Chapitre II : D. Promotion et protection de tous les droits de l’homme

Les agences humanitaires de l'ONU et leurs partenaires aident des centaines de milliers de réfugiés Rohingya au Bangladesh.  Photo PAM/Saikat Mojumder

La paix est en soi un impératif des droits de l’homme

Je suis plus que jamais convaincu que la paix est en soi un impératif des droits de l’homme. Partout dans le monde, crises et conflits éclatent en grand nombre, entraînant des violations répétées des lois qui protègent les droits de l ’homme même en période d’état d’urgence ou de guerre. Des installations médicales, des sites religieux et des écoles ont été attaqués et bombardés à plusieurs reprises en Afghanistan, en Iraq, en Libye, en République arabe syrienne , au Soudan du Sud et au Yémen. Dans ces pays et dans d ’autres zones de crise, notamment au Burundi, dans la région du lac Tchad touchée par les attaques de Boko Haram, au Mali, dans certaines parties du Myanmar, en République démocratique du Congo, en Somalie, au Soudan, en Ukraine et dans le Territoire palestinien occupé, des centaines de milliers de vies ont été emportées.

Les survivants sont de plus en plus souvent poussés à fuir, s ’exposant ainsi davantage à la mort ou à de nouvelles violations car ils voyagent dans des conditions indignes d’un être humain, où les enfants connaissent la famine, sont privés d’éducation et soumis à la violence. Mettre fin à ces crimes contre la paix, garantir des réparations aux victimes et faire en sorte que leurs auteurs soient traduits en justice : ce sont là pour nous des tâches parmi les plus urgentes. 

Parallèlement aux conflits sanglants de l ’année écoulée, des millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont restés privés de leurs droits économiques et sociaux fondamentaux, victimes d ’une pauvreté chronique pour certains et, pour beaucoup d’autres, de l’inefficacité de l’administration publique ou de l’austérité qui leur est imposée. L’inégalité considérable entre les sexes, les groupes sociaux et les niveaux de revenu a poussé à ses limites la confiance de la population. Bien trop souvent, l’insécurité économique et sociale est mise sur le compte des « autres » – qu’il s’agisse des migrants ou d’autres groupes visés par une discrimination aux motifs raciaux, ethniques, sexistes ou sociaux , plutôt que sur les défaillances des politiques publiques.

Dans ce contexte, des millions d’êtres humains ont migré pour échapper aux conflits armés, en quête d’un avenir et de respect des droits de l ’homme. Le nombre de migrants qui ont péri en tentant de traverser la mer Méditerranée est effroyablement élevé : en juillet 2017, 1 900 personnes avaient trouvé la mort ou étaient portées disparues, bien que le flux des arrivées en Europe ait d ’une manière générale diminué par rapport à 2015 -16. Un nombre incalculable de personnes ont en outre péri ou disparu ailleurs dans le monde, victimes durant leur périple d ’actes de torture, de traumatismes et d ’autres atteintes aux droits de l’homme.

Je suis atterré par la malveillance du discours politique tenu dans maints pays. Au lieu d’adopter une approche raisonnée et coopérative, de nombreux dirigeants attisent la flambée de préjugés et de peur qui divise et affaiblit leur société. Une vague de racisme et de xénophobie déferle sur la planète, soulevée par les stéréotypes, la discrimination raciale, les discours haineux et la violence sectaire. Peut-être plus que jamais, les normes et les mécanismes universels relatifs aux droits de l’homme requièrent notre appui unanime.

Marquant un moment d’espoir, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants exprime une position de principe forte de la part des États Membres, déterminés à protéger les droits fondamentaux de tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, à tout moment et en tenant compte des besoins particuliers de ces populations vulnérables. L’Organisation soutient les États dans cette initiative, mais une gouvernance plus forte et plus cohérente s ’impose dans chaque région.

Les droits de l’homme sont au coeur de mon appel en faveur de la prévention des conflits et de la pérennisation de la paix

Les mesures de protection des droits de l ’homme sont la pierre angulaire de tout effort visant à prévenir les conflits et à pérenniser la paix. Ce sont des investissements dont les bénéfices s’inscrivent à la fois dans l’immédiat et dans le long terme, car ils permettent de renforcer la résilience, de remédier aux griefs, de réduire les inégalités et de promouvoir le développement durable.

Aussi avons-nous dépêché, au cours de l’année écoulée, des « équipes légères » pluridisciplinaires à déploiement rapide là où la situation est préoccupante au Burkina Faso, au Lesotho et au Congo. Durant la période considérée, le Conseil des droits de l’homme a mis en place trois commissions d’enquête et d’établissement des faits, au Soudan du Sud, en République arabe syrienne et au Burundi, respectivement, et a constitué un groupe d ’experts indépendants chargé d’établir les responsabilités en République populaire démocratique de Corée. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a également déployé neuf autres commissions d’enquête, notamment au Yémen et au Myanmar.

Ces missions mènent des enquêtes sur le terrain et présentent des évaluations factuelles et impartiales, font entendre la voix des victimes et appellent l’attention sur les enjeux mondiaux urgents. Leurs conclusions et leurs recommandations ciblées jettent les bases qui permettront d ’obliger les États, les acteurs non-étatiques et les individus à rendre des comptes. Les agents sur le terrain surveillent la situation et enquêtent sur les allégations, afin d ’inciter les États à s’acquitter de leurs obligations au regard des droits de l ’homme et d’empêcher ainsi de nouvelles violations. Il est essentiel aussi de travailler avec les médias. Tout récemment, durant le siège et le bombardement des quartiers est d’Alep, en République arabe syrienne, et durant les hostilités au Burundi, des déclarations publiques formulées avec fermeté et en connaissance de cause ont suscité une couverture médiatique de la situation, permettant ainsi de prévenir certaines atteintes et violations graves.

Les réactions hostiles à la promotion des droits de la femme ont concouru à faire régresser la législation relative à la violence sexiste et aux droits en matière de sexualité et de procréation. Nous ne devons épargner aucun effort pour parvenir rapidement à une plus grande égalité, et tout particulièrement pour mettre fin à la violence contre les femmes, aux atteintes sexuelles liées aux conflits, à la traite et à l’exploitation ainsi qu’à la discrimination omniprésente qui prive des millions de femmes d’éducation, de ressources économiques et de leurs droits en matière de procréation. Il faut lutter plus énergiquement contre le recrutement et l ’utilisation des filles dans les conflits armés, souvent en tant qu’esclaves sexuelles ou kamikazes. Durant la période considérée, nous avons continué d ’aider les pays à améliorer les lois relatives aux droits fondamentaux des femmes et des filles et avons défini de nouveaux cadres d ’action pour prévenir et réprimer la violence sexuelle liée aux conflits et établir les responsabilités.

Je m’inquiète des atteintes aux libertés publiques fondamentales : la liberté d’expression, la liberté d’opinion et la liberté de réunion pacifique. La pleine participation de la société civile est essentielle si l ’on veut progresser dans la réalisation de l’ensemble des objectifs de l’Organisation. De toute évidence, lorsque les gouvernements et leurs agents font taire des militants, des avocats, des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des opposants politiques , ou font disparaître les garanties d ’une justice indépendante, loin de faire cesser la violence, ils discréditent au contraire leur propre État et perdent la confiance de leur propre peuple. Les atteintes à la liberté d’expression hypothèquent les possibilités de coopération internationale et la capacité de faire face à la réalité des menaces à la sécurité et des défis du développement. 

Alarmé par les actes d’intimidation et les représailles dont font l’objet ceux qui appellent l’attention de l’Organisation sur des questions liées aux droits de l’homme, j’ai pris des mesures pour renforcer l’intervention de celle-ci lorsque se produisent de tels incidents. La participation de la société civ ile est essentielle à l’action des Nations Unies et de l’ensemble de nos partenaires. Durant l ’année écoulée, mon inquiétude n’a fait que croître face aux attaques visant des défenseurs des droits de l’homme qui se battent, notamment, pour des populations persécutées, des peuples autochtones, des minorités et des femmes, des droits fonciers ou la protection de l’environnement. Partout dans le monde, des défenseurs pacifiques des droits de l’homme et ceux qui sont solidaires de leur action sont confrontés à une persécution qui s’intensifie.

L’examen périodique universel auquel procède le Conseil des droits de l’homme entre maintenant dans un nouveau cycle, et chaque État Membre fera l’objet d’un troisième examen minutieux. Nous ferons en sorte d ’accroître la pertinence, la précision et l’utilité des recommandations du Conseil, notamment en aidant davantage les États Membres à les appliquer, en collaborant plus étroitement avec les équipes de pays des Nations Unies et en mettant en place des mécanismes d’établissement de rapports et de suivi afin de rapprocher l ’examen périodique universel de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Ma Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé présente chaque année au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale un rapport sur les violations graves commises contre les enfants, témoignant ainsi des situations effroyables dans lesquelles ils se trouvent.

Le Programme 2030 est en définitive une feuille de route vers l’édification d’un monde plus respectueux des droits. Les directives révisées relatives au plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement mettent l’accent sur les droits fondamentaux, l’égalité et l’autonomisation des femmes, et le système des Nations Unies tout entier est déterminé à agir pour éliminer la discrimination et réduire les inégalités, de sorte que personne ne reste de côté.