The information below is based on the Report of the Secretary-General to the Security Council (S/2018/250) issued on 16 April 2018.

La libération, en 2017, de Mossoul, de Tell Afar et d’autres régions qui se trouvaient aux mains de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) a marqué une étape majeure pour l’Iraq et pour la région. Selon le Gouvernement, 100 femmes et enfants yézidis ou chrétiens ont été secourus au cours de l’opération menée à Mossoul en juillet, et 25 autres libérés à la suite de l’opération menée à Tell Afar, qui a pris fin en août. Des femmes et des filles turkmènes chiites auraient également été secourues au cours de ces offensives. Des femmes et des filles sunnites qui vivaient sous l’occupation de l’EIIL, mariées de force, ont subi des viols comme sanction pour toute désobéissance aux règles de l’EIIL. Au total, en novembre 2017, 3 202 civils (soit 1 135 femmes, 903 filles, 335 hommes et 829 garçons) ont été libérés du joug de l’EIIL, tandis que 3 215 (soit 1 510 femmes et filles et 1 705 hommes et garçons) sont toujours portés disparus.

Au cours de la période considérée, l’ONU a confirmé neuf cas de violences sexuelles commises à l’encontre de sept filles et de deux garçons : les filles avaient été mariées de force à des combattants de l’EIIL et les garçons avaient été kidnappés. Un garçon de 16 ans avait ainsi été détenu par un acteur armé soupçonné d’appartenir à l’EIIL, frappé violemment au niveau des parties génitales et menacé d’autres formes d’agressions sexuelles. Un garçon de 14 ans avait quant à lui été violé durant trois nuits consécutives dans un camp d’entraînement de l’EIIL. Par ailleurs, le repli en République arabe syrienne des militants de l’EIIL risque d’amplifier la vente, le commerce et la traite des femmes et des enfants qui demeurent en leur pouvoir. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet d’une pratique à laquelle se livrent certains fonctionnaires locaux, qui consiste à apposer la mention « terroriste » sur les actes de naissance des enfants dont on suppose que les parents sont affiliés à l’EIIL.

À la suite de la nomination, en février, d’un conseiller principal pour la protection des femmes, des arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur les violences sexuelles liées au conflit ont été mis en place pour permettre la prise de mesures s’appuyant sur des éléments factuels détaillés. L’ONU continue d’aider le Gouvernement à mettre en place rapidement des services multisectoriels destinés aux victimes de violences sexuelles, notamment une assistance psychosociale, médicale et juridique plus consistante dans les zones à forte concentration de personnes déplacées. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a appuyé un programme de déplacement, qui a permis la réinstallation de 844 victimes de violences sexuelles liées au conflit et des membres de leur famille. On note également des avancées dans l’application du communiqué commun pour la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit et leur prévention, signé par le Gouvernement et l’ONU le 23 septembre 2016. Le 19 juin 2017, le Premier Ministre iraquien, M. Haider Al-Abadi, a publié une déclaration à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, soulignant son attachement à l’application complète du communiqué. Le Gouvernement s’engage ainsi, par ce biais, à tenir compte, dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme, de la problématique femmes-hommes. Mon Représentant spécial s’est rendu en Iraq, en février 2018, afin d’y achever l’élaboration d’un plan pour l’application du communiqué, en consultation avec des interlocuteurs de haut niveau de Bagdad et d’Erbil.

Les crimes de violences sexuelles liées au conflit, qui touchent particulièrement les femmes et les filles des minorités ethniques et religieuses (vu la politique de l’EIIL visant à les éliminer, à les contraindre à l’exil ou à les détruire), doivent être punis par la justice et les victimes doivent obtenir réparation, si l’on veut qu’une réconciliation soit possible tant au sein des communautés qu’entre les communautés. Or, actuellement, les procès sont menés en application des lois antiterroristes, qui n’incriminent pas expressément la violence sexuelle. Qui plus est, les crimes internationaux ne sont pas encore inscrits dans le droit interne. L’Équipe d’enquêteurs, qui sera créée par le Secrétaire général en application de la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité, devrait appuyer de manière déterminante les efforts engagés à l’échelle nationale pour amener l’EIIL à rendre des comptes. Le fait que peu d’actes de violences sexuelles sont signalés, du fait de l’insécurité, de la peur des représailles, du contexte des inégalités entre les sexes et de normes sociales néfastes fondées sur « l’honneur familial », vient encore compliquer la donne. À cela s’ajoute la présomption de « culpabilité par association », dont font l’objet les femmes et les filles mariées de force à des combattants de l’EIIL. Lorsque les victimes sont privées de l’aide matérielle de leur famille, en particulier dans les situations de déplacement, elles se tournent vers des mécanismes de survie néfastes, tels que le mariage précoce. Les déclarations des chefs spirituels yézidis et sunnites, qui encouragent la solidarité avec les victimes de viol et les enfants qui en sont issus (par exemple, celle du Conseil des dotations sunnites en Iraq, qui s’est prononcé sur la position de l’islam sur les femmes violées, en février 2017), ont contribué à favoriser la réunification familiale. À l’inverse, des amendements à la loi n°188 sur le statut personnel (1959) proposés à l’effet d’autoriser la polygamie et d’abaisser l’âge du mariage ont suscité des préoccupations aux niveaux national et international, avant d’être rejetés par le comité des droits des femmes du Parlement.

Recommandation

Je demande au Gouvernement de faire en sorte que l’infraction de violences sexuelles soit traitée comme un crime en tant que tel, notamment dans le cadre des procès pour terrorisme ; d’assurer, dans le cadre des efforts visant à assurer la réinsertion socioéconomique des femmes et des enfants libérés de l’EIIL, la protection et le renforcement des services mis à leur disposition, notamment des foyers gérés en collaboration avec les groupes de la société civile chargés de défendre les droits des femmes, et de renoncer à faire figurer des mentions préjudiciables aux enfants dans les actes de naissance.