INTERVENTION AU
NOM DE L'UNION EUROPÉENNE
PRONONCÉE
PAR S.E.M. LOUIS MICHEL,
VICE-PREMIER MINISTRE
ET MINISTRE DES
AFFAIRES
ÉTRANGÈRES
DE LA BELGIQUE
CONFÉRENCE
EN VUE DE FACILITER L'ENTRÉE EN
VIGUEUR DU TRAITÉ
D'INTERDICTION COMPLÉTÉ
DES ESSAIS NUCLÉAIRES
New York, le 11 novembre 2001
(Vérifier au prononcé)
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de prendre la parole au nom de l'Union européenne, des pays d'Europe centrale et orientale associés à l'Union européenne, ainsi que des pays associés et des pays membres de l'AELE appartenant à l'Espace économique européen, qui m'on fait connaître leur ralliement à la déclaration que je vais prononcer, à savoir la Bulgarie, Chypre, l'Estonie, la Hongrie, l'Islande, la Lettonie, la Lituanie, Malte, Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Turquie et la République Tchèque.
Permettez-moi au nom de l'Union européenne de vous féliciter pour votre élection à la Présidence de cette deuxième conférence visant à faciliter l'entrée en vigueur du Traité pour l'Interdiction complète des Essais nucléaires et de vous assurer de notre entière collaboration pour mener à bien l'importante tâche qui vous a été confiée.
Je voudrais commencer par une référence aux événements du 11 septembre, qui nous ont profondément choqués. L'Union européenne condamne le terrorisme sous toutes ses formes. Elle exprime sa solidarité avec le peuple américain et le gouvernement des États-Unis d'Amérique. Elle estime que le désarmement et la nonprolifération sur une base multilatérale et générale sont aujourd'hui plus que jamais indispensables afin d'interdire aux terroristes et aux organisations terroristes tout accès à des moyens plus puissants pour mener leurs abominables activités. L'Union européenne continuera sans réserve à appuyer les efforts internationaux dans les domaines du désarmement, de la maîtrise des armements et de la non-prolifération, tant pour les armes de destruction massive que pour les armes conventionnelles.
Dans ce contexte, l'Union européenne estime important et utile que cette Conférence puisse se tenir cette année, comme cela avait été prévu, en dépit des circonstances tragiques que nous connaissons. Il s'agit là d'une démonstration forte de la volonté de la communauté internationale de ne pas se laisser détourner de ses objectifs par l'intimidation et la menace.
L'Union européenne remercie le Secrétaire général des Nations Unies pour avoir, en sa qualité de dépositaire du Traité, convoqué cette conférence ainsi que tous les membres de son secrétariat qui ont collaboré à son organisation. Le travail de la Commission préparatoire de l'OTICE complète les efforts des Nations Unies, tout particulièrement dans le domaine de la sécurité internationale, du contrôle des armements et du désarmement. C'est pourquoi l'Union européenne salue l'adoption d'un accord de partenariat entre la Commission préparatoire de l'OTICE et les Nations Unies ainsi que la conclusion d'accords de coopération avec les Agences et Programmes spécialisés des Nations Unies.
L'Union européenne souhaite également remercier les gouvernements du Japon et du Mexique pour leurs efforts en faveur de l'entrée en vigueur du Traité depuis la précédente conférence et en particulier leurs Représentants permanents à Vienne qui ont organisé et présidé respectivement les réunions informelles de suivi de la conférence de 1999 et les réunions de préparation de cette deuxième Conférence.
En cette année où nous célébrons le 5e anniversaire de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 10 septembre 1996, du Traité pour l'Interdiction complète des Essais nucléaires, nous souhaitons que cette Conférence, qui a pour objet d'étudier les moyens de hâter son entrée en vigueur, soit aussi pour nous l'occasion de réaffirmer l'importance de ce traité.
Le TICE constitue une étape significative, à la fois symbolique et concrète, de la non?prolifération et du désarmement nucléaire conformément à l'article VI du Traité de Non-Prolifération dont l'Union européenne tient à rappeler qu'il est la pierre angulaire du régime de non-prolifération et le fondement de la recherche du désarmement nucléaire. La conférence d'examen du Traité de Non-Prolifération qui s'est tenue ici même l'année dernière a d'ailleurs appelé tous les États parties à adhérer sans tarder au TICE.
Le TICE a vocation à l'universalité. Ceci est confirmé par son caractère égalitaire que je souhaiterais souligner une nouvelle fois. Le Traité impose à tous les États la même obligation et leur donne à tous un accès égalitaire à un mécanisme de vérification unique dans l'histoire de la lutte pour le désarmement et la non-prolifération.
Dans la ligne des obligations auxquelles ils ont souscrit en signant et en ratifiant le TICE, les États membres de l'Union européenne restent attachés à la mise en place intégrale du régime de vérification et à l'entrée en vigueur rapide du Traité. A cet égard, l'Union européenne souhaite rappeler la déclaration faite par les États-Unis lors de la 15e Commission préparatoire de l'OTICE le 21 août.
Tout en prenant note avec satisfaction du fait que les États-Unis ont annoncé leur intention de maintenir leur moratoire sur les essais nucléaires, nous ne pouvons que regretter l'annonce par les États-Unis qu'ils ne participeront plus à certaines des activités découlant du Traité et qu'ils ne prévoient pas de reconsidérer leur position concernant la ratification. Ceci nous préoccupe d'autant plus que les États-Unis ont jusqu'à présent joué un rôle important en matière de contrôle des armements nucléaires notamment dans le cadre du TICE.
L'Union européenne en appelle
au gouvernement des États-Unis et lui demande instamment de revoir
sa position et de participer ainsi à nos efforts communs visant
à mettre en application l'interdiction de toute explosion expérimentale
d'arme nucléaire ou de toute autre explosion nucléaire.
Monsieur le Président,
La période de 5 ans qui nous sépare de l'ouverture à la signature du Traité est suffisante pour nous permettre de dresser un premier bilan de ce qui a déjà été réalisé et de ce qui nous reste à accomplir. Ce bilan peut se résumer en quelques chiffres : 161 signatures, 79 ratifications, un secrétariat de 280 personnes disposant d'un budget annuel de près de 80 mios USD et un réseau de vérification qui se met en place à un rythme soutenu en dépit de nombreuses difficultés pratiques. Que nous indiquent ces chiffres ?
Ils nous indiquent tout d'abord que la volonté de la communauté internationale n'a pas faibli, au contraire, et qu'elle persévère dans son effort collectif visant à permettre une entrée en vigueur du Traité aussi rapide que possible. Certes, la tentation est parfois forte de se focaliser sur ce qui reste à accomplir et en particulier sur ces 13 ratifications, dont l'absence est particulièrement visible puisqu'elle empêche pour le moment l'entrée en vigueur, mais pour tous ceux qui participent activement aux travaux de la Commission préparatoire de l'OTICE, le tableau est encourageant.
Ce qui ressort avant tout, c'est
l'extraordinaire esprit de collaboration qui règne entre tous les
États signataires, qu'ils aient déjà ratifié
ou non. Cet esprit de collaboration se manifeste de façons diverses:
par le fait de consentir chaque année à la Prepcom un budget
en croissance qui lui permet de mettre en place le réseau de vérification,
par la mise à disposition du STP de technologies avancées
et d'experts, par la coopération avec le STP des nombreux États
sur le territoire desquels des stations seront construites, par des démarches
et actions multiples visant à informer et convaincre ceux qui ne
nous ont pas encore rejoints.
Monsieur le Président,
Nous pouvons nous réjouir que tous les pays dotés d'armes nucléaires aient déjà signé le Traité et de ce que la France, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni l'aient déjà ratifié, et nous appelons les 2 États dotés d'armes nucléaires qui ne l'ont pas encore ratifié à le faire aussi. Nous remarquons aussi avec satisfaction que depuis la précédente conférence aucun État n'a annoncé avoir effectué d'essais nucléaires ni avoir l'intention de le faire. Considérant la finalité et l'objectif du TICE, nous affirmons que le fait de procéder à des explosions expérimentales d'arme nucléaire ou toute autre explosion nucléaire constituent une menace sérieuse aux efforts de désarmement et non-prolifération nucléaires.
L'Union européenne rappelle que 2 États avaient, en 1998, effectué des essais qui avaient alarmé la communauté internationale. Elle prend note avec intérêt que ces pays ont annoncé et appliqué des moratoires unilatéraux et exprimé leur volonté à terme d'adhérer au TICE.
Nous ne pouvons pas imaginer que
les pays qui n'ont pas encore signé le Traité aient, de propos
délibéré, choisi de s'isoler de la communauté
internationale, d'agir à contre-courant en niant l'évolution
récente des mentalités dans un mode de plus en plus conscient
de son interdépendance. Je suis persuadé qu'ils ne resteront
pas sourds à notre invitation à rejoindre sans condition
et sur un pied de parfaite égalité le reste de la communauté
internationale dans sa lutte pour construire un monde plus sûr et,
à terme, débarrassé d'armes nucléaires.
Monsieur le Président,
Tous les pays membres de l'Union européenne ont ratifié le TICE. Au cours de ces deux dernières années, l'Union européenne n'a pas ménagé ses efforts pour promouvoir à la fois une entrée en vigueur rapide et une adhésion universelle au Traité. Sur la base de la Position commune de l'Union européenne adoptée le 29 juillet 1999 et d'un plan d'action visant à favoriser l'entrée en vigueur adopté en avril 2001, l'Union européenne a effectué plus de 70 démarches, elle s'est également fait l'avocat du Traité dans toutes les enceintes internationales ou cela était approprié. Elle est fermement décidée à persévérer dans cet effort.
Cette activité en faveur du traité, de son universalité et de sa mise en oeuvre se fonde sur notre conviction partagée avec la plupart des pays et, j'ose le dire, avec l'immense majorité des habitants de notre planète, que l'interdiction complète et vérifiable de toute explosion expérimentale d'arme nucléaire ou toute autre explosion nucléaire reste un élément essentiel et indispensable de toute politique globale de désarmement nucléaire, de non-prolifération nucléaire et de contrôle des armements nucléaires, quelle que soit l'évolution des situations politiques ou des équilibres stratégiques au XXIe siècle. Le Traité, fruit de décennies d'efforts internationaux, demeure plus que jamais pertinent car les objectifs de sécurité globale qu'il poursuit restent au centre de nos priorités et les moyens prévus pour sa mise en oeuvre sont adaptés à ses buts et sont réalistes quant à leur coût, mais surtout parce qu'il contribue, dans l'égalité entre les États et les populations, à l’espoir d'un monde de paix.
C'est avec cet espoir et dans cet esprit que l'Union européenne réitère son appui le plus entier aux efforts de la Prepcom visant à établir le régime de vérification dans les délais appropriés et conformément au Traité. Pour que l'élan de la communauté internationale ne faiblisse pas, elle appelle tous les États qui ne l'ont pas encore fait à adhérer sans retard et sans condition à l’OTICE, tout particulièrement ceux figurant sur la liste des 44 États dont la ratification est indispensable à l'entrée en vigueur du Traité, en accélérant leur procédure de ratification interne suivant leurs règles constitutionnelles respectives.
L'Union européenne souhaite, Monsieur le Président, que sous votre direction les États participant à cette conférence puissent adopter une déclaration finale forte qui donne une nouvelle impulsion au Traité et procure l'appui politique nécessaire aux efforts en vue de son entrée en vigueur.
Merci, Monsieur le Président.