TUNISIE
ALLOCUTION
DE
S.E. M. HABIB BEN YAHIA,
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
57e SESSION
ORDINAIRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
New York,
le 19 Septembre 2002
Monsieur le Président,
Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter à l'occasion de votre élection à la présidence de cette session de l'Assemblée Générale et de vous formuler tous mes voeux de plein succès dans l'accomplissement de votre tâche. Forts des liens d'amitié profonde qui unissent la Tunisie à votre pays, la République Tchèque, nous vous assurons de notre coopération et appui dans la conduite des travaux de cette session.
Je saisis cette occasion pour adresser mes remerciements à votre prédécesseur, M. Han Seung-Soo, qui a su diriger la session précédente avec efficacité et diligence.
J'ai également le plaisir d'exprimer toute mon appréciation et ma gratitude à M. Kofi ANNAN, Secrétaire Général des Nations Unies, qui ne cesse de jouer un rôle constructif et efficace au service des nobles objectifs pour lesquels notre Organisation a été créée.
Je voudrais, par ailleurs, exprimer les félicitations de la Tunisie à la Confédération Suisse pour son adhésion à l'Organisation des Nations Unies.
Monsieur le Président,
Les répercussions diverses des événements du 11 Septembre dernier que nous avons tous condamnés avec fermeté, continuent de se faire ressentir, rappelant ainsi aux membres de la Communauté internationale que le raffermissement de l'action commune demeure indispensable pour surmonter les défis de sécurité et de développement auxquels notre monde fait face aujourd'hui et que nous devons affronter grâce à une concertation accrue et dans un esprit de solidarité ainsi que sur la base d'une vision d'avenir globale et intégrée. En effet, l'établissement d'un lien entre la sécurité et le développement ainsi que la compréhension parfaite de la dialectique existant entre ces deux éléments permettent non seulement de trouver une solution effective à certains problèmes internationaux mais aussi de prévenir leur apparition.
La vision globale que nous prônons en tant que méthode de travail au niveau international, se fonde essentiellement sur la consolidation des valeurs d'entente et d'interaction entre les religions, les civilisations et les cultures, sur la consécration des principes de solidarité, de modération et de tolérance, sur la lutte contre la pauvreté, l'exclusion et la marginalisation ainsi que sur notre combat collectif contre le fanatisme et le terrorisme.
Ces principes et valeurs se fondent sur le projet civilisationnel que son Excellence le Président Zine El Abidine BEN ALI n'a cessé de consolider au cours de sa Nouvelle Ere auprès de la société tunisienne. Ce projet s'est en effet renforcé à la suite de la réforme constitutionnelle décidée à l'unanimité par le peuple Tunisien lors d'un référendum au cours duquel il a opté pour la République de demain basée sur l'Etat de droit et des institutions, la protection des droits de l'homme et la solidarité entre les membres de la société.
Les acquis et les succès atteints dans notre pays grâce à cette démarche globale et intégrée que nous avons adoptée pour redresser la situation sociale, économique, politique et culturelle du peuple Tunisien, ont renforcé notre conviction de la nécessité de fonder les relations internationales sur la base de la même démarche pour le bien de l'humanité entière et pour relever les défis auxquels elle fait face aujourd'hui.
La Tunisie a présenté, à maintes occasions, de nombreuses initiatives dans ce cadre, notamment l'appel lancé en 1989, du haut de cette même tribune, par S.E. M. Zine El Abidine BEN ALI, Président de la République, en vue de signer un pacte universel de paix et de progrès qui jetterait les bases d'un avenir meilleur pour la Communauté internationale, dans un esprit de coopération constructive, loin des conflits et du gaspillage des ressources et des énergies.
La Tunisie estime que le moment est venu pour tenir une conférence internationale qui élaborerait des dénominateurs communs qui seraient la base d'un code de conduite qu'observeraient toutes les parties. Ce code contribuerait ainsi à l'amorce d'un dialogue responsable qui éviterait tout traitement à double standard et atténuerait les sentiments de privation et d'oppression qu'éprouvent: plusieurs peuples. A cet égard, nous estimons que l'ONU constitue le cadre idéal pour initier et développer un tel dialogue entre les Etats.
Monsieur le Président,
Un an après les événements douloureux qui ont secoué les Etats-Unis, le danger du terrorisme se fait toujours ressentir et continue de menacer la paix et la sécurité internationales. Aussi, faut-il faire preuve de fermeté constante pour contrer ce phénomène et dans notre action en vue de l'éradiquer définitivement. Maintenant que ses manifestations les plus patentes ont été traitées, la Communauté internationale doit, à présent, s'atteler à traiter ses causes liées à la sécurité, au développement et à la culture.
La Tunisie avait déjà été parmi les premiers pays à mettre en garde contre les dangers du terrorisme. Elle avait plaidé bien avant les événements du 11 septembre et dès le début des années 90, pour une coordination des efforts internationaux pour contrecarrer, contenir et éliminer ce fléau.
Il est toutefois inquiétant de voir que certains terroristes se trouvent encore dans de nombreux pays et y jouissent de la protection sous prétexte du droit d'asile politique, sans qu' aucune enquête ne soit menée sur leurs actes, leurs activités ou les crimes qu'ils ont commis à l'encontre de leurs pays d'origine.
Monsieur le Président,
Nombreuses sont les régions qui continuent de souffrir des affres de la pauvreté et du besoin. Seule une démarche réfléchie et minutieuse conduisant à la réalisation des objectifs du Sommet du Millénaire, eux-mêmes réaffirmés lors de diverses rencontres internationales ultérieures, leur permettra de sortir de cette situation. La Tunisie avait déjà pris une initiative en ce sens, en proposant la création d'un Fonds Mondial de Solidarité destiné à lutter contre la pauvreté dans le monde.
Deux années après la présentation de cette initiative et son adoption par l'Assemblée Générale et la décision du Sommet de Développement Durable visant à créer ce fonds, nous formulons l'espoir que les études et analyses dans ce cadre notamment le dernier rapport du Secrétaire Général sur les modalités de fonctionnement et d'utilisation de ce fonds, lui permettront de voir le jour au cours de cette année. En effet, la lutte contre la pauvreté est une nécessité impérieuse pour garantir la stabilité des sociétés et prévenir d'autres fléaux tels que les guerres, le terrorisme et les maladies, d'autant plus que cela constitue un élément fondamental de toute stratégie globale qui garantirait la paix et la sécurité internationales.
Monsieur le Président,
Le continent africain qui continue de souffrir de conflits et de problèmes économiques et de développement, appelle une attention soutenue de la part de la Communauté internationale. Toutes les analyses ont démontré que l'instabilité qui règne en Afrique est due essentiellement à ses problèmes économiques et sociaux, ce qui a été également confirmé par tous les sommets et rencontres tenus au niveau international. Aussi, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique « NEPAD » constitue t-il l'une des initiatives susceptibles d'attirer l'attention des Etats donateurs et des institutions financières internationales.
Nous pensons que si la Communauté internationale souhaite procurer un avenir à l'Afrique, elle ne peut plus continuer d'ignorer ses besoins fondamentaux, de l'assujettir à de pures considérations géostratégiques, ou encore lier l'aide internationale qui lui est octroyée à des conditions draconiennes que de nombreux Etats africains ne seraient pas en mesure de remplir.
Monsieur le Président,
La Communauté internationale est appelée aujourd'hui à jouer un rôle primordial pour amener Israël à cesser son agression contre le peuple Palestinien, à se retirer des territoires occupés et à se conformer à la légalité internationale sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité et des autres résolutions pertinentes, ainsi que sur le principe de « la terre contre la paix ». Le peuple Palestinien a besoin du soutien indéfectible de la Communauté internationale afin de pouvoir recouvrir ses droits légitimes et en premier lieu, son droit à créer son Etat avec pour capitale Al-Qods Al-Charif. La politique israélienne visant à assassiner les dirigeants palestiniens, à assiéger durablement le Président légitime, Yasser Arafat, à affamer la population civile, à la massacrer et à l'expulser de son territoire, en violation de la 4ème Convention de Genève, ne ferait qu'exacerber la situation et attiser les rancunes et les désirs de vengeance.
La Communauté internationale est appelée aujourd'hui à redoubler d'efforts pour faciliter le retour à la table des négociations en vue de donner corps à la vision de deux Etats, Palestinien et Israélien, vivant côte à côte, à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, tel que préconisé par le Président Bush dans son discours en Juin dernier et sur la base de l'approche globale prônée par le Plan Arabe adopté au Sommet de Beyrouth.
La Tunisie, qui a toujours oeuvré pour la paix au Moyen-Orient et pris part aux négociations multilatérales, est prête aujourd'hui à poursuivre son rôle constructif pour la reprise des pourparlers et l'instauration d'une paix juste, globale et durable garantissant la libération des territoires arabes occupés par Israël en 1967, y compris le Golan syrien et le reste du territoire libanais encore sous occupation israélienne.
Par ailleurs, une paix et une stabilité durables pour les peuples du Moyen-Orient, nécessite la poursuite des efforts internationaux en vue de faire progresser le dossier Irakien par les moyens pacifiques et sur la base des résolutions du Conseil de Sécurité.
Nous estimons que le dialogue entre les Nations Unies et l'Irak demeure la voie idéale pour régler tous les problèmes en suspens.
A cet égard, nous accueillons avec satisfaction la décision de l'Irak d'accepter leur retour sans conditions, ce qui constitue, comme l'a indiqué le Secrétaire Général à l'ouverture de notre session, un pas vers la détente de la région et la levée des sanctions.
La Tunisie s'attache dans ce cadre à la position arabe s'opposant à toute frappe contre un Etat arabe, appelant à éviter de nouvelles souffrances et maux au peuple Irakien frère, à la nécessité de préserver l'intégrité de l'Irak, sa souveraineté et son unité territoriale, de même que la souveraineté du Koweït, la sécurité de son territoire tout en soulignant la nécessité d'éviter toute déstabilisation de la sécurité et de la stabilité de la région.
Dans ce même ordre d'idées, nous tenons à réaffirmer la nécessité de lever définitivement les sanctions contre la Libye sueur qui s'était acquittée de toutes ses obligations et a offert son entière coopération pour un règlement juste et satisfaisant de l'affaire Lockerbie.
Monsieur le Président,
La concrétisation d'une vision globale de la paix et de la sécurité dans le monde est tout aussi importante au niveau régional qui vient compléter et renforcer l'action internationale commune. La Tunisie a ainsi opté pour l'Union du Maghreb Arabe comme un choix stratégique et a oeuvré continuellement pour le consolider et dépasser les difficultés qui entravent son chemin. Nous formulons l'espoir de voir l'action maghrébine commune s'engager vers une intégration plus poussée entre les pays de l'Union.
Sur un autre plan, la Tunisie oeuvre pour approfondir ses relations de coopération et de partenariat dans la région euro - méditerranéenne. Nous nous félicitons à cet égard de la réactivation de l'Espace « 5+5 » ce qui multiplierait les occasions visant à promouvoir la concertation, la collaboration et la solidarité entre tes deux rives de la Méditerranée, renforcerait les facteurs de paix, de stabilité et de développement et développerait les relations entre les pays de cet espace, dans un esprit de respect mutuel et de préservation des intérêts de toutes les parties. La Tunisie oeuvrera sur cette base et fera tout son possible pour garantir le succès du Sommet « 5+5 » qu'elle abritera en 2003.
Monsieur le Président,
Le progrès technologique considérable que connaît le monde d'aujourd'hui a une influence incontestable sur la reprise économique internationale.
Consciente de l'importance de cette question, la Tunisie a été parmi les premiers à préconiser la tenue d'un Sommet de la société de l'information, idée qui a fait l'unanimité de toutes les parties internationales. La Tunisie aura l'honneur d'en accueillir la réunion en 2005 et nous formulons le voeu que l'Assemblée Générale continue sa contribution aux préparatifs qui assureront le succès de ce sommet. Nous insistons dans ce cadre sur la nécessité de favoriser le transfert de technologies propres vers les pays en développement, de promouvoir les mécanismes de coopération Nord-Sud et Sud-Sud et de renforcer la coopération financière en vue d'assurer des fonds complémentaires aux projets relatifs à la protection de l'environnement dans les pays en développement.
Il est, par ailleurs, primordial que les orientations discutées à Johannesburg et dégagées au Sommet de Monterrey sur le financement du développement ainsi qu'au Sommet de Doha de l'OMC doivent se compléter et ce, dans l'intérêt de tous les pays, notamment ceux en développement et pour que la mondialisation devienne un facteur de progrès pour tous et un élément de consolidation de la paix et de la sécurité.
Monsieur le Président,
Le monde d'aujourd'hui est porteur d'espoirs et d'ambitions nouvelles, mais aussi de menaces et défis dont les implications doivent retenir notre attention. Le message que la Tunisie adresse à cette auguste assemblée ici réunie est le suivant : travaillons ensemble pour l'élaboration d'un acte de partenariat international dans tous les domaines et qui se fonderait sur un code de conduite international dans les sphères politique, économique, de développement, de sécurité et de stabilité internationales et que toutes les parties s'engageraient à observer.
Ce qui nous uni autour des priorités majeures pour prévenir les dangers nouveaux à la paix et à la sécurité internationales, nous incite à adopter, une démarche préventive axée principalement sur:
- Le respect de principe de la légalité internationale en tant
que fondement de la coexistence pacifique,
- L'offre d'opportunités égales de développement à
tous les pays sans exclusion ni marginalisation,
- Le règlement des problèmes internationaux qu'ils soient des
conflits, des crises ou des guerres sur la base de principes constants et immuables
de justice et conformément à la légalité internationale.
je vous remercie.