Information basée sur le rapport 2012 du Secrétaire général au Conseil de sécurité (S/2014/181) publié 13 mars 2014.

Les progrès qui avaient été accomplis pour mettre fin à des décennies d ’actes généralisés de violence sexuelle utilisée comme tactique de guerre en République démocratique du Congo ont été compromis ces derniers mois par l’instabilité politique, des vagues de déplacements sans précédent, la persistance d’affrontements armés et la faiblesse des structures de l’État. Une forme inquiétante de violences sexuelles à motivation ethnique, découlant de ce qui apparaît comme une marginalisation de l’ethnie des Twa, est apparue dans la province du Tanganyika, déclenchant des cycles de violence et de vengeance entre milices Twa et Louba. En 2017, la milice Twa, dans le Tanganyika, a été responsable de la majorité des actes avérés de violences sexuelles commis par des groupes armés non étatiques. En outre, des violences d’une extrême brutalité se sont répandues dans les trois provinces du Kasaï, impliquant la milice antigouvernementale Kamuina Nsapu et la milice progouvernementale Bana Mura, qui se sont toutes deux attaquées à des civils soupçonnés de soutenir leurs adversaires. Ces attaques à motivation ethnique, ciblant délibérément des communautés spécifiques, ont pris des formes particulièrement iniques : des victimes ont ainsi été violées devant les membres de leur famille, une femme enceinte s’est fait arracher son fœtus, et au moins une victime a été contrainte de prodiguer des actes sexuels à un membre de sa famille avant d’être exécutée. En avril, des miliciens de la Bana Mura ont violé 41 femmes et deux filles dans une série d’attaques lancées contre les villages de Lulua et Luba.

Au cours de la période considérée, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a confirmé 804 actes de violences sexuelles liées au conflit visant 507 femmes, 265 filles, 30 hommes et 2 garçons, ce qui représente une augmentation par rapport à la période précédente. Dans le même temps, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a signalé 5 783 cas de violences sexuelles commises dans les provinces touchées par le conflit, soit plus du double qu’en 2016. Environ 72 % des
cas ont été attribués à des groupes armés non étatiques, notamment la milice Twa dans le Tanganyika et la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) dans le territoire d’Irumu, en Ituri. Plus de la moitié des agressions sexuelles commises par les FRPI impliquaient des assaillants multiples et 40 % des cas se sont produits lors d’opérations de pillage et de vol.

L’année 2017 a été marquée par une augmentation du nombre d’agressions attribuées aux FARDC (28 %) et à la Police nationale congolaise (109 %). Plus d’un tiers des personnes agressées sexuellement par des membres de la Police nationale congolaise se trouvaient en garde à vue au moment des faits. Une grande partie d’entre elles étaient des enfants, comptant pour 41 % des infractions commises par des membres des FARDC et pour 42 % des actes perpétrés par des agents de la Police nationale congolaise. Malgré la nature inquiétante des événements récents, le nombre de violences sexuelles liées au conflit commises par des éléments de l’appareil de sécurité de l’État a globalement diminué depuis 2013, grâce aux efforts concertés des autorités. La hiérarchie des FARDC a continué de mettre en œuvre son plan d ’action, aux engagements duquel 57 commandants ont souscrit et qui a permis de former 370 policiers. Cependant, les mesures disciplinaires engagées contre les auteurs de haut rang restent inégales et la mise en œuvre du plan d’action avance lentement.
En 2017, les autorités militaires du Sud-Kivu ont fait condamner trois personnes dans des affaires emblématiques de violences sexuelles : celle d’un colonel des FARDC, à titre de supérieur hiérarchique, dans l’affaire Becker, pour viols en tant que crime de guerre commis à Musenyi ; celle d’un commandant des Forces démocratiques de libération du Rwanda pour violences sexuelles, en tant que crime de guerre, dans l’affaire Nzovu, et celle d’un député du Sud-Kivu et de sa milice pour le crime contre l’humanité d’enlèvement et de viol de 39 enfants, dans l’affaire Kavumu. En outre, le commandant Ntabo Ntaberi Sheka s’est rendu aux autorités en juillet et devrait être jugé pour son rôle dans les 387 viols perpétrés en 2010 contre des civils à Walikale, dans le Nord-Kivu. Au total, 42 membres des FARDC et 17 membres de la Police nationale congolaise ont été condamnés pour viol par des tribunaux militaires. Les obstacles bureaucratiques empêchent cependant les victimes d’obtenir réparation.

En 2017, plus de 5 200 victimes de violences sexuelles ont bénéficié d’une assistance médicale prêtée par les organismes des Nations Unies, et 2 243 civils ont eu accès à des services de conseil ou ont été orientés vers des centres d’aide juridique appuyés par la MONUSCO. Le Gouvernement a notablement progressé dans ses activités de sensibilisation et de communication, faisant mieux connaître le problème des violences sexuelles grâce à des émissions de radio et de télévision et proposant aux victimes une assistance téléphonique à l’échelle nationale. En juillet 2017, la Vice-Secrétaire générale, la Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive d’ONU-Femmes, ma Représentante spéciale et l’Envoyée spéciale du Président de la Commission de l’Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité se sont rendues ensemble à Goma pour y souligner l’importance de la participation des femmes aux processus de paix, de sécurité et de développement ainsi que la nécessité, pour les femmes déplacées, de pouvoir rentrer chez elles en sécurité et dans la dignité, dans des conditions garantissant leur sécurité économique et physique.

Recommandation
J’exhorte le Gouvernement à redoubler d’efforts pour lutter contre les violences sexuelles et à intensifier les services en la matière, notamment l’appui à la réinsertion socioéconomique des femmes déplacées et rapatriées. Je demande que les forces armées et les forces de sécurité soient dûment contrôlées et formées, se soumettent à une politique de tolérance zéro et traduisent en justice les auteurs d’infractions, quel que soit leur rang. Je demande également que les victimes et les témoins soient protégés et qu’ils obtiennent une juste réparation.