'existence même des pays les plus petits et les plus pauvres.

Ils ont aussi fortement plaidé, lors de la réunion, pour que le nouvel ordre mondial envisagé reconnaisse et honore leurs droits.

"Nous, les petites nations du monde, avons été appelées à participer à cette conférence, non seulement en raison de l'identité des idéaux qui nous lie aux grandes puissances dans la lutte actuelle et de notre intérêt particulier pour l'assurance d'une paix durable, mais aussi parce que c'est sur la garantie de l'existence libre et indépendante des petites nations du monde que doit reposer toute future organisation mondiale", a déclaré M. Tewelde Medhen, le Ministre éthiopien aux États-Unis, dans son discours solennel aux délégués.

L'insistance de l'Éthiopie à ce que les intérêts des petites nations soient reconnus et protégés par le nouveau droit international découle naturellement de son expérience de la guerre et de ce que le pays considère comme l'échec de la Société des Nations - le prédécesseur des Nations Unies - à prévenir et à mettre fin à l'invasion italienne.

Le Liberia, en revanche, n'était pas directement impliqué dans les efforts mondiaux, si ce n'est, en tant que premier producteur mondial de l'époque, en fournissant "du caoutchouc à la cause alliée", a déclaré le vice-président C. L. Simpson.

Pourtant, le Libéria a exprimé les mêmes préoccupations que l'Ethiopie "car ne possédant pas les moyens de faire la guerre, les rêves et les espoirs des petites nations ne concernent que la paix mondiale et la sécurité de leurs droits et de leur indépendance", a déclaré M. Simpson.

La composition du Conseil de sécurité des Nations unies et les dispositions relatives au droit de veto de ses membres permanents ont également été abordées lors de la réunion. Et des pays comme l'Égypte se sont inquiétés des conséquences du droit de veto accordé à certains pays - une des questions controversées débattues à San Francisco.

À cet égard, l'Égypte s'est opposée en vain à cette mesure en faisant valoir que "permettre à toute puissance, grande ou petite, de siéger à la fois comme juge et comme jury dans sa propre affaire ne contribue pas à renforcer la confiance mondiale si nécessaire à la réussite d'un plan pour l'ordre mondial".

The San Francisco Conference, 25 April - 26 June 1945 Field Marshall Jan Christian Smuts, Prime Minister, Chairman of the delegation from the Union of South Africa, addresses the Conference at the Sixth Plenary Session, 1 May 1945.
Lors de la Conférence de San Francisco, 25 avril - 26 juin 1945, le Field Marshall Jan Christian Smuts, Premier ministre, président de la délégation de l'Union d'Afrique du Sud, s'adresse à la Conférence lors de la sixième session plénière, le 1er mai
Discours des pays d'Afrique

Mais résumant ce qu'il estimait être le véritable enjeu de la conception d'un nouvel ordre international, le Premier ministre de l'Union d'Afrique du Sud, Jan Smuts, a fait remarquer que la nouvelle Charte ne devrait pas être un simple document juridique pour la prévention de la guerre.  

"La Charte devra contenir dès son origine et dans son préambule, une déclaration des droits de l'homme et de la foi commune qui a soutenu les peuples alliés dans leur lutte acharnée et prolongée pour la revendication de ces droits et de cette foi", a déclaré M. Smuts.

Toutefois, ses suggestions, bien qu'elles soient incluses dans la Charte, resteront hors de portée de millions de personnes sur le continent, y compris dans son propre pays où règnait la discrimination raciale et, plus tard, l'apartheid, et sur tout le continent où de vastes étendues de terre sont dépourvues d'autoreprésentation.

Bien qu'aucun des quatre pays africains n'ait mentionné "l'autodétermination" dans leurs discours respectifs devant l'assemblée, la Charte qu'ils allaient signer comprenait des dispositions aux chapitres 11, 12 et 13 qui ouvrira la voie à la décolonisation du continent.