Confederation
Suisse
Déclaration de SE M. Federico Pedotti
Monsieur
le Président,
Mesdames
et Messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames
et Messieurs,
Si nous
avons de bonnes raisons d'être réunis dans cette
ville prestigieuse qu'est Mérida, c'est évidemment pour célébrer l'aboutissement de deux ans de travaux
difficiles. Et il faut se réjouir
de cet aboutissement.
Je tiens aussi,
au nom de la Suisse, à remercier
chaleureusement le gouvernement
mexicain pour son hospitalité
et à le féliciter pour
l'excellente organisation de cette réunion à
haut niveau. Mais que la beauté des sites historiques du
Effectivement, le plus pénible est
encore devant de nous
car la corruption fait partie de ces
fléaux qui ont la particularité de ne pas toujours laisser transparaître la gravité des conséquences qu'ils engendrent. Et pourtant, aujourd'hui tout porte à croire que les cas traités devant
les tribunaux ne représentent que la partie émergée d'un iceberg. A en croire la Banque Mondiale, le total des sommes distribuées chaque année en dessous-detable et pots-de-vin dans le monde atteindrait près de 80 milliards de dollars.
Cette vaste fraude à l'échelle mondiale a bien évidemment un coût. II est d'abord économique.
L'expansion de l'économie
souterraine se traduit en effet par une réduction des recettes fiscales et un affaiblissement
de la capacité de l'Etat à gérer
l'économie nationale.
Les mécanismes de concurrence n'étant plus respectés, ceux qui remportent
les marchés ne sont pas les plus compétitifs ou les plus efficaces, mais les corrupteurs. Et bien sûr ce sont nos sociétés qui paieront la facture, car les frais de corruption se répercuteront immanquablement sur les prix. Sur
le plan social, la corruption entraîne
le détournement d'importantes
ressources qui devraient être consacrées au développement.
Il est désormais
communément admis que plus un pays est corrompu, moins il attire l'investissement. Son
développement économique et social s'en trouve
donc freiné. La corruption
entame également la confiance des citoyens. envers leurs
institutions et l'Etat corrompu
constitue un terrain fertile aux dictateurs
et autres démagogues promettant de «restaurer l'ordre».
Monsieur
le Président,
la
Suisse se félicite de l'aboutissement
des négociations du groupe de travail ad hoc pour l'élaboration
d'une Convention universelle
contre la corruption sous
l'égide de l'ONU. Cet achèvement représente
un pas capital dans la
lutte internationale contre un des
plus grands problèmes
qui mine nos sociétés et qui sape la confiance
en nos autorités.
Avec ce nouvel instrument, que mon gouvernement appelle à être ratifié par le plus grand nombre d'Etats et le plus
vite possible, la communauté
des Etats dispose désormais d'un outil additionnel et important qui permettra
de favoriser la bonne
gestion publique des affaires. De
plus, cette Convention
apportera une contribution substantielle à l'amélioration des
règles régissant le commerce international en réitérant la nécessité de plus de
transparence et d'équité
dans les transactions.
Mais il convient
surtout de relever que
pour la première fois un traité multilatéral contient le principe de la restitution obligatoire pour certains produits
du crime. Mon pays salue
cette avancée à laquelle la délégation suisse a activement contribué durant les négociations du groupe de travail.
Il est un fait
notoire que des responsables politiques,
hauts fonctionnaires ou autres personnes
politiquement exposées
(PEPs) choisissent des places financières hors de leur pays pour y placer des valeurs patrimoniales. En soi, ceci ne constitue
rien d'illégal. Cependant, dans nombre de cas, ces valeurs
se sont révélées d'origine illicite et principalement le fruit de la corruption ou du
détournement de fonds
publics. La plupart du
temps, de tels placements sont
répartis dans plusieurs pays et places financières. Les problèmes qu'ils génèrent se posent donc à l'échelle internationale et ne
peuvent être résolus que par l'application commune de standards élevés en matière de détection de fraude économique et financière.
Désormais, par le biais de cette Convention universelle, la communauté des Etats affirme sa
détermination de poursuivre
le crime non seulement
là où il
a été commis, mais aussi là
où il était
censé procurer un avantage
aux délinquants. Or, avec l'adoption
de ce nouvel instrument,
nous nous sommes
non seulement doté d'un
outil de travail supplémentaire contribuant à promouvoir la justice pénale sur
le plan international, mais
nous délivrons surtout un signal très clair comme
quoi personne n'est plus à l'abri de la justice: aucune fonction, titre ou statut ne
devrait plus servir de paravent
aux agissements illicites de personnes mal intentionnées cherchant l'enrichissement personnel aux dépends de la société.
La Suisse
se réjouit de cet aboutissement, ce d'autant plus
que l'adoption de ce principe
confirme la justesse d'une
pratique nationale de plus de vingt ans en matière
d'entraide judiciaire.
Cependant, ne nous
leurrons pas sur les difficultés liées à la mise en œuvre
de cet objectif. Elles
sont nombreuses. Je n'en mentionnerais
ici que deux.
II y a, d'une
part, les efforts à déployer en matière d'investigation afin de pouvoir déterminer l'origine de ces fonds et d'être à même de conclure à leur caractère illicite. Sur le plan procédural,
l'obtention des moyens
de preuves est souvent
un exercice de longue
haleine. Or, afin
de permettre à nos institutions
judiciaires d'effectuer
leurs tâches dans
les meilleures conditions,
il est impératif
qu'elles puissent opérer en toute indépendance, avec le soutien mais sans
interférence de la part
de nos gouvernements respectifs.
Et ce soutien commence,
à mon sens, par une promotion dynamique de différentes mesures de coopération
judiciaire internationale.
II reste encore beaucoup
à faire dans ce domaine.
D'autre part, retenons
que la restitution de fonds
illicites implique une responsabilité
commune des Etats engagés dans de telles procédures. Une responsabilité qui vise à ce que
les auteurs du crime soient poursuivis,
de même que les victimes compensées.
Même si ce principe semble aller de
soi, la réalité nous démontre
que son application est
complexe et déborde parfois sur la sphère politique.
Monsieur le Président,
Tous les efforts visant l'éradication de la corruption resteront vains si nous ne
nous attelons pas â combattre le problème à la racine. Pour ce faire, la Suisse estime
que la communauté des Etats
ainsi que les organisations
internationales doivent
impérativement poursuivre leurs efforts en matière de prévention de la corruption.
Concrètement, et en particulier dans les pays disposant
de places financières significatives,
il s'agit de promouvoir l'adoption et l'application rigoureuse de normes
et standards élevés et
internationalement reconnus
en matière de diligence
(due diligence) et de connaissance des ayants-droit économiques de comptes bancaires (know your customer rules) ainsi que de l'origine des fonds déposés. D'autre part, il
est nécessaire que toutes les nations s'acharnent enfin à mettre en vigueur l'ensemble des mesures permettant
la saine et transparente gestion
des affaires publiques. Or,
ce dernier élément présuppose non seulement le fonctionnement de systèmes judiciaires efficaces et indépendants détachés de toute sphère d'influence
politique, mais aussi la reconnaissance de la garantie de la liberté d'expression
et en particulier la garantie
de la liberté de la presse. Pour
la société civile, cette dernière constitue le garant de la transparence des mesures gouvernementales.
La Suisse
est convaincue que si ces principes étaient
communément appliqués
au niveau international,
ils auraient un effet dissuasif, et par conséquent un effet préventif indéniable sur la fuite des capitaux illicites.
Le renforcement
des mesures préventives doit
devenir une priorité pour
toutes les sphères d'influence de l'Etat. Pour sa part
et pour ne citer que les exemples les plus
récents, la Suisse a introduit des clauses anti-corruption dans tous les contrats
passés au titre de l'aide au développement, élaboré une politique d'information active à l'intention
des entreprises actives sur les marchés
internationaux et renforcé
les règles de contrôle
en matière de blanchiment.
Monsieur le Président,
La Suisse
nourrit la conviction que la Convention universelle contre la
corruption représente un progrès pour une meilleure application des principes fondamentaux régissant nos systèmes de droit. Elle est un témoignage évident d'une volonté commune
de renforcer l'égalité
et l'équité au sein
de nos sociétés.
Mais le succès d'un instrument international, quel qu'il soit, visant
la lutte contre la corruption
ne pourra finalement être mesuré qu'à l'aune d'un
seul paramètre, celui de son efficacité dans la pratique. Pour sa part,
le gouvernement suisse
est déterminé à contribuer à l'effort commun nécessaire afin que nous puissions
observer, à l'avenir,
un recul de la corruption endémique et une nette progression de l'application des
principes de la bonne gestion publique des affaires dans nos sociétés.
Je vous remercie, Monsieur le
Président