9027e séance – après-midi 
CS/14882

Conseil de sécurité: le Secrétaire général fait le point sur l’opération menée pour évacuer des civils de l’usine Azovstal à Marioupol, en Ukraine

Le Conseil de sécurité, réuni pour la quinzième fois sur la situation en Ukraine depuis le 24 février dernier, a entendu cet après-midi un exposé du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, sur sa récente visite en Fédération de Russie et en Ukraine, où il a rencontré le Président Putin et le Président Zelenskyy, les 26 et 28 avril respectivement.  M. Guterres s’est dit heureux de pouvoir signaler « un certain succès » dans l’opération de secours menée pour évacuer des civils piégés dans l’aciérie Azovstal à Marioupol, en Ukraine. 

Cette séance d’information, initiée par la présidence américaine du Conseil pour le mois de mai, a également fait intervenir, par visioconférence, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, ainsi qu’une représentante de la société civile. 

À Moscou, « j’ai demandé instamment l’ouverture d’un corridor humanitaire sûr et efficace pour permettre aux civils de se mettre en sécurité depuis l’usine Azovstal », a rapporté le Secrétaire général.  Peu de temps après, il a reçu la confirmation d’un accord de principe.  Nous avons immédiatement lancé les préparatifs avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi qu’avec des représentants russes et les autorités ukrainiennes, a expliqué M. Guterres.  Notre objectif était de permettre dans un premier temps l’évacuation en toute sécurité de ces civils de l’usine Azovstal et plus tard du reste de la ville, dans la direction de leur choix, et d’acheminer l’aide humanitaire.  M. Guterres a fait le point sur une opération humanitaire « d’une grande complexité, tant sur le plan politique qu’en termes de sécurité ». 

Saluant cette opération « vraiment exceptionnelle », M. Griffiths a félicité les autorités de l’Ukraine et de la Fédération de Russie pour leur coopération étroite et constructive.  Pour le responsable onusien, « cela nous a démontré qu’il y a suffisamment de bonne volonté et de terrain d’entente pour travailler ensemble pour sauver des vies ». 

Jusqu’à présent, deux convois sécurisés ont réussi à passer.  Lors du premier, terminé le 3 mai, 101 civils ont été évacués de l’usine Azovstal, ainsi que 59 civils d’une région voisine.  Lors de la deuxième opération, achevée la nuit dernière, plus de 320 civils ont été évacués de la ville de Marioupol et des environs.  Une troisième opération est en cours, a annoncé le Secrétaire général, refusant toutefois d’en livrer les détails avant qu’elle ne soit terminée pour éviter de compromettre ses chances de succès.  « Il est bon de savoir que même en ces temps d’hypercommunication, la diplomatie silencieuse reste encore possible et qu’elle est parfois le seul moyen efficace de produire des résultats », a encore noté M. Guterres. 

Si la majorité des délégations ont, à l’instar de la France, salué l’action de M. Guterres qui a permis l’évacuation de centaines de civils, la Fédération de Russie a en revanche évoqué une « opération médiatique ».  Selon son représentant, l’impression est délibérément créée que l’Ukraine et l’ONU ont réussi à « persuader » la Russie d’ouvrir un couloir humanitaire pour l’évacuation des civils d’Azovstal, alors que ces couloirs sont ouverts régulièrement, s’est-il défendu, accusant les « bandits » d’Azov d’utiliser les personnes comme « boucliers humains ».  Fustigeant « le tissu de mensonges » proférés par son homologue russe, le délégué de l’Ukraine a rappelé les atrocités commises par les forces russes contre des civils ukrainiens, avant de dénoncer l’inertie du Conseil de sécurité.  « Cette salle n’est plus une enceinte de délibération, on peut y sentir l’odeur du sang des civils ukrainiens », a-t-il lancé.

Depuis le début de l’attaque armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a enregistré 6 731 victimes civiles, a informé Mme Bachelet, convaincue que les chiffres réels sont « considérablement plus élevés ».  Elle a rappelé que depuis plus de huit ans, son Bureau, par le biais de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine, suit la situation sur le terrain.  La mission vérifie les allégations de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans le cadre de cette attaque.  Nombre de ces allégations concernent des violations qui pourraient s’apparenter à des crimes de guerre, a averti Mme Bachelet.  Le nombre de civils tués ou blessés ne cesse de croître, et le sort de milliers de personnes est inconnu, a abondé Mme Tetiana Luzan, de l’organisation Right to Protection, alertant sur le nombre de déplacés qui s’établissait à plus de 7,7 millions de personnes fin avril, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Au-delà des violations des droits de l’homme et du coût humanitaire du conflit, des délégations comme le Brésil, le Kenya ou le Gabon ont mentionné les répercussions économiques négatives de la guerre dans le monde entier, notamment dans les pays en développement.  À ce sujet, le Secrétaire général, qui s’est rendu ultérieurement en Afrique de l’Ouest, a souligné que ses rencontres avec les dirigeants russe et ukrainien ont également porté sur la question cruciale de la sécurité alimentaire.  Nous avons besoin, a précisé M. Guterres, d’une action rapide et décisive pour garantir la libre circulation des vivres et de l’énergie sur des marchés ouverts, en levant les restrictions à l’exportation, en allouant les excédents et des réserves à ceux qui en ont besoin, et en s’attaquant à la hausse des prix des denrées alimentaires. 

Lors de cette réunion, plusieurs délégations ont déploré que Kiev ait été la cible de frappes russes lors de la visite du Secrétaire général, le signe, selon les États-Unis, que la Fédération de Russie ne « respecte pas l’ONU et ne peut être considérée comme un acteur responsable de la communauté internationale ».

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a évoqué devant le Conseil de sécurité sa récente visite en Fédération de Russie et en Ukraine, où il a rencontré le Président Putin et le Président Zelenskyy, les 26 et 28 avril respectivement.  Dans le cadre de cette visite régionale, le Secrétaire général a également eu des entretiens avec le Président Erdogan à Ankara, en Turquie, et le Président Duda à Rzeszów, en Pologne.

« Tout au long de cette visite, je n’ai pas mâché mes mots », a assuré M. Guterres.  « J’ai dit la même chose à Moscou qu’à Kiev », a-t-il poursuivi, à savoir que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est une violation de son intégrité territoriale et de la Charte des Nations Unies.  Elle doit cesser pour le bien des peuples ukrainien, russe et de l’ensemble du monde. 

Le Secrétaire général a dit s’être rendu à Moscou et à Kiev avec une compréhension claire des réalités sur le terrain.  « J’ai pénétré une zone de guerre active en Ukraine sans la possibilité immédiate d’un cessez-le-feu national et dans le cadre d’une attaque à grande échelle dans l’est du pays. »

Avant cette visite, a informé M. Guterres, le Gouvernement ukrainien lui avait lancé un appel personnel sur la détresse des civils dans la ville dévastée de Marioupol et en particulier dans l’usine Azovstal.

Lors de sa rencontre avec le Président Putin, M. Guterres a donc souligné l’impératif de permettre l’accès humanitaire et les évacuations des zones assiégées, y compris et avant tout Marioupol.

« J’ai demandé instamment l’ouverture d’un corridor humanitaire sûr et efficace pour permettre aux civils de se mettre en sécurité depuis l’usine Azovstal », a rapporté le Secrétaire général.  Peu de temps après, il a reçu la confirmation d’un accord de principe.  Nous avons immédiatement lancé les préparatifs avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi qu’avec des représentants russes et les autorités ukrainiennes, a expliqué M. Guterres.  Notre objectif était de permettre dans un premier temps l’évacuation en toute sécurité de ces civils de l’usine Azovstal et plus tard du reste de la ville, dans la direction de leur choix, et d’acheminer l’aide humanitaire.

« Je suis heureux de faire état d’un certain succès », a dit M. Guterres.  Ensemble, l’ONU et le CICR mènent une opération humanitaire d’une grande complexité, tant sur le plan politique qu’en termes de sécurité.

Cette opération a commencé le 29 avril et a nécessité une coordination et un plaidoyer considérables avec la Fédération de Russie et les autorités ukrainiennes.

Jusqu’à présent, deux convois sécurisés ont réussi à passer.  Lors du premier, terminé le 3 mai, 101 civils ont été évacués de l’usine Azovstal, ainsi que 59 civils d’une région voisine.  Lors de la deuxième opération, achevée la nuit dernière, plus de 320 civils ont été évacués de la ville de Marioupol et des environs.

Une troisième opération est en cours, a annoncé le Secrétaire général, refusant toutefois d’en livrer les détails avant qu’elle ne soit terminée pour éviter de compromettre ses chances de succès. 

« Il est bon de savoir que même en ces temps d’hypercommunication, la diplomatie silencieuse reste encore possible et qu’elle est parfois le seul moyen efficace de produire des résultats », a noté M. Guterres.

Jusqu’à présent, ce sont près de 500 civils qui ont été rescapés, a résumé M. Guterres.  Des mères, des enfants et des grands-parents très frêles ont parlé des traumatismes qu’ils ont subis.  Certains avaient un besoin urgent de soins médicaux.  Le Secrétaire général a espéré que la poursuite de la coordination avec Moscou et Kiev conduira à davantage de pauses humanitaires.  « Nous devons continuer de tout mettre en œuvre pour sortir les gens de ces enfers », a-t-il martelé.  Comme il en a discuté hier avec le Président Zelenskyy, l’ONU va continuer à intensifier les opérations humanitaires pour sauver des vies et réduire les souffrances.

M. Guterres a souligné ensuite que ses rencontres avec les deux dirigeants ont également porté sur la question cruciale de la sécurité alimentaire.  En effet, les implications mondiales de cette guerre sont apparues de manière visible dans son voyage ultérieur en Afrique de l’Ouest.  Nous avons besoin, a-t-il précisé, d’une action rapide et décisive pour garantir la libre circulation des vivres et de l’énergie sur des marchés ouverts, en levant les restrictions à l’exportation, en allouant les excédents et des réserves à ceux qui en ont besoin, et en s’attaquant à la hausse des prix des denrées alimentaires.  Toutefois, a-t-il averti, une solution significative à l’insécurité alimentaire mondiale nécessite de réintégrer la production agricole ukrainienne ainsi que la production alimentaire et d’engrais de la Fédération de Russie et du Bélarus sur les marchés mondiaux, en dépit de la guerre.

Je ferai de mon mieux pour aider à faciliter un dialogue à cette fin, a promis M. Guterres.

Le Secrétaire général a rappelé qu’il a créé le Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière pour mobiliser les institutions onusiennes, les banques de développement multilatéral et autres institutions internationales pour aider les pays à relever ces défis.  Nous ferons des propositions lors des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, a-t-il indiqué.

« La guerre contre l’Ukraine est insensée dans son ampleur, impitoyable dans ses dimensions et illimitée dans son potentiel de nuisance mondiale », a conclu M. Guterres.  « Le cycle de mort, de destruction, de dislocation et de perturbation doit s’arrêter. »

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a noté que si des progrès diplomatiques se font jour, les souffrances civiles s’aggravent.  En effet, a-t-il constaté, la destruction des infrastructures civiles caractérise désormais ce conflit et plus de 13 millions d’Ukrainiens ont été contraints de fuir leur foyer, dont 7,7 millions sont déplacés à l’intérieur du pays.  Beaucoup d’autres, souvent des personnes vulnérables, n’ont pas pu fuir et se retrouvent coincées au milieu des combats.  À cela s’ajoutent la menace de violence sexiste, y compris la violence sexuelle liée aux conflits, les abus sexuels et la traite des êtres humains, qui a considérablement augmenté depuis le début de la guerre, a indiqué le haut fonctionnaire.  De plus, les routes sont jonchées d’engins explosifs, mettant la vie des civils en danger et empêchant les convois humanitaires de les atteindre.

Face aux besoins croissants des populations, l’ONU et ses partenaires humanitaires -qui sont au moins 217 à ce jour- ont intensifié leur action à une vitesse record, a souligné M. Griffiths.  Nous avons maintenant plus de 1 400 employés déployés à travers le pays, qui opèrent à partir de huit centres au-delà de Kiev, avec du personnel, des entrepôts et des fournitures dans 30 emplacements, a-t-il dit, précisant que ces efforts ont permis d’aider plus de 4,1 millions de personnes dans les 24 oblasts du pays. 

Selon lui, cette réponse humanitaire comporte trois aspects principaux.  Tout d’abord, des services d’assistance et de protection sont fournis aux personnes déplacées, notamment celles qui commencent à retourner dans des localités gravement frappées.  Cela comprend aussi le rétablissement de services essentiels, a-t-il expliqué, en prenant l’exemple de la réparation d’une infrastructure hydraulique à Irpin par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  Dans ces zones, l’injection d’une aide en espèces permet aux civils de choisir ce dont ils ont besoin, tout en contribuant à maintenir les marchés ouverts et les chaînes d’approvisionnement en mouvement.  D’ici à fin mai, nous prévoyons d’atteindre 1,3 million de personnes de cette manière, a ajouté le Secrétaire général adjoint, non sans relever que cette opération a demandé une liaison technique pour se connecter au système de protection sociale ukrainien.  Maintenant que cet objectif est largement atteint, l’aide en espèces va augmenter rapidement, a-t-il assuré. 

Une deuxième partie de la réponse humanitaire de l’ONU consiste à travailler sur le prépositionnement des fournitures vers les bases d’opérations avancées et à accroître la préparation dans les zones où la guerre pourrait se déplacer, a poursuivi M. Griffiths, avant d’indiquer que le troisième volet de ce dispositif consiste à presser les parties pour qu’elles aident à permettre l’acheminement de l’aide aux civils dans les zones de conflit actif ou à négocier afin d’aider les civils à partir vers des zones plus sûres.  À ce jour, a-t-il dit, nous avons été en mesure d’organiser cinq convois d’aide interorganisations vers certaines des zones les plus durement touchées.  Ces bouées de sauvetage pour les civils encerclés par les combats apportent des fournitures médicales, de l’eau, des rations alimentaires, des articles non alimentaires, des systèmes de réparation d’eau et des générateurs. 

Évoquant ensuite l’évacuation, le 2 mai, de plus de 100 civils de l’usine Azovstal à Marioupol, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, M. Griffiths a indiqué qu’une soixantaine de personnes supplémentaires ont rejoint le convoi à la périphérie de la ville et ont ensuite pu se mettre en sécurité.  Qualifiant cette opération de « vraiment exceptionnelle », il a exprimé sa reconnaissance au CICR et aux « premiers intervenants » de l’ONU.  Il a également félicité les autorités de l’Ukraine et de la Fédération de Russie pour leur « coopération étroite et constructive ».  Pour le responsable onusien, « cela nous a démontré qu’il y a suffisamment de bonne volonté et de terrain d’entente pour travailler ensemble pour sauver des vies ». 

Depuis hier, nous avons pu déplacer plus de 320 civils hors de la région de Marioupol, là encore en étroite collaboration avec le CICR et avec la coopération des deux parties au conflit, a poursuivi M. Griffiths, avant de faire état d’une troisième opération, lancée aujourd’hui dans le but d’évacuer davantage de civils de Marioupol et d’Azovstal.  Sans vouloir en dire plus à ce stade, il y a vu « les fruits de notre travail au cours de ces dernières semaines » afin d’obtenir des cessez-le-feu locaux, des pauses ou des fenêtres d’accalmie.  Il s’est dit heureux et « surtout soulagé » de voir que des progrès sont réalisés : les pauses dont dépendaient ces dernières opérations ont, en grande partie, été respectées, a-t-il constaté, promettant de continuer à faire pression pour que davantage de civils puissent quitter librement Marioupol et Azovstal s’ils le souhaitent.  Dans le même temps, nous continuons d’explorer toutes les options pour atteindre davantage de personnes dans les endroits où les besoins sont les plus grands, a affirmé le haut fonctionnaire, selon lequel l’ONU reste fermement déterminée à ne ménager aucun effort pour sauver des vies.  « Le monde attend cela de nous, le peuple ukrainien le mérite. » 

Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a rappelé que depuis plus de huit ans, son Bureau, par le biais de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine, surveille la situation sur le terrain.  À ce jour, près de 50 rapports périodiques et thématiques ont été publiés, a informé Mme Bachelet.  Le 24 février 2022, comme des millions d’Ukrainiens, le personnel de son Bureau a déménagé dans d’autres régions du pays, a dit la Haute-Commissaire, « fière » qu’il n’ait pas interrompu un seul jour son travail.  Actuellement, la mission a du personnel à Uzghorod, Kiev, Lviv, Dnipro, Donetsk et Odessa et elle effectue des visites de terrain dans diverses parties du pays, y compris la semaine dernière dans les régions de Kiev et de Tchernihiv. 

La mission continue de vérifier les allégations de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans le cadre de l’attaque armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.  Nombre de ces allégations concernent des violations qui pourraient s’apparenter à des crimes de guerre, a averti Mme Bachelet.  Sur la base des travaux de la mission, son Bureau a informé fin mars le Conseil des droits de l’homme, et présentera, lors de la prochaine session du Conseil en juin, un rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine couvrant la période du 24 février au 15 mai.  « Toutes nos préoccupations restent valables et la situation continue de se détériorer », a-t-elle déploré.

Au soixante et onzième jour de l’escalade des hostilités, Mme Bachelet a évoqué un conflit qui dure depuis huit ans et s’étend aujourd’hui à toutes les régions du pays.  Des incidents meurtriers comme les attaques contre l’hôpital n°3 et le théâtre de Marioupol, la gare de Kramatorsk, ou encore les quartiers résidentiels d’Odessa, sont devenus d’une fréquence choquante.  Plutôt que d’essayer de décrire ce que vivent les victimes, permettez-moi, a-t-elle dit, d’utiliser leurs mots.  « Il a été tué devant sa femme et ses enfants »; « son corps est resté sous les décombres de sa maison, nous n’avons même pas pu l’enterrer »; ou encore, « mon oncle est mort après avoir perdu tout son sang.  Je sais seulement qu’il a été enterré dans une fosse commune ».  Ce sont là quelques messages échangés sur Telegram par des habitants de Marioupol que Mme Bachelet a voulu partager.

La semaine dernière, le 28 avril, alors que le Secrétaire général de l’ONU se rendait à Kiev pour rencontrer le Président de l’Ukraine, M. Volodymyr Zelenskyy, la ville a été touchée par deux missiles.  Au moins une journaliste a été tuée et quatre civils ont été blessés dans l’attaque.  Une équipe du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) était également à Kiev ce jour-là, se préparant à visiter Boutcha.  Le même jour, nous avons confirmé 22 morts civils et 40 blessés civils dans d’autres endroits de l’Ukraine, a dénoncé la responsable onusienne.  Depuis le début de l’attaque russe le 24 février, le HCDH a enregistré 6 731 victimes civiles, a-t-elle informé, se disant convaincue que les chiffres réels sont « considérablement plus élevés ».  La plupart de ces pertes ont été causées par l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans des zones habitées, par des frappes aériennes et des missiles.

Poursuivant, Mme Bachelet a mentionné les conséquences dévastatrices du conflit sur d’autres droits humains.  Dans les zones autour de Kiev, à partir de fin février et pendant environ cinq semaines, les forces armées russes ont pris pour cible des civils de sexe masculin, qu’ils considéraient comme suspects.  Des hommes ont été arrêtés, battus, sommairement exécutés et, dans certains cas, emmenés au Bélarus et en Russie, à l’insu de leurs familles, dans des centres de détention provisoire.  Son personnel a rencontré des familles désespérées à la recherche de leurs proches.

Dans d’autres zones contrôlées par les forces armées russes et des groupes armés affiliés, telles Kharkiv, Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson, le HCDH continue de documenter des détentions arbitraires et les allégations de disparitions forcées de représentants des autorités, journalistes, militants de la société civile, militaires retraités des forces armées, et d’autres civils.  Depuis le 4 mai, le Haut-Commissariat a documenté 180 cas de ce type, cinq victimes ayant finalement été retrouvées mortes.

La Haute-Commissaire a également indiqué que ses collaborateurs ont entendu parler de cas de femmes violées par les forces armées russes dans des zones qui étaient sous leur contrôle, ainsi que d’autres allégations de violence sexuelle par les deux parties au conflit.  Et pourtant, la stigmatisation autour du viol et de la violence sexuelle continue d’empêcher les victimes et leurs familles de le signaler.  Cela ne fait que souligner l’importance d’assurer des services de soutien adéquats et sûrs aux victimes, a-t-elle insisté.

Son Bureau est également en train de recueillir des preuves de torture, de mauvais traitements et d’exécutions sommaires de prisonniers de guerre commis par les deux parties, a poursuivi Mme Bachelet.  Pour mettre fin à ces horreurs, les forces armées doivent respecter pleinement leurs obligations en vertu du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il est essentiel, a-t-elle plaidé, que toutes les parties donnent des instructions claires à leurs combattants pour protéger les civils, ainsi pour distinguer les biens civils des biens militaires.  Les commandants des forces armées doivent faire comprendre à leurs membres que quiconque est surpris ou impliqué dans de telles violations sera poursuivi et tenu pour responsable.

En attendant, a conclu Mme Bachelet, les systèmes judiciaires nationaux jouent un rôle crucial, en exhortant les parties au conflit à enquêter sur toutes les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par leurs forces armées.  Elle a tenu à saluer les efforts de l’Ukraine à cet égard.  Quant à son Bureau, il s’engage pleinement à soutenir ces systèmes et les travaux de la Commission d’enquête sur l’Ukraine et à coopérer avec le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) et d’autres mécanismes de justice internationale. 

Mme TETIANA LUZAN, Coordonnatrice du plaidoyer à Right to Protection, a déclaré que le monde civilisé doit relever un énorme défi posé par l’invasion par la Russie, relevant en outre que la guerre dure depuis déjà huit ans.  Elle a indiqué que fin avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) déclarait que le nombre de déplacés en Ukraine causés par l’invasion russe s’établissait à 7 710 000 personnes, lesquelles ont besoin d’une protection.  « N’oublions pas non plus ces Ukrainiens qui ont dû quitter leur localité à destination de la Russie sans leurs documents d’identité, ces ceux derniers mois », s’est alarmé l’intervenante, en soulignant la nécessité de veiller à ce que ceux qui souhaitent revenir en Ukraine ou se rendre dans d’autres pays puissent le faire.  Les difficultés que rencontrent les enfants ou les femmes en temps de guerre sont colossales, certains enfants ayant dû être envoyés à l’étranger avec des gens qu’ils ne connaissent pas du tout.  Le nombre de civils tués ou blessés ne cesse de croître, et le sort de milliers de personnes est inconnu, s’est-elle encore inquiétée.

Mme Luzan a souligné que les Ukrainiens doivent voir leurs droits respectés pour se prémunir, notamment contre la traite des personnes et recevoir des services psychosociaux.  Les ressortissants d’autres pays qui vivaient en Ukraine doivent également recevoir la même protection, a plaidé l’oratrice.  Elle s’est également préoccupée du sort des milliers de civils qui n’ont pas voulu quitter leurs maisons endommagées et qui doivent recevoir un appui indéfectible, notamment des matériaux de construction et les outils dont ils ont besoin.  Qui plus est, cette destruction sans précédent d’infrastructures civiles nécessite des solutions pérennes de la part des autorités ukrainiennes avec le soutien de la communauté internationale.  Mme Luzan a ensuite appelé tous les membres du Conseil de sécurité, les organisations internationales et les gouvernements à aider sans faille les Ukrainiens en cette période si sombre, au nom des milliers de personnes qui ont déjà péri en Ukraine.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué les efforts déployés par l’ONU pour obtenir l’évacuation de civils de l’usine Azovstal de Marioupol.  Il s’est également déclaré fier de tout ce que fait le système de l’ONU pour le peuple ukrainien.  Alors que cette guerre « non provoquée et absurde » entre dans son troisième mois, le monde assiste à une « tragédie sans fin », a constaté le représentant.  Des trêves ont beau avoir été demandées pour Pâques et l’Eïd, les civils continuent d’être bombardés et des actes assimilables à des crimes de guerre se multiplient, a-t-il relevé, ajoutant que les agissements de la Russie ne concernent pas seulement l’Ukraine puisque la transformation du grenier à blé en champ de bataille menace désormais le monde entier.  Dans ce contexte, les Ukrainiens présentés par le Kremlin comme des « frères » sont victimes de toutes sortes de crimes, terrorisés par les forces russes et parfois abattus d’une balle dans la tête. 

« Lorsque vous ne pouvez gagner sur le champ de bataille, vous vous livrez à des atrocités », a-t-il lancé à la Fédération de Russie, avant de dénoncer la rhétorique de Moscou sur une possible guerre nucléaire, appuyée par sa « propagande effrénée ».  Pour le délégué, la Russie peut encore faire marche arrière, s’en remettre à la diplomatie et respecter ses voisins.  Après plusieurs échecs, l’évacuation de civils de Marioupol montre que la diplomatie peut fonctionner lorsque la bonne volonté est de mise, a-t-il souligné.  Il a toutefois indiqué que des personnes évacuées ont été interrogées par le Service fédéral de sécurité (FSB) pour obtenir des renseignements sur les tunnels du complexe d’Azovstal.  Il s’est par ailleurs indigné des déclarations du chef de la diplomatie russe sur le « sang juif de Hitler », une « théorie du complot » qui, selon lui, va encore plus loin que la volonté affichée de « dénazifier » un pays dont le Président est juif.  Enfin, il a jugé scandaleux que Kiev ait été bombardée au moment où le Secrétaire général s’y trouvait.  « On a rarement vu un tel mépris pour l’ONU », a-t-il regretté, se disant certain que le Kremlin imputera cette attaque aux Ukrainiens. 

Dans l’attente d’une cessation des hostilités et de progrès vers une solution diplomatique, M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a demandé de mettre l’accent sur la fourniture urgente d’une aide humanitaire et sur la protection de la population civile et des infrastructures nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux.  Le Mexique suivra de près les développements entourant l’enquête annoncée par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI)sur la situation en Ukraine.  Ces enquêtes sont fondamentales, a insisté le délégué, car le droit international est le fondement de cette Organisation, mais aussi du multilatéralisme et de toutes les formes de coexistence respectueuse entre États souverains.  La position du Mexique a été sans équivoque : nous prônons la diplomatie préventive, nous privilégions le dialogue et une solution politique fondée sur le droit international et, surtout, nous plaçons les personnes au centre de l’action de ce Conseil.  Aucune exception, ne doit être toléré, a-t-il rappelé.  Tous les États ayant ratifié la Charte des Nations Unies se sont engagés à respecter la souveraineté, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale des États. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a salué la visite du Secrétaire général à Kiev et à Moscou qui a permis l’évacuation de centaines de civils.  « Mais combien sont encore là-bas, terrés dans les tunnels de l’aciérie Azovstal, bloqués dans les recoins de Marioupol, pilonnés par l’armée russe? » s’est-il alarmé, en jugeant essentiel que l’évacuation des civils se poursuive en toute sécurité et sur la base du volontariat, « en laissant le choix aux personnes évacuées de la destination ».  Le représentant a ensuite condamné la reprise de l’offensive par la Russie et le maintien du siège de la ville au mépris du droit international humanitaire, de même que les frappes indiscriminées qui ont touché Kiev lors de la visite du Secrétaire général.  Pour M. de Rivière, elles traduisent la « faible estime » dans laquelle la Russie tient l’ONU depuis le début de cette guerre.

La priorité est à la cessation immédiate des hostilités et au plein respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a martelé M. de Rivière.  L’accès humanitaire doit être garanti de toute urgence, à Marioupol et dans toutes les villes assiégées, alors que plus de 15 millions de personnes ont besoin d’aide.  La France continuera à prendre sa part à cet effort, a assuré le représentant, en précisant qu’elle a déjà acheminé plus de 815 tonnes d’aide en réponse à la crise ukrainienne.  Et plus de 22 000 tonnes d’aide d’urgence ont été livrées par l’Union européenne, a-t-il ajouté.  Notre soutien global à l’Ukraine va s’accroître et atteindre deux milliards de dollars comme annoncé lors de la conférence des donateurs organisée par la Pologne et la Suède.  Au-delà de l’Ukraine, le monde entier est affecté par cette guerre qui risque de faire basculer un cinquième de la population mondiale dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire, a dénoncé M. de Rivière.  « Je le dis avec fermeté : les criminels de guerre seront traduits en justice.  Nous soutenons à cet égard le déploiement rapide de mécanismes de reddition de comptes. »  La France continuera ainsi à être résolument engagée aux côtés des Ukrainiens et des juridictions et mécanismes internationaux, notamment la Cour pénale internationale (CPI). 

M. ZHANG JUN (Chine) a rappelé que depuis deux mois, son pays n’a eu de cesse de dire que plus le conflit en Ukraine durera, plus les souffrances seront grandes.  Appelant de ses vœux un arrêt des hostilités, il a salué les efforts déployés par le Secrétaire général pour créer les conditions propices à un dialogue, faire cesser les combats et soulager les souffrances humaines.  Le délégué s’est félicité qu’à la suite de la visite du Secrétaire général en Russie puis en Ukraine, les parties au conflit aient convenu d’une trêve pour permettre l’évacuation de centaines de civils piégés à Marioupol.  Dans ce contexte, il a une nouvelle fois demandé aux parties de faire montre de toute la retenue possible pour éviter de frapper des personnes et des infrastructures civiles.  La priorité doit aller à l’aide humanitaire, a-t-il dit, appelant à la mise sur pied d’un dispositif de plus grande ampleur grâce à la mobilisation de la communauté internationale. 

Préoccupé par ce conflit prolongé, le délégué a jugé que la fourniture d’armes à l’Ukraine ne permettra pas de ramener la paix.  Le dialogue est la seule solution pour y parvenir, a-t-il assuré, avant d’appeler à la création d’un environnement favorable aux négociations.  Il a également mis en garde ceux qui voudraient « profiter de ces troubles », y voyant un « jeu dangereux avec une possibilité d’effet boomerang ».  La poursuite des combats en Ukraine affecte tous les pays, notamment les pays en développement qui font face à une augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.  Cela crée davantage d’incertitude et met en péril la sécurité internationale, a-t-il observé, jugeant que « l’insécurité n’est bonne pour personne ».  À ses yeux, l’extension de l’OTAN vers l’Est depuis la guerre froide n’a pas permis de sécuriser l’Europe mais a « fait le lit de ce conflit ».  L’OTAN a pris des mesures qui ont « entraîné une catastrophe », a insisté le délégué, non sans rappeler que son pays marquera, le 7 mai, l’anniversaire du bombardement par l’OTAN de l’ambassade de Chine à Belgrade, durant la guerre en ex-Yougoslavie.  De fait, a-t-il poursuivi, l’OTAN doit « revoir sa copie » et « faire des ajustements » sans créer de confrontations en Europe.  « Le monde ne peut se permettre une nouvelle guerre froide. »

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a déclaré qu’une action urgente est impérative pour endiguer les crises humanitaires croissantes et rétablir l’espoir de paix qui a jusqu’à présent échappé au peuple ukrainien.  Évoquant le récent déplacement du Secrétaire général à Moscou et à Kiev, il a encouragé à continuer de déployer ses bons offices pour appuyer l’effort international visant à mettre fin à la guerre et faciliter une solution diplomatique aux crises sécuritaire et humanitaire en cours en Ukraine.  Le représentant a regretté que les bombardements lourds et les frappes aériennes visant l’aciérie Azovstal aient repris avant que toutes les personnes aient pu être mises en sécurité.  Des efforts intenses doivent être déployés pour assurer l’évacuation immédiate de près de 1 000 personnes, a-t-il indiqué, exhortant les parties à négocier de nouvelles pauses humanitaires ainsi que des couloirs humanitaires démilitarisés dans toutes les zones assiégées.

Le représentant a par ailleurs signalé que les répercussions de la guerre se font déjà ressentir sur les systèmes alimentaires, énergétiques et financiers, provoquant une augmentation sans précédent du coût de la vie dans le monde.  Ces effets économiques accablants, ainsi que les difficultés de la pandémie de COVID‑19, ont le potentiel d’exacerber les tensions sociopolitiques et l’instabilité, notamment dans les économies en développement qui ont peu d’espace budgétaire pour contenir les chocs, a-t-il mis en garde.  Mettre fin à la guerre en Ukraine est urgent non seulement pour éviter une crise humanitaire directe pour les Ukrainiens, mais également pour atténuer un effondrement mondial qui aurait de graves répercussions sur l’économie, la sécurité et l’ordre multilatéral.

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a déclaré que la guerre en Ukraine, provoquée par la violation armée de l’intégrité territoriale de ce pays par la Russie, provoque des souffrances extrêmes.  Mais aussi important qu’il soit pour le Conseil de sécurité d’être clair dans sa condamnation de ceux qui violent nos valeurs et règles communes, il est plus urgent d’arrêter le cycle actuel d’escalade, a-t-il estimé.  La guerre elle-même et ses objectifs sont communiqués comme étant d’ordre « existentiel », avec des mentions répétées dans les médias de l’utilisation possible d’armes nucléaires, un « ton apocalyptique » qui pourrait conduire à une escalade bien plus dangereuse, s’est-il inquiété. 

Le représentant a souligné que le monde entier a intérêt à une cessation immédiate des hostilités à des fins humanitaires, suivie d’un cessez-le-feu permettant des négociations constructives entre l’Ukraine et la Russie.  En outre, si nous voulons que les marchés mondiaux jouent un rôle dans le développement des pays du Sud, « plutôt que l’inverse », alors l’ordre sécuritaire de l’Europe doit être stabilisé, a préconisé M. Kimani.  Pour lui, la répartition actuelle des forces géopolitiques dans un conflit croissant rendra pratiquement impossible d’entreprendre une action ambitieuse contre les changements climatiques.  À ce rythme, le système multilatéral risque de ne pas survivre aux multiples crises majeures que nous provoquons tout en minant sa capacité à les résoudre, a-t-il mis en garde.  Il a ensuite exhorté les États Membres à faire davantage confiance aux bons offices du Secrétaire général. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), non sans déplorer les violations des droits de l’homme et les coûts humanitaires du conflit en Ukraine, s’est alarmé de son impact négatif sur les économies du monde entier.  Il a cité l’envolée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, avec leurs graves conséquences, en particulier pour les pays en développement.  Le délégué a insisté sur l’importance pour toutes les parties au conflit de respecter pleinement le droit humanitaire international, notamment les dispositions relatives à la protection des civils.  Pour sa part, le Brésil contribue aux efforts humanitaires en offrant une aide aux citoyens qui fuient le conflit armé en Ukraine.  Depuis mars dernier, a précisé le délégué, le pays a accordé des visas temporaires et une autorisation de résidence à des ressortissants ukrainiens ou personnes apatrides qui ont été affectés ou déplacés par les événements en Ukraine.  Pour finir, il a jugé nécessaire d’envisager des négociations diplomatiques afin de trouver une solution pacifique et durable à la crise.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que les attaques qui ont frappé Kiev lors de la visite du Secrétaire général montrent une nouvelle fois le mépris de la Russie pour l’ONU.  Elle a condamné les odieuses violations des droits humains commises en Ukraine et demandé que toutes les allégations fassent l’objet d’enquêtes.  Elle a déclaré que les destructions des habitations et l’emploi d’armes à sous-munitions par la Russie ne peuvent être qualifiés de « fake news ».  L’ampleur des destructions en Ukraine invalide toute tentative de la Russie de déformer la réalité, a poursuivi la déléguée.  Elle a exhorté la Russie à permettre à tous ceux qui veulent quitter l’Ukraine de le faire en toute sécurité et pour la destination de leur choix.  La Russie doit cesser son agression, respecter le droit international et retirer toutes ses forces de manière inconditionnelle du territoire ukrainien, a conclu Mme Byrne Nason.  « Il n’est jamais trop tard pour faire ce qui est juste. »

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souhaité que la présidence américaine du Conseil de sécurité pour le mois de mai se déroule dans la transparence, « contrairement à celle du mois précédent ».  Il a aussi demandé à la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, de s’en tenir à son mandat et ne pas s’occuper d’autres thématiques comme le maintien de la paix et de la sécurité internationales « qui ne relèvent pas de ses prérogatives ».  Depuis deux mois maintenant, nous discutons des événements en Ukraine, a déclaré le représentant.  Depuis deux mois, outre un flot de mensonges, de haine et d’insultes, nous entendons la même question: « comment la Russie pourrait-elle, sans provocation, attaquer une Ukraine souveraine, démocratique, non agressive, indépendante et pacifique? »

M. Nebenzia a moqué l’idée que l’Ukraine ne représenterait aucune menace pour la Russie.  Parmi ceux qui tiennent de tels propos, il y a certes des personnes sincères « qui n’ont pas compris ce qui s’est réellement passé pendant toutes ces années », mais il y a tous les autres, ces pays qui rêvent depuis longtemps de faire de l’Ukraine un « tremplin » pour la bataille contre la Russie et qui l’alimentent aujourd’hui en armes.  Le représentant a rappelé avoir évoqué dans cette salle, à plusieurs reprises, des difficultés de traduction.  « Les autorités ukrainiennes vous disent ce que vous voulez entendre.  Nous connaissons leur ruse, leur incapacité à négocier, leurs mensonges, y compris à leur propre peuple. »

La « russophobie » est devenue le principal produit intérieur du Gouvernement ukrainien et son principal produit d’exportation, a ironisé M. Nebenzia.  Il a dénoncé une « guerre par procuration de l’Occident avec la Russie » et si guerre mondiale il y a, alors c’est une guerre qui se déroule sans aucun doute dans le domaine économique.  Le représentant a d’ailleurs accusé l’Occident de s’y être préparé depuis longtemps au vu de la vitesse avec laquelle il a lancé sa « machine de répression », puisant dans « ses meilleures traditions ».  Il a ainsi dénoncé les innombrables sanctions et interdictions, la saisie de biens privés de citoyens russes et le gel de comptes appartenant à la Russie pour un montant de 300 milliards de dollars.  « De quel droit international parle-t-on? » s’est-il emporté n’y voyant rien de moins que chaos et pillage.  « Les masques tombent!  Il est devenu à la mode de blâmer la Russie pour la crise énergétique et alimentaire que vous avez vous-même créée. »  Depuis huit ans, a rappelé M. Nebenzia, nous vous parlons de la souffrance des habitants du Donbass, des bombardements par les forces armées ukrainiennes et les bataillons nationalistes, des victimes civiles.  « Ce n’est pas le Donbass qui a attaqué Kiev, mais le contraire. »  Il a reproché aux autorités ukrainiennes d’avoir refusé de respecter les accords de Minsk.  Tout ce qui se passe actuellement n’a pas commencé fin février, a-t-il argué.  Cela a commencé beaucoup plus tôt, avec les encouragements et le soutien des États-Unis et de leurs satellites occidentaux. 

M. Nebenzia a accusé l’Occident d’avoir rejeté « avec arrogance » les préoccupations de la Russie en matière de sécurité et d’avoir rapproché l’OTAN de ses frontières.  « Vous parlez déjà du rôle mondial de l’Alliance, y compris en Asie. »  Vous avez souhaité entraîner l’Ukraine dans l’OTAN, a-t-il continué.  « Si ce n’est pas aujourd’hui, alors ce sera demain. »  Le représentant a dit ne se faire aucune illusion.  L’Ukraine n’est pas nécessaire à l’Occident en tant que telle, mais en tant que théâtre d’affrontement avec la Russie, a-t-il ajouté.  Le représentant a blâmé ensuite la désinformation au sujet des prétendues « atrocités » de l’armée russe, du bombardement délibéré d’immeubles résidentiels et du meurtre de la population civile et, plus encore, rejeté l’idée « complètement folle » d’un « génocide du peuple ukrainien ».  À l’inverse, M. Nebenzia a accusé les Ukrainiens de se cacher derrière la population civile, de placer des points de tir près des maisons et dans les appartements des citoyens.  « Il existe de nombreux témoignages en ce sens et par des Ukrainiens eux-mêmes.  Seulement vous ne voulez pas les entendre. »  Des prisonniers de guerre russes ont été torturés par des nationalistes ukrainiens.  Enfin, le représentant a évoqué le voyage du Secrétaire général de l’ONU en Russie et en Ukraine qui a été présenté, selon lui, comme une opération médiatique.  Ainsi, l’impression est délibérément créée que l’Ukraine et l’ONU ont réussi à « persuader » la Russie d’ouvrir un couloir humanitaire pour l’évacuation des civils d’Azovstal, alors que ces couloirs sont ouverts régulièrement et même aujourd’hui, s’est-il défendu, accusant les « bandits » d’Azov d’utiliser les personnes comme « boucliers humains ». 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a relevé que bien qu’on n’ait pas encore pris la mesure de l’impact du conflit en Ukraine à l’échelle mondiale, des répercussions se font déjà clairement ressentir à travers la hausse des prix des matières premières et les perturbations dans l’approvisionnement et le système financier mondial.  Le Conseil a mis en place un cadre pour renforcer la protection des civils et des biens de caractère civil, notamment en adoptant à l’unanimité la résolution 2573 il y a un peu plus d’un an, a rappelé Mme Nusseibeh, en saluant les efforts des acteurs internationaux pour fournir des outils et des mécanismes permettant de rendre ce cadre opérationnel.  Nous appelons les parties à s’engager dans l’élaboration de solutions urgentes, notamment pour un passage sûr et volontaire, a-t-elle poursuivi, avant de se dire encouragée par les progrès récents concernant le passage en toute sécurité de civils depuis Marioupol grâce à une action coordonnée de l’ONU, des autorités ukrainiennes et russes et du CICR.  Cependant, des initiatives telles que les corridors ne modifient pas l’obligation qu’ont les parties de faire respecter le droit international humanitaire, a fait observer la déléguée.  La proposition du Secrétaire général de créer un groupe de contact est un point de départ bienvenu pour mettre en œuvre des mesures supplémentaires soutenant la mise en œuvre du droit international humanitaire , a-t-elle ajouté.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a salué la « hardiesse » du Secrétaire général dans sa recherche de solutions pour mettre fin au conflit en Ukraine et apporter une assistance aux personnes en détresse.  La guerre se poursuit et avec elle une situation humanitaire en constante détérioration, a-t-il constaté.  Après 71 jours de guerre, ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut, avec des milliers de morts, plus de 13 millions de personnes déplacées et de nombreuses villes complètement détruites.  Appelant les belligérants au strict respect du droit international humanitaire, le représentant a rappelé que les infrastructures civiles ne devraient jamais être prises pour cibles.  Dans l’immédiat, il importe, selon lui, de permettre l’évacuation des civils qui veulent quitter les zones de combat, notamment ceux qui restent entassées dans le complexe Azovstal de Marioupol.  Mais il est également essentiel de tenir compte de l’onde de choc de ce conflit, qui est ressentie au-delà des frontières ukrainiennes et suscite l’inquiétude dans de nombreux pays du monde, a souligné le représentant, relevant que les prix des denrées alimentaires et des carburants atteignent des niveaux alarmants et font déjà des « victimes collatérales ».  Alors que l’escalade verbale s’amplifie entre les parties, l’issue à ce conflit ne peut être trouvée que par le dialogue, a-t-il plaidé, souhaitant que la fin de cette guerre soit le « moteur » de tous les efforts diplomatiques, à commencer par ceux du Conseil de sécurité.  Enfin, après s’être dit horrifié par les atrocités commises en Ukraine, il a demandé à ce que des enquêtes indépendantes soient diligentées pour garantir une reddition des comptes.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a relevé que la Fédération de Russie poursuit délibérément une guerre destinée à terroriser le peuple ukrainien.  Selon elle, les actions de la Fédération de Russie sont des violations manifestes du droit international humanitaire, ainsi que des résolutions 2286 (2016), 2417 (2018) et 2573 (2021) du Conseil de sécurité.  En ce qui concerne la protection des civils, elle a indiqué que la solution la plus simple serait que la Russie mette fin à sa guerre illégale et retire ses troupes d’Ukraine.  Tant que l’invasion se poursuit, le droit international humanitaire doit être strictement observé et l’accès humanitaire complet aux civils doit être facilité, a-t-elle plaidé.  Mme Woodward a salué le travail du Secrétaire général et de son équipe et leurs efforts qui ont sauvé la vie de civils évacués de l’aciérie Azovstal.  Elle a également fait remarquer que la guerre de la Russie est soutenue par une campagne de propagande, y compris au sein du Conseil de sécurité, afin de « déshumaniser et diaboliser les Ukrainiens en les qualifiant de néo-nazis ».  Pour la représentante, ce discours de haine est extrêmement dangereux.  À l’approche de l’anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle y a vu un manque de respect pour les sacrifices de tous ces Russes, Ukrainiens et ressortissants de nombreux autres pays qui se sont battus pour mettre fin au véritable nazisme.  Elle a promis que le Royaume-Uni continuera de soutenir le peuple ukrainien.  Le pays a d’ailleurs annoncé aujourd’hui 45 millions de livres supplémentaires d’aide humanitaire en faveur de l’Ukraine.

Mme MONA JUUL (Norvège) a rappelé que c’est la Russie qui a choisi de déclencher une guerre d’agression non provoquée contre l’Ukraine, et qu’elle doit prendre des mesures pour y mettre fin.  Elle s’est ensuite félicitée de la déclaration conjointe d’hier d’un groupe interrégional de titulaires de mandats pour la liberté d’expression.  C’est précisément en temps de guerre et de conflit armé que le droit à la liberté d’expression et le libre accès à l’information doivent être vigoureusement défendus, a-t-elle ajouté.  Elle a dit être soulagée que l’opération pour évacuer les civils de l’aciérie Azovstal ait réussi à mettre certains en sécurité, tout en constatant que le mauvais état de bon nombre d’entre eux souligne l’urgente nécessité de permettre également le passage volontaire en toute sécurité de milliers de civils et de centaines de blessés hors de la ville.  Il existe de nombreuses indications de crimes de guerre à grande échelle, des atrocités qui ne seront pas oubliées, a ajouté Mme Juul. 

La représentante s’est félicitée que la Cour pénale internationale et la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine se coordonnent et collaborent avec d’autres pour enquêter sur d’éventuelles violations des droits humain et du droit international humanitaire.  En outre, plus tôt cette semaine, l’ONU a signé un cadre de coopération avec l’Ukraine sur la prévention et la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits, s’est félicitée la déléguée.  Il s’agit d’un exemple clef de partenariat positif que les bons offices du Secrétaire général peuvent générer, a-t-elle souligné, en soutenant tous les efforts déployés pour renforcer la responsabilisation, l’atténuation des risques contre la traite et l’accès à des services complets pour les survivants. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a condamné les assassinats de civils à Boutcha et appelé à une enquête indépendante.  La priorité immédiate doit être l’évacuation des civils des zones en proie aux affrontements les plus violents.  Il a ensuite noté les répercussions mondiales du conflit avec la hausse en flèche des prix des céréales et des engrais.  Le délégué a appuyé la recommandation d’exempter les achats de nourriture par le PAM à des fins humanitaires de toute restriction aux exportations.  Tous les États Membres qui contribuent à cet effort humanitaire mondial devraient aussi pouvoir bénéficier de ces exemptions, a-t-il ajouté.  Il a exhorté la communauté internationale à continuer de répondre aux besoins humanitaires.  L’action humanitaire doit être guidée par les principes de l’assistance humanitaire, à savoir l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, a souligné le délégué.  « Ces mesures ne doivent jamais être politisées. »

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a constaté que rien n’indique que la guerre provoquée par la Russie s’essouffle.  Si les forces russes ont semble-t-il renoncé à vouloir s’emparer de Kiev, elles continuent de terroriser les civils partout en Ukraine, a-t-elle observé, faisant état d’attaques systématiques contre des objectifs civils ces dernières semaines.  Des missiles russes ont ainsi frappé Odessa, tuant des civils, atteint une centrale énergétique à Kremenchuk et détruit cinq gares routières dans le pays.  Deux roquettes ont même survolé une centrale nucléaire, a relevé la représentante, pour qui toutes ces attaques ont culminé le 28 avril avec le bombardement de Kiev alors que le Secrétaire général s’y trouvait pour débattre de l’aide humanitaire.  La Russie a ignoré l’appel lancé à l’unisson pour qu’elle mette fin à cette guerre.  « Elle ne respecte pas l’ONU et ne peut être considérée comme un acteur responsable de la communauté internationale », a-t-elle martelé.  Malgré ces appels incessants, nous avons vu la Russie continuer de mener une guerre non provoquée, brutaliser les civils et s’en prendre à des infrastructures civiles de toutes sortes, a poursuivi la déléguée.  À ses yeux, la Russie a menti à maintes reprises au Conseil de sécurité en s’appuyant sur des théories du complot et sur la désinformation.  Après avoir assuré qu’elle n’avait nullement l’intention d’envahir l’Ukraine, elle affirme maintenant que ses attaques n’ont pas eu lieu et c’est l’Ukraine qui foule au pied sa propre démocratie.  De fait, a-t-elle insisté, « la Russie est la seule responsable de cette guerre ».  Alors que le monde doit apprendre à vivre avec les faits atroces qui sont imputées à la Russie, cette dernière est la seule à pouvoir faire cesser cette guerre.  Il lui faut pour cela embrasser la diplomatie, a plaidé la représentante.

Évoquant ensuite la situation à Marioupol, où les forces russes ont assiégé des civils piégés dans les souterrains d’une aciérie pendant des semaines, Mme Thomas-Greenfield a salué le fait qu’un groupe de personnes ait enfin pu être mis en sécurité, félicitant l’ONU et le CICR d’avoir rendu possible cette évacuation.  Elle a également appelé à l’envoi de convois humanitaires dans les zones assiégées, réclamant un accès sans entrave au territoire ukrainien pour que l’ONU et ses partenaires puissent atteindre les personnes dans le besoin.  Pour la déléguée, « la seule norme acceptable est le retour à une vie normale pour l’Ukraine, sans la présence illégale de forces russes sur son territoire ».  Le Conseil de sécurité et l’ONU dans son ensemble peuvent y contribuer en soutenant le peuple ukrainien et en exigeant de la Russie qu’elle rende des comptes, a-t-elle fait valoir.  À ce sujet, les États-Unis ont annoncé ce matin à Varsovie le versement de 387 millions de dollars supplémentaires au titre de l’aide humanitaire, ce qui porte leur appui à plus de 688 millions de dollars depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. 

Nous devons être tout aussi attentifs aux incidences qu’a cette guerre par-delà l’Ukraine, a ajouté la représentante, se disant inquiète de la crise mondiale de l’alimentation qui se dessine et menace toute particulièrement l’Afrique et le Moyen-Orient.  La Russie empêche la production agricole ukrainienne et bloque les ports qui, jadis, fournissaient des denrées aux populations dans le besoin, a-t-elle dénoncé, avant d’appeler à tout faire pour empêcher une famine et à allouer aux pays en difficulté une assistance alimentaire « au nom de la décence et de l’humanité ».  Ces questions liées à l’insécurité alimentaire et aux conflits seront débattues au Conseil lors d’un débat public convoqué par les États-Unis ce mois-ci, a-t-elle indiqué.  Avant de conclure, elle a souhaité que tous ceux qui, en Russie, ont fomenté et encouragé les crimes de guerre commis en Ukraine soient tenus responsables.  Affirmant soutenir les efforts déployés à cette fin par la CPI, elle a assuré que les États-Unis se tiennent aux côtés de l’Ukraine et de l’écrasante majorité des membres de la communauté internationale qui défendent la liberté et la démocratie. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a souligné l’importance de la visite du Secrétaire général en Ukraine.  Il a pu voir de ses propres yeux les crimes de guerre commis par la Russie, a dit le délégué, en le remerciant pour ses efforts en ce qui concerne les évacuations à Marioupol.  Il a indiqué que plus de 300 personnes ont pu être évacuées de Marioupol et appelé à la poursuite des opérations.  Il a expliqué que la Russie essuie de lourdes pertes et a recours à la « terreur » par les missiles en Ukraine pour faire céder ce pays.  La Russie portera la responsabilité de la mort de tous les héros tombés en Ukraine, a prévenu le délégué, en demandant un appui pour son pays pour vaincre cette terreur.  Il a aussi dénoncé les « centres de filtration » tenus par les forces russes par lesquels les civils doivent transiter pour être évacués.  Ces derniers y subissent de mauvais traitements. 

M. Kyslytsya a accusé la Russie de faire main basse sur les réserves céréalières en Ukraine et de détruire des installations agricoles contribuant à aggraver l’insécurité alimentaire mondiale.  La Russie bloque aussi l’ensemencement des champs en Ukraine.  Il a demandé des sanctions renforcées contre la Russie pour mettre fin à l’agression russe et empêcher une grave crise alimentaire.  Il a fustigé les surenchères de la Russie à l’approche du 9 mai et dénoncé les attaques antisémites du Ministre des affaires étrangères russe à l’encontre du Président ukrainien.  « Ce ministre a insulté la mémoire de millions de Juifs tués par les Nazis. »  Il a ensuite mentionné les atrocités commises par les forces russes contre des civils ukrainiens, avant de dénoncer l’inertie du Conseil de sécurité.  « Cette salle n’est plus une enceinte de délibération, on peut y sentir l’odeur du sang des civils ukrainiens », a lancé le délégué, en fustigeant le tissu de mensonges proférés par le délégué russe.

M. PIOTR GLIŃSKI, Vice-Premier Ministre et Ministre de la culture et du patrimoine national de la Pologne, a déclaré que son pays ne va pas cesser de fournir de l’aide à l’Ukraine et d’être un partenaire fiable des institutions onusiennes impliquées dans l’effort humanitaire en faveur de l’Ukraine.  Les conséquences de cette guerre vont bien au-delà de l’Ukraine et de l’Europe, a poursuivi le délégué, en soulignant son incidence sur la sécurité alimentaire, énergétique et financière mondiale.  La communauté internationale doit s’engager en faveur de politiques à court et plus long terme afin d’atténuer les conséquences de cette guerre et de renforcer la résilience face aux chocs internationaux, a-t-il souligné.  Le délégué a indiqué que cette crise est aussi une « crise de valeurs et une crise de paix » et déclaré que la première mesure à prendre est d’exiger de la Russie de cesser cette guerre et de retirer toutes ses forces du territoire ukrainien.  Une fois la paix revenue, la communauté internationale devra élaborer des mesures efficaces pour protéger les valeurs fondamentales de la Charte qui ont été foulées aux pieds par un membre permanent du Conseil, a conclu le délégué. 

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a indiqué que son pays a un intérêt particulier pour la région de Marioupol qui abrite une communauté grecque établie depuis des siècles et qui compte aujourd’hui plus de 120 000 personnes, une partie productive des sociétés locales.  En tant que Grecs, nous vivons de l’intérieur la crise humanitaire actuelle, a-t-elle dit.  C’est pourquoi les consuls à Odessa et Marioupol, faisant preuve d’un courage et d’un altruisme sans précédent, sont restés sur place et ont mené au total six opérations, appelées Nostos -le mot grec pour retour au pays- pour l’évacuation des citoyens grecs et des Grecs de la diaspora d’Ukraine. 

La représentante a appelé à intensifier les opérations humanitaires, en renforçant la capacité de la chaîne d’approvisionnement et en fournissant une aide humanitaire ciblée aux personnes touchées.  La récente évacuation de l’usine Azovstal, une opération réalisée grâce aux efforts persistants de l’ONU, a démontré que lorsqu’il y a une volonté, on peut agir, a-t-elle constaté.  Elle a indiqué que la Grèce apporte son assistance humanitaire à l’Ukraine et fait aussi preuve de solidarité envers les États Membres en première ligne qui accueillent des milliers de réfugiés ukrainiens.  La déléguée a promis que son pays était prêt à œuvrer à la reconstruction d’Odessa et de Marioupol.  Elle a par ailleurs souligné que la perpétration de crimes de guerre doit faire l’objet d’enquêtes approfondies.

Au nom des États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) a salué les visites « importantes » du Secrétaire général à Kiev et à Moscou, ainsi que son plaidoyer et son engagement humanitaires, qui semblent avoir débouché sur une action « vitale » sur le terrain, notamment à Marioupol.  Il s’est aussi félicité de la coopération étroite entre l’ONU et le CICR, tout en reconnaissant que ces efforts sont encore loin de résoudre la crise sécuritaire et humanitaire provoquée par l’agression russe contre l’Ukraine.  Appelant une nouvelle fois la Russie à cesser immédiatement ses hostilités et à permettre l’évacuation en toute sécurité des civils toujours piégés dans l’usine Azovstal, il a plaidé pour l’établissement de couloirs humanitaires offrant aux personnes concernées le choix de leur destination.  Il s’est dit préoccupé par les informations faisant état de centaines de milliers d’Ukrainiens déplacés de force vers des « camps de filtration » puis dirigés vers le territoire russe, les enfants étant souvent non accompagnés de leurs parents.  Après avoir dénoncé les dénégations, les tromperies, les mensonges, la désinformation et la propagande de guerre de la Russie, il a assuré que les États baltes continueront de soutenir tous les efforts visant à garantir la tenue d’enquêtes indépendantes et efficaces sur les crimes commis par la Russie en Ukraine, notamment les efforts du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI). 

Le représentant a par ailleurs rappelé que l’invasion russe risque d’aggraver la menace de famine qui pèse sur de nombreux pays.  Outre la flambée des prix sur les marchés mondiaux, les bombardements empêchent les agriculteurs ukrainiens de semer et la Russie bloque des centaines de navires remplis de blé en mer Noire.  De plus, 20 millions de tonnes de céréales de la récolte de l’année dernière sont retenues en Ukraine en raison du blocus russe, du bombardement du port d’Odessa et de la fermeture militaire des voies maritimes de la mer Noire, a-t-il souligné, y voyant le résultat de l’intervention militaire de la Russie « et non des sanctions, comme le suggère la propagande de ce pays ».  Il a donc appelé la Russie à débloquer les ports ukrainiens et à rétablir la liberté de navigation, encourageant également le Conseil de sécurité et les agences compétentes de l’ONU à examiner les moyens d’assurer le passage en toute sécurité des navires de transport de céréales vers les eaux territoriales de l’Ukraine à travers la mer Noire. 

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a réaffirmé le caractère fondamentalement illégal de la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, qui n’alimente pas seulement l’une des crises humanitaires les plus graves en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, mais exacerbe également une crise alimentaire mondiale.  Il a soutenu la proposition du Secrétaire général de créer un groupe de contact humanitaire, formé de la Fédération de Russie, de l’Ukraine et de l’ONU.  Pour sa part, l’Italie a transféré 110 millions d’euros au Gouvernement ukrainien au titre de l’appui budgétaire et annoncé un nouveau prêt d’un montant de 200 millions d’euros.  « De plus, nous avons contribué à hauteur de 36 millions d’euros au soutien des activités humanitaires menées par le système des Nations Unies et la Croix-Rouge en Ukraine et dans les pays voisins », a précisé le représentant.  Il s’est également félicité de toutes les mesures visant à appliquer le principe de responsabilité aux auteurs de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Ukraine, et a soutenu pleinement la commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme et l’enquête ouverte par les autorités nationales et la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre.  C’est pourquoi, l’Italie, avec plus de 40 États parties, a effectivement déféré la situation de l’Ukraine au Procureur de la CPI.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a souhaité rappeler que, si les civils paient le prix le plus élevé dans le conflit en Ukraine, la faute en revient à l’agresseur, qui a commencé la guerre et a décidé de jouer à la « roulette russe » avec des innocents.  Après avoir lancé cette soi-disant « opération militaire spéciale » au motif d’une « dénazification » de l’Ukraine, la Russie affirme désormais, par la voix de son ministre des affaires étrangères, qu’Adolf Hitler était en partie juif, ce qui est particulièrement hideux et confirme la nécessité de lutter contre la désinformation russe, a ajouté le représentant.  Il a indiqué que son pays, qui est voisin de l’Ukraine, est particulièrement alarmé par la crise des réfugiés engendrée par l’agression russe.  Depuis le début de la guerre, environ 394 000 personnes sont entrées en Slovaquie qui, a-t-il ajouté, est l’un des premiers donateurs par habitant en matière d’aide militaire, humanitaire et financière.  Il a fait état d’une contribution de 500 000 euros aux organisations humanitaires internationales, annoncée aujourd’hui à Varsovie par son Premier Ministre lors de la conférence internationale des donateurs pour l’Ukraine. 

Dans quelques jours, le monde commémorera le jour où la Seconde Guerre mondiale déclenchée par l’Allemagne nazie a pris fin, a rappelé Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne).  Soixante-dix-sept ans après ce moment décisif, a-t-elle accusé, la « propagande russe » tente de créer un lien scandaleux entre les combats héroïques de l’Armée rouge contre le régime nazi et l’agression actuelle perpétrée par le Kremlin contre l’Ukraine.  Le but manifeste?  Créer une réalité alternative, dans laquelle le Président de l’Ukraine dirige un État défaillant qui doit être « dénazifié ».  La déléguée y a vu « une absurdité totale qui dépasse le cynisme ».  Le monde entier peut voir à quoi ressemble la prétendue libération russe.  Les images de Marioupol, d’Irpin et de Boutcha parlent d’elles-mêmes, a estimé la déléguée, pour qui ces atrocités de masse et crimes contre l’humanité doivent cesser et leurs auteurs être tenus responsables de leurs actes.  À cette fin, a-t-elle dit, l’Allemagne contribuera à la Cour pénale internationale (CPI) par des financements supplémentaires et un détachement d’experts.  Entre-temps, le Procureur général fédéral allemand a ouvert des enquêtes structurelles, préparant ainsi le terrain à des inculpations pour crimes de guerre. 

L’Allemagne a jusqu’à présent accueilli plus de 400 000 réfugiés, dont 90 000 enfants ukrainiens qui fréquentent les écoles allemandes, a poursuivi la déléguée.  Par ailleurs, s’est-elle alarmée, nous sommes au bord d’une crise mondiale de sécurité alimentaire sans précédent.  L’Allemagne qui renforce sa réponse humanitaire, notamment par le biais du Programme alimentaire mondial (PAM), est déterminée à faire de la sécurité alimentaire mondiale une priorité, notamment lors des prochaines réunions du G7.  Le Gouvernement allemand a déjà annoncé 430 millions d’euros de financement supplémentaire pour répondre à cette crise qui prouve que la guerre dépasse les frontières de l’Europe.  « Mon message aux pays économiquement touchés par les répercussions de la guerre d’agression de la Russie est le suivant: vous pouvez compter sur notre soutien », a déclaré la déléguée.  Pour la première fois dans l’histoire, un membre permanent de ce Conseil tente d’annexer de nouveaux territoires par la force.  Si nous permettons à la Russie de créer un précédent, qui sera le prochain?  Si nous ne voulons pas ouvrir les portes à une recolonisation, le monde doit s’unir pour faire reculer la Russie, a conclu la déléguée.

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