Information basée sur le rapport 2017 du Secrétaire général au Conseil de sécurité (S/2018/250) publié 16 avril 2018.

En novembre 2016, les négociations entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP) ont abouti à un accord de paix historique mettant fin à un demi-siècle de conflit marqué par des violences sexuelles généralisées et systématiques. La justice pour les femmes a été placée au cœur de l’accord, qui contient 100 dispositions sur l’égalité des sexes et les droits des femmes, et dont certaines concernent spécifiquement les violences sexuelles liées au conflit. Dans cet instrument, les parties ont désigné le Bureau de ma Représentante spéciale, l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), le Gouvernement suédois et la Fédération démocratique internationale des femmes pour les aider à s’acquitter de leurs engagements. Dans sa résolution 2366 (2017) du 10 juillet 2017, le Conseil de sécurité a autorisé la création de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, chargée d’encadrer la phase suivante de mise en œuvre de l’accord, notamment le suivi de la réinsertion politique, économique et sociale des FARC-EP. À cet égard, il a été convenu qu’une formation sur la problématique femmes-hommes et les violences sexuelles liées aux conflits serait dispensée à tous les observateurs. En octobre 2017, un cessez-le-feu a été conclu entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale et, bien que les pourparlers aient été suspendus depuis lors, les parties se sont entendues sur la création d’un mécanisme de surveillance, de contrôle et de vérification, assorti d’une annexe sur l’intégration de la problématique femmeshommes et d’une feuille de route pour la lutte contre les violences sexuelles.

Si la Colombie dispose d’un cadre normatif solide, l’accès à la justice y reste difficile. En 2017, le Groupe national d’aide aux victimes a recensé 24 576 victimes de violences sexuelles liées au conflit, dont un tiers ont été indemnisées. Si un tel niveau de justice réparatrice pour la violence sexuelle en temps de guerre n’avait jusqu’à présent jamais été atteint à l’échelle mondiale, l’administration de réparations collectives n’en reste pas moins difficile, les victimes étant nombreuses et leur identification risquant de leur porter préjudice. Dans le cadre de l’action menée pour
traduire les auteurs en justice, le Bureau du Procureur général a émis, à la fin de 2017, des actes d’accusation dans 17 % des cas de violences sexuelles, dont 5% ont donné lieu à des condamnations. Parmi elles figuraient la condamnation pénale de trois membres des Autodefensas Gaitanistas de Colombia pour violences sexuelles liées au conflit.

En dépit des mesures résolues qui ont été prises pour consolider la paix, des violences sporadiques ont continué, en 2017, de contraindre au déplacement des milliers de civils, dont une majorité de femmes et d’enfants (70 %) et un nombre disproportionné de Colombiens d’ascendance africaine et de communautés autochtones (73 %). Les violences sexuelles sont restées une cause de déplacement forcé: tel l’épisode où les membres d’un groupe armé, ayant menacé une femme de la province d’Arauca et lui ayant réclamé de l’argent, l’ont conduite de force de l’autre côté de la frontière vénézuélienne pour la violer. Une fois libérée, elle a quitté la région pour se mettre en lieu sûr. Des défenseuses afro-colombiennes et autochtones des droits des femmes ont également été forcées de fuir leurs foyers après avoir été menacées de violences sexuelles. Les femmes exerçant des responsabilités au niveau communautaire, en particulier lorsqu’elles dénoncent la violence sexiste, subissent les menaces, les attaques et les agressions sexuelles de membres de groupes armés. En outre, les activités économiques illégales continuent d’alimenter le conflit et d’exacerber les risques de violence sexuelle. Les cartels de trafiquants de drogues facilitent l’exploitation sexuelle des femmes et des filles afin de satisfaire aux exigences sexuelles des groupes armés. Les réseaux criminels, principalement impliqués dans les activités minières illicites, se livrent également, à l’intérieur du pays comme au-delà des frontières, à la traite des femmes et des filles autochtones aux fins de la prostitution forcée. En 2017, le dispositif d’alerte rapide du Défenseur du peuple a alerté à 22 reprises sur le risque élevé des violences sexuelles liées au conflit, faisant état de deux cas de traite transfrontalière de Vénézuéliennes.

Les statistiques officielles indiquent que 73 % des victimes de viols sont des filles qui, se retrouvant souvent enceintes, abandonnent leur scolarité. Des filles âgées de 12 à 16 ans ont été la cible de menaces de viol de la part de membres des groupes démobilisés dits Autodefensas Gaitanistas de Colombia et Clan del Golfo dans quatre départements de l’ouest du pays. Dans le cas des hommes, malgré les réticences qu’ils éprouvent généralement, lorsqu’ils sont victimes d’atteintes sexuelles, à demander de l’aide de peur des représailles, l’ONU a pu confirmer deux cas d’agressions sexuelles commises par les membres d’un groupe démobilisé à l’encontre de deux civils dans la province de Putumayo, en 2017. De même, bien que les personnes LGBTI soient régulièrement victimes de harcèlement de la part d’acteurs armés, elles dénoncent rarement les atteintes sexuelles ou autres sévices subis. Dans son rapport de septembre 2017, le Défenseur du peuple a relevé qu’il existait un risque de violences sexuelles à l’intérieur et à proximité des sites de démobilisation des FARC-EP, précisant par ailleurs que les ex-combattantes étaient victimes de violence au sein du couple et de la famille. Il est donc primordial que les politiques de désarmement et de réintégration tiennent compte de la problématique femmes-hommes.

Recommandation
Je félicite les parties d’avoir mis la question de la justice pour les femmes au cœur du processus de paix et les prie instamment de veiller à ce qu’elle reste centrale à la mise en œuvre de l’accord, en renforçant les moyens institutionnels et en encourageant la société dans son ensemble à faire siennes les dispositions de l’accord. J’exhorte le Gouvernement à mettre des services de justice et de réparation à la disposition des victimes de violences sexuelles liées au conflit, en accordant une attention particulière au sort et aux droits des femmes et des filles rurales, des autochtones, des Colombiens d’ascendance africaine, des personnes LGBTI et des ménages dirigés par des femmes. Je demande instamment aux parties concernées de veiller à ce que les questions de la problématique femmes-hommes et des violences sexuelles liées au conflit soient au cœur du processus de paix engagé avec l’Armée de libération nationale.