Kigali

07 April 2014

Remarks at the commemoration of the 20th anniversary of the Rwandan genocide

Ban Ki-moon

(Scroll down for French version)

Kuri jye, ni icyubahiro cyinshi kuba ndi kumwe namwe kuri uyu munsi ukomeye mu mateka y'u Rwanda.

[I am deeply honoured to be here on this important day for Rwanda.]

I am profoundly honoured and humbled to join the people of Rwanda and so many leaders from around the world.

The genocide in Rwanda that targetted the Tutsi was one of the darkest chapters in human history.

More than 800,000 people were systematically killed – overwhelmingly the Tutsi, and also moderate Hutu, Twa and others.

The blood spilled for 100 days. Twenty years later, the tears still flow.

I express my solidarity with all Rwandans as you continue your journey of healing.

I also recognize the devastating consequences that the wider region continues to feel.

I have come to Rwanda many times as United Nations Secretary-General.

I have met survivors. I have listened to harrowing stories of cruelty and suffering.

On my first visit to the Gisozi Memorial, I heard and felt the silence of death.

The silence of all those lost – and the silence of the international community in your hours of greatest need.

Many United Nations personnel and others showed remarkable bravery.

But we could have done much more. We should have done much more.

In Rwanda, troops were withdrawn when they were most needed.

One year later in Srebrenica, areas proclaimed “safe” by the United Nations were filled with danger, and innocents were abandoned to slaughter.

The shame still clings, a generation after the events.

Today, Syria is in flames and the Central African Republic is in chaos.

The world has yet to fully overcome its divisions, its indifference, its moral blind spots.

At the same time, there is progress that gives hope.

Under the Responsibility to Protect, States can no longer claim that atrocity crimes are only a domestic matter.

International criminal justice is expanding its reach. Leaders and warlords alike face the growing likelihood of prosecution for their crimes.

The remarkable work of the International Criminal Tribunal for Rwanda has shown once again how justice is indispensable for sustainable peace.

And I have launched a call to the United Nations system and the international community to put human rights up front.

Since genocide takes planning, human rights violations must be seen as early warning signals of conflict and mass atrocities.

I have sent my own signal to UN representatives around the world.

My message to them is simply this: When you see people at risk of atrocity crimes, do not wait for instructions from afar.

Speak up, even if it may offend.

Act.

Our first duty must always be to protect people -- to protect human beings in need and distress.

That is what we have done recently in South Sudan. Thousands were fleeing for their lives in the latest round of fighting.

The UN opened the gates of its peacekeeping bases to shelter them. The situation remains fragile. But many thousands of people are alive today thanks to this open gates approach -- a lesson of Rwanda made real.

We are sure to face other grave challenges to our common values. And we must meet them.

We must not be left to utter the words “never again”, again and again.

Excellencies,

Ladies and gentlemen,

There is a truth to the human condition that is as alarming today as it was 20 years ago; the fragility of our civility.

The bonds that hold us together can swiftly disappear.

Societies can rapidly revert to a capacity for violence and brutalization that is far too easy to incite in the dark corners of the human heart.

No country, no matter how tolerant on the surface, is immune from targetting the so-called other.

No corner of the world, no matter how advanced, is free from opportunists who manipulate identity for political gain.

Over the past generation, you, the people of Rwanda, have shown the world another essential truth: the power of the human spirit.

The resilience of the survivors almost defies belief. Children witnessed enough brutality to age them overnight. Yet you, and your country, have found a way to emerge from the depths, overcome frightful memories, and live again.

You have shown the world that transformation is possible.

I encourage Rwanda to continue deepening democracy and protecting human rights so that Rwanda’s future is one of freedom, dignity, security and opportunity for all

I urge the wider Great Lakes region to expand upon your efforts to strengthen prevention and cooperation towards regional stability and harmony.

Excellencies,

Ladies and gentlemen,

Twenty years ago, thousands of Rwandans found refuge in this National Stadium, barely escaping the murder and rape that stalked Kigali and the countryside.

Today it is filled with people who are building a new Rwanda, a Rwanda of shared culture, traditions and peace. Let the name of this arena -- Amahoro, or peace – forever be our goal and guide.

Nzahora iteka nibuka kandi nifatanya naban yarwanda.

[I will always remember and stand by the people of Rwanda.]

Murakoze cyane.

[Thank you very much.]

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Monsieur le Président [Paul Kagame],

Mesdames et Messieurs les Chefs d’État,

Éminents citoyens et citoyennes du Rwanda,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Kuri jye, ni icyubahiro cyinshi kuba ndi kumwe namwe kuri uyu munsi ukomeye mu mateka y'u Rwanda.

[Je suis très honoré d'être ici en ce jour important pour le Rwanda.]

C'est un très grand honneur pour moi d'être aux côtés du peuple rwandais et de si nombreux dirigeants venus du monde entier.

Le génocide des Tutsis perpétré au Rwanda a été l'une des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité.

Ce sont plus de 800 000 personnes qui ont été tuées de façon systématique -- des Tutsis en très grande majorité, mais aussi des Hutus modérés, des Twa et des membres d'autres groupes.

Pendant 100 jours, le sang a été versé. Vingt ans après, les larmes coulent encore.

Je tiens à exprimer ma solidarité avec tous les Rwandais dont le pays est encore sur la voie de la guérison.

Je suis conscient des conséquences dévastatrices qui se font encore sentir dans l'ensemble de la région.

Je suis souvent venu au Rwanda en tant que Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

J'ai rencontré des survivants. J'ai entendu d’insoutenables récits d'actes de cruauté et de souffrances.

À ma première visite au mémorial de Gisozi, j'ai entendu et ressenti le silence de la mort.

Le silence de tous les disparus – et le silence de la communauté internationale à l'heure où vous aviez le plus besoin d'elle.

Nombre de membres du personnel des Nations Unies et d'autres ont fait montre d'un courage remarquable.

Mais nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus.

Les casques bleus ont été retirées du Rwanda au moment où l'on en avait le plus besoin.

Un an plus tard, à Srebrenica, des zones que l'Organisation des Nations Unies avait déclarées « sûres » sont devenues dangereuses et des innocents ont été laissés à la merci des tueurs.

En l’espace d’une génération, la honte ne s'est pas effacée.

Aujourd'hui, la Syrie est en flammes et la République centrafricaine a sombré dans le chaos.

Le monde doit achever de surmonter ses divisions, remédier à son indifférence et en finir avec certaines zones d’incompréhension qui persistent sur le plan moral.

Les progrès accomplis donnent cependant un signe d'espoir.

La responsabilité de protéger empêche désormais les États de prétendre que telles ou telles atrocités criminelles sont une affaire intérieure.

La justice pénale internationale étend sa portée. Il est de plus en plus probable que les dirigeants et les chefs de guerre aient à répondre de leurs actes criminels.

Le travail remarquable effectué par le Tribunal pénal international pour le Rwanda a montré une fois de plus que la justice est indispensable à l'établissement d'une paix durable.

J'ai d’ailleurs exhorté le système des Nations Unies et la communauté internationale à faire des droits de l'homme une priorité.

Comme les génocides résultent d’une planification minutieuse, les violations des droits de l'homme doivent être considérées comme des précurseurs à des conflits et des atrocités.

J'ai moi-même envoyé un message aux représentants des Nations Unies dans le monde entier.

Ce message est simple : lorsque vous constatez que des personnes risquent d'être victimes d'atrocités criminelles, n'attendez pas d'instructions de la hiérarchie.

Dites les choses haut et fort, même si certains peuvent s'en offenser.

Agissez.

Notre premier devoir est toujours de protéger les personnes -- de protéger les êtres humains qui sont dans le besoin et exposés à un danger.

C'est ce que nous avons fait récemment au Soudan du Sud, où des milliers de personnes ont pris la fuite pour sauver leur vie lors des tout derniers combats.

L'Organisation des Nations Unies leur a ouvert les portes de ses missions de maintien de la paix pour qu'elles y trouvent refuge. La situation demeure fragile mais, grâce à ce geste, des milliers de personnes sont encore en vie aujourd'hui – et c’est là un effet des leçons tirées de ce qui s'est passé au Rwanda.

Il est certain que nos valeurs communes seront durement mises à l'épreuve par d’autres situations. Il faudra être à la hauteur.

Nous ne devons pas nous contenter de répéter éternellement « plus jamais ça ».

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Il est, en ce qui concerne la condition humaine, une vérité qui est aussi alarmante aujourd'hui qu'elle l'était il y a 20 ans ; la fragilité de notre civilité.

Les liens qui nous unissent peuvent se dissoudre en un instant.

Les sociétés peuvent retrouver très vite les tendances à la violence et à la déshumanisation qu'il est bien trop facile d'aller réveiller dans les recoins les plus sombres du cœur humain.

Dans aucun pays, si tolérant soit-il en apparence, on ne peux exclure la possibilité que certains s'en prennent à « l'autre ».

Il y a, dans toutes les régions du monde, même les plus avancées, des opportunistes qui manipulent les questions identitaires pour en tirer un avantage politique.

En une génération, vous avez, vous les Rwandais, montré au monde une autre vérité essentielle : la force de l'esprit humain.

Les survivants font preuve d'une résilience qui défie l'entendement.

Les enfants ont assisté à des actes de violence tellement graves qu’ils ont grandi du jour au lendemain. Et pourtant, vous et votre pays avez trouvé les moyens de revenir de très loin, de dominer des souvenirs effroyables et de revivre.

Vous avez montré au monde que la transformation est possible.

J'engage le Rwanda à continuer de renforcer la démocratie et la protection des droits de l'homme afin que son avenir soit celui d'un pays où règnent la liberté, la dignité et la sécurité et qui offre des perspectives à tous.

J'insiste pour que, dans l'ensemble de la région des Grands Lacs, davantage soit fait pour renforcer la prévention et la coopération afin d'assurer l'harmonie et la stabilité régionales.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Il y a 20 ans, des milliers de Rwandais ont trouvé refuge dans le stade où nous nous trouvons, échappant de justesse aux meurtriers et aux violeurs qui ont répandu la terreur à Kigali et dans les campagnes.

Les personnes ici présentes construisent un nouveau Rwanda, un Rwanda du partage des cultures, des traditions et de la paix.

Que le nom de cet endroit -- Amahoro, ou paix – nous guide à jamais.

Nzahora iteka nibuka kandi nifatanya naban yarwanda.

[Je me souviendrai toujours du peuple rwandais et je serai à ses côtés.]

Murakoze cyane.

[Je vous remercie.]