31 mars 2020 — Visioconférences, appels de groupe, téléchargements, échanges de fichiers, messageries, streaming… Le confinement d’une large part de la population mondiale dû à la pandémie de COVID-19 a pour effet de créer une forte tension sur les infrastructures de télécommunication. Pour aider les pays et les régulateurs à faire face, les Nations Unies viennent de lancer une plateforme mondiale destinée à garantir une continuité de service pendant la crise.

A l’initiative de l‘Union internationale des télécommunications (UIT), agence onusienne en charge du développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), cette Plateforme pour la résilience des réseaux, baptisée # REG4COVID par ses concepteurs, se veut avant tout un espace d’échange de bonnes pratiques et d'initiatives mises en œuvre dans la période actuelle.

Il s’agit d’informer les décideurs politiques nationaux, les acteurs de la réglementation, les opérateurs mais aussi les hôpitaux, les entreprises et la société civile pour s'assurer que les réseaux et services de télécommunication, de l’Internet aux lignes de téléphonie mobile, continuent de répondre aux besoins essentiels malgré l’augmentation massive du trafic.

« Il en va de notre capacité, en tant que membres de l'humanité, de donner aux professionnels de santé, partout dans le monde, les outils dont ils ont besoin pour exercer, de permettre à tous ceux qui le peuvent de travailler depuis leur domicile, de faire des transactions en ligne, de garantir à des centaines de millions d'enfants et de jeunes qu’ils pourront suivre le cours de leurs études et garder le contact avec leurs proches, où qu'ils se trouvent », a expliqué Houlin Zhao, Secrétaire général de l'UIT, en lançant ce nouvel outil appelé à devenir une plateforme d’interaction et de mobilisation.

Des stratégies pour les plans nationaux d'urgence

Dans ce même cadre, l’Union a publié, le 19 mars, de nouvelles lignes directrices visant à contribuer à la mise au point de plans nationaux de télécommunication d’urgence. L’objectif est cette fois d’aider les décideurs politiques, les régulateurs et les autres autorités nationales à définir une stratégie permettant d'assurer la disponibilité des communications durant les phases de prévention, de préparation, d'intervention et de rétablissement en cas de catastrophe.

« La crise exceptionnelle liée à la COVID-19 nous montre combien les réseaux et les services des technologies de l'information et de la communication sont essentiels, à la fois pour faire face à la pandémie actuelle et pour assurer la gestion des catastrophes", a souligné à cette occasion M. Zhao.

Tout en favorisant la coordination entre les différents niveaux d'administration, les organismes humanitaires, les fournisseurs de services et les communautés exposées, les lignes directrices de l’UIT mettent en évidence les principaux domaines à risques et donnent des arguments en faveur du financement d’équipements. Elles mettent aussi en avant la nécessité de disposer de ressources et de procédures courantes afin de pouvoir maintenir les communications essentielles.

« Lorsqu'une catastrophe survient, elle ne nous laisse pas le temps de réfléchir à ce qu'il faut faire et à la façon d'organiser les interventions. Toutes les parties prenantes doivent impérativement être préparées à l'avance et se tenir prêtes », relève Doreen Bogdan-Martin, Directrice du Bureau de développement des télécommunications de l'UIT. C’est pourquoi les lignes directrices préconisent des simulations théoriques, des démonstrations et des entraînements à grande échelle afin de mettre en place des mesures d’intervention d’urgence efficaces.

Témoin de ce souci de préparation, l'Union et le Réseau des télécommunications d'urgence (ETC), réseau collaboratif mondial de services de communication partagés en situation d'urgence humanitaire, ont uni leurs compétences pour élaborer un guide pratique, lequel fournit des outils pour tester et affiner les plans nationaux d'urgence sur la base de scénarios.

De l’enseignement à distance aux webinaires

L’urgence est aussi de répondre à la fermeture des établissements scolaires, et ce, en tirant parti des outils numériques. Pour ce faire, l’UIT a rejoint la Coalition mondiale COVID-19 pour l’éducation lancée et coordonnée par l’Organisation des Nations pour l’éducation, la science et la culture (UNECO). Cette initiative associant organisations internationales, société civile et secteur privé vise à aider les États à développer les solutions d’enseignement à distance les plus adaptées, alors que 87% des écoliers et des étudiants dans le monde n’ont plus accès à leur lieu d’apprentissage.

Dans le même ordre d’idées, l’Union s’est alliée à l’équipementier Cisco dans le but de doter les dix « centres pour la transformation numérique » créés par l’agence en septembre 2019 de capacités d’enseignement à distance. Ces centres, situés dans les régions Afrique, Amériques et Asie-Pacifique, ont pour vocation première de remédier à l’insuffisance de compétences numériques dans les communautés. Dans le contexte actuel, le groupe technologique américain, partenaire de l’initiative, offrira des cours gratuits pour former des enseignants aux techniques d’instruction en ligne.

L’UIT a par ailleurs initié « AI for Good », une série de webinaires centrés sur le recours à l’intelligence artificielle (IA) dans la lutte contre le nouveau coronavirus. Le premier de ces séminaires en ligne a réuni virtuellement le Dr Seon Kui Lee, directrice de la division de l’évaluation des risques et de la coopération internationale aux Centres coréens de prévention et de contrôle des maladies (KCDC), et le Dr Tai-Myoung Chung, professeur au département de science interactive de l’université Sungkyunkwan. Thème de la discussion : l’utilisation des TIC et de l’IA pour « aplatir la courbe » des contaminations, avec les expériences de la République de Corée comme étude de cas.

Nécessaire solidarité internationale

Dans le cadre de sa collaboration avec le Groupe de la Banque mondiale, l’Association GSM, qui rassemble près de 800 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile de 220 pays, et le Forum économique mondial (WEF), l’Union s’emploie à réunir les acteurs financiers et industriels autour de projets favorisant la connectivité, la sûreté des réseaux, l’augmentation de la bande passante et la « big data ».

L’agence ne néglige pas pour autant les questions d'inclusion numérique dans ses échanges avec ses partenaires internationaux. Elle reste même fermement engagée en faveur d’une connectivité à la fois universelle, fiable et financièrement abordable.

« Dans la crise que nous connaissons aujourd'hui, nous devons nous montrer solidaires », a souligné M. Zhao en présentant la plateforme # REG4COVID. « Alors que l'incertitude règne, il ne faut pas oublier tous ceux qui, à travers la planète, n'ont toujours pas accès à l'Internet », soit 3,6 milliards de personnes dans le monde, vivant en majorité dans les pays les moins avancés (PMA), selon les estimations de l’UIT.

D’après le rapport sur le développement numérique publié l’an dernier par l’agence, l’accessibilité financière et le manque de compétences numériques demeurent les principaux obstacles à l'adoption et à l'utilisation effective de l'Internet, en particulier dans les PMA. L’UIT a ainsi constaté que dans 40 pays sur les 84 pour lesquels des données sont disponibles, moins de la moitié des habitants maîtrisent les pratiques de base, comme copier un fichier ou envoyer un courriel avec une pièce jointe. Alors que l’utilisation de l'Internet atteint 82,5% de la population dans la région Europe, elle n’est que de 28,2% en Afrique, un fossé plus préoccupant encore en temps de crise mondiale.