Bangui

27 October 2017

Secretary-General’s remarks at visit to PK5 neighbourhood in Bangui [in French]

António Guterres, Secretary-General

Madame la Ministre,
Monsieur le Maire,
Tout protocole observé,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis, 
 
Je dois vous dire que venir au 3e arrondissement m’a réchauffé le cœur.
 
J’ai visité plusieurs fois la République Centrafricaine. Et pendant ma dernière visite, cette zone était une zone de conflit. Et je me rappelle, à côté de l’aéroport, d’un camp de [déplacés internes] qui était l’un des endroits les plus tragiques que j’ai visité dans le monde.
 
Vous avez donné aux Centrafricains, mais aussi au monde, une leçon admirable en faisant la paix dans cet arrondissement et en créant les conditions pour que tous puissent vivre ensemble en harmonie et en cohésion.
Et je dois vous avouer une chose : l’histoire connait beaucoup de guerres appelées guerres religieuses. Mais mon expérience d’analyse de l’histoire démontre que l’écrasante majorité des guerres dites religieuses ont été créées par la manipulation politique de quelques-unes ou de quelques-uns, au service de leurs intérêts spécifiques, en manipulant les populations les unes contre les autres.
 
Et à mon avis, c’est exactement ce qui s’est passé en République centrafricaine. Et ce problème n’est pas encore tout à fait résolu.
 
Moi-même j’ai senti cette manipulation encore d’une façon plus déguisée, mais il faut absolument dire la vérité. Chrétiens et musulmans ont toujours vécu ensemble. Nous sommes les filles et les fils du même Dieu. En arabe, le mot Allah veut dire, traduit en français, Dieu. Nous sommes les fils du même Dieu.
 
Et toutes les religions prônent la paix, l’harmonie, la coexistence. Quand on invoque la religion pour diviser les gens, on commet le pire des péchés.
 
Et ça, il faut le dénoncer - et dans les communautés musulmanes et dans les communautés chrétiennes ou, on le voit maintenant, malheureusement, partout dans le monde. Si vous lisez, au Myanmar, ce sont des Bouddhistes qui attaquent des Musulmans, mais une fois de plus, ce n’est pas parce que les Bouddhistes et les Musulmans sont divisés, c’est par la manipulation politique qui utilise les gens au service des ambitions politiques non avouées de quelques-uns des acteurs qui malheureusement conduisent les pays dans la voie de l’instabilité, du conflit, de la guerre, de la pauvreté de ses citoyens…
 
Alors votre leçon est une leçon très importante. Et votre message de réconciliation et de paix est un message essentiel en Centrafrique aujourd’hui.
Parce que j’ai eu l’occasion d’aller à Bangassou. Et - mon cher ami - on nous a [accusés] de ne protéger que les Musulmans, aujourd’hui vous dites qu’on ne protège que les Chrétiens - non, on essaie de protéger tous ceux qui en ont besoin, nous sommes complètement impartiaux.
 
J’étais à Bangassou et … 12 soldats ont été tués [au total], mais deux soldats ont été tués parce qu’ils cherchaient de l’eau pour l’apporter au camp des personnes déplacés. Ça démontre à quel point ces groupes armés sont vraiment des forces du diable, disons, pour parler de manière très simple et qui est comprise des deux côtés. 
 
Mais je peux vous garantir que pour la MINUSCA le principe que la Centrafrique est le pays de tous les Centrafricains et que l’égalité est un principe républicain essentiel est une valeur indiscutable. Et nous ferons de notre mieux pour garantir que dans notre travail avec les Centrafricains, le gouvernement, les autorités, les communautés, ce principe d’égalité soit reconnu et respecté. 
 
Vous nous avez donné un exemple remarquable mais le problème au niveau global n’est pas résolu. Et il faut que nous engagions tous avec les mêmes objectifs : la réconciliation au niveau des différentes autres communautés où elle n’est pas encore achevée.
 
Il faut que nous travaillions pour garantir au maximum cette liberté de circulation dont vous avez parlé, et qui est elle-même - l’absence de cette liberté - une forme de discrimination. Alors il faut, comme garantie d’égalité, cette liberté de circulation pour tout le monde.
 
Et nous savons quels sont les obstacles et difficultés, d’ailleurs même pour les forces onusiennes. Quand les forces ont essayé d’arriver à Bangassou pour rétablir la sécurité et la paix, elles ont trouvé énormément d’obstacles de gens qui voulaient les empêcher de circuler. Alors chez les communautés, c’est encore pire. 
 
Et j’ai bien entendu votre appel en matière de reconstruction, en matière de rétablissement des habitations qui ont été détruites, en matière de centres sociaux, en matière de formation, les ambitions de la jeunesse qui sont légitimes, et qui ont été exprimées d’une façon très éloquente.
 
Je crois que les ressources de la MINUSCA sont limitées. Mais je crois que MINUSCA d’un côté, l’Equipe pays des différentes agences d’un autre côté, avec un plaidoyer très fort vis-à-vis de la communauté internationale, on va tout faire pour vous appuyer. 
 
Il faut dire que la communauté internationale [a] un peu oublié la Centrafrique. Et c’est d’ailleurs la raison de cette visite.
 
Parce que comme vous voyez dans les journaux, comme vous voyez à la télé, on parle de la Corée du Nord, on parle du Moyen Orient, on parle de conflits terribles qui sont une menace généralisée dans le monde. Et on oublie les crises plus locales, où les gens souffrent, mais qui ne constituent pas une menace perçue par les pays les plus puissants de notre monde.
 
Et la raison de cette visite c’est exactement de dire qu’il n’est pas acceptable d’oublier la Centrafrique, la souffrance du peuple centrafricain. Nos appels d’aide humanitaire - j’ai ici le chef du Programme alimentaire mondial qui a un travail très important ici en Centrafrique - nos appels humanitaires sont [financés] à moins de 40 %.
 
Alors il y a dans cette visite un plaidoyer très fort vis-à-vis de la communauté internationale, pour que la même générosité que les Centrafricains ont toujours démontré vis-à-vis des autres pays. J’étais au Commissariat des réfugiés, j’ai vu des réfugiés congolais, des réfugiés soudanais en Centrafrique : il faut que cette même générosité, cette même solidarité soit exprimée vis-à-vis des Centrafricains. 
Et on fera de notre mieux pour garantir, non seulement une capacité accrue de la MINUSCA pour mieux garantir la sécurité, mais aussi une solidarité plus forte de la communauté internationale pour la reconstruction de votre pays. 
 
Et naturellement, votre communauté a cette caractéristique admirable : ici, on peut reconstruire parce qu’ici vous avez établi la cohésion. Et vous avez établi la paix dans la communauté. 
 
Alors je tiens à vous exprimer tout mon admiration. Comme je vous ai dit, après avoir vu tant de choses négatives, être ici, voir ce que vous avez réussi, apprendre avec vous l’exemple de votre action, ça me réchauffe le cœur et ça me donne plus d’énergie pour continuer.
 
Merci infiniment et mes meilleurs vœux.