GUINÉE

Discours

de Son Excellence Monsieur FRANCOIS LONSENY FALL,

Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération de la République de Guinée, à la 58ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies.

New York, le 2 octobre 2003


Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs

Le 19 août dernier, la communauté internationale a été frappée dans sa chair à Bagdad par des actes odieux qui ont causé la disparition tragique d'une vingtaine de fonctionnaires des Nations Unies, dont l'éminent Représentant du Secrétaire Général, le regretté Sergio Vieira de MELLO.

En s'attaquant à un symbole aussi prestigieux que les Nations Unies, les forces du mal avaient pour dessein d'annihiler la farouche volonté de notre Organisation de s'acquitter de sa mission de sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales.

Ces crimes inqualifiables démontrent, une fois de plus, l'acuité du terrorisme sous toutes ses formes et soulignent l'impérieuse nécessité pour la communauté internationale de raffermir sa solidarité, en vue de trouver les voies et moyens pour juguler ce fléau, qui demeure l'une des plus grandes menaces au développement harmonieux de l'humanité.

Ma délégation condamne énergiquement ces actes ignobles et s'incline devant la mémoire des victimes.

Elle renouvelle au Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Kofi ANNAN, les sentiments de sincère compassion du peuple et du Gouvernement guinéens et singulièrement, ceux de Son Excellence le Général Lansana CONTE, Président de la République de Guinée.

Ma délégation exprime, par la même occasion, sa profonde gratitude à Monsieur Kofi ANNAN, pour le courage et l'efficacité avec lesquels il conduit les destinées de notre Organisation.
La République de Guinée ne ménagera aucun effort pour apporter sa part de contribution au rayonnement des Nations Unies qui demeurent, faut-il le rappeler, le cadre privilégié de concertation dans la conduite des relations internationales.

Je voudrais saisir l'opportunité pour adresser les vives félicitations de ma délégation à Monsieur Julian R. HUNTE, pour sa brillante élection à la présidence de la 58eme session de l'Assemblée Générale des Nations Unies.

Nul doute qu'il poursuivra avec maîtrise l'oeuvre de son prédécesseur, Monsieur Jan KAVAN, dont le dévouement et la compétence ont été hautement appréciés lors des travaux de la précédente session.

Monsieur le Président,

L'Afrique, continent où vit plus du tiers des personnes languissant dans une pauvreté absolue, continue d'être, hélas, le théâtre de guerres fratricides dont les effets négatifs compromettent les politiques de développement de ses États.

En dépit de ce constat amer, des progrès sensibles ont été enregistrés dans le cadre de l'extinction des foyers de tension.

En Afrique de l'Ouest, l'espoir renaît.

La Sierra Léone se stabilise grâce au soutien actif de la communauté internationale, mais aussi et surtout au patriotisme des sierra léonais et à la détermination de leurs dirigeants à tourner la page de la guerre.

Mon pays, tout en exprimant son appréciation pour le respect des critères de retrait de la MINUSIL, estime que le succès de ce plan est tributaire aussi bien de l'accroissement de l'assistance à la Sierra Léone, que de la restauration effective de l'autorité de l'État sur toute l'étendue du territoire.

Au Libéria, depuis le 11 août dernier, avec le départ du Président Charles Taylor, une nouvelle ère se dessine pour ce pays meurtri par quatorze années de guerre fratricide. Ce qui augure, dirai-je, de perspectives heureuses pour la sousrégion tout entière, notamment le Bassin du Fleuve Mano dont le développement intégré a été longtemps compromis.

C'est l'occasion de saluer les efforts déployés par la CEDEAO et les Nations Unies, qui ont permis d'obtenir un cessez-le-feu et d'aboutir à l'Accord global de paix d'Accra, ouvrant ainsi la voie à la mise en place d'un Gouvernement de transition et de réconciliation nationale.

Ma délégation lance un appel à la communauté internationale pour un appui effectif à la mise en couvre de l'Accord d'Accra, pour que les libériens, enfin, se réconcilient avec eux-mêmes et s'attèlent, dans la démocratie retrouvée, à la reconstruction de leur pays.

L'action conjointe entreprise par la CEDEAO, les Nations Unies et les partenaires au développement pour déployer la force multinationale et assurer le maintien de la paix au Libéria, mérite d'être saluée et soutenue.

La mise en place de cette force de stabilisation s'avère, aujourd'hui, comme un impératif pour faciliter l'application de l'Accord global de paix, permettre la réalisation d'un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion, favoriser le retour des réfugiés et la réconciliation nationale.


Toutefois, mon pays reste convaincu que les auteurs de crimes odieux doivent répondre de leurs actes. C'est pourquoi, nous soutenons sans réserve les décisions du Tribunal Spécial de Sierra Leone dans sa lutte contre l'impunité. Ceci est une exigence morale et politique.

En Côte d'Ivoire, ma délégation exhorte toutes les parties à poursuivre le dialogue en vue de la mise en oeuvre effective de l'Accord de Linas - Marcoussis et réaliser ainsi la réconciliation nationale.

En Guinée Bissau, les derniers développements intervenus fragilisent davantage une situation rendue précaire par des années d'instabilité politique et de crise économique.

Ma délégation appelle de ses voeux la création des meilleures conditions en vue d'un retour rapide à une vie constitutionnelle normale, indispensable au relèvement de ce pays frère.

La Guinée attache du prix à la restauration d'une paix durable dans la sousrégion. Elle a payé un lourd tribut au phénomène d'instabilité dont les conséquences négatives ont freiné sa marche vers le progrès.

Malgré une conjoncture économique particulièrement difficile, marquée par la baisse drastique des cours de la bauxite et de l'alumine, la flambée du prix du pétrole, la Guinée continue de faire face au fardeau des réfugiés et personnes déplacées.

Je tiens ici, à réitérer l'appel du Gouvernement guinéen à la communauté des donateurs, pour une assistance accrue dans la gestion des réfugiés et personnes déplacées, et pour le renforcement des capacités de notre pays à poursuivre son programme de lutte contre la pauvreté, tout en consolidant les acquis démocratiques.

Monsieur le Président,

Je voudrais à présent évoquer la situation dans les Grands Lacs où des embellies se profilent à l'horizon.

En République Démocratique du Congo, en dépit de, la situation de crise humanitaire dans la partie orientale, des progrès considérables ont été enregistrés, notamment dans le cadre du désengagement des forces armées étrangères, des opérations de démobilisation et de réinsertion en cours. Nous fondons l'espoir que le Gouvernement de transition et d'unité nationale mettra tout en oeuvre pour préserver l'intégrité territoriale du pays et favoriser le retour à une vie constitutionnelle normale.

Ma délégation lance un appel à la communauté internationale pour qu'elle apporte à la MONUC, les ressources nécessaires à l'accomplissement de son mandat, renforcé par la résolution 1493 du Conseil de sécurité.

Au Burundi, ma délégation se félicite des résultats encourageants obtenus dans la mise en oeuvre de l'Accord d'Arusha, et appelle toutes les parties à mettre fin aux hostilités pour renforcer la paix encore fragile, et favoriser l'assistance humanitaire.

En République Centrafricaine, ma délégation apprécie l'engagement des nouvelles autorités à favoriser le retour à la légalité constitutionnelle, dans le cadre d'une gestion consensuelle.

Dans la corne de l'Afrique, l'engagement définitif et contraignant de l'Éthiopie et de l'Érythrée concernant la délimitation des frontières, constitue un prélude au retour de la paix entre les deux pays.


S'agissant de la Somalie, ma délégation forme l'espoir que la Conférence de Mbagathi, au Kenya, permettra de surmonter les contradictions du passé pour la restauration d'une paix globale et durable.

Je ne saurais passer sous silence, l'épineuse question du Sahara occidental qui, depuis des décennies, mobilise les énergies de la communauté internationale.

La République de Guinée, qui s'est toujours investie pour un règlement pacifique de la question, demeure convaincue de l'urgence et de la nécessité d'un règlement politique dans le cadre des Nations Unies, seul à même de garantir une solution juste, durable et mutuellement acceptable par les parties.

Monsieur le Président,

Le devenir de notre continent est intimement lié à la paix et à la sécurité internationales. C'est pourquoi, nous ne cesserons d'exprimer notre profonde préoccupation face aux conflits qui secouent d'autres régions du monde.

D'abord le Moyen-Orient. La nomination du Premier Ministre Mahmoud ABBAS, la publication de la feuille de route du Quatuor et l'instauration d'un cessez-lefeu unilatéral par les groupes armés palestiniens, avaient nourri les espoirs. Ceux-ci risquent malheureusement de s'évanouir avec la reprise du cycle de la violence.

Nous avons ensemble, le devoir historique de sauver la paix. La communauté internationale et le Quatuor doivent tout mettre en oeuvre pour donner une nouvelle impulsion au dialogue entre les parties.

De leur côté, palestiniens et israéliens ont l'obligation de tenir leurs engagements respectifs pour susciter la confiance mutuelle.

Ma délégation est persuadée que le règlement global et durable de la crise au Moyen-Orient passe nécessairement par la prise en compte des volets libanais et syrien et l'application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité y relatives.

La Guinée, qui a toujours été à l'avant-garde du légitime combat pour les causes justes, salue le rôle combien historique du Président Yasser Arafat pour la restauration des droits inaliénables du peuple martyr de palestine. Elle marque à cet égard sa ferme opposition à toute tentative de porter atteinte à son intégrité politique et physique.

Nous lui renouvelons toute notre sympathie et tout notre soutien. Nous encourageons également le nouveau Premier Ministre palestinien, Monsieur Ahmed QOREI à ne rien ménager pour créer les conditions propices à la poursuite du dialogue en vue du règlement durable du conflit israléo-palestinien.

S'agissant de l'Irak qui traverse une phase cruciale de son avenir, ma délégation encourage l'ONU à poursuivre et à consolider sa mission de paix, de reconstruction et d'assistance humanitaire pour que les irakiens prennent rapidement en main le destin de leur pays dans l'unité et la démocratie.

Quant à l'Afghanistan, la communauté internationale devra accroître son assistance à ce pays, notamment dans le domaine de la sécurité et de l'aide au développement, afin de soutenir l'administration transitoire dans la mise en oeuvre de l'Accord de Bonn.

Dans la péninsule coréenne, ma délégation exhorte les parties à poursuivre les efforts en vue de la réunification pacifique et indépendante des deux Corée, ainsi que du règlement de la question nucléaire par le dialogue.

En outre, le Gouvernement guinéen réaffirme son adhésion au principe d'une seule Chine. Il salue les efforts déployés par la République Populaire de Chine en faveur de la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales.

En ce qui concerne la crise chypriote, dont le dénouement piétine en dépit de la détermination du Secrétaire général, nous en appelons à la volonté politique des parties, afin qu'elles retournent à la table de négociations sur la base du plan révisé.

Monsieur` le Président,

La pauvreté, les conflits armés, les armes de destruction massive, le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et les violations des droits de l'homme, y compris du Droit international humanitaire, continuent d'être des, obstacles majeurs à la paix, à la sécurité et au développement.

La sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales est tributaire de notre engagement à éradiquer la prolifération des armes légères et de petit calibre, ainsi que le mercenariat, qui nourrissent les conflits notamment en Afrique.

Cela est d'autant vrai _que lors de la première réunion biennale tenue en juillet dernier dans cette même enceinte, les États membres des Nations Unies avaient pu, dans le cadre de la mise en oeuvre du programme d'action 2001, mesurer les effets dévastateurs des armes légères, dont les principales victimes demeurent hélas, les femmes et les enfants.

Ma délégation réitère l'appel lancé par la CEDEAO pour une assistance financière adéquate en vue de l'application effective du moratoire sur les armes légères.

Elle en appelle également à l'application effective de la Résolution 1467 adoptée au terme de l'atelier organisé par mon pays au cours de sa présidence du Conseil de sécurité, en mars 2003, sur le thème « Prolifération des armes légères et de petit calibre et mercenariat : menaces à la paix et à la sécurité en Afrique de l'Ouest ».

Monsieur le Président,

Conscients des responsabilités premières qui leur incombent pour le relèvement du continent, les dirigeants africains poursuivent leurs efforts dans la mise en oeuvre effective du NEPAD. Les engagements pris lors de la 2ème Conférence de l'Union Africaine, à Maputo, s'inscrivent dans ce cadre.

La Guinée se réjouit du soutien de la communauté internationale, notamment des pays du G8, à l'Union Africaine et à son cadre programmatique, le NEPAD.

Elle salue les initiatives prises par les partenaires au développement en faveur de l'augmentation de l'Aide publique, l'allègement de la dette et l'amélioration de l'accès aux marchés.

La Guinée félicite et encourage également les Etats-Unis, l'Union Européenne et le Japon pour les dispositions salutaires envisagées pour la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA, le paludisme, la tuberculose et l'insécurité alimentaire.

Ces efforts seront sans nul doute renforcés par l'Accord récemment conclu dans le cadre de l'OMC, permettant aux pays les plus pauvres d'avoir accès aux médicaments génériques et de faire ainsi face au drame sanitaire de six millions de morts annuels, rien que pour ces trois pandémies.

Ma délégation déplore toutefois le manque de consensus à Cancun, lors de la Sème conférence ministérielle de I'OMC. Elle demeure convaincue que la communauté internationale poursuivra le débat dans la perspective d'une intégration des économies les plus faibles dans le système mondial commercial.

Nous devons tous oeuvrer pour une mondialisation mieux maîtrisée et moins inique, l'intérêt général devant rester au centre de nos préoccupations.

Monsieur le Président,

Le chemin reste assurément long et parsemé d'embûches. La revue à miparcours montre en effet que la réalisation des objectifs de la Déclaration du Millénaire n'incite pas à l'optimisme, en ce qui concerne l'Afrique. Nous souhaitons que l'élan de solidarité qui ne cesse de s'exprimer au niveau de la communauté internationale, puisse se traduire en actes concrets et galvaniser les énergies des uns et des autres, afin que les générations futures mesurent à sa juste valeur, notre combat d'aujourd'hui pour l'épanouissement de l'humanité.

Pour y parvenir, il nous appartient de raffermir notre unité et promouvoir le multilatéralisme pour permettre à notre Organisation commune de relever les défis de la paix, de la sécurité et du progrès social et économique.

Les derniers développements de la situation internationale ont en effet prouvé à quel point les Nations Unies demeurent le cadre privilégié de concertation dans la gestion des affaires mondiales.

Le renforcement du rôle et des capacités de l'ONU, s'avère donc plus que jamais indispensable afin d'apporter des solutions justes, équitables et durables aux questions de préoccupation majeure.

Ma délégation apprécie les efforts engagés dans le cadre de la réforme des Nations Unies et de la revitalisation des travaux de l'Assemblée Générale.

A cet égard, elle souscrit à la recommandation du Secrétaire Général relative à la mise en place d'un groupe de haut niveau chargé notamment de recommander les moyens de renforcer l'ONU, par la réforme de ses institutions.

Toutes ces démarches qui concourent à l'amélioration de l'efficacité de notre Organisation, doivent être naturellement sous-tendues, Monsieur le Président, par une réelle réforme du Conseil de sécurité en vue de le rendre plus représentatif dans sa composition. Ce qui permettra d'accroître sa transparence et de donner à tous les États, grands ou petits, l'opportunité de se retrouver dans ce concert, et d'y apporter ainsi la partition qui leur est due, dans la construction du renouveau universel.

Je vous remercie.