8406e séance – après-midi
CS/13590

Syrie: le rôle de l’Envoyé spécial de l’ONU dans la composition du comité constitutionnel divise de nouveau le Conseil de sécurité

À la veille de quitter ses fonctions d’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a été prié par le Secrétaire général de l’ONU de s’acquitter d’une dernière tâche « urgente », à savoir œuvrer à la mise en œuvre de la Déclaration de Sotchi et à la formation du comité constitutionnel, étape décisive du processus politique syrien, a-t-il expliqué, cet après-midi, au Conseil de sécurité.

« Je ne suis pas le seul à insister sur le fait qu’il faut redoubler d’efforts en ce sens », a argué le haut fonctionnaire, qui s’exprimait par visioconférence depuis Genève.  En effet, a-t-il souligné, le 27 octobre dernier, un sommet quadrilatéral organisé à Istanbul a été l’occasion pour l’Allemagne, la Fédération de Russie, la France et la Turquie d’appeler à l’établissement et à la convocation rapide, « d’ici à la fin de l’année », du « Comité de Genève chargé de mener à bien la réforme constitutionnelle, ouvrant la voie à des élections libres et équitables sous le contrôle de l’ONU, avec tous les Syriens, y compris les membres de la diaspora ».

M. de Mistura a fait observer que deux groupes de pays avaient participé à cette réunion: d’un côté, deux États Membres « exerçant de l’influence » sur les parties au conflit –la Fédération de Russie et la Turquie–, et de l’autre, deux membres du « Groupe restreint » – l’Allemagne et la France.  Chacun, a-t-il noté, a constaté l’importance que revêt la formation du comité constitutionnel et les quatre ont publié cette déclaration finale « que j’ai considérée comme fort utile », a-t-il ajouté. 

Dans le contexte actuel, marqué aussi par le maintien de l’accord relatif à la stabilisation de la zone de désescalade à Edleb, toutes les conditions sont donc réunies pour que l’Envoyé spécial adresse « au plus vite » des invitations aux 150 membres du comité afin qu’une première réunion se tienne en décembre, a estimé la France.  Mais il appartient selon elle à l’ONU de veiller à ce que la composition initiale du comité ne soit pas déséquilibrée « sous peine de le priver de toute légitimité ».

Cet organe devra en effet être représentatif de toutes les strates de la société syrienne, en incluant ceux et celles qui ne font partie ni du Gouvernement ni de l’opposition, a souligné l’Envoyé spécial.  À cet égard, le comité devra inclure 30% de femmes, un quota que ni le Gouvernement ni l’opposition n’ont été en mesure de respecter sur les listes de candidats communiquées jusqu’à présent, a-t-il fait remarquer.

Accusant les États-Unis, le Royaume-Uni et la France d’avoir « commis les pires crimes contre les civils syriens » et de mépriser le droit international, la Syrie a refusé le « chantage » et l’« ingérence inacceptable » dont elle s’estime victime.  Son représentant a assuré que Damas souhaite former « le plus rapidement possible » le comité constitutionnel.  Tout en souhaitant à l’Envoyé spécial de réussir, il a souligné que celui-ci ne pouvait « s’ériger en tierce partie », ni « imposer un échéancier ».

« L’argument invoqué par Damas du respect de sa souveraineté ne doit tromper personne, et ne peut lui servir de prétexte pour violer ses obligations et ses engagements », a tranché le représentant français.  Son homologue du Royaume-Uni a encouragé l’Envoyé spécial à faire pleinement usage des prérogatives que lui confie le Conseil de sécurité dans sa résolution 2254 (2015).  Pour leur collègue des États-Unis, « M. de Mistura a été plus que patient et flexible en acceptant les contributions du régime syrien et des autres » à l’établissement de la liste des candidats appelés à siéger au comité.  Mettant en garde contre « tout retard artificiel », le représentant américain a considéré que ni le « régime syrien » ni le groupe d’Astana, en particulier l’Iran et la Russie, ne peuvent s’opposer à la décision de l’Envoyé spécial au sujet de la composition du comité constitutionnel.

Autre aspect fondamental du processus politique évoqué aujourd’hui: le retour des réfugiés syriens.  La Déclaration d’Istanbul, a rappelé M. de Mistura, souligne la nécessité de créer des conditions favorables pour un retour « sûr et volontaire » des rapatriés et des personnes déplacées à l’intérieur même du pays.  Alors que la déléguée des Pays-Bas a jugé que la Syrie « n’est pas mûre » pour un tel retour, son homologue russe a rétorqué que « si les Occidentaux arrêtaient d’entraver la souveraineté de la Syrie, cela irait plus vite ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. STAFFAN DE MISTURA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a annoncé que M. Geir Pedersen, de la Norvège, avait été désigné comme son successeur.  Avant son départ, probablement en début d’année prochaine, M. de Mistura a été prié par le Secrétaire général de s’acquitter d’une dernière tâche « urgente », à savoir veiller à la mise en œuvre de la déclaration de Sotchi et à la formation du comité constitutionnel.  « Je ne suis pas le seul à insister sur le fait qu’il faut redoubler d’efforts en ce sens », a-t-il dit, en voulant pour preuve les points de convergence apparus lors du sommet quadrilatéral organisé à Istanbul le 27 octobre 2018, sommet qui a réuni l’Allemagne, la Fédération de Russie, la France, et la Turquie.  L’Envoyé spécial a fait observer que deux groupes de pays ont participé à cette réunion: d’un côté, deux pays « ayant de l’influence » sur les parties au conflit, et de l’autre, deux membres du « Groupe restreint ».  Chacun, a-t-il dit, a constaté l’importance que les dirigeants présents accordent à la formation du comité constitutionnel et ont publié une déclaration finale « que j’ai considérée comme fort utile ». 

Les signataires de cette déclaration saluent notamment les progrès accomplis dans la mise en œuvre du mémorandum sur la stabilisation de la situation dans la zone de désescalade d’Edleb.  En dépit de violations constatées au cours du mois écoulé, tout civil « de part et d’autre de la ligne de démarcation » vous dira que la situation s’est améliorée, a assuré M. de Mistura.  En outre, la Déclaration d’Istanbul souligne la nécessité de créer des conditions favorables pour le retour sûr et volontaire des réfugiés et des personnes déplacées en Syrie, les rapatriés ayant besoin d’être protégés contre les conflits armés, les persécutions politiques ou les arrestations arbitraires.  Enfin, a ajouté le haut fonctionnaire, les signataires appellent à l’établissement et à la convocation rapide, d’ici à la fin de l’année, du comité de Genève chargé de mener à bien la réforme constitutionnelle, ouvrant la voie à des élections libres et équitables sous le contrôle de l’ONU, avec tous les Syriens, y compris les membres de la diaspora éligibles pour y participer.  L’Envoyé spécial a pris note de la prochaine échéance internationale, les 28 et 29 novembre prochain, qui verra la réunion des trois garants du processus d’Astana, à savoir la Fédération de Russie, la République islamique d’Iran et la Turquie. 

Revenant au processus constitutionnel, M. de Mistura a souligné que le comité devra être formé d’experts syriens, de représentants de la société civile, d’organisations de femmes et d’enfants, et représentatif de toutes les strates de la société, « pas seulement des responsables politiques ».  Il faut un équilibre dans la représentation politique pour ceux qui ne font partie ni du Gouvernement ni de l’opposition, a insisté le haut fonctionnaire.  Si le comité doit inclure 30% de femmes, ni le Gouvernement ni l’opposition n’ont respecté jusqu’à présent ce quota, a-t-il fait remarquer.  Selon nous, un règlement crédible de la crise syrienne ne doit privilégier aucune exclusive, mais nous n’encourageons pas davantage la paralysie.  Mi-décembre, le comité constitutionnel se réunira pour la troisième fois.  S’agissant de la souveraineté de la Syrie, dans la résolution 2254 (2015), il est clairement indiqué que le processus politique doit être mené par les Syriens eux-mêmes, a rappelé M. de Mistura.  En décembre, lorsque je ferai mon dernier exposé, « il sera de mon devoir de présenter là où nous en serons sur le plan constitutionnel, en application de la résolution 2254 et de la déclaration de Sotchi ». 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a dit de nouveau que le comité constitutionnel devrait être créé avant la fin de l’année.  L’Envoyé Spécial, M. de Mistura, et le Conseil de sécurité ont d’ailleurs débattu de la formation de ce comité constitutionnel depuis près d’un an.  La liste des représentants de la société civile au sein de ce futur organe devait être dressée par M. de Mistura, « qui a fait preuve de beaucoup de souplesse face aux demandes du Gouvernement syrien », a noté le représentant.  Dans ce contexte, il s’est fermement opposé à un veto du régime syrien ou du groupe d’Astana quant à la composition de cette liste.  « Ni le régime syrien ni le groupe d’Astana ne peuvent avoir un droit de veto sur les décisions de l’Envoyé Spécial et sur le contenu de sa liste », a insisté le délégué, compte tenu notamment de la répression exercée par le régime syrien sur son peuple depuis les manifestations pacifiques de 2011.  De même, la Russie doit faire en sorte que le régime syrien se joigne à la table des négociations, et user de son influence pour éviter que le régime syrien s’oppose à la création de ce comité constitutionnel, a-t-il plaidé.

« La communauté internationale ne doit pas envisager d’assistance à la reconstruction en Syrie sans qu’un processus politique crédible soit mis en place », a aussi jugé le représentant.  Au lieu de cela, elle doit « faire répondre Bachar El-Assad de ses actes » et agir pour ceux qui ont dû fuir leur pays; les Syriens de retour d’exil doivent bénéficier d’une nouvelle constitution qui les protégera, a-t-il ajouté.  Jugeant qu’il était grand temps de mettre fin au conflit et d’assurer la stabilité, il a appelé à « saisir rapidement la chance d’une transition politique en Syrie ».

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé que l’Accord de Sotchi prévoyait la création d’un comité constitutionnel, mais que, 11 mois depuis la conclusion de cet accord, aucun progrès tangible n’avait été réalisé sur le terrain.  Une déception pour des Syriens « qui attendent depuis bien longtemps un règlement politique après des années de destruction, de décès et de déplacements », a-t-il commenté.  Approuvant les décisions prises le 27 octobre dernier lors du Sommet sur la Syrie d’Istanbul, le Koweït s’est dit d’accord avec la création d’un comité constitutionnel, et sa mise en place la plus rapide possible.  Ceci représenterait le jalon principal du processus politique et le début de mesures comprises dans la résolution 2254 (2015) sur la tenue d’élections crédibles et libres en Syrie.  « Il n’y aura pas de solution militaire à la crise syrienne », et les décisions du Conseil de sécurité ne doivent pas rester lettre morte, a jugé le représentant, pour qui « la stabilité actuelle obtenue à Edleb suite à l’accord russo-turc est une occasion en or pour parvenir à la paix ».

« Tous autour de cette table, nous avons appelé à la tenue d’une première réunion du comité constitutionnel d’ici à la fin de l’année », a rappelé M. FRANÇOIS DELATTRE (France).  La France, la Turquie, la Russie et l’Allemagne l’ont fermement marqué le 27 octobre dernier dans le communiqué adopté à Istanbul.  Les membres du « Small Group » l’ont demandé dès le 27 septembre ici, à New York.  « Je sais que la Russie est également mobilisée pour traduire dans les faits le communiqué du congrès de Sotchi adopté en janvier dernier, a indiqué le représentant.  « L’établissement et le fonctionnement du comité ne font pas débat. »  Les Nations Unies ont également toutes les prérogatives nécessaires pour nommer la liste des membres du comité issus de la société civile.  Dans ce contexte, a estimé M. Delattre, toutes les conditions sont réunies pour que l’Envoyé spécial lance au plus vite les invitations aux 150 membres du comité afin qu’une première réunion se tienne en décembre.  Il appartient aux Nations Unies de veiller à ce que la composition initiale du comité ne soit pas déséquilibrée « sous peine de le priver de toute légitimité ».  Personne, pas plus le régime que les pays d’Astana que l’opposition, ne dispose d’un droit de veto sur la composition de la troisième liste, a-t-il ajouté.  « L’argument invoqué par Damas du respect de sa souveraineté ne doit tromper personne, et ne peut pas servir de prétexte pour violer ses obligations et ses engagements. »  Un échec éventuel du processus sera imputable à ceux qui auront cherché à dévoyer les règles établies par la communauté internationale et à saper la légitimité de la médiation des Nations Unies, a averti le représentant.  « Nous attendrons alors de l’Envoyé spécial qu’il attribue clairement et publiquement les responsabilités dans le cas où le comité ne serait pas en mesure de se réunir. »

M. Delattre a ajouté que le comité constitutionnel n’est jamais qu’un outil.  Il faut se mettre d’accord sur des paramètres clairs et partageables par tous.  Ces paramètres existent; ils ont été rappelés à Istanbul: un cessez-le-feu durable, la protection des populations, un processus constitutionnel et des élections libres et impartiales, l’adoption de mesures de confiance indispensables, et l’établissement des conditions politiques pour un retour volontaire et en sécurité des réfugiés et des déplacés.  « Ces paramètres doivent constituer la boussole de ce Conseil dans les mois à venir et créer l’environnement sûr et neutre qui rendra une solution politique crédible. »  La France, a encore déclaré le représentant, est engagée dans la poursuite de la lutte contre l’impunité en Syrie pour que le peuple syrien puisse un jour renouer avec la justice. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a souhaité que l’Envoyé spécial puisse convoquer un comité constitutionnel « équilibré » et user, à ce titre, des prérogatives que lui confère la résolution 2254 (2015).  Rappelant que le Président et le Ministre des affaires étrangères russes ont tous deux contribué à la rédaction de la Déclaration d’Istanbul, elle s’est demandée pour quelle raison ce comité n’avait toujours pas été créé.  Le Gouvernement syrien nous affirme que sa souveraineté détermine ce que la communauté internationale peut faire ou pas dans la gestion de la crise syrienne, a relevé la représentante, avant d’expliquer que le Conseil de sécurité agit au nom de cette même communauté internationale.  Le processus doit être enclenché avant la fin de l’année, a-t-elle insisté.  En l’absence de processus politique durable, il n’y aurait ni reconstruction, ni retour des réfugiés, ni relèvement de la Syrie, a mis en garde la délégation britannique.

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est réjoui de la tenue à Istanbul, le 27 octobre, du Sommet quadripartite -France, Allemagne, Russie et Turquie- qui a souligné, entre autres, l’importance d’un cessez-le-feu à travers la pleine application des mesures prévues par l’accord sur la « zone démilitarisée » par toutes les parties concernées.  Sa délégation souscrit à l’appel lancé au cours de ce sommet à la mise en place effective du comité constitutionnel et à la rédaction d’une nouvelle Constitution syrienne d’ici la fin de l’année 2018.  Elle appelle toutes les parties syriennes à définir le plus rapidement possible, le cadre règlementaire pour l’organisation d’élections libres et transparentes, « gage de la restauration d’une paix durable en Syrie ».  En conclusion, le représentant a réitéré l’appel de son pays en faveur d’une résolution politique du conflit syrien et exhorté les parties syriennes à une reprise des négociations.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a jugé que le moment est critique et qu’il faut parvenir à des engagements et à des progrès concrets conformément à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève.  Dans l’immédiat, cela implique la participation constructive du Gouvernement syrien et des groupes d’opposition pour former un comité constitutionnel, comme cela a été convenu à Sotchi, afin de poser les bases politiques et institutionnelles d’une paix durable en Syrie.  Pour la délégation, les efforts en vue d’une réconciliation nationale doivent viser en priorité à éviter de fragmenter davantage le pays et ne pas être motivés par les considérations stratégiques et géopolitiques qui ont dans une large mesure alimenté le conflit.  L’adoption de mesures pour regagner la confiance est également essentielle, a ajouté la délégation, qui attend des avancées substantielles dans l’identification des personnes disparues, la remise des dépouilles et la libération des prisonniers et des disparus.  Il est en outre nécessaire de s’occuper de la grave situation humanitaire de millions de réfugiés et déplacés internes pour leur permettre un retour sûr et digne.

Souhaitant un plein succès à M. Geir Pederson, qui succèdera à M. Staffan de Mistura en tant qu’Envoyé Spécial pour la Syrie, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a appelé le Gouvernement syrien à soutenir son mandat.  S’il estime que « les contours de la paix en Syrie sont de plus en plus clairs », il a jugé nécessaire de poursuivre les efforts visant à créer un comité constitutionnel, comme cela fut souligné lors du Sommet d’Istanbul.  Rappelant que ce comité permettra de rédiger une nouvelle juridiction fondamentale pour le pays, il a souligné que ce sommet, le premier sur la Syrie à avoir réuni les représentants du processus d’Astana et les pays du Groupe Restreint, a démontré que l’on est « près de trouver une solution à la crise avec de nouvelles approches sur le plan politique et humanitaire ». 

Assurant que le Kazakhstan soutient toutes les initiatives visant à résoudre le conflit le plus rapidement possible, le délégué a accueilli avec satisfaction les changements positifs survenus à Edleb depuis la création d’une zone tampon démilitarisée.  Il en a profité pour appeler à ce que l’accord de Sotchi soit mis en œuvre au plus tôt pour se conformer au droit international humanitaire.  Il a conclu en condamnant « les provocations » des organisations terroristes et en pointant qu’il en va de la responsabilité du Conseil de sécurité de mettre un terme à cette période tragique pour la Syrie.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée Équatoriale) a rappelé que cela faisait deux mois qu’avait été célébré l’accord russo-turc de cessez-le-feu dans la province d’Edleb, ouvrant la voie vers un éventuel règlement définitif du conflit.  Le Sommet d’Istanbul a, quant à lui, permis d’insister sur la nécessité d’un comité constitutionnel, a-t-il commenté, mettant en garde contre « les groupes armés illicites, qui bénéficieraient au premier chef de ne pas déposer les armes en cas d’insuccès ».  Pour un comité inclusif et crédible, toutes les parties prenantes devront respecter leurs obligations, a jugé le représentant.  Ce processus politique doit être piloté par l’ONU, qui doit jouer le rôle de facilitateur.  Et pour garantir le succès des travaux du comité constitutionnel, toutes les parties devront renoncer aux intérêts partisans, et parfois, céder du terrain sur certaines questions. 

D’autre part, le représentant a clairement indiqué que le comité constitutionnel ne saurait se substituer à la volonté du peuple syrien: il est essentiel qu’aucune force externe ne s’immisce dans ce qui devrait être des décisions souveraines, a-t-il pointé.  Enfin, la reconstruction du pays sera coûteuse, et « plus le conflit se prolongera, plus grande sera notre dette morale envers ce pays ».

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a accueilli avec satisfaction le communiqué du Sommet d’Istanbul du 27 octobre dernier.  Elle a appelé le comité constitutionnel à se réunir le plus tôt possible, « avant la fin de l’année », afin d’aller de l’avant avec l’élaboration d’une nouvelle constitution.  Estimant qu’il s’agit là d’une prérogative de l’ONU, elle a encouragé toutes les parties, notamment les autorités syriennes, à coopérer de façon constructive afin d’éviter de nouveaux délais.  Toutefois, a précisé la représentante, ce comité doit demeurer partie intégrante du processus politique initié en vertu de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Après s’être inquiétée du bombardement d’Edleb et des récentes déclarations du représentant de la Syrie à ce sujet, Mme van Haaren a souligné l’importance de mettre en œuvre l’accord conclu entre la Russie et la Turquie.  « L’alternative à une désescalade soutenue est une catastrophe humanitaire dévastatrice », a prévenu la représentante, pour qui les opérations militaires dans le nord de la Syrie devraient avant tout cibler Daech.  « Actuellement, la Syrie n’est pas mûre pour un retour sûr, volontaire et digne des réfugiés », a-t-elle poursuivi.  Enfin, elle a insisté sur le recours au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie, à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et la Cour pénale internationale (CPI) afin d’assurer l’application du principe de responsabilité pour les crimes atroces commis en Syrie. 

Mme MAHLET HAILU GAUDEY (Éthiopie) s’est félicitée du calme relatif en Syrie, en dépit de la poursuite d’affrontements dans certaines zones.  La mise en œuvre, en particulier, de l’accord de démilitarisation conclu entre la Fédération de Russie et la Turquie, a permis d’éviter une catastrophe humanitaire à Edleb, a-t-elle relevé.  Notant les efforts de l’Envoyé spécial pour convoquer un comité constitutionnel, qu’appelle également de ses vœux la Déclaration d’Istanbul du 27 octobre, la délégation a souligné que la formation d’un tel comité serait une étape significative dans la revitalisation d’un processus politique dirigé par les Syriens eux-mêmes sous les auspices de l’ONU.  Mme Guadey a considéré que la situation actuelle constitue une « fenêtre d’opportunité » pour revigorer un dialogue politique de nature à répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a pointé une diminution de la tension en Syrie grâce aux efforts des garants du processus d’Astana et d’autres pays dont les accords ont permis de réduire la violence sur le territoire syrien instaurant ainsi une paix relative pour la population civile.  Il a tenu à réitérer que le conflit n’a pas de « sortie militaire », se prononçant également contre toute fragmentation ou tout sectarisme en Syrie, et contre la présence de forces militaires étrangères sans l’autorisation du Gouvernement syrien.  Il a exigé le retrait de telles forces, conformément au droit international et aux principes de souveraineté, d’indépendance et d’intégrité territoriale. 

Le représentant a appuyé les démarches entreprises par l’Envoyé spécial, M. de Mistura, en faveur d’une solution politique et salué la nomination de son successeur, M. Pedersen.  Se félicitant des réunions diplomatiques de haut niveau qui ont eu lieu ces dernières semaines, il a espéré que ces rapprochements aboutiront à l’établissement, dans les prochains mois, d’un comité constitutionnel « fiable, équilibré et représentatif », sur la base de la Déclaration de Sotchi.  Il a enfin appelé à une résolution du conflit à travers un processus politique inclusif, reposant sur le dialogue et dirigé « par et pour le peuple syrien » dans le cadre du processus de Genève et de la résolution 2254 (2015) sous les auspices de l’ONU. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a fait part de la déception de son gouvernement face au refus du régime syrien de coopérer avec l’ONU, au mépris de l’Accord de Sotchi.  La création d’un comité constitutionnel, qui figurait parmi les termes de cet accord, se fait ainsi attendre depuis bien longtemps, s’est impatienté le délégué suédois, appelant la Fédération de Russie et les deux autres États garants du processus d’Astana à redoubler d’efforts pour s’assurer de la pleine coopération de Damas avec le processus politique mené par l’Organisation.

Aux yeux du représentant, il convient de capitaliser sur l’élan international actuel en faveur de la résolution de la crise syrienne pour convoquer un comité constitutionnel d’ici à la fin de l’année.  Le délégué a appelé les garants d’Astana à appuyer l’Envoyé spécial dans ses efforts pour respecter ce calendrier et faire en sorte que le comité soit « crédible », « équilibré », « représentatif » et composé d’au moins 30% de femmes.  Il a réaffirmé que seul l’Envoyé spécial était mandaté pour convoquer et décider de la composition du comité constitutionnel.  « La déclaration finale de Sotchi a clairement établi que la sélection finale du comité s’effectuerait dans le cadre du processus mené par l’ONU », a insisté le délégué, avant d’appeler le Conseil de sécurité à appuyer sans réserve l’Envoyé spécial. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a noté que la Syrie continuait de se stabiliser, une tendance entamée en octobre 2015, quand la Russie a lancé des opérations de lutte contre le terrorisme en Syrie, a-t-il indiqué.  « Et c’est un fait, des régions ont été libérées du terrorisme. »  À Edleb, le représentant s’est dit préoccupé par un viol des accords de désescalade par des groupes terroristes, et par plusieurs tentatives d’attentats de groupes affiliés au Front el-Nosra à Alep.  La Turquie entreprend d’importants efforts pour séparer les groupes terroristes des groupes modérés, a-t-il assuré.  « Il serait utile dans ce cas que ceux qui ont financé ces groupes au début du conflit participent à ces efforts. »

Le délégué a ensuite qualifié le Sommet d’Istanbul d’important.  Le processus de retour volontaire des réfugiés est lancé, et « si les occidentaux arrêtaient d’entraver la souveraineté de la Syrie, cela irait plus vite », a-t-il lancé avant de prier les États Membres de se garder à l’avenir d’utiliser le vocable « régime syrien » pour qualifier le Gouvernement syrien.  Il a demandé à ce que les « frappes aveugles » menées par la coalition américaine dans la zone de l’Euphrate, ayant tué des dizaines de civils, fassent l’objet d’une enquête internationale, de même que d’autres frappes à Raqqa où « des fosses communes ont été découvertes ».  Demandant à ce que les décisions relatives au futur comité constitutionnel soient prises par les Syriens eux-mêmes, il a appelé à ce que ce travail soit lancé en fonction des circonstances d’ici à la fin de l’année, en espérant que le prochain Envoyé Spécial s’appuiera sur les précédentes avancées obtenues lors des sommets d’Astana, Istanbul et Sotchi. 

M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a réaffirmé l’appui de son pays au maintien de la zone de désescalade d’Edleb et appelé toutes les parties à respecter le cessez-le-feu, citant M. de Mistura selon lequel « l’alternative ne résulterait qu’en gains territoriaux, sans paix durable ».  Réaffirmant qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, il a appelé à la conclusion d’un accord politique intersyrien, ce qui suppose une cessation de toutes les hostilités pour engager des pourparlers de paix sous les auspices de l’ONU, et en accord avec la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a exprimé son soutien à l’Envoyé spécial de l’ONU et à la Déclaration d’Istanbul qui appelle à établir un comité chargé de rédiger la future constitution; ce comité, qui s’installerait à Genève, doit se mettre au travail au plus vite, a-t-il ajouté, « d’ici la fin de l’année », et d’autres mesures doivent permettre d’avancer vers une solution politique négociée avec les autorités syriennes, priées d’y participer « de bonne foi et sans préconditions ».

M. ZHAOXU MA (Chine) s’est félicité de la réunion quadrilatérale d’Istanbul, qui témoigne selon lui de la volonté de la communauté internationale de revitaliser le processus politique en Syrie.  Néanmoins, des difficultés demeurent, a reconnu le représentant, qui a considéré qu’il faut redoubler d’efforts pour constituer un comité constitutionnel conforme aux attentes de tous les Syriens.  À cet égard, davantage de négociations sont nécessaires pour les aider à se mettre d’accord sur sa composition, a poursuivi le représentant.  D’après lui, la communauté internationale devrait travailler « main dans la main » pour aider la Syrie, dans le respect de son intégrité et de sa souveraineté territoriales.  Elle devrait en outre appuyer le retour des réfugiés syriens, et aider à la reconstruction, a préconisé la Chine, qui a estimé qu’il faut tenir compte des préoccupations légitimes de toutes les parties. 

M. BASHAR JA’AFARI (Syrie) a cité le préambule de la Charte des Nations Unies, l’opposant aux « pratiques hégémoniques de certains États » qui la détournent « pour réaliser leurs desseins politiques », et « outrepasser le principe de la souveraineté des États ».  Le représentant a reproché à des membres permanents du Conseil de sécurité de soutenir les groupes terroristes actifs en Syrie, en leur fournissant des armes et un entraînement.  Il a accusé nommément les États-Unis, le Royaume-Uni et la France d’avoir « commis les pires crimes contre les civils syriens » et de n’accorder aucune importance aux principes du droit international, « comme s’il n’avait de valeur que totémique ».  En tant que membre fondateur des Nations Unies, la Syrie continue de croire au respect des principes de la Charte et refuse « le chantage de certains États Membres », ainsi que leur ingérence. 

Qualifiant de « succès » la conférence de Sotchi, qui a rassemblé autour de la table « toutes les branches de la société syrienne », le représentant a jugé ses conclusions positives, notamment la création d’un comité constitutionnel, qu’il a souhaité mis sur pied le plus rapidement possible.  Le Gouvernement syrien a proposé une liste à ce sujet.  M. Ja’afari a souhaité le succès de l’Envoyé spécial, mais a souligné qu’il ne pouvait « s’ériger comme troisième partie », au nom de la non-ingérence et de la souveraineté interne de chaque État.  « Toute idée d’ingérence dans les affaires internes de la Syrie est inacceptable », a-t-il répété.  Trouvant également inacceptable d’imposer des échéances au comité, il a appelé à ce que les étapes du processus soient étudiées et longuement débattues.  « Ses bases doivent être saines, car cela engagera les générations syriennes futures », a-t-il expliqué.  Il a enfin souhaité donner la priorité à la lutte contre le terrorisme, « au retour des réfugiés et déplacés », « à la reconstruction et à la libération des territoires restant contrôlés par les terroristes ». 

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