9083e séance,  
après-midi
CS/14954

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour la Syrie qualifie « d’impératif moral » le renouvellement du mécanisme d’assistance transfrontalière

Face à la très grave situation humanitaire en Syrie, M. Geir Pedersen, Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, a appelé cet après-midi le Conseil de sécurité à renouveler pour une période de 12 mois le mécanisme d’assistance transfrontalière établi par la résolution 2585 (2021), qui arrive à expiration dans quelques jours.  Il s’agit d’un « impératif moral », a martelé M. Pederson qui informait les membres du Conseil de la situation en Syrie.

Un accord sur la prorogation du mécanisme d’assistance transfrontalière enverrait un signal fort au peuple syrien, de l’avis des Émirats arabes unis.  L’Albanie y a vu tout simplement « une planche de salut » pour des millions de Syriens.  La Fédération de Russie a pourtant estimé que les opérations humanitaires menées en Syrie en application de la résolution 2585 n’ont pas été un succès.

Lors de cette séance marquée par l’intervention d’un jeune activiste syrien, qui a transmis 14 messages demandant aux membres du Conseil d’utiliser leurs pouvoirs pour améliorer le sort des Syriens, M. Pedersen a, en outre, estimé essentiel de contenir les tensions et les risques d’escalade militaire.  « La Syrie n’a pas besoin de nouvelles opérations militaires, mais plutôt d’une solution politique et d’une aide humanitaire accrue », a insisté l’Envoyé spécial.

De fait, de nombreuses délégations ont jugé préoccupantes la récente annonce d’actions militaires.  « Les annonces d’une éventuelle opération militaire turque dans le nord de la Syrie sont préoccupantes », a estimé la France. 

La Türkiye a d’ailleurs exprimé sa détermination à lutter contre toutes les organisations terroristes qui menacent son intégrité.  « Nous n’allons pas hésiter à continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour conjurer les menaces pesant sur nos intérêts vitaux », a averti son représentant.

Son homologue syrien a rétorqué que ces agissements, qui ne servent que les intérêts politiques de la Türkiye dans la région, ne font qu’aggraver les risques de guerre.  La Syrie a par ailleurs défendu les efforts de son gouvernement de réconciliation nationale en vue d’un retour rapide à la normale dans le pays.

Sur le volet politique, l’Envoyé spécial a indiqué continuer ses réunions avec la Commission constitutionnelle dirigée et contrôlée par les Syriens, dont la neuvième session se tiendra le 25 juillet à Genève.  Mais ce processus n’a pas semblé convaincre certains membres du Conseil, dont le Brésil qui a déploré qu’après huit sessions, les membres de cette Commission sont soit « incapables », soit « peu désireux », de concilier leurs positions divergentes.  Au contraire, pour la Chine, le fait que ces réunions aient eu lieu est déjà en soi « un fait notable ».

En dehors de la crise économique aiguë en Syrie, la question du retour des réfugiés a été examinée en tant qu’élément central de la résolution 2254, l’occasion pour l’Envoyé spécial de citer une récente enquête menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les perceptions et les intentions des réfugiés syriens.  Celle-ci a révélé que 92,8% des réfugiés vivant en Égypte, en Jordanie, au Liban et en Iraq n’ont pas l’intention de retourner en Syrie dans les 12 prochains mois. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations liminaires

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a rappelé la très grave situation humanitaire en Syrie, et est revenu sur les trois piliers du cadre de la résolution 2585 (2021) dont il a demandé le renouvellement pour une période supplémentaire de 12 mois.  Comme l’a déclaré le Secrétaire général, il s’agit d’un impératif moral, a-t-il insisté, en espérant aussi le début d’une diplomatie constructive sur la Syrie.  Pour se concentrer sur la voie politique à suivre, il est essentiel de contenir les tensions et les risques d’escalade militaire, a pressé M. Pedersen, citant, à cet égard, une violence continue, voire croissante, dans un certain nombre de points chauds. 

L’Afrin et le nord-est connaissent une escalade significative des hostilités, avec des affrontements et des frappes de drones, des échanges de tirs et des déclarations récentes de la Türkiye concernant une nouvelle opération militaire.  Sur ce point, M. Pedersen a souligné que la Syrie n’a pas besoin de plus d’opérations militaires, mais plutôt d’une solution politique et d’une aide humanitaire accrue.

L’Envoyé spécial a ensuite détaillé la situation sur le terrain dans le nord-ouest du pays qui a vu des échanges de tirs de roquettes et la reprise de frappes aériennes pro-gouvernementales ainsi qu’une frappe américaine sur le groupe Hourras el-Din, affilié à Al-Qaïda, et des combats entre groupes d’opposition armés à Afrin et dans le nord d’Alep.  Daech et d’autres groupes terroristes répertoriés continuent de lancer des attaques et ont revendiqué la responsabilité de la mort de soldats de l’armée syrienne ce mois-ci, a-t-il ajouté. 

Le sud-ouest a connu de multiples incidents de sécurité, a-t-il poursuivi en signalant également des frappes aériennes russes près de Tanf, ce mois-ci, sur un groupe d’opposition armé partenaire des États-Unis.  Dans le même temps, les frappes attribuées à Israël semblent gagner en ampleur et en portée, a-t-il relevé.  Sur ce point, il s’est fait l’écho de l’inquiétude du Secrétaire général concernant les frappes signalées sur l’aéroport international de Damas le 10 juin.  À cet égard, il a rappelé la position ferme de l’ONU selon laquelle il est strictement interdit de diriger des attaques contre des civils et des infrastructures civiles ainsi que sa position sur le respect de la souveraineté, de l’unité, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de la Syrie. 

De même, M. Pedersen a noté l’existence d’un risque qu’une action mal calculée dans l’un de ces points chauds conduise à un conflit plus large dans une situation instable, ce qui causerait des déplacements massifs de civils et des souffrances, avec le risque d’une plus grande instabilité régionale.  C’est pourquoi, il a réitéré son appel en faveur d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, d’une approche coopérative pour contrer les groupes terroristes répertoriés et d’un soutien au processus politique.

« N’oublions pas non plus la crise économique aiguë en Syrie, qui résulte de plus d’une décennie de guerre et de conflits, de corruption, de mauvaise gestion, de la crise financière libanaise, de la COVID-19, des sanctions et maintenant de la guerre en Ukraine. »  Au début du mois, a indiqué l’Envoyé spécial, la Banque mondiale a indiqué que la taille de l’activité économique syrienne avait diminué de moitié entre 2010 et 2019.  La Banque a averti que cette crise économique pourrait conduire à une augmentation des troubles sociaux en Syrie.

Sur un autre registre, il a rappelé que la création de conditions permettant le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés est un élément central de la résolution 2254 (2015), citant, dans ce contexte, une récente enquête menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les perceptions et les intentions des réfugiés syriens qui a révélé que 92,8% des réfugiés vivant en Égypte, en Jordanie, au Liban et en Iraq n’ont pas l’intention de retourner en Syrie dans les 12 prochains mois.  Il a souligné qu’il faudrait un large éventail de mesures pour créer de telles conditions, dans les domaines de la sécurité, des moyens de subsistance, des services de base, du logement, du service militaire et de la protection.  Il a donc proposé de travailler pas à pas, sur une série de mesures de confiance.

Revenant sur ses engagements bilatéraux avec les parties syriennes et les acteurs internationaux, M. Pedersen a dit avoir indiqué au Ministre des affaires étrangères syrien un certain nombre de sujets sur lesquels il souhaitait avoir une discussion plus approfondie pour envisager les mesures que pourraient prendre les autorités syriennes.  Parlant du décret présidentiel syrien du 30 avril dernier sur l’amnistie, il a souligné son potentiel et appelé à ne pas rater cette occasion de le mettre en œuvre.  Il a, par ailleurs, indiqué continuer ses réunions avec la Commission constitutionnelle dirigée et contrôlée par les Syriens, qui pourrait contribuer, selon lui, à un règlement politique pour mettre en œuvre la résolution 2254.  À cet égard, il a informé le Conseil que les coprésidents ont convenu que la neuvième session se réunirait à Genève le 25 juillet.

M. Pedersen a conclu en avertissant le Conseil des risques d’une nouvelle escalade et a exhorté à trouver l’unité pour contenir ces risques, soutenir les objectifs humanitaires et promouvoir des mesures concrètes sur la voie d’un règlement.  « N’oubliez pas la Syrie.  Trouvez l’unité sur la Syrie.  Et aidez les Syriens à commencer à sortir de ce conflit tragique! »

M. OMAR ALSHOGRE, (Syrian Emergency Task Force), a noté que c’était la première fois qu’il se retrouvait face à ceux qui ont appuyé le régime « pour tuer mon père, pour tuer mes frères, pour tuer ma famille ».  Il a souhaité transmettre aux membres du Conseil de sécurité 14 messages représentant les 14 gouvernorats de la Syrie.  M. Alshogre a donc lu des messages de divers Syriens demandant aux membres du Conseil d’utiliser leurs pouvoirs pour améliorer leur sort, à l’image de Rama, de Deraa, qui a dit: « Vous avez le pouvoir de transformer notre cauchemar en un rêve.  S’il vous plaît, faites-le »; ou encore Yaser, de Hama: « J’ai tout perdu sous votre contrôle, et vous ne faites que jeter la faute sur la Russie et rejeter toute responsabilité loin de vous-mêmes »; et Ranim, de Rif-Damas: « Je suis claustrophobe.  Chaque fois que le régime attaque et que nous nous nous cachons, je ne peux pas respirer.  S’il vous plaît, mettez fin à cela »; ou enfin Khaled, de Raqqa, qui affirme que « même si vous pensez que la guerre est terminée, ce n’est pas le cas et nous sommes toujours pris pour cible ».

Depuis le début du soulèvement en Syrie, en 2011, la Russie a mis son veto à plus de 10 résolutions du Conseil de sécurité concernant le conflit, poursuivi M. Alshogre et ce, afin de fournir une « couverture politique au régime d’Assad » et pour protéger ses intérêts stratégiques.  « Avez-vous complètement éteint votre humanité? Comment dormez-vous la nuit? » a-t-il demandé.  Quant à l’Iran et ses milices, ils ont massacré, violé et brûlé des hommes en Syrie, a-t-il dénoncé, avant de condamner la normalisation des relations entre les Émirats arabe unis et le Président Assad, malgré les souffrances de millions de Syriens.  Se tournant vers la Türkiye et le Liban, il a salué leur générosité envers les réfugiés mais dénoncé la discrimination et le racisme dont ils sont victimes dans ces pays. 

Alors que des personnes innocentes sont tenues en otage par la Fédération de Russie qui contrôle les postes frontaliers de la Syrie, y compris Bab el-Haoua, M. Alshogre a invité les membres du Conseil de sécurité à faire pression pour que les frontières soient ouvertes à l’aide humanitaire.  Il a également invité les membres du Conseil à recueillir des preuves pour poursuivre le régime syrien et ses alliés, et à combattre avec le peuple syrien « pour libérer chaque mère, chaque père, chaque sœur, chaque enfant ».

Déclarations

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a qualifié les propos du représentant de la société civile de show médiatique n’ayant aucun sens.  Il s’est ensuite dit convaincu de la nécessité de la poursuite d’un dialogue intra-syrien épaulé par l’ONU et ce, dans un contexte stable mais tendu en raison de la présence en nombre de groupes terroristes dans les zones non contrôlées par le Gouvernement syrien.  Il a également appelé à la fin de la présence étrangère illégale sur le territoire souverain de la Syrie, lequel est en outre régulièrement la cible de bombardements israéliens.  Le représentant a par ailleurs constaté l’insuccès des opérations humanitaires en Syrie déclenchées par l’adoption de la résolution 2585 (2021) du Conseil de sécurité.

M. RICHARD MILLS (États-Unis) a salué la voix de la société civile au Conseil, « qui nous a rappelé l’horreur du conflit syrien, qui a fait plus de 350 000 morts parmi les civils ».  L’ampleur humaine du conflit nous choque tous et ne peut que nous pousser à obtenir la reddition de comptes pour les crimes odieux commis en Syrie, a-t-il ajouté.  Le représentant a constaté que, contrairement à ce qu’il avance, le « régime Assad » n’a libéré à ce jour qu’une centaine de personnes détenues de manière arbitraire et dans des conditions inhumaines, 120 000 individus demeurant recensés comme prisonniers dans les geôles syriennes.  Il a imputé l’absence de progrès politiques et humanitaires vers la paix en Syrie uniquement au comportement intransigeant du « régime Assad ». 

M. XING JISHENG (Chine) s’est félicité du dialogue de fond qui a marqué la tenue de la huitième session de la Commission constitutionnelle compte tenu du caractère complexe et sensible du dossier syrien.  Le fait que cette réunion ait eu lieu est pour lui déjà un fait notable.  Exprimant le souhait que soit respectée la résolution 2254, il a demandé à toutes les parties en Syrie de coopérer avec l’Envoyé spécial, notamment pour ce qui est de la rédaction du projet de Constitution.  La Commission doit travailler sans ingérence, a-t-il insisté à ce sujet.  Le représentant a estimé que les avancées sur le plan politique ne pourront se produire que dans le cadre d’un environnement propice.  Il s’est ainsi félicité de l’amnistie annoncée par la Syrie.  De même, a-t-il encore averti, il ne pourra y avoir d’avancées tant que la Syrie fera l’objet d’une occupation illégale.  Il a à ce propos condamné la violation de son intégrité territoriale et de sa souveraineté.  Il a donc enjoint les pays concernés de retirer leurs troupes qui sont stationnées en Syrie sans le consentement du Gouvernement syrien.  Appuyant la Syrie dans ses efforts visant une désescalade, il a souligné l’importance de la lutte contre le terrorisme.  Pour finir, il a rappelé que la Syrie est un membre important du monde arabe et espéré un retour véritable de la Syrie dans le giron de la famille arabe.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a regretté, après sept années de souffrances intenses et de destruction d’infrastructures civiles, de ne voir aucun progrès dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  La Commission constitutionnelle a déjà tenu huit réunions et ses membres sont soit « incapables », soit « peu désireux », de concilier leurs positions divergentes dans les domaines importants pour obtenir des résultats concrets, a-t-il déploré.  Pour finir, il a mis en garde contre un « effet domino » dans la région du fait du terrorisme, et a mis en garde face aux besoins humanitaires, qui n’ont jamais été aussi importants.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a pris note de la récente réunion du « format d’Astana » et regretté que la huitième session de négociations de la Commission constitutionnelle n’ait fait aucun progrès.  Il a exhorté les parties à y participer de manière constructive afin de faire avancer les discussions, en soulignant l’importance de la participation des femmes à toutes les phases du processus politique syrien. 

Le représentant a exprimé sa préoccupation face aux déclarations concernant une possible nouvelle intervention militaire dans le nord-est de la Syrie, estimant qu’une telle action menacerait la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays.  De même, il a appelé les belligérants à la plus stricte retenue et à éviter toute escalade des tensions susceptible d’entraîner de nouveaux déplacements de civils et une nouvelle détérioration de la situation humanitaire, déjà difficile.  « Il est temps de favoriser le dialogue et la coopération entre voisins, y compris la lutte contre le terrorisme », a-t-il argué.  Estimant que le moment n’est pas encore venu pour les réfugiés de rentrer au pays, il a appelé à soutenir les organisations humanitaires et à augmenter le financement des communautés d’accueil.  Enfin, il a exhorté les autorités syriennes à libérer les personnes détenues arbitrairement, en particulier les femmes et les enfants. 

S’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a affirmé qu’une solution politique est la voie la plus prometteuse vers la paix et la sécurité en Syrie, ce qui nécessite la mise en place immédiate d’un cessez-le-feu et d’un dialogue inclusif tenant compte des intérêts des Syriens.  Il a exprimé sa préoccupation devant la lenteur des progrès des travaux de la Commission constitutionnelle qui n’a toujours pas présenté de propositions concrètes.  Afin de faire avancer le processus politique, il a prôné l’adoption de mesures de confiance telles que la libération des détenus, notamment les personnes âgées, les femmes et les enfants.  « Il est essentiel que ces questions soient traitées aussi rapidement que possible, sans quoi la paix restera insaisissable », a-t-il prévenu.  L’octroi d’une amnistie par le Gouvernement syrien serait une étape importante vers la réconciliation et contribuerait à renforcer la confiance, a-t-il relevé, en suggérant à l’Envoyé spécial de s’y intéresser.  Il s’est en outre inquiété de la présence de mercenaires étrangers et de la poursuite d’activités terroristes dans le nord-est du pays, en particulier dans la province de Raqqa.  Plaidant pour une solution politique et la cessation des hostilités, le représentant a appelé les pays voisins à s’abstenir de toute action susceptible de déstabiliser davantage la Syrie. 

Mme CAÍT MORAN (Irlande) a condamné les attaques aveugles contre les civils syriens, qui sont autant de violations graves du droit international et du droit humanitaire.  Elle a souligné l’importance que soit garantie la reddition de la justice pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en Syrie depuis 2011.  La représentante a également appelé le « régime d’Assad » à libérer toutes les personnes arbitrairement détenues, à commencer par les femmes, les enfants et les personnes âgées.  Il est du devoir du Conseil de sécurité de faire en sorte que la Syrie se rapproche d’une issue durable et inclusive à la crise, cela en assurant la pleine mise en œuvre de ses résolutions, a plaidé la représentante.  La Syrie doit rester une priorité de l’agenda international afin que nous ne puissions pas oublier les personnes dont M. Alshogre a parlé devant nous, a-t-elle conclu. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a d’abord appuyé les travaux du Comité consultatif de femmes syriennes, avant d’appeler à son tour à la désescalade des violences et à faire respecter le droit international.  Citant le Secrétaire général de l’ONU, elle a jugé que pour mettre un terme à la tragédie humanitaire en Syrie, il faut qu’un cessez-le-feu soit instauré sur l’ensemble du territoire et que les Syriens puissent décider de leur avenir à travers un processus démocratique, transparent et inclusif. 

M. WADID BENAABOU (France) a dénoncé le « régime », qui continue à opprimer les Syriens alors que la guerre se poursuit.  Les preuves rassemblées sur le massacre de Tadamon perpétré en avril 2013 ne laissent aucun doute sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis de façon répétée et organisée par le régime, a martelé le représentant. 

S’agissant du décret d’amnistie décidé de façon unilatérale par le régime, « nous notons qu’aucune vérification n’a encore été possible à ce jour par les Nations Unies: aucun chiffre, ni liste n’a été partagé.  Dans ces conditions, cette amnistie n’a aucune réalité et ne constitue en rien un premier pas », a affirmé le représentant, pour qui 120 000 personnes demeurent recensées comme détenues dans les geôles du régime, et plusieurs milliers de personnes seraient disparues.  Le régime a, par ailleurs, adopté une nouvelle loi sur la cybercriminalité lui permettant de procéder à de nouvelles arrestations arbitraires, a déploré le délégué.  Le représentant a souhaité rappeler que le recours systématique du régime aux violences sexuelles et fondées sur le genre dans les lieux de détention, y compris à l’encontre de réfugiés de retour en Syrie, a été documenté par les Nations Unies et la société civile.  L’ensemble de ces faits montre qu’il est vain de croire que la normalisation avec le régime pourrait créer de la stabilité en Syrie ou dans la région, a-t-il insisté. 

D’autre part, le représentant a jugé préoccupantes les annonces sur une éventuelle opération militaire turque dans le nord de la Syrie.  Pour la France, rien ne doit être fait qui aggrave la crise que connaît le pays et qui menacerait la stabilité de la région ainsi que les efforts de la Coalition internationale dans la lutte contre Daech.  Aucune paix durable ne sera possible sans un processus politique solide, a poursuivi le représentant, déplorant que les dernières réunions de la Commission constitutionnelle n’aient permis aucune avancée tangible. 

La France continuera son combat sans relâche contre l’impunité en Syrie, a encore affirmé le représentant.  Les responsables, notamment de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, doivent répondre de leurs actes.  Cela est indispensable pour construire une paix durable à laquelle les Syriens aspirent depuis de longues années.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a souligné que son pays avait toujours appelé à soutenir les efforts régionaux visant à trouver une solution à long terme au conflit en Syrie et a rappelé qu’il avait accueilli favorablement la normalisation progressive des relations de la Syrie avec ses voisins arabes. 

Tout acte compromettant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie aura un impact négatif sur la voie politique, a averti le représentant, déclarant « profondément préoccupante » la récente annonce d’actions militaires.  Pour finir, il a réaffirmé que la lutte mondiale contre le terrorisme ne pouvait et ne devait pas être remise en cause pour des gains politiques étroits.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé qu’un accord sur la prorogation du mécanisme d’assistance transfrontalière enverrait un signal fort au peuple syrien.  Il a réitéré son appui à la résolution 2254 qui prône une nouvelle constitution comme principal cadre pour parvenir à une solution durable à la crise syrienne.  À cet égard, il a estimé que la Commission constitutionnelle est la seule plateforme permettant de faire avancer le dialogue politique entre Syriens.  Il a souligné l’importance de mettre l’accent sur les points faisant l’objet d’un accord et a salué l’accord pavant la voie au neuvième cycle de négociations qui doit se tenir en juillet.  Au nombre des mesures de confiance nécessaires pour parvenir à la paix, il s’est félicité de l’octroi d’une amnistie qui a mené à la libération de centaines de détenus.  S’agissant de l’intensification des hostilités dans le nord de la Syrie, il s’est opposé à toute intervention étrangère susceptible de menacer la souveraineté, l’intégrité territoriale et la composition démographique de la Syrie.  Le représentant s’est également inquiété des activités de Daech qui continue de lancer des attaques dans plusieurs villes syriennes.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a accusé le Président Al-Assad de prétendre « faussement » que la situation en Syrie s’améliore, le soupçonnant d’essayer de jouer sur la lassitude du conflit pour encourager la normalisation.  « Cela ne peut être autorisé », a martelé le représentant, pour qui les 12 années de souffrance et de terreur que le peuple syrien a subies ne doivent pas être oubliées.  Ce peuple mérite la justice, la responsabilité et l’espoir d’un avenir fondé sur les réformes politiques énoncées dans la résolution 2254 (2015), a-t-il ajouté.  En l’absence de changement de comportement du « régime d’Assad », le représentant a dit que le Royaume-Uni continuera à s’opposer fermement aux efforts visant à s’engager avec lui, car son attitude ne fait que prolonger la crise et la souffrance de millions de Syriens.  Pour lui, une solution politique est le seul moyen de mettre fin au conflit.  Et compte tenu de l’intransigeance constante du « régime », une telle solution ne sera possible que grâce à des efforts internationaux concertés et à la mise en œuvre intégrale de la résolution 2254.  Poursuivant, le représentant a appelé à une évaluation lucide des motivations du régime dans sa présentation de la récente « prétendue amnistie ».  « Nous ne devons pas accepter de glisser vers une normalisation sans réformes véritables et vérifiables, sans mettre fin aux attaques contre les civils, sans donner de réponses aux familles et, enfin, sans que les auteurs des crimes les plus graves commis en Syrie aient à rendre des comptes », a mis en garde le délégué.  Pour finir, il a réitéré son soutien total à l’Envoyé spécial et fait part de la détermination de son pays à travailler ensemble pour instaurer la paix en Syrie, notamment par le biais d’une initiative progressive facilitée par les Nations Unies.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit avoir entendu, dans les propos de M. Alshogre, la douleur et le désespoir ressentis par une population angoissée.  Il a plaidé pour le renouvellement du mécanisme d’assistance transfrontalière transfrontière le mois prochain, y voyant une planche de salut pour des millions de Syriens.  Toutefois, a-t-il noté, l’amnistie la plus récente ne devrait pas permettre au « régime » d’utiliser ses propres citoyens comme otages pour essayer de gagner l’approbation de la communauté internationale, alors qu’il ne s’agit en aucun cas d’un processus transparent.  À cet égard, les travaux de la Commission constitutionnelle et les efforts visant à réaliser des avancées politiques sont nécessaires pour progresser vers une paix durable, a-t-il plaidé.  Il a souligné la nécessité, si la Syrie souhaite réintégrer les rangs des nations responsables, d’une pleine reddition de comptes pour les crimes commis par les parties au conflit.  La justice de transition doit donc être au cœur de la transition politique en vue d’une Syrie libre et démocratique, a conclu le délégué.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a souligné les avancées du Gouvernement syrien pour appuyer les efforts de réconciliation nationale en vue d’un retour rapide à la normale dans le pays.  Il a assuré que la mise en œuvre du décret sur les détenus est toujours en cours et qu’à ce titre, les organes compétents s’efforcent de répondre juridiquement aux demandes qui leur sont adressées.  Lever tous les obstacles qui entravent le retour digne et sûr de tous les réfugiés est une nécessité, a-t-il estimé en condamnant les États qui imposent de tels obstacles et des mesures de coercition contre ces réfugiés désireux de rentrer chez eux.  Il a ensuite indiqué que d’autres mesures ont été prises par son gouvernement dans le cadre du processus d’Astana, notamment pour lutter contre le terrorisme, y compris contre les entités qui continuent de faire peser une menace sur les civils.  Le représentant a par ailleurs condamné les pratiques du « régime turc » qui vont à l’encontre des engagements de la Türkiye en vertu du processus d’Astana.  Ces agissements, qui ne servent que les intérêts politiques de la Türkiye dans la région, ne font qu’aggraver les risques de guerre à ce niveau, a-t-il martelé.  Le Conseil de sécurité aurait dû condamner l’agression israélienne contre l’aéroport de Damas, a ajouté le délégué syrien. 

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a notamment jugé important que l’ONU cantonne son action à la facilitation de la mise en œuvre des processus politiques syriens.  Il a rappelé que les Syriens doivent s’approprier ces processus in fine.  Il a ajouté que la communauté internationale doit aider les autorités syriennes à atteindre le « noble objectif » de libération des détenus et de retour des réfugiés aux fins d’achèvement de la réconciliation nationale.  Enfin, le représentant a appelé le Conseil à condamner les attaques israéliennes contre la Syrie ainsi que les attentats terroristes qui continuent de prendre pour cibles les civils. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a estimé nécessaire, aujourd’hui, plus que jamais de régler la situation en trouvant une solution politique.  Malheureusement, a-t-il déploré, la huitième session de la Commission constitutionnelle tenue au début du mois n’a pas, encore une fois, donné de résultat concret.  C’est pourquoi, il a demandé au « régime » de cesser ses pratiques dilatoires et de manifester une véritable volonté.  Il a rappelé que, depuis le début, la Türkiye insiste pour que l’opposition légitime participe à ce processus.  Dans le cadre du processus politique, il a estimé essentiel que le cessez-le-feu et le calme soient préservés sur le terrain, y compris à Edleb. 

Le représentant a aussi rappelé que, depuis 2020, les organisations Unités de protection du peuple et Parti des travailleurs du Kurdistan ont mené des dizaines d’attaques contre les civils, alors qu’elles prétendent préparer des élections sur le terrain et des contrats sociaux, avec une structure prétendument autonome pour les diriger.  Cela défie la logique de voir que certains États Membres s’évertuent à prétendre que ces deux groupes ne sont pas des organisations terroristes, s’est impatienté le représentant.  Il a dit avoir expliqué, sans relâche depuis quatre ans, que la Türkiye est déterminée à lutter contre toutes les organisations terroristes qui menacent son intégrité.  « Nous n’allons pas hésiter à continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour conjurer les menaces pesant sur nos intérêts vitaux. »  Il a insisté en assurant ne pas vouloir rester indifférent face à une menace terroriste émanant de la Syrie.  Pour finir, il a indiqué que garantir le retour des réfugiés devrait faire partie intégrante des efforts politiques.  Son pays a ainsi permis le retour de 60 000 Syriens, a-t-il témoigné, en ajoutant que des efforts sont en cours pour faciliter la coopération avec les pays voisins et avec le HCR. 

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