8969e séance – matin
CS/14796

La Représentante spéciale en Haïti informe le Conseil de sécurité de certains signes de progrès malgré la violence et les besoins humanitaires

La Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti a informé ce matin le Conseil de sécurité de la situation en Haïti faisant état, ces derniers mois, d’une polarisation extrême mais aussi de signes de progrès. 

Mme Helen La Lime a décrit tant les éléments qui portent à l’inquiétude -la violence des gangs, la poursuite de l’impunité, les faiblesses du système judiciaire et la détérioration de la situation humanitaire– que ceux qui alimentent l’espoir d’une réelle amélioration, à savoir la poursuite du dialogue politique, l’adoption par la Police nationale d’Haïti (PNH) d’une approche équilibrée, les 600 millions de dollars d’aide promis par la communauté internationale et l’absence de cas de choléra dans le pays depuis trois ans. 

Présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur Haïti, celle qui est à la tête du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a dénoncé la violence des gangs qui ont pris en otage la vie économique et sociale de millions de femmes, d’enfants et d’hommes.  Elle a déploré en particulier les enlèvements, les meurtres et la violence sexuelle et sexiste, autant de crimes qui ont pour but de terroriser la population et d’étendre l’emprise territoriale des gangs. 

Mme La Lime a exhorté à combattre d’urgence l’impunité et les faiblesses structurelles du système judiciaire d’Haïti qui bloquent la nomination des juges, limitent le lancement d’enquêtes et l’ouverture de nouvelles procédures.  Cette situation nourrit les rumeurs et accentue la méfiance et les soupçons, a constaté la haute responsable qui y voit une explication à l’arrêt de l’enquête sur le meurtre du Président Jovenel Moïse.  « Le système judiciaire national n’arrive pas à faire la lumière sur ce drame », s’est désolée la délégation de Haïti en reconnaissant le dysfonctionnement des institutions démocratiques. 

À ce propos, et comme signe de progrès, Mme La Lime a souligné la poursuite du dialogue mené par le Premier Ministre, M. Ariel Henry, avec les différents acteurs politiques afin d’élargir le consensus sur la création d’institutions démocratiquement élues.  Elle s’est également réjouie de la formation, le 24 novembre 2021, du nouveau Gouvernement, notant que cela a contribué à l’apaisement des tensions comme elle l’a constaté depuis le 7 février, date qui aurait marqué la fin du mandat du Président Moïse.  Elle a en outre misé sur la nouvelle approche sécuritaire, qui équilibre les aspects prévention et répression, et le déploiement de la PNH dans les zones sensibles.  Des fruits modestes en ont été recueillis, s’est réjouie la Représentante spéciale. 

Le représentant d’Haïti a toutefois informé que la PNH aurait besoin de formations et d’un encadrement adapté pour faire face efficacement à la situation sécuritaire.  La France n’a pas dit le contraire en recommandant de donner la priorité à l’objectif de fournir davantage de moyens à la PNH, qui en retour doit se montrer irréprochable, a-t-elle précisé.  Mme La Lime a salué le nouvel élan dans ce domaine, symbolisé par la création imminente d’un fonds multi-donateurs qui doit déboucher sur une hausse du financement des forces de police par le Gouvernement et par un soutien international accru sur les plans technique et financier.   

Sur le plan politique, Mme La Lime a informé de la publication prochaine du calendrier électoral ainsi que de la création envisagée d’un conseil électoral provisoire qui soit crédible et efficace et qui rassemble tous les acteurs nationaux.  Le Mexique a plaidé pour que cette création ne soit pas reportée.  Le Royaume-Uni a insisté sur l’importance de la participation des femmes et de la société civile à l’organisation des scrutins. 

La détérioration de la situation humanitaire a vivement préoccupé les membres du Conseil, en particulier après le tremblement de terre survenu dans le sud du pays en août 2021, qui a fait 2 248 morts et poussé 43% de la population dans le besoin d’assistance humanitaire en 2022, comme l’a décrit la Représentante spéciale.  Sans aide, les Haïtiens tenteront un voyage périlleux à l’étranger plutôt que de rester chez eux, a averti l’Irlande. 

« Haïti n’est pas isolé » a semblé rassurante la délégation des États-Unis en évoquant la conférence ministérielle tenue au Canada en janvier, qui a promis 600 millions de dollars pour la reconstruction du sud du pays.  Citant aussi la conférence sur la reconstruction organisée cette semaine par le Gouvernement haïtien, les États-Unis ont vu dans toutes ces conférences et rencontres le signe de l’engagement de la communauté internationale envers Haïti.  Le délégué d’Haïti a placé son espoir dans cette solidarité internationale en prévenant que, sans investissements massifs et sans création d’emplois durables et bien rémunérés, « nos efforts seront vains ». 

Pour renforcer l’efficacité de l’aide internationale, Mme La Lime a encouragé à formuler et adopter une nouvelle approche basée sur une coordination accrue des efforts internationaux.  Le Brésil a notamment plaidé pour le renforcement de la coopération entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission de consolidation de la paix.  Quant au mandat du BINUH, le Brésil a dit attendre une discussion en profondeur lorsque le Secrétaire général aura présenté ses recommandations à ce sujet, en avril prochain. 

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2022/117)

Déclarations

Mme HELEN LA LIME, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a informé de la situation marquée par une polarisation extrême dans le pays, malgré des signes de progrès ces derniers mois.  Le Premier Ministre, M. Ariel Henry, continue de dialoguer avec les différents acteurs politiques dans l’objectif d’élargir le consensus sur la création d’institutions démocratiquement élues et fonctionnelles, a noté la haute responsable.  Le succès dépendra, a-t-elle précisé, de la volonté collective des différents acteurs d’arriver à une solution de compromis, de faire passer les intérêts nationaux avant leurs propres aspirations et d’être souple sur les détails.  Le nouveau Gouvernement dévoilé le 24 novembre 2021 est le résultat le plus probant des efforts qui ont été déployés jusqu’à présent, selon Mme La Lime qui a fait état d’un apaisement des tensions, comme le prouve le calme observé le 7 février, date à laquelle le mandat de feu le Président Jouvenel Moïse serait officiellement arrivé à son terme.  Mme La Lime a indiqué qu’alors que la publication d’un calendrier électoral révisé est en cours, l'objectif est de créer un conseil électoral provisoire qui soit crédible et efficace et qui rassemble tous les acteurs, afin de rétablir la confiance des différents acteurs nationaux.

La Représentante spéciale a par ailleurs dénoncé la poursuite de la violence des gangs qui ont pris en otage la vie économique et sociale de millions de femmes, d’enfants et d’hommes.  Elle a dénoncé l’utilisation indiscriminée par les gangs de l’enlèvement, du meurtre et de la violence sexiste et sexuelle pour terroriser les populations et étendre encore plus leur contrôle du territoire. Cela est « particulièrement répugnant », a-t-elle commenté.  

Pour endiguer cette violence, la Police nationale d’Haïti (PNH) a adopté une approche plus équilibrée entre prévention et répression, déployant en outre une présence policière accrue dans des zones sensibles, a constaté Mme La Lime en appréciant les fruits modestes que cela semble porter.  Elle a toutefois prévenu que la PNH ne compte pas assez de personnel et de ressources, ce qui fait qu’elle ne peut pas, à elle seule, endiguer la montée de l’insécurité causée par les gangs.  Elle a souligné dès lors l’importance du renforcement en cours de la coopération internationale pour combler les lacunes auxquelles cette institution est confrontée.  Ce nouvel élan, symbolisé par la création imminente d’un fonds multi-donateurs, doit déboucher sur une hausse du financement des forces de police par le Gouvernement et par un soutien international accru sur les plans technique et financier.

Mme La Lime a en outre suggéré un contrôle plus vigilant du flux illicite d’armes, accompagné de projets socioéconomiques et d’activités de réintégration afin de créer des emplois et des sources de revenus dans les quartiers qui sont les plus affectés.  Les autorités haïtiennes ont adopté une stratégie réduction de la violence communautaire au niveau national, a-t-elle salué en notant que cela a permis à des milliers de jeunes de reprendre leur éducation.

La Représentante spéciale a par ailleurs demandé de combattre de toute urgence l’impunité, y compris en rendant la justice après l’assassinat du Président Moïse dont l’enquête est à l’arrêt.  « Cette situation alimente les rumeurs et exacerbe la méfiance et les soupçons. »  Le système judiciaire haïtien souffre de faiblesses structurelles, a noté Mme La Lime en citant notamment les difficultés pour renouveler les mandats des juges, limitant ainsi la capacité des tribunaux à lancer des enquêtes et à ouvrir de nouvelles procédures.  Une action plus décisive est nécessaire pour préparer l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale, a-t-elle estimé.

Le tremblement de terre qui a détruit la partie sud du pays en août 2021 et qui a coûté la vie à 2 248 personnes a compliqué davantage la situation humanitaire, a poursuivi la Cheffe du BINUH en notant qu’il y a 4,9 millions de personnes, soit 43% de la population, qui auront besoin d’une assistance humanitaire en 2022.  La réunion ministérielle du 21 janvier présidée par le Canada, la conférence internationale des bailleurs de fonds pour la reconstruction de la péninsule Sud et la visite de la Vice-Secrétaire générale cette semaine ont été une occasion de réitérer l’engagement de la communauté internationale en soutien à Haïti et à sa population, a-t-elle apprécié avant de préciser que les États Membres se sont engagés à contribuer à hauteur de 600 millions de dollars.  

Mme La Lime a tenu à informer que cela fait trois années consécutives que les laboratoires n’ont détecté aucun cas de choléra en Haïti, ce qui indique une marche vers l’élimination de cette maladie.  Cependant, l’échec de l’aide au développement depuis plusieurs années oblige à formuler et adopter une nouvelle approche basée sur une coordination accrue des efforts internationaux et la mise en place de véritables partenariats avec des autorités et les acteurs haïtiens, a préconisé la Représentante spéciale.  Elle a terminé en exhortant les dirigeants haïtiens à dialoguer de manière constructive pour mener le pays vers le processus électoral.  Il faut veiller à ce que les réformes structurelles urgentes soient menées à bien, pour faire face à la violence des gangs, lutter contre l’impunité et la corruption, renforcer la justice et transformer l’économie, a-t-elle conclu.

Mme  LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a relevé que la situation en Haïti montre à quel point le soutien continu des Nations Unies demeure vital.  Elle a rappelé qu’en décembre, les États-Unis ont convoqué une réunion de haut niveau avec Haïti et ses partenaires internationaux dans le but de prévoir des mesures concrètes et rapides pour renforcer la PNH.  De même, le Canada a accueilli une réunion ministérielle sur Haïti en janvier, à laquelle ont participé 19 États et plusieurs organisations multilatérales.  Dans une déclaration publiée à l’issue de la rencontre, le Canada a souligné « l’importance de renforcer le soutien international et la coordination de l’aide internationale »  en faveur d’Haïti.  Juste cette semaine, a rappelé la représentante, le Gouvernement haïtien a tenu une conférence sur la reconstruction.  Toutes ces conférences et rencontres témoignent de la préoccupation et de l’engagement de la communauté internationale envers Haïti, a-t-elle argué, ajoutant que « Haïti n’est pas isolé » et que le renouvellement du mandat du BINUH réaffirmera l’engagement commun à soutenir le peuple haïtien dans ses efforts pour faire face aux crises politiques et sécuritaires en cours. 

En revanche, Mme  Thomas-Greenfield a reconnu qu’il y a de quoi s’inquiéter.  En effet, l’activité des gangs a augmenté rapidement, les Haïtiens étant victimes de meurtres, d’enlèvements, de violences sexuelles et de déplacements forcés.  Les responsables de ces actes horribles doivent être tenus responsables, a-t-elle exigé.  De même, elle a souligné que la PNH a besoin d’un soutien financier ainsi que d’équipement, de formation et d’un leadership cohérent, ce qui permettra sa professionnalisation continue et renforcera sa capacité à lutter contre les gangs et à améliorer la sécurité des citoyens.  Mais comme le note le rapport du Secrétaire général, la Police ne peut à elle seule résoudre les problèmes de sécurité d’Haïti, a-t-elle reconnu en appelant à fournir un soutien non seulement aux forces de l’ordre, mais aussi au système judiciaire et aux initiatives de réduction de la violence communautaire.  Car il faut aider Haïti à créer un système de justice pénale fonctionnel, a plaidé la représentante.  Enfin, elle a dit attendre avec impatience la publication de l’évaluation du Secrétaire général sur le mandat du BINUH en avril. 

« La situation en Haïti pourrait difficilement être plus préoccupante », a constaté M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÌREZ (Mexique) en se déclarant particulièrement inquiet de la crise de la sécurité publique, marquée par les violences des gangs qui contrôlent la majeure partie de Port-au-Prince et des cas de violences sexuelles contre les femmes, les filles et les jeunes hommes.  Dans ce contexte, il a jugé alarmant le déplacement de milliers de personnes, tout comme la fragilité voire l’inefficacité du système judiciaire.  Ces multiples défis exigent de traiter les causes profondes de l’insécurité et de la violence, mais aussi de s’attaquer au trafic d’armes et à la corruption, a plaidé le représentant, indiquant que son pays contribue à ces efforts en formant la Police nationale d’Haïti (PNH) à la lutte contre la criminalité organisée et au renforcement de la confiance parmi la population. 

Le délégué a ensuite estimé que la formation d’un conseil électoral provisoire ne peut être reportée en vue de la tenue des élections présidentielle et législatives.  « Il est temps que les différends politiques se règlent dans les urnes », a-t-il dit, avant d’évoquer la crise humanitaire, qui est aggravée, selon lui, par la dégradation de l’environnement, les effets des changements climatiques et leur incidence sur la sécurité alimentaire.  À cet égard, il a annoncé que le Mexique prévoit de lancer en Haïti un programme d’assistance qui viendra en aide à plus de 5 000 personnes.  Ce projet, a-t-il noté, s’ajoute au déploiement d’une brigade médicale l’an dernier, à l’envoi de 2 000 tonnes de vivres et de médicaments, et à la mise en place d’un programme de bourses pour les jeunes Haïtiens.  Enfin, après avoir rappelé que le BINUH a été la première mission politique spéciale créée dans le cadre de la réforme de la paix et de la sécurité promue par le Secrétaire général, il a souhaité que l’évaluation des missions, préconisée par la résolution 2600 (2021), permette d’accroître l’efficacité de la présence onusienne en Haïti. 

M. BING DAI (Chine) a souligné la gravité de la situation en Haïti et appelé les dirigeants du pays à assumer leurs responsabilités.  Une structure politique stable est fondamentale, a dit le délégué, en demandant le lancement d’un dialogue politique inclusif.  Il a aussi souhaité l’adoption d’un calendrier électoral réaliste.  Il a dénoncé la violence des gangs et plaidé pour une police haïtienne plus professionnelle.  Il a rappelé que 40% de la population du pays a besoin d’une aide humanitaire et exhorté la communauté internationale à augmenter celle-ci.  Haïti doit surmonter les obstacles institutionnels qui entravent son développement économique, a dit le délégué de la Chine.  Enfin, il s’est dit favorable à un réajustement du mandat du BINUH et a demandé qu’il renforce sa coopération avec le PNUD et la Commission de consolidation de la paix.  Les pays de la région devraient aussi intensifier leurs efforts en appui à Haïti, a conclu le représentant. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire en Haïti et de l’augmentation de la violence sexuelle et sexiste et de la persistance de l’impunité pour les violations et les abus des droits humains.  Afin d’améliorer la situation en matière de sécurité, il a recommandé de procéder à une hiérarchisation des priorités et des ressources pour les services de police, insistant notamment sur le renforcement des capacités et de la confiance.  Notant que l’augmentation de la violence a exacerbé la vulnérabilité, il a indiqué que sans aide d’urgence, le peuple haïtien continuera de faire face à des choix désespérés, pour ensuite saluer la conférence internationale qui s’est déroulée cette semaine à Port-au-Prince, où 600 millions de dollars ont été recueillis. 

Sans aide, les Haïtiens tenteront un voyage périlleux à l’étranger plutôt que de rester chez eux, a poursuivi le délégué.  Et lorsqu’ils font ce voyage, il est crucial que tous bénéficient de protections juridiques en vertu du droit international des réfugiés.  Des voies sûres, légales et dignes pour ceux qui fuient la violence sont plus que jamais essentielles, a estimé le représentant.  Ce dont les Haïtiens ont vraiment besoin, c’est d’une voie vers la stabilité politique, capable de créer les conditions propices à la reprise économique et au développement durable, a encore déclaré le représentant pour lequel le consensus est le seul moyen de sortir de l’impasse politique.  Ce consensus doit reposer sur un engagement large, inclusif et participatif, y compris des représentants de la société civile.  Et les solutions durables exigent une garantie de sûreté et de sécurité pour tous ceux qui s’engagent politiquement, et pour les femmes afin d’assurer leur participation significative, pleine et égale. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a indiqué que la gestion des crises qui ébranlent Haïti et le nécessaire développement durable du pays ne peuvent se faire sans rétablir la confiance dans le système politique et judiciaire fondé sur l’état de droit.  Tous les acteurs politiques doivent donc s’engager dans un dialogue inclusif pour résoudre le problème politique actuel dès que possible, et il faut organiser de nouvelles élections légitimes.  Pour cela, elle a appelé à un processus inclusif, y compris la participation pleine, égale et significative des femmes, afin de trouver une solution haïtienne à la situation politique.  Pour la représentante, cette situation pourrait bénéficier d’un engagement international plus fort, y compris un BINUH plus fort.   

La déléguée a plaidé pour que les violations et exactions liées à la violence armée à Port-au-Prince soient traitées de toute urgence.  Le recours signalé à la violence sexuelle et au viol par des gangs criminels comme arme pour terroriser et affirmer leur contrôle est inacceptable, a-t-elle déclaré.  Elle a regretté que cette violence contribue à déplacer les populations affectées, en particulier les femmes et enfants, notant que les personnes handicapées courent également des risques particuliers.  Elle a appelé les autorités à faire davantage pour protéger leurs citoyens, veiller à ce que les travailleurs humanitaires aient un accès sans entrave et mettre rapidement en œuvre la stratégie nationale de réduction de la violence communautaire.  Enfin, la représentante a dit attendre avec intérêt l’évaluation du mandat du BINUH, estimant que ce n’est pas le moment pour la communauté internationale de réduire son engagement en Haïti.  

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a constaté que la situation politique et sécuritaire en Haïti est restée volatile et tendue depuis la dernière réunion du Conseil consacrée à ce pays.  Malgré la polarisation actuelle, il s’est félicité des efforts déployés par les dirigeants haïtiens pour parvenir à un consensus sur l’avenir politique du pays.  Il a également salué le fait que le Premier Ministre ait réitéré, le mois dernier, son engagement à dialoguer avec toutes les parties prenantes et confirmé que le prochain chef de l’État serait choisi par la voie démocratique.  Le représentant s’est toutefois déclaré préoccupé par la persistance des violences liées aux gangs, principalement dans la capitale Port-au-Prince, appelant à un renforcement des capacités de la Police nationale d’Haïti.  Il a d’autre part observé qu’en dépit des divers défis, les projets du Fonds pour la consolidation de la paix en faveur de la réduction de la violence communautaire et du programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) progresse positivement. Enfin, affirmant attendre avec intérêt l’évaluation indépendante du BINUH attendue en avril pour définir la marche à suivre en Haïti, il a rappelé que l’Inde a renforcé son aide à ce pays, notamment à la suite du passage de l’ouragan Mathew en octobre 2016 et durant la pandémie de COVID-19. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déclaré qu’Haïti traverse aujourd’hui une crise très grave, sur plusieurs fronts.  « La classe politique est minée par les divisions, la plupart des institutions connaissent de profondes difficultés, les groupes criminels terrorisent la population et Haïti se relève à peine du tremblement de terre du mois d’aout 2021. »  Il y a urgence, a déclaré la déléguée.  Elle a affirmé que seul le dialogue peut sortir Haïti de la crise politique actuelle.  Elle a salué à cet égard la constitution d’un gouvernement d’ouverture, en novembre dernier, sous l’égide du Premier Ministre Ariel Henry.  Il faut mettre un terme à la violence des gangs, a poursuivi la déléguée.  « La priorité est de consacrer davantage de moyens à la Police nationale d’Haïti, qui en retour doit se montrer irréprochable. »  Elle a ensuite souligné l’importance de renouer avec un fonctionnement normal des institutions.  « Il faut regarder les choses en face: aujourd’hui le système judiciaire haïtien est déliquescent. »  Or, il est crucial pour Haïti de mener à bien l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse, a tranché la déléguée.  Enfin, jugeant alarmante la situation humanitaire en Haïti, elle a déclaré qu’en 2022 la France contribuera à la réponse humanitaire en Haïti à hauteur de 6,5 millions d’euros. 

M. FERIT HOXHA (Albanie)a déclaré que la lutte contre l’insécurité reste la priorité absolue en Haïti.  Par conséquent, le rétablissement de l’autorité de l’État doit être le point de départ de la marche vers la normalité, a estimé le représentant.  À cet égard, a-t-il dit, tous les efforts doivent être faits pour renforcer la Police nationale d’Haïti et l’assistance internationale est nécessaire pour faciliter les réformes judiciaires, lutter contre la corruption et mettre fin à l’impunité.  Le pays ne sortira pas de ces crises sans une voie claire vers la démocratie, a souligné M. Hoxha, qui a pris note de la volonté du Premier Ministre Ariel Henry de dialoguer, y compris auprès des partisans de « l’accord du Montana ».  À ses yeux, la solution réside dans un dialogue national inclusif, avec la participation de toutes les parties prenantes politiques, économiques et de la société civile.  La communauté internationale peut et doit aider, mais le règlement de la crise est entre les mains des Haïtiens eux-mêmes, a prévenu le délégué. 

M. Hoxha a appelé à accélérer les préparatifs des élections qui doivent êtres inclusives, pacifiques, libres, équitables, transparentes et crédibles et avec la participation pleine, égale et significative des femmes, et de la société civile.  Après avoir salué les 600 millions de dollars promis à la conférence internationale des donateurs pour aider Haïti à se reconstruire, le représentant albanais a appelé les autorités haïtiennes à travailler avec le BINUH pour engager les réformes urgentes dont le pays a besoin et améliorer la stabilité politique et la bonne gouvernance et de créer un Haïti plus sûr, démocratique, juste et plus prospère. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a exhorté les dirigeants politiques d’Haïti, ses professionnels et les membres de la société civile à faire preuve de compromis en forgeant un modèle constitutionnel et en organisant des élections crédibles pour déboucher sur la création d’un gouvernement inclusif et compétent.  L’Union africaine et les États africains doivent partager leurs connaissances et leurs bons offices avec le peuple d’Haïti en ce moment de besoin, a-t-il estimé, rappelant que l’Acte constitutif de l’Union africaine reconnaît la diaspora comme sixième région, et qu’Haïti en fait partie. 

Poursuivant, le représentant a salué les efforts en cours du BINUH et d’autres partenaires pour renforcer la capacité de la Police nationale d’Haïti, notamment en ce qui concerne les opérations antigangs.  Il a souligné la nécessité d’intégrer, dans les programmes d’assistance, des formations à la protection des femmes et des filles contre les violences et abus sexuelles et sexistes.  Il a également encouragé les autorités haïtiennes à procéder à une réforme de fond du secteur judiciaire afin de lutter contre les détentions préventives prolongées, créer des bureaux d’aide juridique, accélérer des affaires judiciaires et établir des greffes fonctionnels.  Ces mesures sont essentielles pour lutter contre l’impunité et veiller à ce que les responsables de crimes emblématiques, dont l’assassinat du Président Jovenel Moïse, soient traduits en justice, a souligné M. Kimani qui a jugé tout aussi essentiel que le lien entre la politique, les gangs et les flux financiers illicites soit brisé. 

Sur le plan économique, le représentant des A3 a jugé urgent de s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de la précarité afin de permettre une reconstruction durable en Haïti, déplorant que le pays continue de perdre la précieuse main-d’œuvre dont il a besoin pour sa reconstruction.  Il a ensuite remercié les donateurs ayant pris part à la réunion du 16 février sur la reconstruction et le relèvement de la péninsule Sud d’Haïti suite au tremblement de terre dévastateur du 14 août et à la tempête tropicale Grace du 17 août dernier.  Notant que la majorité des 14 milliards de dollars levés à cette occasion sont destinés à financer les réponses d’urgence, il a souligné qu’une aide supplémentaire est nécessaire pour appuyer la sécurité alimentaire, le développement des infrastructures, la réforme du secteur de la justice et de la sécurité, l’éducation, et la gestion des risques de catastrophe.  Il a en outre souhaité que le mandat du BINUH soit revu afin qu’il puisse offrir un meilleur soutien au pays. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a condamné les violences perpétrées par des gangs armés qui sapent les efforts de paix en Haïti, appelant au renforcement de l’état de droit pour rétablir la stabilité et remettre le pays sur la voie de la prospérité.  Dans cet esprit, la représentante a jugé essentiel d’élargir la représentation et l’inclusion de tous les segments de la société haïtienne, en particulier des femmes, qu’il convient aussi de protéger contre la violence.  Elle a d’autre part préconisé de renforcer le secteur de la sécurité pendant le processus de transition et de lutter contre la corruption.  Elle a également estimé que la réduction de la violence communautaire nécessite des solutions durables, notamment par le biais du développement et des efforts humanitaires.  À cet égard, la déléguée a souhaité que les programmes de relèvement, tels que les initiatives de développement communautaires, permettent d’améliorer les moyens de subsistance et d’offrir des opportunités aux Haïtiens.  Elle a dit attendre avec intérêt le prochain rapport d’évaluation stratégique, tout en se disant convaincue qu’une stratégie cohérente dirigée par Haïti lui-même, avec l’appui de l’ONU, est la solution pour restaurer la paix et la stabilité dans le pays. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a dit qu’Haïti est très proche du cœur des Brésiliens et rappelé que son pays a déployé des milliers de Casques bleus au sein de l’ancienne Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Qualifiant la situation en Haïti de critique, il a estimé que la présence de l’ONU doit être réévaluée, selon une approche intégrée, prenant en compte les dimensions sociale, politique et économique de la crise.  « Haïti doit briser le cercle vicieux de la pauvreté, de la criminalité et de la violence politique. »  Il a aussi souhaité un renforcement sur le dossier de la coopération entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission de consolidation de la paix.  Il a rappelé que cette dernière a été créée pour catalyser les efforts de consolidation de la paix et de promotion du développement.  Le représentant du Brésil a jugé inévitable une discussion en profondeur du mandat du BINUH et dit attendre avec impatience les recommandations du Secrétaire général en avril. Enfin, il a souhaité que le principe fondamental de l’ONU, qui est de « ne laisser personne sur le côté », guide les efforts du Conseil en ce qui concerne la crise haïtienne. 

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a déclaré que les défis sécuritaires, sanitaires et économiques auxquels Haïti est confronté ne peuvent être résolus que par un soutien unifié aux solutions dirigées par Haïti.  À cet égard, l’appui au BINUH demeure essentiel, a-t-elle estimé, s’inquiétant en outre de la persistance de l’impasse politique et de ses répercussions sur le peuple haïtien.  Elle a soutenu les efforts en cours pour parvenir à un consensus politique pour assurer la tenue d’élections libres, équitables et crédibles.  Elle incombe en outre aux partenaires internationaux d’Haïti de soutenir une solution dirigée par Haïti. 

Rappelant que l’assassinat du Président Moïse a été un acte odieux, elle a réitéré son appel pour que les auteurs de ce crime soient traduits en justice.  Le Royaume-Uni est aussi préoccupé par la détérioration de la situation en matière de sécurité et de droits humains, en particulier par l’augmentation des enlèvements, de la violence criminelle et les cas de traite des êtres humains, a-t-elle ajouté.  Profondément préoccupé par la situation humanitaire dans le pays, la représentante a encouragé tous les acteurs à travailler de manière constructive avec les autorités haïtiennes pour trouver des solutions aux causes profondes de ces crises et pour soutenir le développement et le progrès du peuple haïtien. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que la situation en Haïti est marquée par une crise profonde, s’inquiétant du vide du pouvoir à tous les niveaux, ainsi que la paralysie des systèmes judiciaire et de sécurité.  Il a pris note des mesures adoptées par le Gouvernement pour avancer dans le bon sens, avec des résultats modestes.  Le représentant a déploré que des armes à feu rentrent dans le pays par des ports que le Gouvernement ne contrôle visiblement pas.  Il s’est également inquiété du manque de progrès dans l’enquête sur l’assassinat du Président Moise.  Des informations laissent voir une implication étrangère dans cet acte, a-t-il affirmé, souhaitant que les coupables en rendent compte.  Pour permettre au pays de sortir de la crise, il a appelé à lancer des réformes qui conduiraient à la tenue des élections afin d’éviter que le pays ne sombre dans un gouffre.  De même, la BINUH doit favoriser le dialogue entre les parties prenantes haïtiennes, a—t-il préconisé. 

M. ANTONIO RODRIGUE (Haïti) a commencé par exprimer sa gratitude pour l’élan de solidarité international qui a permis de mobiliser, mercredi dernier, 600 millions de dollars en promesses de don pour la reconstruction de la péninsule du Sud d’Haïti, frappée l’an dernier par un séisme dévastateur.  Il a ensuite estimé qu’il importe aujourd’hui de remettre les institutions démocratiques de son pays sur les rails, compte tenu de leur dysfonctionnement actuel.  Évoquant à ce sujet l’assassinat en juillet dernier du Président Jovenel Moïse, il a constaté que le système judiciaire national n’arrive pas à faire la lumière sur ce drame. De plus, a poursuivi le représentant, nous n’avons plus de Parlement capable de jouer le rôle dévolu au pouvoir législatif.  Rétablir le plus rapidement possible le fonctionnement normal des institutions est donc impératif pour ramener durablement la paix et la stabilité dans le pays, a-t-il dit, assurant que le Gouvernement œuvre à la construction de consensus à cette fin.  Dès son entrée en fonction, le Premier Ministre, M. Ariel Henry, a ainsi tenu à rencontrer tous les acteurs de la vie nationale afin de trouver un accord pour une « gouvernance apaisée et efficace » durant la période intérimaire, a précisé le délégué, non sans se réjouir que cette initiative ait permis de rallier des adversaires politiques. 

Il convient à présent de mettre en place les structures indispensables à la tenue d’une consultation populaire pour l’adoption d’une nouvelle Constitution et d’organiser des élections générales libres, honnêtes et démocratiques, a poursuivi le représentant, selon lequel, « si tout se passe bien », le pouvoir devrait être rendu à des élus choisis par le peuple haïtien « au début de l’année prochaine ».  Il a toutefois averti que l’insécurité actuelle fait peser un risque important sur tout le processus.  En effet, a-t-il déploré, les gangs armés font régner la terreur dans plusieurs régions du pays et dans divers quartiers de la capitale, ce qui implique de rétablir l’ordre et de restaurer l’autorité de l’État préalablement à l’organisation d’élections.  Faisant état de succès de la PNH, notamment de la réouverture d’écoles dans des quartier contrôlés par des gangs et de terminaux pétroliers bloqués plusieurs semaines par des « bandits », il a reconnu que beaucoup reste à faire pour revenir à une situation normale et que « la répression seule ne suffit pas ». 

Nous avons besoin d’un soutien renforcé pour les corps spécialisés de la Police nationale, a expliqué M. Rodrigue, précisant que ces derniers manquent cruellement d’armes, de munitions et d’équipements appropriés.  Nos policiers ont aussi besoin de formation et d’encadrement adaptés pour leur permettre de faire face efficacement à la situation, a-t-il ajouté, avant de relever que l’instabilité chronique que connaît son pays non seulement perturbe la vie économique, mais empêche aussi les investissements et fait fuir les touristes, tout en maintenant le peuple dans la misère en en poussant les jeunes vers l’émigration illégale.  Sans des investissements massifs, sans la création d’emplois durables et bien rémunérés, nos efforts seront vains, a estimé le délégué, formant l’espoir que la solidarité internationale avec Haïti, constatée mercredi dernier, se manifestera aussi pour le rétablissement de la sécurité.

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