9047e séance –
après-midi
CS/14910

Conseil de sécurité: l’ONU encourage les acteurs libyens au dialogue et à se garder de tout acte provocateur afin d’éviter que le pays ne sombre à nouveau dans le conflit

Réuni une semaine après les derniers affrontements à Tripoli en Libye, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix exhorter les parties libyennes à s’engager en faveur du règlement pacifique de leurs différends politiques afin d’éviter que le pays ne sombre à nouveau dans le conflit. 

Venue présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur ce pays, Mme Rosemary DiCarlo s’est notamment inquiétée des répercussions de l’impasse politique sur la sécurité du pays à l’image des affrontements survenus à Tripoli la semaine dernière durant lesquels se sont affrontés des groupes armés soutenant respectivement M. Fathi Bashagha et M. Abdulhamid Al Dabiba, les chefs des deux Gouvernements parallèles.

Sur une note plus positive, la Secrétaire générale adjointe a indiqué que le deuxième cycle de consultation de la Commission conjointe de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, qui s’est tenu au Caire en mai, a été l’occasion pour les parties d’examiner le projet de constitution et de s’accorder sur 137 des 197 articles portant notamment sur la forme et la nature de l’État, les droits et les libertés fondamentaux y compris les droits des femmes, la structure et les prérogatives d’un parlement bicaméral et certaines prérogatives du Président et du Premier Ministre.  Elle a ajouté que les membres de la Commission ont convenus de se retrouver au Caire à partir du 11 juin pour un dernier cycle dont l’objectif sera de trouver un consensus sur les questions en souffrance afin de parachever les modalités constitutionnelles pour tenir des élections nationales le plus rapidement possible. 

« Les acteurs politiques et sécuritaires libyens doivent dépasser leurs intérêts personnels et continuer de participer constructivement aux pourparlers du Caire en appui au volet constitutionnel et électoral », a souligné Mme DiCarlo pour qui il est impératif que le cessez-le-feu en Libye tienne, que le calme soit préservé et que toute mesure pouvant donner lieu à de nouveaux actes de violence soit évitée. 

Estimant que l’achèvement de la période de transition est une condition du succès de la réconciliation nationale, le Brésil a lui aussi espéré que les forces politiques libyennes parviendront à un accord sur le cadre constitutionnel afin de fixer de nouvelles dates pour les élections présidentielle et législatives.  Les informations faisant état d’arrestations arbitraires de militants et de leaders d’opinion au moment où le pays s’engage dans la construction d’un cadre constitutionnel démocratique sont toutefois préoccupantes, a-t-elle indiqué, tandis que les États-Unis ont regretté la tendance « profondément troublante » des dirigeants libyens à courtiser les extrémistes violents et à utiliser des lois restrictives pour renforcer leur pouvoir. 

La stabilité à long terme ne sera assurée en Libye que par un processus politique renouvelé et inclusif, y compris des élections parlementaires et présidentielle libres et équitables et le retrait des forces étrangères et des mercenaires y compris le groupe Wagner, a insisté pour sa part le Royaume-Uni.

Le départ des combattants étrangers a été appuyé par de nombreuses délégations, y compris celle de la Fédération de Russie qui a toutefois plaidé pour un retrait progressif sous peine de saper l’équilibre précaire en Libye.  La délégation russe a également déploré que la MANUL n’ait toujours pas de chef, ce qui empêche l’ONU de jouer pleinement son rôle dans le pays où la présence de deux pouvoirs parallèles est source d’inquiétude. 

Le Kenya, au nom des A3, a par ailleurs jugé profondément préoccupantes les informations faisant état d’une politisation accrue du secteur pétrolier, pilier économique de la Libye, et a également souhaité que les avoirs gelés de la Libye soient préservés et restitués au peuple libyen et fassent l’objet d’un examen périodique pour s’assurer qu’ils sont protégés.

De son côté, la France a dit suivre avec intérêt les recommandations en vue d’un gel des revenus pétroliers et d’un mécanisme de gestion transparente et équitable de ces revenus.  Ce mécanisme devra être accepté par tous les acteurs libyens concernés et permettre, le cas échéant, la levée rapide du blocage des puits, a affirmé la délégation qui a par ailleurs salué les efforts déployés par la Conseillère spéciale en vue d’une véritable unification de la Banque centrale de Libye. 

Exhortant à corriger les erreurs du passé, le représentant de la Libye a prévenu pour sa part que les citoyens ne font plus confiance au Conseil de sécurité ni à la communauté internationale car les solutions proposées ne permettent pas de répondre aux demandes du peuple.  Il a notamment pointé l’inaction du Conseil lorsque les élections du 24 décembre dernier n’ont pas eu lieu, ainsi que son incapacité à proroger le mandat de la MANUL.

Face à cette impasse, les citoyens libyens ne voient aucune explication, a-t-il affirmé.  Ils espèrent qu’un consensus sera trouvé pour sortir de ce cercle vicieux et que le dialogue en cours au Caire entre la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État permettra la tenue des élections.  Mais qu’adviendra-t-il en cas d’échec?  Et si ces discussions réussissent, y aura-t-il reddition des comptes, a-t-il lancé.

Il faut, a-t-il insisté, laisser les Libyens reprendre en mains leur pays:  Ils veulent la fin des divisions, un gouvernement légitime qui contrôle l’intégralité du territoire national et des élections libres, sur une base constitutionnelle solide. 

LA SITUATION EN LIBYE (S/2022/409)

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a dit que l’impasse politique, sécuritaire et économique perdure depuis le 19 avril, et que la situation des droits humains se dégrade.  Elle s’est inquiétée des répercussions de l’impasse politique sur la sécurité à l’image des affrontements survenus à Tripoli la semaine dernière. 

Le deuxième cycle de consultation de la Commission conjointe de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État au Caire du 15 au 20 mai a été l’occasion pour les parties d’examiner le projet de constitution de 2017.  Elle a précisé que les délégations se sont accordées sur 137 des 197 articles portant notamment sur la forme et la nature de l’État, les droits et les libertés fondamentaux y compris les droits des femmes, la structure et les prérogatives d’un parlement bicaméral et certaines prérogatives du Président et du Premier Ministre.  Les membres de la Commission sont convenus de se retrouver au Caire à partir du 11 juin pour un dernier cycle dont l’objectif est de trouver un consensus sur les questions en souffrance afin de parachever les modalités constitutionnelles pour tenir des élections nationales le plus rapidement possible. 

S’agissant de la persistance de l’impasse de l’exécutif, Mme DiCarlo a indiqué que la Conseillère spéciale, Mme Stephanie Willimas, a encouragé M. Fathi Bashagha et M. Abdulhamid Al Dabiba au dialogue et à se garder de tout acte provocateur ou de propos néfastes afin d’éviter que le pays ne sombre à nouveau dans le conflit.  Les membres du Conseil présidentiel ont pour leur part exprimé leur intention à œuvrer à un processus de réconciliation nationale avec l’appui de l’Union africaine et de l’ONU. 

La Secrétaire générale adjointe a ensuite indiqué que si le cessez-le-feu conclut en 2020 est respecté, la situation sécuritaire demeure précaire.  Elle a indiqué que suite à l’arrivée le 17 mai, à Tripoli, de M. Bashagha accompagné de groupes armés, des accrochages ont éclaté entre ces derniers et des groupes armés qui soutiennent M. Dbeibah faisant un mort.  La situation reste extrêmement tendue depuis, a-t-elle signalé. 

Elle a ensuite fait savoir que les 23 et 24 mai, les délégations de l’est et de l’ouest de la Commission militaire conjointe 5+5 se sont réunis en Espagne pour discuter de l’accord de cessez-le-feu.  Elle a rappelé que la réticence du Gouvernement d’unité nationale de verser les soldes de l’armée nationale libyenne pour le premier trimestre de 2022 a mené certains éléments affiliés à l’armée nationale libyenne à fermer plusieurs champs pétrolifères et des ports réduisant quasiment de moitié la production de pétrole.  Grâce à l’intervention de Mme Williams auprès du Gouvernement, les salaires en suspens ont été versés mais la production de pétrole n’est pas encore revenue à la normale.  Pour sa part, le groupe de travail économique du processus de Berlin a mis en place un mécanisme de gestion des recettes pour surmonter les désaccords sur le contrôle et l’emploi de fonds publics.  Ce mécanisme constituera un dispositif de financement à court terme pour financer la National Oil Corporation et les opérations essentielles du Gouvernement.  Les efforts se poursuivent également en vue de l’unification de la Banque centrale de Libye avec l’aide d’experts indépendants. 

Poursuivant, Mme DiCarlo a indiqué que la situation des droits humains demeure très préoccupante.  Elle a indiqué que les forces de sécurité libyennes ont procédé à une nouvelle vague d’arrestations de jeunes pour des prétendus crimes contre la culture et les valeurs libyennes.  Des restrictions continuent d’être imposées aux activités des organisations de la société civile et notamment des groupes de défense des droits des femmes accusées de violer « les principes et les valeurs de la société libyenne », a ajouté la Secrétaire générale adjointe qui a dit être préoccupée par la détention continue de neuf militants qui exerçaient pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression. 

Pour ce qui est des personnes disparues entre 2012 et 2020, les auteurs de ces crimes épouvantables doivent toujours être traduits en justice, et la situation des personnes déplacées demeure très précaire.  Le 3 mai, 477 familles taouargha ont été expulsées de force de deux camps à Tripoli.  Les arrestations de masse et des détentions d’étrangers et de migrants sans papiers sont également alarmantes dans les zones urbaines de l’ouest du pays où le 8 mai, 1 717 personnes étaient détenues dans des centres gérés par la direction de lutte contre l’immigration illégale.  Quelque 5 000 autres migrants et réfugiés sont détenus de façon arbitraire dans des conditions inhumaines dans des centres de détention. 

Pour la Secrétaire générale adjointe, il est impératif que le cessez-le-feu en Libye tienne, que le calme soit préservé et que toute mesure pouvant donner lieu à de nouveaux actes de violence soit évitée.  Elle a exhorté les parties à s’engager en faveur du règlement pacifique de leurs différends politiques.  Les acteurs politiques et sécuritaires libyens doivent dépasser leurs intérêts personnels et continuer de participer constructivement aux pourparlers du Caire en appui au volet constitutionnel et électoral. 

M. T.S. TIRUMURTI (Inde), Président du Comité 1970 (2011), a indiqué que les principaux sujets de discussion ont été la sécurité de la Libye, les violations de l’embargo sur les armes et la mise en œuvre du gel des avoirs.  S’agissant de l’embargo sur les armes, aucune décision négative n’a été prise en lien avec le paragraphe 13 (b) de la résolution 2009 (2011), a-t-il dit.  Concernant le gel des avoirs, le Comité a approuvé une demande d’exemption soumise par le Luxembourg.  S’agissant de l’interdiction de voyager, le Comité a reçu une notification de déplacement de Mme Safia Farkash Al-Barassi, pour un trajet aller-retour entre l’Égypte et Oman, au titre d’une exemption accordée auparavant pour une période de six mois pour des raisons humanitaires.  Enfin, le Président a réitéré l’engagement du Comité en faveur de la paix et de la stabilité en Libye.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a appelé au calme et à la désescalade à la suite des événements du 17 mai.  La priorité est de préserver les progrès réalisés depuis l’accord de cessez-le-feu de 2020.  La stabilité à long terme ne sera assurée en Libye que par un processus politique renouvelé et inclusif, y compris des élections parlementaires et présidentielle libres et équitables et le retrait des forces étrangères et des mercenaires y compris le groupe Wagner.  Le représentant a souligné que la responsabilité de l’organisation des élections incombe désormais aux comités de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État.  Le délégué a aussi appelé les parties libyennes à protéger la neutralité et l’intégrité des institutions publiques et à soutenir leur réunification.  Il a appelé à mettre un terme à la fermeture d’installations pétrolières car cela nuit à l’économie libyenne, estimant en outre que la National Oil Corporation ne doit pas être politisée et doit être en mesure de remplir ses fonctions sans ingérence.  Selon lui, les institutions publiques libyennes devraient être soutenues pour servir l’ensemble de la Libye et tout le peuple libyen.  Il a par ailleurs insisté sur l’importance de la reddition de comptes pour les violations des droits humains afin de mettre fin au cycle de l’impunité en Libye. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), M. MARTIN KIMANI (Kenya) a dit que c’est par le dialogue que la Libye peut sortir de l’impasse politique actuelle.  Prenant note des informations faisant état de mobilisations de groupes armés à Tripoli et dans les environs, ainsi que de flambées sporadiques de violence, le représentant a exhorté les dirigeants et le peuple libyens à faire preuve de retenue, éviter la violence et résoudre leurs différends par des moyens pacifiques.  Il a estimé que le dialogue et la réconciliation permettront d’obtenir des résultats graduels mais durables, y compris un cadre constitutionnel bénéficiant du consensus le plus large possible pour la tenue d’élections crédibles.  Le processus de paix qui doit en outre inclure toutes les parties prenantes, y compris les femmes et les jeunes.  Il a indiqué que l’Union africaine s’est engagée à soutenir un processus de réconciliation nationale inclusif et global, pour ensuite inviter le Conseil à intégrer cet appui dans le mandat de la MANUL.  Il a par ailleurs dit attendre avec intérêt la nomination d’un représentant spécial qui devrait avoir une bonne appréciation de l’impact du conflit en Libye sur la région et une compréhension profonde des menaces sécuritaires du conflit en Libye sur le Sahel et dans l’ensemble de la région. 

Poursuivant, le délégué a condamné l’ingérence étrangère en Libye, en particulier la présence continue de combattants et de mercenaires étrangers.  Les informations faisant état d’une politisation accrue du secteur pétrolier, qui est le pilier économique de la Libye, pour des gains individuels, sont profondément préoccupants, a ajouté le représentant.  Il a appelé également au retrait immédiat des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires de Libye et à la mise en œuvre du Plan d’action global de la Commission militaire conjointe 5+5 d’octobre 2021.  Les avoirs gelés de la Libye doivent être préservés et restitués au peuple libyen et faire l’objet d’un examen périodique pour s’assurer qu’ils sont protégés.  Le représentant a par ailleurs condamné le traitement inhumain des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Libye et demandé des ressources pour traiter la question des migrations en Libye.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a appelé tous les acteurs en Libye à faire preuve de retenue, à s’abstenir de toute escalade et à assurer la protection des civils.  Elle a exhorté les parties à tenir compte des appels de la société civile libyenne et de la communauté internationale pour assurer la participation pleine, significative et sûre des femmes et des jeunes aux pourparlers en cours.  Elle a estimé que les événements récents démontrent l’influence dangereuse des groupes armés sur la sécurité de la Libye.  Dans ce contexte, elle a appelé à des efforts en vue du retrait complet des forces étrangères, des combattants et des mercenaires de Libye, en étroite consultation avec les voisins de la Libye, le tout associé à un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration supervisé par les Nations Unies et sensible au genre.  Elle a également salué les efforts déployés par les autorités libyennes pour enquêter sur les incidents profondément choquants survenus à Tarhouna et les a encouragées à coopérer avec l’enquête de la Cour pénale internationale à cet égard.

Mme PAULA AGUIAR BARBOZA (Brésil) a pris note du nouveau cycle de négociations engagé au Caire pour sortir de l’impasse politique en Libye.  Elle a espéré que les forces politiques libyennes parviendront à un accord sur le cadre constitutionnel afin de fixer de nouvelles dates pour les élections présidentielle et législatives, estimant que l’achèvement de la période de transition est une condition du succès de la réconciliation nationale.  Elle a toutefois jugé préoccupantes les informations faisant état d’arrestations arbitraires de militants et de leaders d’opinion au moment où le pays s’engage dans la construction d’un cadre constitutionnel démocratique.  La représentante s’est d’autre part inquiétée de la détérioration des conditions sécuritaires.  Tout en félicitant les parties prenantes libyennes pour leur engagement à préserver le cessez-le-feu, elle a averti que l’impasse politique et la poursuite de graves violations des droits humains exercent une pression supplémentaire sur une stabilité extrêmement fragile.  La déléguée s’est félicitée, à ce sujet, de la récente visite de la Conseillère spéciale, Mme Stephanie Williams, à Tarhouna y voyant l’importance que l’ONU attache aux enquêtes sur les crimes perpétrés par des individus et groupes opposés à la réconciliation.  Enfin, alors que les rapports de l’ONU continuent d’évoquer des détentions clandestines, des disparitions et des cas de torture et de violence sexuelle, elle a salué le travail qu’accomplit la MANUL pour documenter ces abus et appelé les autorités libyennes à redoubler d’efforts pour les empêcher. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est dit inquiet devant l’évolution de la situation en Libye, avec la présence de deux pouvoirs parallèles et un processus politique dans l’impasse.  Il a mentionné les affrontements armés à Tripoli, jugeant inacceptable de régler les différends par la force.  Il a en revanche salué les progrès sur le plan militaire et appelé à éviter le scénario de 2019.  S’agissant du retrait des forces étrangères, il a plaidé pour un retrait progressif sous peine de saper l’équilibre précaire en Libye.  Il a déploré que la MANUL n’ait toujours pas de chef, ce qui empêche l’ONU de jouer pleinement son rôle dans le pays.  La présence onusienne ne répond pas aux besoins sur place, a estimé le délégué.  Enfin, il a demandé la nomination rapide d’un nouveau chef, lequel devra être approuvé par ce Conseil.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que la situation en Libye est incertaine.  La rivalité politique ainsi que la présence de combattants étrangers et de mercenaires rendent la situation encore plus difficile.  Il a appelé à surmonter l’impasse politique pour le contrôle de l’exécutif, avertissant qu’elle risque de déstabiliser tout le pays.  Insistant sur l’importance que revêt l’organisation d’élections, il a jugé le moment venu pour les acteurs libyens et la communauté internationale de renforcer le soutien aux efforts de médiation des Nations Unies.  Les négociations du Caire entre le Haut Conseil d’État et la Chambre des députés sont encourageantes et constituent une base prometteuse qui permettra l’espoir d’un accord.  Cet élan devrait être maintenu au cours du troisième cycle des négociations au mois de juin afin de préparer et de tenir des élections.  Il a ensuite appelé les acteurs à travailler ensemble en toute bonne foi avec la Conseillère spéciale. 

Le représentant a ajouté que la lutte contre l’impunité et la justice sont fondamentales pour une paix pérenne en Libye.  Des progrès sur le front politique sont également nécessaires pour réduire l’instabilité et le risque d’une impasse dans le domaine militaire.  Notant la remise en question du travail de la Commission militaire conjointe 5+5, il a dénoncé l’absence de progrès en ce qui concerne le retrait des forces et des combattants étrangers et des mercenaires de Libye.  Il s’est préoccupé de la réduction de l’espace accordé à la société civile qui empêche notamment la participation des femmes à la vie publique.  Le délégué a par ailleurs demandé à ne pas prendre en otage la National Oil Corporation, soulignant que les ressources doivent être investies dans le développement socioéconomique du pays et mises à la disposition de tous. 

M. DAI BING (Chine) a dit sa préoccupation face aux récents affrontements en Libye.  Il a appelé toutes les parties à privilégier les intérêts du pays et à faire preuve d’un maximum de retenue.  Il a ajouté que le dialogue et les consultations représentent la meilleure solution pour sortir de l’impasse politique, avant de saluer le consensus partiel obtenu lors des récents dialogues au Caire.  Par ailleurs, le représentant a encouragé les parties à œuvrer en faveur d’un consensus global, notamment sur des questions telles que le calendrier des élections.  Il a exhorté la communauté internationale à aider le pays à parvenir à la réconciliation nationale et à la stabilité à long terme.  Soulignant le rôle important des organisations régionales telles que la Ligue des États arabes et l’Union africaine, il a encouragé la nomination d’un candidat africain au poste de Représentant spécial pour la Libye.  Il a rappelé que l’accord de cessez-le-feu est la pierre angulaire de la stabilité en Libye et dans la région, avant d’exhorter toutes les parties à résoudre leurs différends concernant la gestion et la distribution des revenus pétroliers. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la guerre pour le pouvoir fait toujours rage dans le pays et soutenu les efforts pour y remédier.  Il a espéré que la transition s’achèvera rapidement pour déboucher sur la tenue d’élections.  Il a salué la tenue de consultations intra-libyennes au Caire, en Égypte, et appelé à la pleine participation des femmes et des jeunes dans le processus politique.  Toutes les institutions libyennes doivent travailler de concert et ne pas être politisées.  Leur indépendance est fondamentale, a ajouté le représentant, pour qui ces institutions appartiennent au peuple libyen.  Enfin, il a appelé à la reconfiguration de la MANUL, conformément aux recommandations arrêtées, espérant qu’un nouveau chef sera nommé.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a tout d’abord appelé les acteurs libyens à s’engager dans un véritable dialogue pour parvenir sans délai à une solution politique viable.  Pour le représentant, l’émergence d’un gouvernement unifié, inclusif et capable de gouverner sur tout le territoire est indispensable pour organiser et sécuriser des élections présidentielle et parlementaires dès que possible.  Observant que l’ajournement des élections, il y a six mois, a ouvert une période d’incertitude politique et sécuritaire, il a apporté son soutien à la médiation des Nations Unies sur la base constitutionnelle.  Il a par ailleurs souhaité que les acquis sécuritaires soient préservés de l’enlisement politique.  À cette fin, il a exhorté l’ensemble des acteurs libyens à s’abstenir de toute violence, incitation à la haine ou menace, et à respecter le cessez-le-feu, indiquant que la France continuera à soutenir le Comité militaire conjoint libyen, qui s’est engagé à mettre en œuvre le retrait graduel et progressif de tous les mercenaires et combattants étrangers.  C’est essentiel pour le recouvrement de la souveraineté libyenne, tout comme l’est le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) et le respect par tous les États Membres de l’embargo sur les armes, a-t-il dit.  Sur ce point, il a souligné la contribution de l’opération IRINI et appelé les membres du Conseil à faciliter le renouvellement, d’ici au 3 juin, des autorisations qui lui permettent d’opérer. 

Le représentant a ensuite dit suivre avec intérêt les recommandations en vue d’un gel des revenus pétroliers et d’un mécanisme de gestion transparente et équitable de ces revenus.  Ce mécanisme devra être accepté par tous les acteurs libyens concernés et permettre, le cas échéant, la levée rapide du blocage des puits, a-t-il affirmé, avant de saluer les efforts déployés par la Conseillère spéciale en vue d’une véritable unification de la Banque centrale de Libye.  Il s’est par ailleurs déclaré préoccupé par la hausse des violations des droits humains et du droit international humanitaire, notamment à l’encontre des réfugiés, des migrants et des défenseurs des droits de l’homme.  Dans ce contexte, il a souhaité que le mandat de la mission d’établissement des faits soit prolongé en juin et que toutes les parties coopèrent avec la Cour pénale internationale (CPI).  La lutte contre l’impunité est, selon lui, un élément indispensable pour garantir une paix durable. 

M. T.S. TIRUMURTI (Inde) a réitéré l’importance de tenir des élections présidentielle et législatives au plus tôt en Libye afin de poursuivre l’élan généré par la signature de l’accord de cessez-le-feu.  À cet égard, il a noté que des avancées ont été réalisées dans plusieurs domaines par les comités de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, disant attendre un consensus rapide entre les parties libyennes sur le processus constitutionnel et électoral.  Il a cependant averti que la violence sous toutes ses formes pourrait saper les progrès accomplis depuis 2020, ce qui impose de s’y opposer fermement.  Le représentant a d’autre part plaidé pour que le processus politique soit entièrement dirigé et contrôlé par les Libyens, sans imposition ni ingérence extérieure.  Il importe aussi, selon lui, de parvenir au retrait plein et entier des forces étrangères et des mercenaires présents en Libye.  Leur présence est préjudiciable pour la paix et la stabilité du pays et de la région, a-t-il insisté. 

Le délégué a ensuite souligné l’importance de planifier le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés et des acteurs armés non étatiques.  Appelant de ses vœux un processus global de réconciliation nationale, il a également exhorté la communauté internationale à rester attentive à la menace terroriste en Afrique, notamment dans la région du Sahel.  À ses yeux, la présence de camps d’entraînement de Daech et de ses affiliés dans le sud de la Libye et la capacité que conserve ce groupe à lancer des attaques est profondément préoccupante.  Le terrorisme représentant une menace croissante pour l’Afrique, il est crucial que le Conseil de sécurité se concentre sur cette question avant qu’il ne soit trop tard, a-t-il souligné.

Mme MONA JUUL (Norvège) a souhaité que les parties libyennes se montrent à la hauteur de leurs responsabilités et fournissent un cadre constitutionnel solide permettant la tenue d’élections nationales dans les plus brefs délais.  Alors que 2,8 millions de Libyens se sont inscrits pour voter, la seule voie viable vers un gouvernement légitime est de permettre au peuple libyen de choisir ses dirigeants, a-t-elle souligné, mettant en garde contre toute tentative de s’emparer ou de conserver le pouvoir politique par la violence.  Dans ce contexte, la représentante a appelé toutes les parties à exercer une retenue maximale et à assurer la protection des civils.  Saluant le fait que le cessez-le-feu tient toujours, elle a rendu hommage au travail mené à cette fin par la Commission militaire conjointe 5+5 et a souhaité qu’il se poursuive.  Elle a par ailleurs demandé d’éviter de perturber la production pétrolière, rappelant que les ressources naturelles libyennes sont importantes pour l’approvisionnement énergétique mondial à une époque où la demande augmente.  Mais, plus important encore, ces ressources représentent des revenus essentiels pour améliorer les services et assurer un financement fiable des besoins prioritaires de la nation, a-t-elle fait valoir, avant d’appeler à la levée du blocus pétrolier actuel.  Avant de conclure, la déléguée a exprimé sa préoccupation face aux arrestations et mises en détention de membres de la société civile, d’organisations de défense des droits humains et d’ONG, réclamant que les auteurs de telles violations soient tenus pour responsables. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a déploré que le processus électoral n’ait pu être relancé, avec notamment un accord sur le calendrier électoral.  L’existence de deux gouvernements est un défi que le Conseil doit prendre au sérieux selon elle, qui a souligné les irrégularités dans les élections au sein de la Chambre des représentants.  Elle a souhaité que le Secrétaire général nomme rapidement un chef de la MANUL.  L’absence d’un chef est un obstacle à l’évaluation stratégique de la Mission, a-t-elle ajouté.  Elle a appelé à des progrès s’agissant du retrait des forces étrangères et dénoncé les violations commises contre les migrants en Libye.  Enfin, la déléguée du Mexique a exhorté les autorités à donner la priorité à la lutte contre l’impunité s’agissant des violations des droits humains.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) s’est inquiétée des flux continus d’armes et de combattants étrangers qui privent les Libyens de la paix qu’ils méritent.  Elle a exhorté tous les groupes armés à cesser les combats et à préserver le cessez-le-feu agréé en 2020 ainsi que les objectifs de la Commission militaire conjointe 5+5.  Elle a regretté une tendance profondément troublante des dirigeants libyens à courtiser les extrémistes violents et à utiliser des lois restrictives pour réprimer la société civile, museler les critiques et renforcer leur pouvoir.  Elle a prévenu que « ce n’est pas ce à quoi ressemble une société libre, juste et ouverte ».  Tout en saluant les récentes initiatives visant à créer une base constitutionnelle pour la conduite des élections, elle s’est demandé combien de temps les trois millions de Libyens qui se sont inscrits sur les listes électorales devront attendre.  Rappelant que ceux qui entravent la transition politique peuvent s’exposer à des sanctions, elle a déclaré que les dirigeants libyens peuvent choisir d’évoluer vers un pays unifié avec un gouvernement s’efforçant de répondre aux besoins de son peuple et de respecter les droits humains, ou de retomber dans la désunion et la possibilité d’un nouveau conflit violent.  « Il est encore possible de raviver l’unité qui a conduit à la signature du cessez-le-feu et de la feuille de route », a insisté la représentante américaine, avant d’exhorter les dirigeants libyens à penser au bien-être de leur peuple. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a déclaré parler au nom du peuple libyen, qui, a-t-il dit, en a assez d’entendre le même discours, à longueur d’exposés et de déclarations devant le Conseil de sécurité, sans que cela donne lieu à des résultats concrets.  La situation en Libye est le résultat d’une succession de crises depuis 2011, a rappelé le représentant.  Quand le peuple est descendu dans la rue pour réclamer un changement, nous avons cru que la communauté internationale allait soutenir ses aspirations démocratiques.  Or, c’est une intervention militaire qui s’est produite, et le rêve de changement s’est transformé en une spirale de violences, le Conseil de sécurité se montrant incapable de réagir.  Malgré ces événements, le pays a connu des développements politiques rapides ces dernières années, a souligné le délégué, rappelant les accords de Skhirat et de Paris, ainsi que les discussions de Tunis et de Genève, qui ont abouti à une feuille de route approuvée par le Conseil.  Il y a aussi eu des tentatives pour parvenir à une base constitutionnelle en vue de la tenue d’élections, a-t-il relevé.  Si ce processus a échoué, c’est selon lui parce que les résolutions du Conseil n’ont pas été mises en œuvre et parce que ceux qui y ont fait obstacle n’ont pas eu à rendre des comptes.  Pour ces raisons, les citoyens ne font plus confiance au Conseil ni à la communauté internationale car les solutions proposées ne permettent pas de répondre aux demandes du peuple, a-t-il martelé, avant de lancer: « Qu’avez-vous fait lorsque les élections n’ont pas eu lieu le 24 décembre dernier?  Rien. » 

De même, a-t-il poursuivi, le Conseil a été incapable de prolonger le mandat de la MANUL et aucun Représentant spécial n’a été nommé, conduisant le Secrétaire général à nommer une Conseillère spéciale.  Face à cette impasse, les citoyens libyens ne voient aucune explication, a-t-il affirmé.  Ils espèrent qu’un consensus sera trouvé pour sortir de ce cercle vicieux et que le dialogue en cours au Caire entre la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État permettra la tenue des élections.  Mais qu’adviendra-t-il en cas d’échec?  Et si ces discussions réussissent, y aura-t-il reddition des comptes?  Selon le délégué, les citoyens libyens ne s’interrogent pas sur le contenu des textes, mais sur la paix et la sécurité dans leur pays.  Ils voient la dégradation de la situation sécuritaire.  Ils avaient placé des espoirs dans l’action de la Commission militaire conjointe 5+5, mais elle rencontre de nombreux défis et obstacles, notamment pour obtenir le retrait des mercenaires et des combattants étrangers, a-t-il dit.  Bien qu’encouragé par les discussions engagées en Espagne sur le processus de DDR, il a constaté que la situation continue de se détériorer en raison des actions de Daech dans le Sud, où des patrouilles militaires ont été attaquées.  De fait, les armes prolifèrent, les enlèvements se poursuivent et les combats entre groupes armés se multiplient, a dénoncé le représentant, avant d’alerter sur l’ampleur phénoménale des cas d’enlèvement et de traite dans les rangs des migrants.  Alors qu’aucune sanction n’est prise contre ceux qui se livrent à ces agissements, il a souhaité que la communauté internationale permette à ces milliers de migrants de trouver la paix et la stabilité. 

Évoquant ensuite la situation économique, le délégué a souligné les graves défis auxquels font face les institutions libyennes.  Alors que l’État n’est toujours pas unifié, les ports et puits de pétrole sont souvent fermés et les richesses ne sont pas partagées.  De plus, on assiste à une détérioration des services de base, notamment dans le Sud, et les personnes déplacées vivent dans une grande précarité.  Pour remédier à cette crise, il importe en premier lieu de mettre fin à l’ingérence étrangère dans les affaires internes du pays, a-t-il soutenu.  Il faut laisser les Libyens reprendre en mains leur pays.  Ils veulent la fin des divisions, un gouvernement légitime qui contrôle l’intégralité du territoire national et des élections libres, sur une base constitutionnelle solide.  Nous vous demandons d’appuyer la volonté du peuple libyen et de corriger les erreurs du passé, a-t-il conclu à l’adresse du Conseil. 

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