9026e séance – matin
CS/14877

Syrie: le Conseil de sécurité face au manque de progrès sur le dossier des armes chimiques, 25 ans après l’entrée en vigueur de la CIAC

Le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui sa séance mensuelle qu’il consacre à la question des armes chimiques en Syrie, le jour même où était célébré le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur sur la Convention sur les armes chimiques (CIAC).  Alors que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, constatait une fois encore l’absence de progrès sur le dossier syrien, la Fédération de Russie a dénoncé une « tendance dangereuse à politiser le travail de l’OIAC », l’organisation chargée de surveiller l’application de la Convention. 

Mme Nakamitsu, qui présentait au Conseil le cent deuxième rapport mensuel du Directeur général de l’OIAC au titre de la résolution 2118 (2013), a expliqué que le Secrétariat de l’organisation n’avait pas encore reçu la déclaration demandée à Damas sur tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits ou utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques, ni de réponse à sa demande d’informations sur le déplacement non autorisé des restes de deux cylindres détruits lors d’un incident survenu à Douma le 7 avril 2018.  En outre, le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations reste retardé par le refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à un de ses experts.  Tant que ces questions en suspens ne seront pas réglées, la communauté internationale ne pourra pas être pleinement convaincue que le programme d’armes chimiques de Damas a été éliminé, a insisté la Haute-Représentante. 

La présentation du rapport a amené le Mexique à regretter qu’à chaque discussion mensuelle sur ce dossier, « nous soyons confrontés à des progrès limités ».  L’Albanie a déploré le manque délibéré de coopération de la Syrie avec l’OIAC, de même que la Norvège, qui a jugé particulièrement regrettable que le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie n’ait pu avoir lieu.  La France a invité fermement la Syrie à faire la lumière sur ses stocks, à répondre aux questions posées et à se conformer à ses obligations internationales, conditions nécessaires pour que soient rétablis ses droits et privilèges suspendus il y a un an lors de la Conférence des États parties à la CIAC.  Les Émirats arabes unis et l’Inde ont appelé l’OIAC et la Syrie à travailler ensemble et à envisager toutes les alternatives disponibles pour faciliter la visite de l’équipe d’experts à Damas.  De son côté, la Chine a rappelé que les enquêtes de l’OIAC devaient respecter les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité de la CIAC et a redit son opposition à la création de l’Équipe d’enquête et d’identification, en souhaitant qu’à l’avenir, le Directeur général en revienne à la « tradition » de l’adoption de décisions par consensus. 

La France a aussi rappelé que, depuis 2013, les enquêteurs de l’OIAC et des Nations Unies avaient démontré de manière irréfutable l’emploi d’armes chimiques à huit reprises par le « régime syrien », un chiffre que les États-Unis ont jugé sous-estimé, parlant d’un recours à l’armes chimique à « au moins 50 reprises » par le « régime Assad » depuis le début du conflit.   

La Fédération de Russie a regretté que le nouveau rapport du Directeur général de l’OIAC reprenne les précédents et a dénoncé la « présomption de culpabilité » imposée à la Syrie qui, a-t-elle affirmé, a fidèlement satisfait à ses obligations au titre de la CIAC, comme cela a été reconnu dès 2016.  Pour la Fédération de Russie, l’accusation de « non-coopération » de la partie syrienne repose sur un argument unique: la non-délivrance du visa à un membre de l’équipe d’experts. 

À ce sujet, la République arabe syrienne a indiqué qu’elle est prête à recevoir l’Équipe d’évaluation des déclarations, à l’exception d’un membre dont elle a critiqué le manque d’engagement envers l’objectivité et le professionnalisme.  Il est bien connu que l’OIAC dispose de centaines d’experts capables de mener à bien cette tâche, à moins que la question ne vise à créer un problème ou à donner de fausses impressions sur la coopération syrienne, a ironisé la délégation qui a par ailleurs déploré le fait que la mission d’établissement des faits se limite à mener des enquêtes à distance et à recevoir des échantillons qu’elle n’a pas collectés directement.

De même, la Fédération de Russie a dénoncé des « enquêtes biaisées » de l’OIAC servant de prétexte à des pressions politiques.  Si cette situation n’est pas corrigée, l’OIAC perdra complètement son autorité déjà ternie et deviendra un outil de mise en œuvre des tâches géopolitiques d’un petit groupe d’États, a-t-elle averti.  Pour les États-Unis au contraire, la Russie, « qui n’a même plus un semblant de crédibilité lorsqu’il s’agit de la paix et de la sécurité internationales », continue de saper l’OIAC en évitant à la Syrie de devoir rendre des comptes pour ses atrocités, quitte pour cela à utiliser à plusieurs reprises son droit de veto au Conseil de sécurité. 

À la suite de la France, qui appelait à faire cesser les campagnes de désinformation à l’encontre du Secrétariat technique de la Convention, le Royaume-Uni a déclaré qu’en Syrie, l’utilisation d’armes chimiques avait été à la fois précédée et suivie de désinformation.  Inquiet de voir se mettre en place un schéma similaire en Ukraine, le Royaume-Uni a averti que l’utilisation d’armes chimiques dans ce pays constituerait une escalade impitoyable pour laquelle il faudrait rendre des comptes.  

En ce jour anniversaire de l’entrée en vigueur de la CIAC, alors que Mme Nakamitsu jugeait regrettable que les réalisations historiques de la CIAC aient été éclipsées par les nombreux cas documentés d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, le Royaume-Uni a appelé la communauté internationale à se réengager collectivement en sa faveur.  La Fédération de Russie, qui a rappelé être à l’origine de la CIAC, a précisé que, malgré un contexte difficile, elle soutiendrait la Déclaration que la présidence du Conseil de sécurité devait faire à la presse à cette occasion. 

La fin de la séance –la dernière du mois- n’en a pas moins été marquée par une nouvelle passe d’armes entre la Fédération de Russie et le Royaume-Uni, la première accusant le second d’avoir, pendant son mois de présidence, réussi à « réduire à néant » les règles écrites et non écrites sur lesquelles repose la confiance au sein du Conseil; le second répliquant qu’il continuerait de faire respecter la Charte des Nations Unies et le règlement intérieur du Conseil dans le cadre de cette présidence et des présidences futures.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT S/2022/281

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a jugé regrettable qu’aujourd’hui, de nombreuses réalisations historiques de la Convention sur les armes chimiques, qui fête les 25 ans de son entrée en vigueur, aient été éclipsées par les nombreux cas documentés d’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne.  Si l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a confirmé la destruction complète de toutes les armes chimiques déclarées par la Syrie le 4 janvier 2016, elle continue de documenter des cas d’utilisation de ce type d’armes dans ce pays, malgré l’adhésion de Damas à cet instrument. 

La haute fonctionnaire a regretté qu’il y a eu peu ou pas de changement au cours du mois écoulé sur les questions liées à ce dossier.  Les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC pour clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la Syrie demeurent inchangés.  Et le Secrétariat de l’OIAC n’a pas encore reçu la déclaration demandée à Damas sur tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou utilisés à des fins militaires dans une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques qui a été déclarée par la Syrie comme n’ayant jamais été utilisé pour produire et/ou militariser des agents de guerre chimique. 

Le Secrétariat technique de l’OIAC attend également des informations et des documents supplémentaires de la part de la Syrie concernant les dommages causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 contre un site militaire abritant une ancienne installation de fabrication d’armes chimiques déclarée.  « J’ai également été informée qu’il n’a pas encore reçu de réponse à la demande d’informations concernant le mouvement non autorisé des restes de deux cylindres détruits liés à l’incident qui s’est produit à Douma le 7 avril 2018 », a ajouté la Haute-Représentante, appelant la Syrie à répondre de toute urgence aux demandes de clarification du Secrétariat. 

Quant au déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations, il a été retardé en raison du refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à un de ses experts.  Or, a-t-elle fait observer, le cadre juridique applicable n’autorise pas la Syrie à sélectionner les experts.  Parallèlement, le Secrétariat technique de l’OIAC a proposé une série limitée de consultations à Beyrouth, au Liban, qui permettraient d’évaluer l’état des questions en suspens, de discuter de la marche à suivre possible et de recevoir les documents demandés par le Secrétariat.  Elle a indiqué que la Syrie aurait accepté la série limitée de consultations, tout en demandant l’exclusion d’un expert de l’OIAC.  Tant que ces questions en suspens ne seront pas réglées, la communauté internationale ne pourra pas être pleinement convaincue que le programme d’armes chimiques de Damas a été éliminé, a-t-elle insisté. 

À cette fin, j’ai le regret d’informer le Conseil que la Syrie n’a pas encore fourni suffisamment d’informations ou d’explications techniques qui permettraient au Secrétariat technique de l’OIAC de clore la question liée à la détection d’un produit chimique du tableau 2 dans les installations du Centre d’études et de recherche scientifiques de Barzé en novembre 2018.  Elle a par ailleurs fait savoir que le Secrétariat technique de l’OIAC est dans l’attente d’une réponse de la Syrie concernant l’agenda de la réunion entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie.  Cette réunion proposée serait une occasion importante de renforcer le dialogue et la coopération entre les parties, a-t-elle estimé.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appelé à rester collectivement vigilant pour prévenir les menaces et la normalisation de l’utilisation des armes chimiques.  Il a relevé que selon les rapports indépendants du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et de l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC, le « régime Assad » a utilisé des armes chimiques contre son propre peuple à au moins huit reprises depuis son adhésion à la Convention sur les armes chimiques.  Malheureusement, le tableau risque d’être beaucoup plus sombre que cela, a averti le délégué, en allusion aux enquêtes en cours sur plusieurs autres incidents.  Les États-Unis, a-t-il fait savoir, estiment que le régime Assad a fait usage d’armes chimiques au moins 50 fois depuis le début du conflit en Syrie.  M. Mills a en outre déploré que les déclarations de la Syrie ne peuvent toujours pas être considérées comme complètes et exactes.

Face aux preuves irréfutables, documentées par le travail méticuleux de l’OIAC, que la Syrie ne respecte pas ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques, le régime Assad lance des accusations grotesques de partialité à l’encontre des experts indépendants et professionnels de l’OIAC, dans un effort infructueux de les attaquer et détourner l’attention de faits avérés, a-t-il dénoncé.  Il a également accusé la Russie, « qui n’a même plus un semblant de crédibilité lorsqu’il s’agit de la paix et de la sécurité internationales », de continuer de saper l’OIAC, en utilisant à plusieurs reprises son veto au Conseil de sécurité pour protéger la Syrie de la responsabilité de ses atrocités.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que le rapport du Directeur général de l’OIAC, tout comme les précédents, a été élaboré sur la base de la « présomption de culpabilité » de Damas.  Quelles que soient les mesures prises par les Syriens envers l’OIAC, ce n’est jamais assez, s’est-il offusqué, appelant ensuite à alléger le calendrier du Conseil de sécurité sur la question des armes chimiques en Syrie.  En revenant sur la « non-coopération » de la partie syrienne avec l’Équipe d’évaluation des déclarations, le délégué a noté que cette posture repose sur un argument unique: la non-délivrance du visa à un membre de l’équipe d’experts.  Est-il possible que toutes les interactions bilatérales du Secrétariat technique avec les Syriens soient liées à un seul et unique expert? s’est-il étonné, faisant observer que des experts russes qui devaient participer à des événements au Siège de l’ONU ont constamment fait face au refus de délivrance de visa du pays hôte, sans que cela ne fasse des vagues.  Il a rappelé que les autorités syriennes étaient prêtes à accepter la venue d’experts européens l’été dernier, mais que le Directeur général de l’OIAC avait « publiquement refusé d’envoyer une mission à Damas en raison du climat qui n’était pas favorable pour son personnel ». 

Émettant des doutes sur la volonté de l’OIAC de vouloir évoluer avec le dossier de la déclaration initiale de la Syrie, le délégué a demandé à Mme Wakamatsu d’informer le Conseil sur la pratique d’un chef de l’OIAC qui n’aurait jamais visité le pays qui est au centre de son travail, et qui s’informe donc de la situation sur le terrain exclusivement à partir de rapports subordonnés.  La Fédération de Russie est à l’origine de la Convention sur les armes chimiques et considère que l’engagement pour sa mise en œuvre n’est pas juste une formalité, a-t-il souligné. 

Le représentant russe a déploré la tendance dangereuse à politiser le travail de l’OIAC, utilisée comme un outil pour punir ceux qui ne conviennent pas aux pays occidentaux.  Ainsi, des « enquêtes » biaisées sont menées et servent de prétexte pour exercer des pressions politiques.  Il a rappelé l’exemple du « célèbre » rapport de la mission d’enquête sur l’incident de Douma en 2018, dont la version finale avait été radicalement éditée pour accentuer son côté « anti-syrien », sous la pression de certaines délégations.  De même, les rapports sont préparés sur la base d’informations collectées à distance auprès de sources biaisées, principalement les « tristement célèbres » Casques blancs, a poursuivi le délégué.  Si la situation n’est pas corrigée, l’OIAC perdra complètement son autorité déjà ternie, et deviendra un outil de mise en œuvre des tâches géopolitiques d’un petit groupe d’États, a-t-il prévenu.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a profité de l’anniversaire de la Convention sur les armes chimiques pour réaffirmer le soutien indéfectible de son pays à l’OIAC, à son Directeur général et au personnel du Secrétariat technique.  La représentante a toutefois déploré la récente augmentation de l’utilisation des armes chimiques, qui représente une grave menace pour la paix et la sécurité internationales.  Elle a noté que des milliers de civils syriens ont subi les effets dévastateurs des armes chimiques utilisées par l’armée syrienne et par Daech, comme en témoignent les rapports de l’ONU et de l’OIAC.  Dans le même temps, elle a dit constater des efforts constants, de la part de la Syrie et de la Fédération de Russie, de saper et de politiser le travail de l’OIAC, afin selon elle de détourner l’attention de la culpabilité de la Syrie.  La représentante a invité les membres du Conseil de sécurité à être clairs dans leur soutien total au travail de l’OIAC en Syrie et à rejeter les efforts visant à saper sa crédibilité.  Le Secrétariat technique de l’OIAC et la Conférence des États parties à la Convention ayant précisé les actions concrètes nécessaires pour résoudre les questions en suspens concernant les déclarations de la Syrie, c’est désormais à cette dernière de mettre en œuvre ces actions et d’apporter la clarté nécessaire sur toutes les questions en suspens, a-t-elle conclu.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a regretté qu’à chaque discussion mensuelle sur le dossier des armes chimiques utilisées en Syrie, « nous soyons confrontés à des progrès limités ».  Les divergences sur 20 points en suspens de la déclaration initiale n’ont toujours pas été résolues et il n’a pas été possible de mener un nouveau cycle de consultations en raison du refus persistant de Damas d’accorder un visa à l’un des membres de l’équipe d’évaluation des déclarations, a-t-elle constaté.  La représentante a aussi observé que si la Syrie a accepté de tenir un cycle limité de consultations au Liban, elle a imposé ses conditions.  Elle a réaffirmé que l’un des objectifs de l’Équipe d’évaluation est d’aider la Syrie à clarifier les divergences dans sa déclaration initiale afin de se conformer pleinement aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur les armes chimiques.  Elle a en outre demandé instamment à la Syrie d’expliquer le transfert non autorisé des deux cylindres de chlore liés à l’incident de Douma remontant à avril 2018.  En outre, l’accord tripartite entre l’OIAC, l’UNOPS et la Syrie expire le 30 juin, a fait observer la déléguée, qui a exhorté les parties à conclure un accord qui prévoie au-delà de cette date les conditions adéquates pour faciliter le mandat du Secrétariat. 

Mme SHERAZ GASRI (France) a rappelé que depuis 2013, les enquêteurs de l’OIAC et des Nations Unies ont démontré de manière irréfutable l’emploi de ces armes à huit reprises par le régime syrien.  Elle a fustigé le fait que le régime continue de faire obstruction au travail de l’OIAC et a appelé fermement la Syrie à faire la lumière sur ses stocks, à répondre aux questions posées et à se conformer à ses obligations internationales.  C’est à cette condition que les droits et privilèges suspendus il y a un an lors de la Conférence des États parties pourront être rétablis, a-t-elle souligné.  La représentante a également appelé à faire cesser les campagnes de désinformation à l’encontre du Secrétariat technique.  Il est essentiel que les auteurs d’attaques à l’arme chimique soient identifiés et rendent des comptes, a-t-elle ajouté.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté le manque délibéré de coopération de la Syrie avec l’OIAC.  Il n’y a pas de progrès dans les discussions entre l’OIAC et le Gouvernement syrien, a-t-il constaté, appelant la Syrie à démontrer concrètement et sans détours sa volonté de coopération avec l’OIAC sur toutes les demandes exigées dans le cent deuxième rapport mensuel de l’OIAC, en conformité avec la Résolution 2118 (2013).  L’Albanie continue de soutenir pleinement le travail professionnel, indépendant et impartial de l’OIAC et de son secrétariat technique, a indiqué le délégué en rappelant aussi que le Conseil de sécurité et ses membres ont la responsabilité de protéger le régime international de non-prolifération qui implique et sous-tend la sécurité collective.  Il ne peut et ne doit y avoir d’impunité pour l’utilisation d’armes chimiques, ni en Syrie ni ailleurs, a-t-il tranché.  Pour le représentant, toute tentative de politiser le travail de l’OIAC ne servirait qu’à retarder la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) par la Syrie, ce qui nuirait aussi à la réputation du Conseil de sécurité.  Il a conclu en disant rejeter fermement toute tentative de discréditer l’OIAC afin de dissimuler les crimes horribles commis par le régime syrien et d’échapper à la responsabilité.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a estimé particulièrement regrettable que le déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie, qui avait été proposé plus tôt en avril, n’ait pas eu lieu.  De même, la déléguée a pris note des plans pour un cycle limité de consultations au Liban, demandant instamment que des progrès positifs soient réalisés sur la voie à suivre.  Elle a tenu, également, à souligner que la résolution 2118 (2013) mentionne explicitement les obligations de la Syrie, à savoir, accepter le personnel désigné par l’OIAC, fournir à ce personnel un accès immédiat et sans entrave ainsi que son droit d’inspecter tous les sites.  Il est essentiel de revenir à des déploiements réguliers de l’Équipe d’évaluation des déclarations, avec des visas d’entrée délivrés à tous les experts, a réclamé la déléguée.  À cet égard, elle a exhorté la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC, et à fournir des informations et des explications techniques suffisantes pour clore les 20 questions en suspens.  Enfin, Mme Heimerback a jugé essentiel que la Syrie prenne les mesures nécessaires pour que soit levée la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est exprimé au nom des trois pays africains membres du Conseil de sécurité, les A3 (Gabon, Ghana et Kenya).  Il a dit que ces pays restent attachés à la norme établie contre l’utilisation d’armes chimiques et a réitéré leur soutien à la résolution 2118 (2013) du Conseil qui définit le cadre de la destruction rapide et vérifiable des armes chimiques de la Syrie.  Le délégué a salué les efforts continus du Secrétariat technique de l’OIAC pour remplir son mandat, ainsi que sa disponibilité à se déployer en Syrie sous réserve de l’assouplissement des restrictions de voyage et des difficultés imposées par la COVID-19.  Les lacunes non comblées, les incohérences et les problèmes en suspens dans les déclarations initiales et ultérieures de la Syrie doivent être traitées, a-t-il dit.  Il a ensuite encouragé la République arabe syrienne à accorder des visas d’entrée à tous les membres de l’équipe d’experts, dans le respect de ses obligations découlant de la Convention sur l’élimination des armes chimiques.  Pour le représentant, des échanges entre le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC seraient utiles pour renforcer la confiance et donner l’impulsion nécessaire à leur coopération.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé que faire des progrès tangibles sur le dossier des armes chimiques lié à la crise syrienne nécessite de s’attaquer aux lacunes existantes.  Il a encouragé à un dialogue constructif et significatif entre l’OIAC et la République arabe syrienne.  À cet égard, il a exhorté les deux parties à travailler ensemble pour progresser et à envisager toutes les alternatives disponibles pour faciliter la visite de l’équipe d’experts à Damas.  Malgré les progrès accomplis vers l’élimination complète des armes chimiques, les menaces qu’elles représentent sont encore bien réelles, en particulier lorsqu’elles sont acquises par des groupes terroristes tels que Daech, a relevé le représentant.  Il a insisté sur l’importance de poursuivre la lutte contre Daech en Syrie et ailleurs et de l’empêcher de réorganiser ses rangs ou d’acquérir des armes chimiques.

M. PRATIK MATHUR (Inde) a encouragé la poursuite de l’engagement entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC pour résoudre les questions en suspens, espérant la tenue, au plus tôt, du vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’autorité nationale syrienne.  De même, il a souhaité que la prochaine série d’inspections des installations de Barzé et de Jamraya du Centre d’études et de recherches (CERS) aura lieu dans les meilleurs délais. 

L’Inde attache une grande importance à la Convention sur les armes chimiques et est favorable à sa mise en œuvre complète, efficace et non discriminatoire.  L’Inde est opposée à l’utilisation d’armes chimiques par quiconque, où que ce soit, à tout moment et en toutes circonstances, a ajouté le délégué.  Son pays a également mis en garde à plusieurs reprises contre la possibilité que des entités et des individus terroristes aient accès à des armes chimiques, y compris dans la région.  Poursuivant, le délégué est revenu sur les rapports de l’UNITAD faisant état de déploiements répétés d’armes chimiques par des groupes terroristes contre des populations civiles entre 2014 et 2016.  Pour lui, la lutte collective de la communauté internationale contre le terrorisme sera renforcée si l’on garantit la recherche de responsabilités pour les actes de terreur graves et inhumains commis par les terroristes et les groupes terroristes.  À cette fin, a conclu le représentant, l’Inde a versé une contribution de 200 000 dollars pour soutenir les enquêtes de l’UNITAD.

M. XING JISHENG (Chine) s’est félicité du 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques, avant de saluer les préparatifs en cours de la réunion entre le Ministre des affaires étrangères de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC.  Le représentant a indiqué que les enquêtes menées par cette organisation doivent respecter les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité de la Convention sur les armes chimiques.  Rappelant son opposition à la création de l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC, il a souhaité qu’à l’avenir, le Directeur général facilite les efforts des parties pour les aider à surmonter les différences et revenir à la « tradition » de l’adoption de décisions « par consensus ».

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué le succès de l’OIAC dans la supervision de la Convention sur les armes chimiques et la vérification de la destruction de 99% des stocks déclarés.  Elle a accusé le régime syrien de continuer de bafouer les termes de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité et d’ignorer ses obligations de coopérer pleinement avec l’OIAC pour progresser sur les questions en suspens concernant sa déclaration initiale.  Ce mois-ci marque les anniversaires des attaques à l’arme chimique à Khan Cheïkhoun en 2017 et Douma en 2018, a-t-elle rappelé, avant de dire l’engagement du Royaume-Uni à tenir le régime d’Assad responsable de l’utilisation répétée d’armes chimiques contre sa propre population. 

En Syrie, l’utilisation d’armes chimiques a été à la fois précédée et suivie de désinformation, a constaté la représentante.  Elle s’est inquiétée de l’émergence d’un schéma similaire dans la désinformation russe sur les armes chimiques en Ukraine.  L’utilisation d’armes chimiques en Ukraine serait une escalade impitoyable, a-t-elle averti, affirmant que le Royaume-Uni demandera des comptes à tout État qui utilise des armes de destruction massive.  La déléguée a appelé la communauté internationale à se réengager collectivement envers la Convention à l’occasion de son 25e anniversaire. 

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a souhaité que la réunion de haut niveau entre le Ministre des affaires étrangères et des expatriés de la Syrie et le Directeur général de l’OIAC se tienne dans les meilleurs délais selon un ordre du jour défini et complet permettant de réaliser des progrès tangibles.  Il a indiqué que la Syrie est prête à recevoir l’Équipe d’évaluation des déclarations, à l’exception d’un membre auquel elle avait précédemment opposé une objection en raison de son manque d’engagement envers l’objectivité et le professionnalisme.  Il est bien connu que l’OIAC dispose de centaines d’experts capables de mener à bien cette tâche, à moins que la question ne vise à créer un problème ou à donner de fausses impressions sur la coopération syrienne, a ironisé le représentant qui a souligné que la Syrie a le droit souverain de déterminer qui entre sur son territoire.

Il a indiqué que la Syrie a fourni à la mission d’établissement des faits les facilités nécessaires pour mener à bien son travail.  Mais, a-t-il déploré, cette mission n’a pas adhéré aux termes de référence convenus, n’a pas respecté les dispositions de la Convention et s’est écartée du professionnalisme et de l’indépendance requis dans l’exécution de son travail.  De fait, a-t-il critiqué, la mission a limité sa capacité à mener des enquêtes à distance et à recevoir des échantillons d’autres personnes qu’elle n’a pas collectés directement.  Elle s’est également appuyée sur des séquences et des vidéos provenant de sources fabriquées par des groupes terroristes, ainsi que sur des témoignages de personnes provenant de lieux où se trouvent des groupes terroristes.  

Il s’est inquiété des retards et des atermoiements de la mission d’établissement des faits dans l’achèvement des rapports réclamés par la Syrie concernant l’utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes.  Certains incidents signalés par la Syrie il y a plus de cinq ans, n’ont pas encore fait l’objet d’un rapport de la part de la mission, a-t-il déploré.  Le représentant a ensuite appelé à dépolitiser l’OIAC, à préserver la nature technique de son travail et à s’attaquer aux pratiques répréhensibles de ses différentes équipes.

M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) a indiqué que le cent deuxième rapport de l’OIAC démontre que les questions en suspens au sujet du programme d’armes chimiques en Syrie continuent de rester sans réponse.  Il a dit prendre acte du rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification, et attendre avec impatience les résultats des autres enquêtes menées par cette même équipe.  La Turquie, a dit son délégué, condamne vivement l’emploi documenté d’armes chimiques contre son propre peuple.  Les membres du Conseil doivent agir pour lutter contre l’impunité et exhorter à l’unisson la Syrie à se conformer à ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques, a-t-il ajouté.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a dit qu’en tant que grande victime des armes chimiques, l’Iran condamne fermement l’utilisation de ces armes, n’importe où, par n’importe qui et en toutes circonstances.  En ce 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention, elle a estimé que politiser la mise en œuvre de celle-ci, et l’exploitation de l’OIAC à des fins politiquement motivées met en danger la crédibilité ainsi que l’autorité de l’OIAC.  Pour la déléguée, toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques doit être impartiale, professionnelle, crédible et objective, afin d’établir les faits et parvenir à des conclusions fondées sur des preuves.

La représentante a estimé que la Syrie a fait de véritables efforts pour remplir ses obligations en rapport avec la Convention, et démontré sa volonté de collaborer avec le Secrétariat technique de l’OIAC.  Cependant, il est décevant que certains États parties aient politisé la question des armes chimiques syriennes, a—t-elle regretté.  Elle a appuyé l’approche adoptée par l’OIAC et la Syrie en matière de dialogue de haut niveau et a espéré que cette initiative produira des résultats positifs.  Afin d’améliorer le fonctionnement du Conseil de sécurité, et créer un environnement positif propice à un dialogue constructif entre la Syrie et l’OIAC, les délibérations du Conseil sur les armes chimiques en Syrie doivent être moins répétitives et moins fréquentes, a-t-elle plaidé.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a indiqué être satisfait de voir le mois toucher à sa fin, en raison d’une présidence britannique qui sera selon lui étudiée dans les manuels de diplomatie comme un contre-exemple.  Selon lui, le Royaume-Uni a réussi à « réduire à néant » les règles écrites et non écrites sur lesquelles repose la confiance au sein du Conseil de sécurité.

La représentante du Royaume-Uni a ensuite souligné que son pays continuera de respecter la Charte des Nations Unies et le règlement intérieur du Conseil de sécurité dans le cadre de cette présidence et des présidences futures.

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