8906e séance - Matin & après-midi
CS/14704

Diplomatie préventive: le Conseil de sécurité veut tout mettre en œuvre pour encourager les échanges réguliers avec les autres organes principaux

Invité par sa présidence mexicaine à réfléchir sur la diplomatie préventive en tant qu’objectif commun pour tous les organes principaux de l’Organisation des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté, aujourd’hui, une déclaration présidentielle dans laquelle il se dit « déterminé à tout mettre en œuvre pour encourager les échanges réguliers avec l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice et le Secrétariat, dans le respect des mandats conférés aux uns et aux autres par la Charte des Nations Unies, en particulier sur les questions relatives aux outils et mécanismes de diplomatie préventive ».  Le Conseil rappelle notamment que les différents organes principaux de l’Organisation des Nations Unies « sont tenus, dans la limite de leurs propres mandats, de contribuer à la réalisation des buts énoncés à l’Article 1 de la Charte des Nations Unies ».

Une cinquantaine de délégations ont pris part à ce débat ouvert lors duquel se sont exprimés le Secrétaire général et les Présidents des organes principaux de l’ONU, à savoir le Président de l’Assemblée générale, le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), la Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ) et le Président du Conseil de sécurité pour le mois en cours, l’Ambassadeur du Mexique.

« Nous avons des reporters de guerre mais pas de reporters de paix », a constaté le Secrétaire général, pour qui la prévention ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite, alors même qu’elle est absolument essentielle pour garantir une paix durable.  Pour lui, la prévention est l’objectif ultime des travaux du Conseil de sécurité et de ses résolutions, qui visent à aider les pays à forger la paix et la stabilité et à régler leurs différends avant qu’ils ne se transforment en conflit armé.  Elle est la raison profonde de l’existence même des Nations Unies.  Malheureusement, a-t-il déploré, on compte trop « d’occasions manquées » en matière de prévention, à cause de la méfiance entre les États Membres.

Il suffit de passer en revue l’éventail des questions que le Conseil abordera en ce seul mois de novembre pour constater que l’ONU n’a pas été en mesure d’empêcher ces conflits de survenir, de s’intensifier et de menacer la paix et la sécurité internationales, a fait observer le représentant du Mexique.  D’où ce débat, qui doit permettre de réfléchir à ce qui peut être fait pour éviter que davantage de situations n’atteignent le Conseil et que ce dernier ne se limite pas à gérer les conflits.

De fait, les discussions ont porté essentiellement sur la coopération entre le Conseil de sécurité et les autres organes principaux.

« Nous comprenons mieux comment les facteurs socioéconomiques exacerbent les conflits et apprécions mieux le rôle de la diplomatie dans leur prévention », a assuré le Président de la soixante-seizièmesession de l’Assemblée générale, M. Abdulla Shahid, qui s’exprimait pour la première fois devant le Conseil de sécurité.  Il a dit comprendre que la paix nécessitait un effort holistique qui va au-delà des paradigmes traditionnels.

La plupart des sujets liés à la prévention des conflits sont couverts par l’ECOSOC, a rappelé son Président, M. Collen V. Kelapile, qui a déploré le fait qu’il n’y ait eu à ce jour que deux demandes explicites d’assistance à l’ECOSOC de la part du Conseil de sécurité, le dernier remontant à 1973.

Quant à la Présidente de la CIJ, Mme Joan Donoghue, elle a mis l’accent sur la Déclaration de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit aux niveaux national et international de 2012, un texte qui reconnaît les contributions respectives des différents organes à la prévention des conflits et rappelle la « capacité des organes pertinents des Nations Unies de solliciter des avis consultatifs de la Cour internationale de Justice ».  Lors du débat, nombre de délégations, dont plusieurs membres du Conseil, ont regretté que cette compétence de la Cour soit sous-utilisée.

Un grand nombre d’intervenants ont mis en avant le rôle de la Commission de consolidation de la paix, organe subsidiaire créé conjointement par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale en 2005.  Comme l’a rappelé l’Égypte, qui la préside actuellement, les États voient en elle une plateforme centrale, fédératrice pour l’ONU et capable d’organiser des réunions avec les principaux organes.  La déclaration présidentielle adoptée voit dans le rôle consultatif de la CCP un « outil majeur qui complète les capacités de la communauté internationale en ce qui concerne le programme de consolidation de la paix au sens large ».

Au titre des organes subsidiaires que les organes principaux, et en particulier le Conseil de sécurité, devraient consulter plus régulièrement, plusieurs délégations ont également cité le Conseil des droits de l’homme.

Mais si nombre d’intervenants ont souhaité voir le Conseil de sécurité interagir davantage avec d’autres organes, y compris le Mouvement des pays non alignés, ce dernier a aussi dénoncé un « empiétement accru et continu » du Conseil sur des questions « qui relèvent manifestement des fonctions et pouvoirs d’autres organes principaux de l’ONU et de leurs organes subsidiaires », avant de rappeler que les principaux organes avaient « des rôles distincts et séparés aux termes de la Charte » et ne devaient exercer que les fonctions et pouvoirs énoncés dans leurs mandats.

Le Mouvement des pays non alignés a aussi réclamé l’abrogation des mesures coercitives unilatérales à l’encontre d’États Membres, mesures qui ne sont pas autorisées par le Conseil de sécurité et que le Mouvement juge illégales.  Dans le même sens, la Fédération de Russie a noté qu’un moyen de renforcer la prévention consisterait à éviter l’imposition de solutions extérieures et les politiques de « deux poids, deux mesures » qui font que, face à certains États, on laisse du temps et tergiverse, alors que, pour d’autres, on impose rapidement des sanctions sans tenir compte des points de vue.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: « LA DIPLOMATIE PRÉVENTIVE AU SERVICE DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ: UN OBJECTIF COMMUN POUR TOUS LES ORGANES PRINCIPAUX DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES » S/2021/888

Déclarations 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a constaté d’emblée que la prévention ne reçoit pas toujours l’attention qu’elle mérite, et a attribué ce fait à la difficulté qu’il y a à mesurer ses résultats visant à empêcher un conflit, prévenir une guerre ou à éviter à l’avance des souffrances à des milliers de personnes.  « Nous avons des reporters de guerre mais pas de reporters de paix », a-t-il constaté, alors même que la prévention est absolument essentielle pour garantir une paix durable.  La prévention est l’objectif ultime des travaux du Conseil et de ses résolutions pour aider les pays à forger la paix et la stabilité et à régler leurs différends avant qu’ils ne se transforment en conflit armé, a affirmé le Secrétaire général, la prévention est la raison profonde de l’existence même des Nations Unies.

Cette Organisation est née des cendres de la Seconde Guerre mondiale, avec l’intention avouée, scellée dans la Charte, de ne plus jamais soumettre l’humanité à l’inhumanité de la guerre, a rappelé M. Guterres.  Au cours des 76 années écoulées, l’ONU a donné au monde un havre de dialogue, des outils et mécanismes pour le règlement pacifique des différends, a-t-il poursuivi, en invoquant les mandats respectifs des principaux organes de l’ONU: depuis la dimension préventive du travail de la Cour internationale de Justice (CIJ); jusqu’à celle du développement pour la prévention des conflits, à quoi s’emploie le Conseil économique et social; en passant par les résolutions adoptées en 2016 par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour rappeler que la prévention doit figurer au cœur des buts communs d’instauration et de maintien de la paix; jusqu’à ces femmes et ces hommes qui s’efforcent, au quotidien, de maintenir la paix partout dans le monde.

Le Secrétaire général a rappelé qu’il avait plaidé en faveur d’une prévention précoce pour mieux intégrer l’évaluation et la prévention des risques en prêtant main forte aux États, et établi un lien avec les causes sous-jacentes des conflits comme la pauvreté, l’absence ou la pénurie d’articles de base. 

Bien trop souvent les conflits sont le fruit de défaillances dans les systèmes de sécurité et de gouvernance où des groupes, profitant du vide, s’emparent de la gouvernance par la force, a poursuivi M. Guterres, pour qui toutes ces carences sont des poudrières susceptibles de créer des conflits.

La prévention consiste à désamorcer, par le dialogue, les tensions; à faire en sorte qu’aucune mère ne se demande comment nourrir son enfant; à favoriser la tolérance par le respect des droits de l’homme, à œuvrer au développement et à garantir les ODD pour tous, ainsi qu’à désamorcer les conflits et les dissensions, a encore expliqué le Secrétaire général.  Le rapport « Notre Programme commun », a-t-il rappelé, propose la conception d’initiatives de la paix aux fins d’éviter la résurgence des conflits, et de reconnaître l’importance du développement durable.

Pour M. Guterres, la diplomatie préventive et le développement doivent être concomitants.  Des différends frontaliers aux crises électorales ou aux pourparlers fragiles, les représentants spéciaux de l’ONU et autres fonctionnaires s’emploient à la paix, a-t-il rappelé.  Il a aussi souligné le rôle de la coopération avec les organisations régionales et internationales, en fournissant les exemples actuels en Somalie, où l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne œuvrent de concert pour éviter une escalade des tensions.  En Libye, l’ONU s’attelle aux pourparlers.  En Asie centrale, elle aide les pays de la région à résoudre les questions liées aux ressources hydriques et à la lutte contre le terrorisme.  Le Secrétaire général a également cité les activités de l’ONU dans la région des Grands Lacs et le travail du Coordonnateur spécial pour la paix dans le Sahel, ainsi que les efforts en cours en Papouasie-Nouvelle-Guinée.  Tout cela, a-t-il fait observer, se fait sur fond de pandémie de COVID-19, et les équipes de pays et les coordonnateurs résidents apportent des solutions sur le terrain.

Citant de nouveau son rapport « Notre Programme commun », M. Guterres a rappelé qu’il avait appelé à un nouveau contrat social et à la pleine réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il faut faire cesser les disparités, a-t-il plaidé, en insistant sur une participation égale pour les femmes.  Il faut aussi joindre le geste à la parole en matière de respect des droits de l’homme.  Il faut des systèmes d’alerte précoce pour éviter des crises imminentes, des capacités de médiation et puiser dans celles de toutes les dirigeantes qui peuvent devenir des représentantes spéciales.

La prévention n’est pas un outil politique mais une voie réaliste vers la paix, a affirmé le Secrétaire général, qui a demandé le soutien total du Conseil et de tous les États Membres.

Nous avons connu trop d’occasions manquées en matière de prévention à cause de la méfiance entre États Membres sur leurs motivations respectives, a aussi déploré le Secrétaire général, pour qui une telle attitude est « compréhensible » dans la mesure où nous vivons dans un monde où les rapports de force ont toujours été déséquilibrés. 

M. Guterres a souligné qu’une paix durable exigeait un travail constant avec les dirigeants, les communautés et tous les partenaires afin de construire la stabilité que seul le développement inclusif peut apporter, et non un monde où règne la pratique du deux poids, deux mesures et où des groupes entiers sont laissés de côté par l’injustice et la discrimination.  « Soyez à nos côtés pour construire la paix par le dialogue et la coopération; c’est la seule solution viable pour bâtir notre avenir commun », a conclu le Secrétaire général.    

M. ABDULLA SHAHID (Maldives) Président de l’Assemblée générale, prenant pour la première fois la parole au Conseil de sécurité en tant que Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale, a rappelé que voici 76 ans que les Nations Unies représentent le « summum » de ce que la diplomatie concertée peut accomplir pour prévenir les conflits mondiaux.  Au cours de cette période, beaucoup a été appris sur ce qu’il est nécessaire de faire pour préserver la paix internationale.  Nous comprenons mieux comment les facteurs socioéconomiques exacerbent les conflits et apprécions mieux le rôle de la diplomatie dans leur prévention.  Nous comprenons que la paix nécessite un effort holistique qui va au-delà des paradigmes traditionnels.  Elle nécessite une approche qui prenne en compte les priorités en matière de sécurité, de droits de la personne et de développement de l’ensemble des membres et une autre qui responsabilise toutes les voix dans le discours sur la sécurité mondiale, y compris les femmes et les jeunes.  C’est pour cette raison que beaucoup d’États Membres demandent de plus en plus un Conseil de sécurité davantage représentatif, afin de mieux l’équiper face aux défis nouveaux et complexes du XXIe siècle, a-t-il précisé.

M. Shahid a également déclaré que, comme le reconnaît le Programme de développement durable à l’horizon 2030, notre santé, notre prospérité économique, le bien-être de notre planète et notre sûreté et notre sécurité sont étroitement liés et les communautés qui luttent pour répondre à leurs besoins les plus élémentaires ou qui manquent de mobilité économique et sociale, sont aussi celles qui sont sujettes aux troubles et aux conflits.  Par ailleurs, des institutions inefficaces privent les gens d’espoir et sapent leur confiance dans les gouvernements et les systèmes judiciaires.  L’absence de participation démocratique, de libertés politiques et d’égalité prive des populations entières de leurs droits humains.  Cela limite leur capacité à invoquer des recours pacifiques pour réparer les torts qui leur ont été causés et nous voyons ces vérités confirmées dans de nombreux endroits en proie à des conflits à travers le monde.  Pour toutes ces raisons, la communauté mondiale doit « simplement » faire plus, c’est à dire qu’outre l’aide humanitaire, elle doit soutenir les mesures préventives en vue de renforcer la résilience et renforcer le développement durable pour donner aux gens la possibilité de vivre dans la dignité et la prospérité.  Les droits de l’homme, la justice et le développement durable sont nos meilleurs outils pour construire et maintenir la paix et la sécurité, a-t-il dit.

Le Président de l’Assemblée générale a également déclaré que la diplomatie préventive est aujourd’hui assurée par un éventail d’acteurs, avec à leur disposition une gamme d’outils plus vaste que jamais.  Il s’agit notamment du développement de systèmes d’alerte précoce et de mécanismes de financement ciblés pour une réponse rapide, de la mise en place de structures de prévention dédiées et l’utilisation continue d’envoyés spéciaux.  L’importance cruciale des opérations de maintien de la paix dans la boîte à outils globale de l’Organisation pour la paix et la sécurité est également reconnue depuis des décennies, a-t-il dit.  Cependant, le maintien de la paix et la consolidation de la paix ne se limitent plus au maintien de la paix militaire traditionnel, mais comprennent également le renforcement des capacités, des institutions et de l’intégrité démocratique.  Cela réduit considérablement la probabilité de conflit et constitue l’une des stratégies les plus efficaces pour garantir une paix durable.  Pour cette raison, le Président a salué l’appel lancé dans le cadre de « Notre programme commun » à investir dans la prévention et à renforcer les efforts de renforcement de la paix grâce à un financement adéquat et prévisible.  « Et j’appelle tous les organes de l’ONU à se coordonner pour ancrer plus profondément la consolidation de la paix et les opérations de maintien de la paix dans l’architecture de sécurité mondiale », a ajouté le Président de l’Assemblée générale.

Poursuivant, il a rappelé que la sécurité mondiale sera toujours du ressort du Conseil de sécurité.  Cependant, le travail accompli par l’Assemblée générale et le Conseil économique et social (ECOSOC) pour bâtir des communautés résilientes et prospères facilite le travail du Conseil de sécurité.  Alors que la revitalisation de l’Assemblée est l’un des éléments clefs de ma « Présidence de l’espoir », il a voulu non seulement le rendre plus inclusif des points de vue et des priorités des États Membres, également renforcer la coopération entre les principaux organes des Nations Unies, pour rationaliser les réponses aux défis mondiaux, y compris les défis sécuritaires.  Le Président a donc appelé les États Membres à mettre en œuvre la résolution 75/325 de l’Assemblée générale sur la « revitalisation des travaux de l’Assemblée générale », qui « encourage une interaction régulière et une coordination continue entre les présidents de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC ».  Des réunions de coordination régulières entre l’Assemblée, le Conseil et l’ECOSOC contribuent à aplanir les divergences et à améliorer l’efficacité de notre travail.  « Pour ma part, en tant que Président de l’Assemblée générale, je tiens à m’engager avec mes pairs pour mettre en synergie nos efforts pour mieux nous relever, améliorer la gouvernance mondiale et renforcer le régime de sécurité internationale », a-t-il assuré.

M. COLLEN V. KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a regretté qu’à ce jour, les interactions entre le Conseil de sécurité et l’ECOSOC soient restées sporadiques et ad hoc.  Appelant à une collaboration plus institutionnalisée, il a signalé que l’Article 65 de la Charte stipule clairement que « le Conseil économique et social peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l’assister à sa demande ».  Toutefois, le Président a constaté qu’il y a eu seulement deux exemples de demandes explicites d’assistances à l’ECOSOC par le Conseil de sécurité, faisant référence à cet Article 65, pour la situation en Corée en 1950 et celle de la Zambie en 1973.

L’ECOSOC, ainsi que ses organes subsidiaires, a pourtant beaucoup à offrir, a poursuivi son Président.  Il a rappelé que ce sont les travaux précurseurs de la Commission de la condition de la femme sur l’intégration de la dimension du genre qui ont donné l’impulsion nécessaire à l’examen de la question des femmes, de la paix et de la sécurité au Conseil de sécurité.  En outre, a mis en avant M. Kelapile, la Commission du développement social de l’ECOSOC s’intéresse à l’exclusion sociale et aux inégalités et se concentre sur les communautés souvent laissées pour compte.  Les informations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pourraient constituer un système d’alerte précoce, a-t-il estimé.  Par ailleurs, les examens nationaux volontaires du forum politique de haut niveau pour le développement durable offrent également des indications précieuses pour la mise en œuvre du Programme 2030 dans les pays touchés par les conflits, a-t-il ajouté.

Confiant qu’il était originaire d’une région du monde, le Sahel, où les défis à la paix et au développement ont été les plus difficiles à relever, M. Kelapile a jugé que ce dossier, ainsi que celui de l’extrême pauvreté au Sud-Soudan et la situation en Haïti, qui sont à l’ordre du jour des deux Conseils, « pourraient bénéficier d’approches conjointes et complémentaires ».

Le Président de l’ECOSOC a ensuite proposé des « options pratiques » pour renforcer la coordination interconseils.  Premièrement, le Conseil de sécurité et l’ECOSOC pourraient s’appuyer sur leur précédente collaboration au début des années 2000, a-t-il conseillé, rappelant la mission conjointe en Guinée-Bissau en 2004.  Le Groupe de travail spécial sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique pourrait bénéficier de la participation d’un membre du Bureau de l’ECOSOC, a-t-il également recommandé.

Par ailleurs, M. Kelapile a également invité à s’appuyer sur l’expérience des interactions régulières existantes entre l’Assemblée générale, l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix (CCP), proposant en ce sens des réunions régulières entre les chefs des organes principaux et la présidence de la CCP.  Une autre option, a-t-il ajouté, serait de tenir des réunions conjointes régulières d’un comité composite des « bureaux » de l’ECOSOC, de la CCP et d’une troïka des présidents du Conseil de sécurité du mois en cours, du mois précédent et du mois suivant.  Ces réunions pourraient servir à mobiliser la volonté politique et la solidarité internationale, a-t-il estimé, ajoutant que le coordonnateur informel pour la Commission de consolidation de la paix et l’ECOSOC sera bientôt sélectionné. 

Enfin, le Président de l’ECOSOC a suggéré d’envisager que les réunions conjointes sur des thèmes communs s’étendent également à l’ensemble des membres du Conseil de sécurité, de l’ECOSOC et de la Commission de consolidation de la paix.  Le fait d’unir nos forces sur des crises de nature mondiale, telles que les pandémies et la crise climatique, démontrera au public mondial que les États membres peuvent mettre de côté leurs différences pour le plus grand bien, a-t-il appuyé.

Nous avons besoin de solutions innovantes aux crises multidimensionnelles dans tous les piliers de l’Organisation, a lancé M. Kelapile, rappelant que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités préexistantes au sein des pays et entre eux.  Saluant la convocation d’un débat ouvert de haut niveau sur l’exclusion, les inégalités et les conflits le 9 novembre, il a souligné que la question de la pandémie de COVID-19 constitue un domaine où le Conseil de sécurité et l’ECOSOC peuvent travailler ensemble, en coordination avec l’Assemblée générale. 

Mme JOAN E. DONOGHUE, Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui s’exprimait par visioconférence depuis La Haye, a estimé que la réunion d’aujourd’hui offrait une occasion idéale pour faire le suivi des points qu’elle avait abordés lors de sa récente intervention devant l’Assemblée générale à propos du dialogue entre les principaux organes de l’ONU à la recherche des moyens de promouvoir leurs objectifs communs dans le domaine de la paix et la sécurité.  Elle a rappelé que, dans sa note conceptuelle sur la séance de ce jour, l’Ambassadeur mexicain, M. Juan Ramón de la Fuente, avait attiré l’attention sur la Déclaration issue de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit aux niveaux national et international, adoptée à l’unanimité en 2012, et qui reconnaît les contributions respectives des différents organes à la prévention des conflits.

La Déclaration, a rappelé la Présidente de la CIJ, met en exergue l’interaction indispensable entre son institution et les autres principaux organes.  Dans ce contexte, la juge Donoghue a salué les efforts de ces derniers tendant à la promotion par les États Membres du règlement de leurs différends en s’adressant à la Cour.  Elle a aussi souligné que la même Déclaration exhortait les États ne l’ayant pas encore fait à envisager d’accepter la compétence de la CIJ.

La juge Donoghue s’est félicitée de diverses initiatives des organes de l’ONU et des États, notamment la plus récente « Déclaration sur la promotion de la juridiction de la Cour internationale de Justice », lancée début novembre par le Groupe restreint d’États (Core Group of States).  Elle a cependant fait observer que le dépôt d’une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ n’était que l’un des moyens par le truchement desquels les États peuvent exprimer leurs consentements et qu’en conséquence, l’encouragement à le faire pourrait être élargi au-delà des déclarations dites de « clause facultative ».  

La Présidente de la Cour a suggéré aux principaux organes de l’ONU de s’impliquer par d’autres voies.  Ainsi, a-t-elle fait valoir, en vertu du paragraphe 3 de l’Article 36 de la Charte, le Conseil de sécurité pourrait recommander, dans les cas de différends risquant de menacer la paix et la sécurité internationale, que les États concernés saisissent la CIJ, ce qu’il a du reste fait en référant la première affaire traitée par la CIJ relative au Détroit de Corfou.  Plus récemment, c’est le Secrétaire général qui avait joué un rôle crucial dans la saisine de la Cour pour le différend entre le Guyana et le Venezuela, a-t-elle poursuivi.

D’autre part, la Déclaration de 2012 rappelle la « capacité des organes pertinents des Nations Unies de solliciter des avis consultatifs de la Cour internationale de Justice », a encore indiqué Mme Donoghue, qui a renvoyé au fait que lors de la Semaine du droit international, qui a lieu chaque année en automne, les représentants des États lancent souvent des appels pour que les organes onusiens aient recours au mécanisme de consultation de la CIJ.  Le choix en reste entièrement entre les mains de ces organes, qui doivent peser le pour et le contre, en fonction des situations.

En troisième lieu, la Présidente de la CIJ a attiré l’attention sur le fait que dans sa Déclaration de 2012, l’Assemblée générale réaffirme l’obligation qu’ont tous les États de respecter les décisions de la Cour dans les affaires dans lesquelles ils sont partie.  Une fois que la CIJ prononce un jugement définitif, l’affaire n’est plus dans son registre.  En effet, la Cour n’est pas un organe de contrôle.  Toutefois, a-t-elle dit, en fonction des particularités de l’affaire, d’autres organes sont en mesure de jouer un rôle quant à la pleine application des arrêts de la CIJ.

La juge Donoghue a mentionné à cet égard l’alinéa 2 de l’Article 94 de la Charte qui attribue un rôle spécifique au Conseil de sécurité, qui peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt.  Le recours limité à cette disposition laisse entendre que les États ont trouvé d’autres voies et moyens, plus idoines, pour la pleine mise en œuvre des jugements de la CIJ en leur faveur, a commenté la Présidente.  Dans beaucoup de cas, les deux États, individuellement ou ensemble, appliquent le jugement sans aucune implication de tierces parties.  Dans d’autres, des acteurs extérieurs dans le cadre de l’ONU et ailleurs peuvent assister les deux États à passer d’une situation de conflit à une situation où le différend est résolu.

La juge Donoghue a enfin rendu hommage au rôle fondamental joué par l’ancien Secrétaire général, feu Kofi Annan, qui a contribué à l’application de l’arrêt de la CIJ dans l’affaire relative aux frontières terrestres et maritimes entre le Cameroun et le Nigéria, preuve, s’il en faut, que les organes de l’ONU sont à même de contribuer par ce biais à l’application du droit et à la promotion de la paix et la sécurité internationales.

Pour que l’ONU puisse mener une véritable diplomatie préventive, il est nécessaire de renforcer la coordination entre ses principaux organes, a soutenu M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), justifiant ainsi la convocation de ce débat.  À ses yeux, il suffit de passer en revue l’éventail des questions que le Conseil abordera ce seul mois de novembre pour constater que l’ONU n’a pas été en mesure d’empêcher ces conflits de survenir, de s'intensifier et de menacer la paix et la sécurité internationales.  Il convient donc, selon lui, de réfléchir à ce qui peut être fait pour éviter que davantage de situations n'atteignent le Conseil et que ce dernier ne se limite pas à gérer les conflits.

Pour M. de la Fuente Ramírez, on ne peut pas non plus peut ignorer la « stigmatisation » de nombreux pays lorsque leur situation nationale est examinée au Conseil de sécurité.  Cela devrait inciter les autres organes principaux à agir tôt et en temps opportun pour éviter l'émergence de conflits, a-t-il estimé, notant que la violence est toujours le produit d’un processus de frustration et de douleur.  Or cette « chaîne de cercles vicieux » peut être arrêtée par différents points de l’ONU, à condition qu’il y ait une réaction « rapide et coordonnée », a assuré le Président du Conseil, selon lequel il importe aussi de recourir aux outils offerts par la Charte de l’ONU pour le règlement pacifique des différends.

Il en va de même de la responsabilité des personnes responsables de crimes internationaux, a poursuivi le diplomate, non sans insister sur le fait que le veto « ne peut et ne doit pas être utilisé pour empêcher le Conseil d’agir en cas d’atrocités de masse ».  Chaque fois que cela se produit, a-t-il dit, « l’ONU échoue à deux titres: faute de prévention et faute de réaction ».  Mais, à ses yeux, la paix durable relève également de la responsabilité de tous les principaux organes de l’ONU, ce qui implique de montrer un « front commun », en adoptant une approche préventive qui place l’individu au cœur de l’Organisation.  Il a par ailleurs relevé que malgré la grave menace pour la sécurité internationale que la pandémie de COVID-19 a représentée depuis son origine, l’Assemblée générale a été la première à réagir de manière substantielle, suivie des mois plus tard par le Conseil de sécurité.

Le représentant a proposé de renforcer la communication et la collaboration des envoyés et représentants spéciaux du Secrétaire général avec les autres principaux organes de l'ONU pour les situations qui sont à l’ordre du jour du Conseil.  Il a également réitéré sa proposition de permettre au Secrétaire général de demander des avis consultatifs à la Cour internationale de Justice lorsque ceux-ci peuvent servir ses efforts de prévention des conflits.  Il a par ailleurs plaidé pour davantage de coordination entre les organes principaux et leurs organes subsidiaires, en particulier le Conseil des droits de l’homme, dont le travail est fondamental pour la diplomatie préventive.  Enfin, il a souhaité que ce type de réunion devienne régulier afin d’éviter que les dialogues entre les principaux organes ne se déroulent dans l’isolement.  Pour ce faire, il a suggéré la création d’un groupe de travail ou d’un forum permettant l’élaboration d’un véritable programme de communication.

Pour M.  TAREK LADEB (Tunisie), la diplomatie préventive est fondée sur les buts et principes de la Charte des Nations Unies, qui stipule notamment que l’ONU doit prendre des mesures préventives pour éviter les conflits et assurer la paix et la sécurité internationales.  Concédant que la Charte confère la responsabilité première dans ce domaine au Conseil de sécurité, le représentant a souligné qu’elle confère néanmoins aussi à l’Assemblée générale et au Secrétaire général la responsabilité d’attirer l’attention du Conseil sur des situations qui, à leur avis, pourraient menacer la paix et la sécurité internationales.

Notant que les causes des conflits sont multiples, le représentant a fait valoir que les défis qui en découlent exigent une optique plus large de la paix et la sécurité internationales, qui englobe la prévention de toute potentielle escalade des tensions liées à ces défis.  La Tunisie a donc insisté sur la pertinence de la tenue d’un plus grand nombre de réunions régulières au sein du Secrétariat de l’ONU pour évaluer les situations, en martelant que la diplomatie préventive est la meilleure option du point de vue politique et moral, mais aussi la moins coûteuse.  La diplomatie préventive doit inclure les partenariats avec les organisations régionales qui n’ont cessé de démontrer leur pertinence dans la prévention des conflits.  Convaincue que les guerres et conflits ne sont pas une fatalité, la Tunisie a appelé à s’éloigner du modèle actuel dans le cadre duquel la communauté internationale intervient dans l’urgence au lieu d’agir en amont et d’éviter d’en arriver aux guerres et conflits.  Les pertes en vies humaines et les souffrances des civils causées par ces guerres et conflits sont le prix de l’incapacité à prévenir, a déploré le représentant, pour lequel la prévention n’est pas une option mais un impératif.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est dite convaincue qu’une approche systémique du maintien de la paix était essentielle.  Pour elle, si la Commission de consolidation de la paix est un lieu évident, d’autres organes des Nations Unies ont également un rôle clef à jouer.  Elle a notamment jugé particulièrement importante l’architecture des droits humains: « les violations des droits humains sont souvent un indicateur précoce de conflit, et la diplomatie des droits humains est un élément clef de la diplomatie préventive », a-t-elle déclaré.  De plus, a ajouté Mme Woodward, le développement peut être la meilleure forme de prévention.  En effet, a expliqué la représentante, il est essentiel que le développement aborde simultanément les problèmes qui sont souvent à l’origine de conflits, notamment l’exclusion sociale, économique et politique.  Enfin, Mme Woodward a estimé qu’un ordre international fondé sur l’état de droit était indispensable à un monde plus pacifique, plus prospère et plus juste, avant de préciser que combattre la corruption et garantir l’accès de tous à la justice et à la sécurité peuvent être parmi les étapes les plus importantes dans la prévention des conflits.  Ainsi, pour le Royaume-Uni, surmonter les cloisonnements du système des Nations Unies reste crucial pour une prévention efficace des conflits par les Nations Unies.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a souligné que les principaux organes des Nations Unies ont des rôles et des fonctions spécifiques, déplorant les récentes tentatives d’impliquer le Conseil de sécurité dans des activités spécifiquement attribuées à des institutions spécialisées et aux organes de l’ONU créés à cet effet.  Il a estimé que charger le Conseil d’un nombre croissant de questions contribue à le détourner des questions pertinentes de paix et de sécurité internationales, soulignant que l’objectif de l’ONU sera mieux servi lorsque chacun de ses organes principaux travaillera en harmonie en se concentrant sur ses mandats.

Le représentant a également déploré qu’alors que le monde change, l’architecture institutionnelle responsable de la paix et de la sécurité internationales reste figée.  Une composition qui n’a pas évolué depuis 1945 empêche de tirer parti des capacités des États Membres, a estimé le délégué pour qui cette situation exige une réforme du multilatéralisme.

Il a souligné que l’Assemblée générale et le Conseil économique et social sont les forums appropriés où les États Membres peuvent discuter et travailler en collaboration sur les questions liées au domaine économique et social.  Préoccupé par l’expansion des groupes terroristes, il a engagé tous les organes de l’ONU, y compris le Conseil de sécurité, à adopter une approche de tolérance zéro à l’égard du terrorisme et agir contre les acteurs non étatiques et leurs sponsors.  L’importance d’un développement durable global, d’une croissance économique inclusive et de processus politiques pour prévenir les conflits et entreprendre des efforts efficaces de consolidation de la paix est clairement reconnu, a-t-il ajouté.  Ce qui manque, c’est l’engagement politique à appuyer de manière substantielle les efforts de la Commission de consolidation de la paix, a déploré le délégué qui a appelé à remédier à cette lacune avec détermination.

M. JUN ZHANG (Chine) a rappelé que la diplomatie préventive, qui porte sur la prévention lors des premières étapes d’une crise en vue d’agir rapidement, peut permettre d’en faire plus avec moins d’outils et d’efforts.  « Nous devons aider les pays en conflit à améliorer leur système de gouvernance, à renforcer leurs capacités en la matière, à avoir une approche axée sur l’être humain, à miser sur le développement et à étudier les différents moyens d’y parvenir conformément à leur spécificité nationale », a déclaré M. Zhang.  Aussi, a-t-il ajouté, « les grandes économies doivent avoir des politiques économiques et commerciales responsables afin de ne pas créer de volatilité dans les secteurs économiques et sur les marchés financiers ».  M. Zhang a ensuite affirmé que les parties concernées doivent pouvoir prendre leur destin en main, appelant à respecter les principes de la Charte, notamment la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires intérieures.  « La diplomatie préventive ne peut et ne doit pas devenir un prétexte d’ingérence dans les affaires intérieures », a déclaré le représentant.  Enfin, M. Zhang a souligné l’importance de renforcer la coordination, tant au sein du système des Nations Unies qu’à l’extérieur.  Il a ainsi estimé que le Conseil de sécurité devrait davantage coopérer avec l’Union africaine et d’autres organisations régionales pour les associer au règlement des conflits dans leurs régions respectives.

« L’ONU n’est pas parfaite », a observé M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) à l’entame de son propos.  Toutefois, s’est-il empressé d’ajouter, les progrès que nous avons accomplis au cours des huit dernières décennies sont « dans l’ensemble remarquables ».  À ses yeux, un autre pas important a été fait, voilà trois ans, lorsque l’Assemblée générale a approuvé par consensus le programme de réforme sur la paix et la sécurité, le développement et la réforme de la gestion.  Dans ce cadre, a-t-il noté, le Secrétaire général a proposé de nouvelles façons de renforcer la capacité de l’ONU à prévenir les conflits.  L’ONU a en effet un « avantage unique » lorsqu’elle s’engage dans la diplomatie préventive, étant donné sa forte présence dans les zones touchées par les conflits.  Il est donc essentiel, selon lui, d’autonomiser et de renforcer les mécanismes de terrain de l’ONU tels que le système des coordonnateurs résidents, les conseillers pour la paix et le développement, les missions politiques spéciales et les opérations de maintien de la paix.

M. DeLaurentis a indiqué que son pays met actuellement en œuvre une stratégie pour prévenir les conflits et promouvoir la stabilité, un dispositif qui s’appuie sur les enseignements tirés et les meilleures pratiques pour s’attaquer aux causes profondes des conflits actuels et prévenir les conflits futurs.  Bon nombre de ces leçons sont « pertinentes pour l’ONU », a-t-il assuré, citant notamment la primauté des solutions politiques aux conflits, la valeur de l’adhésion et de la responsabilité locales, le besoin de suivi et d’évaluation, et l’importance d’intégrer toutes les activités diplomatiques, d’assistance et de sécurité dans le cadre d’un plan cohérent.  Constatant d’autre part que les conflits sont souvent alimentés par des violations des droits de la personne, il a plaidé pour une meilleure coordination au sein du système des Nations Unies, ajoutant que les États-Unis continueront à faire pression pour que la Commission de consolidation de la paix informe le Conseil des droits de l’homme.

Dans le meilleur des cas, a-t-il poursuivi, l’ONU peut faire progresser la paix, la sécurité et la prospérité pour les peuples du monde entier.  Cela s’est vérifié lors de la pandémie de COVID-19, où elle a une nouvelle fois démontré son rôle essentiel en temps de crise mondiale, a noté le représentant, avant de reconnaître qu’un « travail colossal » attend l’Organisation si elle veut faire de ce siècle « le plus pacifique et le plus prospère de l’histoire de l’humanité ».  Pour ce faire, a-t-il conclu, nous devons rester attachés à la vision énoncée par le Secrétaire général et approuvée par tous les États Membres, qui consiste à donner à l’ONU les moyens de prévenir la violence et de réunir les parties pour soutenir des solutions politiques aux conflits.

Estimant qu’il vaut mieux « prévenir que guérir », M.  SAMADOU OUSMAN AOUGUI NIANDOU (Niger) a déclaré que les actions de diplomatie préventive devraient occuper une place de choix dans l’architecture de la recherche et de la consolidation de la paix des Nations Unies.  « La prévention des conflits n’est pas une option, mais un impératif », a-t-il tranché.

Il a plaidé pour le renforcement de la cohérence, la coordination et l’interaction de tous les organes principaux de l’Organisation dans ce domaine.  La diplomatie préventive peut englober une intervention du Conseil de sécurité, du Secrétaire général et d’autres acteurs mais, a fait remarquer le représentant, l’intervention ne saurait se substituer au dialogue politique et à la médiation, car sans un dialogue véritable, la prévention des conflits et la paix durable sont difficiles à atteindre.  Pour cela, l’ONU doit également travailler en partenariat avec les organisations régionales afin de mettre un terme aux conflits en cours et empêcher que de nouvelles crises ne se déclenchent ou s’empirent.  À cet égard, le Niger a salué l’attachement du Secrétaire général au partenariat entre l’ONU et l’Union africaine, en particulier dans le Cadre conjoint ONU-UA pour le renforcement du partenariat en matière de paix et de sécurité de 2017.

Le Niger a également salué la création des bureaux régionaux des Nations Unies, dont l’UNOWAS en Afrique de l’Ouest, qui permettent non seulement de rapprocher l’ONU des populations mais aussi d’être à même de mieux contribuer à la prévention des conflits et à la consolidation de la paix dans la région en mettant l’accent sur ses défis spécifiques comme la criminalité organisée, le terrorisme, les effets des changements climatiques, les problèmes migratoires et la pauvreté.  En dernier lieu, le représentant a appelé au renforcement des capacités du Secrétariat des Nations Unies en termes de diplomatie préventive des organes délibérants compétents à travers l’allocation d’un budget conséquent.  En effet, une diplomatie préventive efficace pourrait éviter d’avoir à engager de multiples activités de maintien et de consolidation de la paix, ainsi que des mesures humanitaires et de reconstruction qui sont beaucoup plus coûteuses, a fait observer M. Niandou qui a appelé à renforcer la Commission de la consolidation de la paix.

« Une once de prévention peut valoir bien plus qu’une livre de remèdes », a appuyé M. PHAM HAI ANH (Viet Nam) qui a appelé les États Membres et organes des Nations Unies à redoubler d’efforts pour renforcer la prévention efficace des conflits par des mesures appropriées, notamment en appuyant le règlement pacifique des différends, la promotion de la culture de la paix, le renforcement de la confiance et le maintien de relations amicales entre les États.  Mais la prévention précoce des conflits exige également des solutions inclusives et globales pour s’attaquer aux causes profondes des conflits, a-t-il indiqué, ajoutant que les principaux organes du système des Nations Unies pourraient contribuer à cet objectif, en encourageant systématiquement le dialogue.  Ces activités devraient être planifiées et mises en œuvre à court et à long terme, a-t-il conseillé.  Dans le même temps, a-t-il poursuivi, les efforts de prévention doivent être menés en pleine consultation avec et entre les États Membres et conformément à la Charte, y compris le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale.  Il a également mis en avant les bons offices du Secrétaire général ainsi que le rôle important que peuvent jouer les organisations régionales et sous-régionales, « connaissant mieux que quiconque les particularités régionales ».

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a déclaré qu’en matière de diplomatie préventive, les systèmes d’alerte précoce de l’ONU et les organisations sous-régionales ont fait des efforts majeurs et ont su démontrer leur efficacité.  Cela dit, la prévention pourrait en effet être renforcée, notamment en évitant les politiques de deux poids, deux mesures, tout comme l’imposition de solutions venues d’ailleurs.  Comment se fait-il, s’est interrogée la représentante, que pour certains États, on laisse du temps, on tergiverse, et pour d’autres, on impose rapidement des sanctions, on ne tient pas compte des points de vue, on s’immisce dans les affaires internes, y compris en incitant les oppositions à la révolte ou à la rébellion armée.

La représentante a également relevé que les médiateurs, envoyés spéciaux et autres missions politiques spéciales et missions de paix ont également fait preuve d’efficacité.  Mais la Fédération de Russie n’examine pas le maintien de la paix sous le seul prisme de la protection des civils: il doit également aider au dialogue politique.  Mme Evstigneeva a également estimé que l’alerte précoce ne peut pas faire fond sur certains indicateurs arbitraires.  La Commission de consolidation de la paix doit également pouvoir servir la prévention, à condition qu’elle soit correctement financée, a-t-elle ajouté.

Estimant que le Conseil de sécurité ne peut pas résoudre tous les problèmes à la fois et donner son avis sur toutes les questions thématiques, elle a souligné que ce dernier ne doit pas s’écarter de sa trajectoire et de son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra atteindre les objectifs communs, a dit la représentante.

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a estimé que, si la prévention des conflits reste une responsabilité primordiale pour les États, elle est aussi une responsabilité partagée.  De fait, a-t-il souligné, la diplomatie préventive implique que les États s’engagent avec leurs voisins, via des arrangements sous-régionaux et régionaux, et avec la communauté internationale, y compris dans le cadre du chapitre VIII de la Charte de l’ONU.  Pour que le Conseil s’acquitte efficacement de son mandat, a poursuivi le représentant, il doit, en coordination avec les autres organes principaux de l’ONU, prendre en compte et traiter les problèmes économiques, politiques et sociaux aux dimensions du conflit.  En outre, il doit représenter une approche de justice internationale fondée sur l’équité et l’égalité politique et économique.

Évoquant ensuite les outils de prévention clefs, le délégué a tout d’abord cité la consolidation de la paix, essentiel pour prévenir l’escalade, la récurrence ou la poursuite d’un conflit.  Selon lui, le rôle consultatif de la Commission de consolidation de la paix à l’égard du Conseil et son mandat de transition doivent rester au cœur de la réponse des Nations Unies face aux menaces mondiales pour la paix et la sécurité.  Il a également fait valoir que le développement inclusif est un outil crucial de prévention, le sous-développement et l’insécurité étant étroitement liés, en particulier dans les pays en développement.

Après avoir rappelé l’implication de son pays dans ces questions, notamment par le biais de sa présidence du Groupe de travail ad hoc sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, le délégué a jugé nécessaire que le Conseil de sécurité se rallie à une diplomatie préventive qui dépasse la rhétorique et comprenne des efforts coordonnés axés sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), y compris l’éradication de la pauvreté et le soutien aux pays en phase de transition.  Il s’est aussi déclaré convaincu de la nécessité de rapprocher le « lien climat-sécurité » du développement, de l’investissement et du financement.  Une approche coordonnée sur la problématique « développement-climat-paix » contribuerait grandement, selon lui, à une évaluation localisée des risques et à des mesures d’adaptation accompagnées des financements nécessaires à l’action climatique.

Le représentant a enfin assuré que la gestion efficace de la diversité par les États constitue un outil de prévention essentiel, l’inverse conduisant à de graves menaces pour la paix internationale.  Invitant le Conseil de sécurité à prêter attention à cette dynamique, il a ajouté que les efforts coordonnés de l’ensemble du système des Nations Unies peuvent contribuer à aider les États à s’orienter vers un système de gouvernance qui équilibre les intérêts des citoyens de diverses origines, afin d’assurer la stabilité et de prévenir la violence communautaire ou organisée.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné que les auteurs de la Charte ont confié au Conseil de sécurité un mandat clair en matière de prévention des conflits.  Pour lui, si le Conseil se penche essentiellement sur des situations de conflits ouverts, des efforts importants ont été réalisés ces dernières années pour agir davantage en amont des crises et cibler leurs causes profondes.  « Investir en amont des conflits potentiels est le meilleur moyen de sauver des vies », a ainsi déclaré M. de Rivière, qui, tout en saluant l’élan impulsé par le Secrétaire général en faveur d’une « diplomatie de paix », a appelé à « faire davantage » et à « mieux prendre en compte les défis globaux susceptibles de porter atteinte à la paix et la sécurité internationales », comme les changements climatiques, les pandémies ou encore la désinformation.

Par ailleurs, M. de Rivière a insisté sur le fait que l’action du Conseil de sécurité en matière de diplomatie préventive doit s’articuler avec celle des autres organes du système des Nations Unies et organisations partenaires.  « Nous devons travailler plus étroitement encore avec les organisations régionales et sous-régionales », a-t-il déclaré, citant plus particulièrement le partenariat avec l’Union africaine et le rôle croissant de l’Organisation internationale de la Francophonie.  « C’est de notre aptitude à anticiper les risques, à s’y préparer et à y apporter des réponses durables et centrées sur les besoins des populations que dépendra notre capacité à maintenir la paix et la sécurité internationales », a conclu le représentant.

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a affirmé que la prolifération et la prolongation des conflits actuels exigeait une intensification des efforts de l’ONU sur le front de la prévention.  Invitant à ne pas sous-estimer le rôle de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le maintien de la paix, il a recommandé au Conseil de sécurité de saisir cette institution plus fréquemment.  Il a aussi appelé à de nouvelles initiatives visant à décourager l’usage du droit de veto en cas de commission de crimes atroces.

À propos des causes sous-jacentes des conflits, M. Jürgenson a exhorté la communauté internationale à prendre « plus au sérieux » les changements climatiques, et proposé que le Conseil de sécurité demande au Secrétaire général de faire rapport sur les effets de ce phénomène sur la sécurité internationale.  Il a en outre invité à l’adhésion à l’état de droit, à la reddition de comptes et aux droits de l’homme, toutes dispositions qui rendent les sociétés résilientes et demeurent essentielles pour le maintien de la paix et la sécurité.  « Les droits de l’homme doivent figurer au centre de nos actions », a-t-il exhorté, avant d’appeler à l’inclusion en termes d’égalité des sexes et d’engagement avec les personnes appartenant aux groupes marginalisés.  De même, le représentant a demandé que soit garanti un espace sûr et diversifié pour la société civile, composante vitale de communautés résilientes.

Soulignant l’interdépendance entre sécurité, développement durable et droits de l’homme, M. Jürgenson a estimé que tous les organes et agences de l’ONU devraient disposer de stratégies préventives et prendre des mesures dans leurs domaines de compétence respectifs.

Par ailleurs, l’Estonie salue la publication du rapport « Notre Programme commun » et préconise des échanges réguliers entre le Conseil de sécurité et les représentants d’autres organes des Nations Unies.  Elle condamne par ailleurs la poursuite de la répression massive des autorités du Bélarus contre sa population et l’instrumentalisation de la migration à grande échelle à des fins politiques pour détourner l’attention sur les violations des droits de l’homme et la répression brutale dans ce pays.  M. Jürgenson a appelé le « régime biélorusse » à mettre immédiatement fin à ces pratiques et à d’autres menaces hybrides sur la vie et la santé des personnes, notamment par le blocage de l’accès humanitaire.

Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines), reconnaissant les liens entre les défis sanitaires, socioéconomiques, politiques et sécuritaires posés par la pandémie de COVID-19, a appelé à l’abandon des mesures unilatérales « qui sapent les normes du multilatéralisme et érodent les droits de l’homme ».  Le dialogue politique, la diplomatie préventive et les approches participatives fondées sur les idéaux d’inclusion et d’égalité doivent être poursuivis par tous les États, a-t-elle estimé, appelant au renforcement de la complémentarité entre les organes et les agences spécialisées des Nations Unies. 

Pour la représentante, le Conseil de sécurité doit continuer à jouer son rôle de premier plan dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, tout en adoptant des approches plus créatives et innovantes.  Le rôle de passerelle et de conseil de la Commission de consolidation de la paix; les commissions fonctionnelles et les plateformes politiques de l’ECOSOC; les capacités de médiation et techniques de la Cour internationale de Justice sur les questions relatives à l’état de droit; et les pouvoirs d’établissement de l’ordre du jour de l’Assemblée générale ainsi que le consensus dont elle jouit; devraient être exploités plus souvent, avec le soutien de la communauté internationale, y compris des organisations régionales et sous-régionales et des institutions financières internationales.  La diplomatie préventive et les engagements politiques proactifs, étayés par les principes directeurs du droit international, doivent rester la pièce maîtresse de cette approche multipartite, a encore ajouté Mme King, qui a conclu en rappelant que l’action politique collective était la voie la plus sûre pour faire face aux luttes actuelles et menaces futures.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a noté que si l’action du Conseil de sécurité peut contribuer à sauver des vies, trop souvent son impact positif est diminué par une approche cloisonnée et décousue.  Elle a appelé le Conseil à investir dans la prévention, observant que des problèmes tels que l’insécurité alimentaire, la pauvreté et l’inégalité entre les sexes peuvent devenir des « précurseurs de conflits » et que leur intersection avec les changements climatiques peut encore aggraver les tensions existantes.  Pour y répondre, il est essentiel, à ses yeux, que les acteurs humanitaires, de développement et de soutien à la paix travaillent de manière coordonnée.  À cet égard, elle a estimé que la Commission de consolidation de la paix, de par son rôle de rassembleur, est particulièrement bien placée pour faciliter cette action dans la mesure où elle fournit déjà au Conseil des conseils sur des situations nationales et régionales spécifiques, telles que la République centrafricaine et la région des Grands Lacs.  Ce qu’il faut, maintenant, c’est que ce Conseil tienne compte de ces avis, a-t-elle souligné.

La déléguée a également appelé à favoriser une relation plus cohérente entre les droits humains et le Conseil de sécurité.  En effet, les violations des droits humains sont les signes avant-coureurs des conflits à venir et donc une « question de paix et de sécurité », a relevé Mme Byrne Nason, pour qui l’intégralité de l’architecture des droits de l’homme est « inextricablement liée aux travaux du Conseil de sécurité ».  Bon nombre des points inscrits à notre ordre du jour sont également à l’examen au Conseil des droits de l’homme, ce qui « n’est pas un hasard ».  Pour la représentante, la relation entre les droits humains et le Conseil doit s’articuler autour d’une conception inclusive de la prévention, qui reconnaisse le rôle clef des droits de l’homme dans l’alerte précoce et dans le renforcement de la résilience nationale.  Les voix des défenseurs des droits humains, des femmes leaders et de la société civile sont essentielles à cette relation, a-t-elle noté, souhaitant que l’on donne suite à leurs recommandations.

Mme Byrne Nason a enfin mis l’accent sur le rôle de la Cour internationale de Justice (CIJ) en tant qu’outil essentiel de prévention des conflits.  Cependant, a-t-elle déploré, la Cour reste sous-utilisée en tant que ressource pour le règlement pacifique des différends conformément au droit international.  Le rôle de la CIJ dans la prévention des conflits mérite donc d’être renforcé par une plus grande interaction entre le Conseil et la Cour.  Le Conseil devrait quant à lui envisager la possibilité de solliciter la contribution de la Cour sous la forme d’avis consultatifs.

Mme MONA JUUL (Norvège) a estimé qu’un engagement précoce face aux menaces potentielles pour la paix et la sécurité internationales permettra également de protéger les civils et d’améliorer la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies.  Afin de faciliter des réponses rapides, nous devons améliorer la connaissance de la situation du Conseil de sécurité, a-t-elle souligné, plaidant en faveur d’un partage plus efficace des informations et des points de vue.  Cela permettra à tous les membres du Conseil de participer sur un pied d’égalité, a mis en avant la représentante.  À cet égard, elle a estimé que le Secrétariat et les informations du système des Nations Unies ont un rôle clef à jouer en mettant à profit leurs interactions avec le Conseil pour attirer son attention sur les questions émergentes et tirer la sonnette d’alarme.  En effet, a-t-elle rappelé, le Secrétaire général, « principal diplomate préventif de l’ONU », est également mandaté par la Charte pour le faire, conformément à l’Article 99.

Si le Conseil de sécurité a la responsabilité première de la paix et de la sécurité internationales, il n’est certainement pas le seul, a ensuite appuyé Mme Juul.  Par ailleurs, il n’y a pas de meilleure garantie pour prévenir les conflits que le respect par les États Membres de leurs obligations relatives aux droits humains, a-t-elle encore souligné.  Le mandat du Conseil des droits de l’homme est de la plus haute importance, a-t-elle ajouté.  Elle a également incité à une plus grande interaction entre le Conseil de sécurité, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme en vue de faciliter un engagement précoce et prévenir les conflits.

La délégation a ensuite souligné le rôle de la Commission de consolidation de la paix, « un autre outil sous-exploité dans notre boîte à outils de prévention des conflits ».  Or, la Commission a prouvé sa valeur ajoutée, par exemple en soutenant d’importants programmes de prévention en Afrique, a-t-elle rappelé.  De même, elle a jugé que l’intégrité et l’indépendance fournies par les bons offices du Secrétaire général sont également des outils essentiels pour prévenir les conflits par le biais de la médiation.  Nous avons tous été témoins de la manière dont la négociation avec les autorités et les groupes armés en cas de crise humanitaire peut permettre un accès sûr et sans entrave aux personnes dans le besoin, a-t-elle assuré, ajoutant avoir vu également la différence que peut faire la diplomatie préventive.  Enfin, la représentante a exhorté à se concentrer tout particulièrement sur les domaines où un engagement précoce peut contribuer à prévenir l’escalade, en faisant appel à toutes les ressources et à tous les partenaires du système des Nations Unies.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est dite « obligée » de faire une seconde déclaration, déplorant que certaines délégations utilisent le débat du jour qui porte sur la diplomatie préventive pour s’illustrer une fois de plus dans le « deux poids, deux mesures » que sa délégation dénonçait dans sa première intervention.  L’Union européenne devrait se poser la question de sa responsabilité dans ce qu’il se passe à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, a dit la représentante, ajoutant que cette question ne pourra se résoudre que par un dialogue politique avec le Groupe de Minsk, sur un pied d’égalité.  Si l’Union européenne est disposée à le faire, la Fédération de Russie pourra faire sa part, a-t-elle assuré.

S’exprimant au nom des pays nordiques, M. KAI SAUER (Finlande) a regretté que trop souvent, les réponses aux crises ont été réactives et sporadiques plutôt que préventives.  Les événements récents ont souligné la nécessité d’une meilleure préparation, d’une perspective stratégique et, surtout, d’une coopération et d’une coordination renforcées pour permettre une action rapide et efficace, a-t-il estimé.  Poursuivant, le délégué a indiqué qu’alors que les conflits violents deviennent de plus en plus complexes, la nécessité d’approches multisectorielles intégrées liant la prévention des conflits, les droits humains, la protection et le programme de développement durable à l’horizon 2030 est vitale.  M. Kai Sauer a également mis en exergue l’importance de comprendre les réalités politiques d’un contexte et d’inclure toutes les parties prenantes concernées dans le processus.  Enfin, M. Kai Sauer a encouragé une coopération plus étroite entre le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix, ainsi qu’avec le Conseil des droits de l’homme et l’ECOSOC.  Il a notamment souligné que l’interaction et la coopération avec le Conseil des droits de l’homme et l’architecture des droits humains sont cruciales, car « les violations des droits de l’homme sont souvent les premiers signes de conflits émergents ».

M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a considéré trois points comme étant la « clef » de l’intégration de la prévention dans le programme de paix et de sécurité de l’ONU.  Il a d’abord estimé que la Commission de consolidation la paix avait un rôle essentiel à jouer dans la prévention des conflits, comme le reconnaît la résolution 2171 (2014) du Conseil de sécurité.  Avec son rôle consultatif auprès du Conseil de sécurité, de l’ECOSOC et de l’Assemblée générale, la CCP peut jouer un rôle plus important dans le renforcement de la cohérence entre les principaux organes, a plaidé le représentant.  Le Conseil de sécurité et les autres organes compétents devraient solliciter l’avis de la CCP pour intégrer les perspectives de prévention dans leurs travaux, a-t-il ajouté.

Ensuite, la mise en place d’institutions efficaces, responsables et inclusives dans les pays sujets aux conflits devrait être la priorité au programme de travail des organes principaux de l’ONU et de leurs organes subsidiaires.  Des institutions efficaces et impartiales dans les secteurs de la sécurité et de la justice, ainsi que des institutions garantissant un accès égal aux services sociaux de base, sont d’une importance cruciale dans la prévention des conflits, a fait valoir le représentant.  Le travail d’appui au renforcement des institutions requiert donc une action coordonnée de l’ensemble du système des Nations Unies.

Enfin, M. Ishikane a plaidé pour que le rôle des femmes et de la société civile dans la prévention des conflits soit encore renforcé, comme le souligne également la résolution 2171 (2014).  On ne sera jamais en mesure d’instaurer des sociétés justes, pacifiques et inclusives, résilientes face aux conflits ou à la reprise des conflits, sans la participation des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés, a affirmé le représentant.  Leurs voix doivent être entendues et prises en compte dans les travaux de l’ONU liés à la prévention des conflits, a-t-il conclu.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a déclaré qu’assurer la paix et la sécurité par la prévention est aussi valable et utile aujourd’hui qu’en 1945 mais a rappelé que, dans sa pratique, le Conseil avait très rarement mis en œuvre la prévention et les moyens non coercitifs, semblant même ignorer l’existence du Chapitre VI de la Charte pour recourir hâtivement et excessivement aux mesures coercitives inscrites dans le Chapitre VII.

Cette tendance a contribué à envenimer des situations, à violer la souveraineté et l’intégrité des États et à enfreindre les droits de l’homme de populations entières, a déploré le représentant.  Une telle approche, ajoutée au décisions ultra vires ou à l’exploitation du Conseil par certains membres permanents, a abouti à prolonger des conflits, a accusé M. Ravanchi.  Le représentant a donc appelé à la remettre en question, le Chapitre VII devant n’être utilisé qu’en dernier ressort, et la priorité devant être accordée par le Conseil aux mesures préventives et non coercitives du Chapitre VI.

Le représentant a par ailleurs appelé à ne pas appliquer le principe de prévention de manière arbitraire, mais avec précaution, de manière intelligente et en conformité avec le droit international et la Charte, laquelle dispose que la responsabilité du règlement d’un conflit international mettant en danger la paix et la sécurité incombe en priorité aux parties concernées.  De même, M. Ravanchi a rappelé que le Chapitre VI ne pouvait jamais être invoqué pour des affaires relevant de la compétence des États et dans le but de violer la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance des pays.  Enfin, le représentant a demandé que le Conseil de sécurité et les autres organes principaux de l’ONU adoptent la prévention comme approche principale, mais dans le plein respect des attributions et mandats que leur confère la Charte, avec pour objectif de servir les buts des Nations Unies et l’intérêt commun de toutes les nations.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil), dont le pays s’apprête à entrer au Conseil de sécurité en tant que membre élu, s’est engagé à favoriser la diplomatie préventive.  La médiation, la diplomatie préventive et la consolidation de la paix sont autant d’outils pour éviter que les tensions ne dégénèrent en conflit, a souligné le représentant.  À cet égard, le Brésil plaide pour une plus grande coopération entre le Conseil de sécurité, la Commission de consolidation la paix mais également avec les organisations régionales comme l’Union africaine.  M. de Almeida Filho a également plaidé pour une meilleure reddition de comptes du Conseil de sécurité auprès des membres de l’Assemblée générale et a encouragé ces deux organes à travailler plus étroitement ensemble afin d’éviter les doublons.  Il est impératif en général d’améliorer la coopération entre le Conseil de sécurité avec les autres organes de l’ONU, a estimé le représentant, y compris avec la Cour internationale de Justice pour ce qui est des avis consultatifs et de l’application des arrêts de la Cour.

La prévention, c’est viser les causes profondes des conflits, a fait valoir le représentant.  Dans ce contexte, la Commission de consolidation de la paix est, à ses yeux, particulièrement bien placée pour faire le lien entre les différents organes de l’ONU.  Elle pourrait notamment participer aux délibérations du Conseil de sécurité sur les renouvellements des mandats des opérations de paix mais également lors des exposés périodiques faits aux organes subsidiaires, a suggéré M. de Almeida Filho.  Par ailleurs, face à la prolifération des missions politiques spéciales, le Brésil a souhaité que les États Membres soient associés à la définition de leurs mandats et puissent se pencher sur les modalités de leur financement.

M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili) a estimé que la dignité humaine est une condition essentielle du succès de toute entreprise de prévention des conflits.  Par conséquent, il a appelé à défendre les valeurs essentielles des Nations Unies que sont l’état de droit, les droits de l’homme et la démocratie, tout en gardant le Programme à l’horizon 2030 comme feuille de route.  Toutefois, face au nombre croissant de conflits dans le monde, c’est à la diplomatie préventive de prévaloir, a-t-il dit, se disant convaincu que la coordination entre les principaux organes de l’ONU est le meilleur outil de prévention.

Soulignant également l’importance des fonctions préventives assumées par les groupes d’amis et les groupes de contact, le représentant a indiqué que son pays a toujours soutenu l’implication du Secrétaire général dans la diplomatie préventive.  Il a rappelé à cet égard que, conformément à l’Article 99 de la Charte, le Secrétaire général a la responsabilité d’attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute question susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité internationales.  Enfin, il a appelé de ses vœux le développement du travail conjoint des différents organes de l’ONU, assurant que maintenir la paix exige de la cohérence et une coordination permanente entre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social.

Mme MARITZA CHAN (Costa Rica) a réaffirmé la nécessité d’intégrer de façon transversale la perspective du genre dans la diplomatie préventive, renvoyant au « ferme consensus » quant à la participation pleine et effective des femmes dans la prévention des conflits et dans tout processus décisionnaire.  Ce consensus reconnaît également que femmes et filles sont affectées de manière différente et disproportionnée par les conflits armés mais, a-t-elle dit, à l’heure du débat sur l’impact des armes légères et de petit calibre sur la violence sexuelle et sexiste, un tel consensus s’effrite.  Dans un monde où l’identité et l’orientation sexuelles sont encore des motifs d’être assassinés, mutilés, trafiqués, abusés sexuellement, exploités et rejetés, il est impératif de réduire les brèches entre les cloisons de cette Organisation et de sauver des vies, a exigé la délégation.

La représentante costaricienne a ensuite mis l’accent sur le principe pacta sunt servant et l’obligation pour les États de ne pas ignorer les normes et engagements énoncés dans les traités internationaux, en particulier les articles 6 et 7 du Traité sur le commerce des armes qui obligent les États parties à refuser l’autorisation ou à empêcher un transfert d’armes s’ils savent qu’il existe un risque de commission ou de facilitation de commission de violations graves du droit international humanitaire des droits de l’homme.  Mme Chan a enfin réitéré la nécessité d’améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité, qui gagnerait à approfondir sa communication avec les autres organes et acteurs du système des Nations Unies et au-delà.  Cette communication devrait être à la fois fluide et dynamique, y compris avec tous les organes principaux, la Cour pénale internationale, la Cour internationale de Justice et la Commission de consolidation de la paix, entre autres.  Elle a déploré, à cet égard, l’exclusion de la société civile des négociations de grande importance.

Pour Mme VANESSA FRAZIER (Malte), investir dans la diplomatie préventive est notre devoir et tous les organes des Nations Unies ont un rôle important à jouer, en ce sens.  Pour en apprécier la valeur, la représentante a invité à garder à l’esprit le prix incalculable des conflits, notamment en termes de pertes humaines et économiques et de divisions sociétales.  C’est bien pourquoi la communauté internationale doit redoubler d’efforts en matière d’alerte et d’action précoces pour identifier et s’attaquer aux causes profondes des conflits, a poursuivi Mme Frazier, en mentionnant, entre autres, la violence sexiste et l’injustice.

Par ailleurs, la représentante a rappelé que la Charte des Nations Unies identifie clairement les moyens par lesquels les différents organes de l’ONU peuvent contribuer à la diplomatie préventive.  Elle a cité en exemple les Articles 10, 11 et 14 de la Charte.  Ce dernier dispose que « l’Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation », a rappelé Mme Frazier.  Pour Malte, il s’agit là de pouvoirs importants qui pourraient donner des résultats encore meilleurs s’ils étaient déclenchés en temps utile et si les synergies entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité étaient encore renforcées.

En outre, Malte estime que l’ECOSOC peut jouer un rôle central dans l’identification des moteurs socioéconomiques des conflits, en faisant partie intégrante d’un système d’alerte précoce complet.  Mme Frazier a également mis en avant l’expertise de la Commission de consolidation de la paix (CCP), notamment sur le rôle des femmes.  Son rôle consultatif auprès du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale doit être intensifié, a plaidé la représentante, incitant à veiller à ce que le Fonds pour la consolidation de la paix soit financé de manière adéquate.  Malte a d’ailleurs commencé à y contribuer, dès cette année.

Enfin, soulignant que l’injustice et l’impunité sont des causes profondes de conflit, Mme Frazier a souligné le rôle clef de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans la défense du droit international.  Malte appelle à étudier plus en détail l’idée de dialogues interactifs annuels ou bisannuels entre les présidents du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et de la CCP, ainsi que des représentants de la société civile.  Cela donnerait au Conseil de sécurité et aux autres organes compétents des Nations Unies suffisamment de temps pour examiner ces questions et élaborer des solutions globales en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité, a estimé la représentante.

M. JOSÉ MANUEL RODRÍGUEZ CUADROS (Pérou) a suggéré de se référer à « Notre Programme commun » proposé par le Secrétaire général, qui contient plusieurs éléments liés à la diplomatie préventive, auxquels il convient d’ajouter les propositions visant à élargir le mandat de la Commission de consolidation de la paix et l’éventuelle création d’une plateforme d’urgence pour les crises complexes.

Pour le représentant, la question est donc d’identifier les forces et les vulnérabilités de la structure actuelle et des mécanismes d’action du système des Nations Unies.  Il s’agit également de veiller à la coordination fonctionnelle des divers organes du système et à la mise à disposition des ressources nécessaires pour remplir trois engagements essentiels.  Le premier, a-t-il détaillé, tient aux bons offices, à la médiation, à la négociation, à l’arbitrage et au recours éventuel à la Cour internationale de Justice.  Le deuxième relève de la prévention structurelle des conflits, de manière coordonnée et intégrée, en s’attaquant aux déséquilibres, aux fractures sociales, aux inégalités, à l’exclusion et à la marginalisation de groupes vulnérables de la population.  Enfin, le troisième est lié à la mise en place de programmes réalistes et multidimensionnels pour consolider les processus de paix et contribuer à la reconstruction.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a préconisé de remédier aux causes profondes des conflits et des différends par la diplomatie préventive: l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice (CIJ) et la Commission de consolidation de la paix ont tous un rôle fondamental à jouer dans ce contexte, notamment en ce qui concerne tout conflit entre les États disposant de l’arme nucléaire.  En ultime analyse, a-t-il souligné, c’est le Conseil de sécurité qui doit utiliser son autorité première en vertu de la Charte pour veiller à un règlement juste et pacifique des conflits et des différends, conformément à ses propres résolutions et décisions.

Il a rappelé, à cet égard, que le Pakistan avait maintes fois attiré l’attention du Conseil de sécurité et du Secrétaire général sur la menace grave et persistante du conflit au Jammu-et-Cachemire, où des preuves « considérables et crédibles » révèlent une violation massive des droits humains dans les parties occupées par l’Inde, en violation des résolutions du Conseil de sécurité.

De telles agissements constituent de graves violations du droit international, y compris des Conventions de Genève et pourraient être assimilés à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, a dénoncé le Pakistan, en exhortant le Conseil à accorder la plus haute priorité à cette question aux fins de prévenir un conflit et de promouvoir une solution juste et pacifique conforme à ses propres résolutions.  De son côté, le Secrétaire général devrait faire usage de sa haute autorité en vertu de la Charte pour en faire de même, ce qui est l’essence même de la diplomatie préventive envisagée dans la Charte.  Aucune partie ne devrait être en mesure d’opposer un veto aux efforts du Conseil de sécurité ou du Secrétaire général tendant à la résolution d’un conflit, a-t-il encore voulu.

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) a rappelé qu’en vertu de la Charte de l’ONU, le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Cependant, a-t-il déploré, le Conseil est parfois incapable de prévenir les conflits et les crimes atroces en raison des divisions entre ses membres permanents et du recours au veto.  Le représentant a, par conséquent, appuyé les efforts visant à restreindre le droit de veto en cas de menaces de crimes atroces, qu’il s’agisse du « soi-disant » code de conduite ou de l’initiative franco-mexicaine.  De l’avis du délégué, l’Assemblée générale devrait, elle aussi, utiliser ses propres pouvoirs pour prévenir plus efficacement les conflits et les atrocités et y répondre lorsqu’ils se produisent, « en particulier lorsque le Conseil de sécurité ne le fait pas ».  Elle devrait, en outre, utiliser les débats annuels sur la responsabilité de protéger pour donner l’opportunité à tous les États Membres de faire état de leurs préoccupations.

De même, a ajouté M. Šimonović, le Conseil économique et social peut aider à s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité, des conflits et des crimes atroces.  En aidant à réduire les inégalités au sein des États et entre eux, et en renforçant les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable, il peut apporter plus de stabilité et de résilience.  La Cour internationale de Justice joue également un rôle important dans le règlement pacifique des différends internationaux par ses arrêts et ses avis consultatifs, a-t-il relevé, avant d’inviter les États Membres et les principaux organes de l’ONU à solliciter ses « services très utiles ».

Si le Secrétaire général et le Secrétariat devraient accroître encore leur implication dans la prévention des conflits et la diplomatie de prévention des crimes atroces, il importe aussi que cet objectif dépasse les seuls organes principaux de l’ONU, a fait valoir M. Šimonović.  La Commission de consolidation de la paix devrait ainsi développer son potentiel pour empêcher la détérioration de la situation dans les pays à risque, a soutenu le délégué, tout en estimant que, grâce au processus d’examen périodique universel, le Conseil des droits de l’homme peut faire plus dans la prévention structurelle et rendre les pays plus résilients aux risques de conflit et de crimes atroces.  Il a enfin estimé que des réunions régulières des chefs des principaux organes onusiens ainsi que de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil des droits de l’homme contribueraient à un travail de prévention mieux coordonné et plus efficace.

M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a salué la déclaration présidentielle adoptée en début de séance, par laquelle le Conseil de sécurité réaffirme que, pour pérenniser la paix, l’Assemblée générale, l’ECOSOC et lui-même doivent avoir une action cohérente, durable et coordonnée, mais il a voulu y ajouter la Cour internationale de Justice.  Reconnaissant l’impulsion donnée par le Secrétaire général à la prévention, il a souligné que la diplomatie préventive était une question primordiale pour la modernisation des Nations Unies et pour un multilatéralisme revitalisé.

M. Espinosa a rappelé que les États Membres avaient insisté pour que le Conseil continue à améliorer la qualité de son rapport annuel, avec des informations substantielles, analytiques et matérielles.  Les recommandations, les demandes et les propositions d’interrelation entre les organes principaux du système ne deviennent que de simples exercices académiques si elles ne sont pas suivies d’effet, et peuvent éroder le système et en faire une coquille vide, a averti le représentant.  Il a reconnu les efforts des membres du Conseil pour avancer dans la mise en œuvre des recommandations mais a considéré que le Conseil pouvait encore en faire davantage.

La synergie entre les organes principaux ne se limite pas à une relation étroite entre leurs présidents mais implique une relation permanente et constructive de la part de tous ceux qui en font partie, en l’occurrence les États Membres de l’Organisation dans le cas du Conseil de sécurité, de l’ECOSOC et de l’Assemblée générale, a encore estimé le représentant.

M. SAMUEL MONCADA (Venezuela), qui intervenait au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a déclaré que la Charte est un véritable acte de foi en ce que l’humanité a de meilleur.  C’est le code de conduite qui a régi les relations internationales entre États au cours des 76 années écoulées, sur la base des principes atemporels que sont l’autodétermination des peuples, l’égalité souveraine des États, et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, entre autres.  Tous ces principes restent de vigueur et sont également le socle du droit international, a-t-il affirmé.

Il a, par contre, exprimé son inquiétude face à l’augmentation des menaces contre la Charte, ce qui a conduit à la création du Groupe dans le but, a-t-il expliqué, de contrecarrer le recours croissant à l’unilatéralisme; les prétendues exceptions « qui sont inexistantes en réalité »; les tentatives visant à imposer de nouvelles « règles » jamais agréées de manière transparente et inclusive; et à des interprétations sélectives des dispositions de la Charte.

À cela, il a opposé l’Article 1.1 de la Charte qui prévoit l’adoption de mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix.  Tout en appuyant la diplomatie préventive, il a mis en garde contre l’appel à la prévention pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’autres États.  Il a appelé au respect du Chapitre VI de la Charte sur le règlement pacifique des différends, soulignant en outre qu’il n’existe pas de solution à taille unique.  Il a dès lors encouragé à un travail collectif de tous les organes principaux, « qui doivent faire cesser les mesures illégales, souvent génératrices de conflit et qui se sont converties en facteurs structurels et principaux moteurs des crises contemporaines ».

M. MARK ZELLENRATH (Pays-Bas) a cité une étude de la Banque mondiale selon laquelle investir dans la prévention des conflits permettrait d’économiser 70 milliards de dollars dépensés dans le cadre de ces crises.  La délégation a défendu l’idée que la prévention des conflits et la consolidation de la paix exigent une approche intégrée et globale dans le cadre du système des Nations Unies, basée sur la cohérence entre les activités économiques, sociales et culturelles.  Selon le représentant, il faut s’attaquer aux causes profondes des conflits et prévenir les violations des droits humains à grande échelle qui pourraient y conduire.  Grâce aux bons offices du Secrétaire général, la communication et la coopération entre les principaux organes de l’ONU pourraient être renforcées, à cet égard, a estimé le représentant.  Il a également mis l’accent sur l’importance de l’état de droit et de systèmes judiciaires forts pour préserver la paix et la sécurité.  La justice est une dimension essentielle du contrat social, a expliqué le représentant, en insistant sur l’impératif de placer les personnes et leurs besoins en son cœur.  Les Pays-Bas se sont dits fiers d’accueillir la CIJ, ajoutant que l’établissement des responsabilités et la lutte contre l’impunité font parties des priorités du Gouvernement néerlandais.  Les Pays-Bas ont ensuite plaidé en faveur du renforcement et de l’élargissement du rôle de la Commission de consolidation de la paix, comme le propose le Secrétaire général dans « Notre Programme commun ».  Cet organe rassemble des acteurs cruciaux pour discuter de la prévention et de la consolidation de la paix, a relevé le représentant, notamment les agences, fonds et programmes des Nations Unies et les États Membres, les organisations régionales, les institutions financières internationales, les ONG et les activistes locaux.  Par conséquent, la CCP est stratégiquement placée pour soutenir les mesures préventives liées aux changements climatiques, à la santé, au genre, à l’égalité, au développement et aux droits de l’homme.  Il est temps de tirer davantage parti des rôles de conseil, de convocation et de liaison de la CCP, a conclu la délégation.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré que le renforcement de la coopération entre toutes les institutions et organes de l’ONU est la clef pour mieux prévenir les conflits et établir des sociétés plus égalitaires et inclusives, avant d’appeler le Conseil à recourir à ses instruments de prévention de crise et de maintien de la paix « de manière systématique et innovante ».  Elle a préconisé une coopération accrue entre les acteurs humanitaires, du développement et de la paix face à l’insécurité alimentaire, proposant de recourir à cette approche en Afghanistan.  La représentante a aussi insisté quant à l’importance de la prévention des conflits et à l’ancrage des droits de l’homme dans les efforts de paix et de sécurité, illustré, selon elle, par le caucus des droits de l’homme et de la prévention des conflits que coprésident la Suisse et l’Allemagne.  Elle a ensuite noté que la coopération numérique peut être utile pour l’analyse prédictive des causes profondes des conflits, ajoutant que les flux d’information doivent être renforcés entre New York et Genève et entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité.  La déléguée a, en outre, souligné le besoin d’une action cohérente de l’ONU qui s’appuierait sur les priorités nationales et les initiatives locales, ainsi que sur la société civile, préconisant un rôle élargi pour la Commission de consolidation de la paix afin de libérer son potentiel et aider cet organe à « jeter des passerelles » avec toute entité contribuant à la pérennisation de la paix, y compris le Conseil des droits de l’homme et les organisations régionales.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a déclaré que selon la Charte des Nations Unies, la prévention des conflits fait partie des outils de promotion de la paix et que ce texte fondateur prône une large et pleine coopération et collaboration entre les divers organes des Nations Unies.  C’est pour cette raison que le Conseil de sécurité, pour s’acquitter de ses responsabilités, dépend non seulement de l’Assemblée générale mais aussi de la Cour internationale de Justice, dont le rôle est de régler les différends internationaux.  La Commission de consolidation de la paix, pour sa part, a également un rôle à jouer en tant qu’organe consultatif intergouvernemental, a noté la délégation.  De plus, l’expérience montre que l’inclusivité est également un moyen de prévenir et de régler les conflits, a-t-elle ajouté.

Une diplomatie préventive « percutante » suppose une meilleure coordination des organes principaux de l’ONU, a estimé à son tour M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal).  Selon lui, l’Assemblée générale devrait en fournir le cadre normatif et entretenir des interactions significatives avec le Conseil de sécurité en vue de coordonner des stratégies durables de prévention et de consolidation de la paix.  Le Conseil devrait, lui, évaluer et examiner les cas en évolution pour régler la situation à temps avant qu’ils ne dégénèrent en conflit armé.  De même, le Conseil économique et social devrait continuer de travailler en étroite collaboration avec l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité afin d’assurer la mise en œuvre efficace du développement durable.  Quant à la Cour internationale de Justice, son rôle dans la promotion du règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques est « hautement apprécié », a noté le représentant.

Nous devons aussi pleinement utiliser les « bons offices » du Secrétaire général pour promouvoir la diplomatie préventive, a plaidé le délégué, avant d’en appeler à plus de cohérence et de coordination au sein du système des Nations Unies et de ses agences, notamment la Commission de consolidation de la paix et le Département des affaires politiques et de consolidation de la paix.  Il a enfin souhaité que se renforce la collaboration avec les institutions de Bretton Woods et les organisations régionales, qui jouent un rôle important dans la lutte contre les causes profondes des conflits, laquelle est une « condition préalable » à la diplomatie préventive.

M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a plaidé en faveur d’une plus grande coordination et une plus grande transparence entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, y compris avec ses organes subsidiaires tels que la Commission du désarmement, la Commission de consolidation de la paix et le Conseil des droits de l’homme.  La délégation a également souligné l’importance d’assurer la pleine mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité par tous les membres de l’Assemblée générale.  La responsabilisation est essentielle pour garantir la justice, la réconciliation et la prévention des futurs conflits, a estimé M. Aidid.

Évoquant ensuite les relations entre le Conseil de sécurité et l’ECOSOC, la Malaisie a affirmé que ce dernier pourrait jouer un rôle décisif dans le soutien des efforts de paix ainsi que dans la prévention des conflits, étant donné qu’il n’y a « pas de paix sans développement durable ».  La délégation a également noté que le Programme à l’horizon 2030 peut permettre de s’attaquer aux causes profondes des conflits.  Ainsi, a-t-elle poursuivi, le partenariat entre les missions politiques spéciales de l’ONU et l’ECOSOC est essentiel pour réaliser une approche globale liant la sécurité au développement social et économique.  La Malaisie a donc invité le Conseil de sécurité à davantage faire appel à l’Article 65 de la Charte en ce sens.

S’intéressant ensuite aux relations entre le Conseil de sécurité et la Cour internationale de Justice (CIJ), la Malaisie s’est dite convaincue que les délibérations sur les questions politiques et de sécurité seraient mieux servies si elles étaient complétées par un avis juridique faisant autorité.  C’est là que la CIJ peut être utile, a avancé la délégation.  Elle a donc demandé au Conseil de sécurité d’étudier sérieusement l’Article 96 de la Charte et d’utiliser davantage la Cour, en particulier sur les questions en suspens depuis longtemps affectant la paix et la sécurité internationales.

Enfin, la délégation a demandé au Secrétariat d’utiliser tous les outils disponibles pour assurer la pleine mise en œuvre des résolutions concernant la paix et la sécurité, y compris grâce à des processus d’enquête et de médiation.  Elle l’a incité à invoquer de manière appropriée l’Article 99 de la Charte, qui l’habilite à porter à l’attention du Conseil de sécurité toute question menaçant la paix et la sécurité.  La revitalisation et le renforcement de l’interaction et de la coordination entre les principaux organes des Nations Unies sont essentiels à la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales, a conclu la Malaisie.

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a estimé qu’il fallait traiter les causes profondes des conflits si l’on cherche réellement à les prévenir.  Il a recommandé de recourir à la diplomatie préventive afin d’éviter toute escalade et jugé que la création de la Commission de consolidation de la paix avait doté la communauté internationale d’un outil supplémentaire.

Citant le rapport « Notre Programme commun », le représentant a insisté sur l’importance des efforts concertés entre les principaux organes de l’ONU par souci de complémentarité.  La Commission de consolidation de la paix est une plateforme centrale, fédératrice pour l’ONU et est en mesure d’organiser des réunions avec tous les principaux organes, a-t-il fait valoir.  Il a suggéré d’envisager la tenue d’une réunion de la CCP avec tous les organes principaux, car elle est capable de fournir une perspective sur bien des sujets.  Il a encouragé également des réunions avec les institutions de Bretton Woods et, surtout et avant tout, il a invité à s’employer à la pérennisation de la paix par l’appropriation nationale et la fourniture de services de base aux populations.

L’Égypte, quant à elle, honore ses responsabilités concernant l’Article 35 de la Charte, a assuré M. Mahmoud, en citant le fait que son gouvernement s’emploie actuellement à faciliter les discussions concernant le Grand Barrage de la Renaissance.  Il a salué la déclaration du Conseil de sécurité appelant les pays concernés à respecter leurs engagements dans ce contexte, achevé son intervention en constatant la déclaration faite par l’Éthiopie à la suite de la publication de celle du Conseil de sécurité.

M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a estimé que l’ONU et ses organes principaux devaient prendre des mesures de prévention des conflits en s’attaquant à leurs causes profondes.  Cela suppose une approche intégrée et globale, a estimé le représentant, qui a salué le passage progressif, au fil des ans, de la réaction à la prévention dans la démarche des Nations Unies.  L’importance de la diplomatie préventive ne saurait être sous-estimée, a remarqué le représentant, expliquant que le Bangladesh avait toujours soutenu des mesures allant dans ce sens, notamment le Programme 2030 et la revitalisation de l’Assemblée générale.

M. Hossain a en outre plaidé pour une coopération horizontale au sein de l’ONU, en mettant en exergue la position unique de la Commission de consolidation de la paix dans le contexte de la prévention.  Il faut mettre en place une meilleure communication entre la CCP et le Conseil de sécurité, a déclaré le représentant.  Il a aussi souligné que le Conseil de sécurité est l’organe principal chargé de garantir l’application des décisions de la Cour internationale de Justice (CIJ) et mis en avant les liens entre ces deux organes.  Par ailleurs, a-t-il fait observer, les fonds et programmes de l’ONU sur le terrain peuvent faire remonter des recommandations très rapidement à la CCP et au Conseil de sécurité.  Enfin, le représentant a proposé que les présidents de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et du Conseil de sécurité tiennent régulièrement des conférences de presse conjointes.

Mme RAZIYE BILGE KOCYIGIT GRBA (Turquie) a rappelé que les États Membres ont le pouvoir de mobiliser tous les organes des Nations Unies pour remplir les devoirs prévus par la Charte de l’ONU.  Dans ce cadre, a-t-elle ajouté, le Conseil de sécurité est chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales, tandis que l’Assemblée générale, en tant qu’organe décisionnel le plus représentatif et le plus délibératif, est chargée de refléter les aspirations des personnes « que nous servons ».  Si le Conseil s’est souvent montré divisé et incapable de relever les défis, il le doit aux différences entre ses membres, en particulier, permanents.  La réforme de cet organe est donc une question cruciale, a souligné la représentante, souhaitant que le nouveau cycle de négociations sur cette question permette de renforcer le Conseil et d’en faire un organe plus représentatif, responsable et transparent.

Formant le vœu que le Conseil et les États Membres s’efforceront de formuler des règles et des processus qui accélèrent la justice pour ceux qui violent l’état de droit, la déléguée a averti que l’absence de responsabilité pour les crimes graves signifie « notre échec collectif à activer tous les mécanismes et outils du système multilatéral ».  À ses yeux, le maintien de la paix et de la sécurité est la principale raison d’être des Nations Unies, et l’Assemblée générale a un rôle essentiel à jouer.  En effet, lorsque le Conseil ne s’acquitte pas de ses responsabilités, elle sert de « filet de sécurité essentiel » pour le maintien de la paix et de la sécurité.  La relation entre ces deux organes est donc un élément important de la diplomatie préventive, a insisté Mme Kocyigit Grba, affirmant attendre du Conseil qu’il travaille en étroite collaboration avec l’Assemblée générale pour faire progresser la paix et la sécurité, sans empiéter sur les mandats respectifs de chacun.

Dans ma région, a poursuivi la représentante, nous avons été témoins de l’incapacité du Conseil de sécurité à prévenir efficacement les conflits, ce qui a conduit à certaines des pires tragédies humanitaires de l’histoire de cette Organisation.  L’incapacité du Conseil à prendre des mesures préventives a conduit à l’éclatement de conflits prolongés, ce qui ne laisse aux États Membres d’autre choix que de « sauvegarder leur sécurité par des mesures nationales », a-t-elle noté, avant d’inviter le Conseil à se concentrer davantage sur la diplomatie préventive et la médiation afin de s’attaquer aux causes profondes des conflits et, ainsi, « sauver des vies ».  Estimant enfin que « les approches traditionnelles ne suffiront pas », elle a exhorté les organes onusiens à travailler ensemble pour protéger les personnes que nous servons et, ce faisant, renforcer notre sécurité collective.

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) s’est dit fermement convaincu que le Conseil de sécurité devait travailler de concert avec les principaux organes de l’ONU afin d’améliorer sa diplomatie préventive.  L’expérience récente, a-t-il regretté, montre que le Conseil n’est pas toujours en mesure de respecter son mandat conféré par la Charte dans son Article 1: les désaccords politiques concernant les principes fondamentaux sont profonds, et le pouvoir de blocage du veto, souvent très important.  Lorsque le Conseil n’est pas en mesure d’accomplir ses tâches, d’autres organes doivent être en mesure de soutenir ses efforts.  À cette fin, le Liechtenstein soutient un rôle « fort et actif » de l’Assemblée générale, en tant qu’organe central de délibération et de décision de l’Organisation, et en tant que gardienne du droit international.

Ces dernières années, l’Assemblée générale a démontré à plusieurs reprises -notamment dans le cadre des situations au Myanmar et en République arabe syrienne- que « lorsque le Conseil ne peut pas remplir son rôle, elle est en mesure d’intervenir », a estimé M. Wenaweser.  Le Liechtenstein, a-t-il assuré, continuera à poursuivre les initiatives visant à souligner le rôle de l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et de la sécurité, y compris la possibilité de « rendre obligatoire un débat chaque fois qu’un veto est opposé au Conseil de sécurité ».

Le représentant a encouragé le Conseil à travailler avec les autres organes principaux de l’ONU pour garantir que la prévention des conflits soit solidement liée aux préoccupations de sécurité des individus.  Cela l’aiderait à prévenir certains types de situations conflictuelles figurant déjà à son ordre du jour, par exemple, en se concentrant sur les effets potentiels des changements climatiques avant qu’ils n’entraînent des conflits entre agriculteurs et éleveurs.  Une perspective fondée sur la sécurité des individus permettrait au Conseil d’envisager son mandat de manière beaucoup plus large; les changements climatiques, la corruption, les armes légères, les pandémies et les violations des droits de l’homme seraient tous pertinents, dès lors qu’ils affectent la sécurité des individus, a plaidé M. Wenaweser.

Il est évident que l’on ne peut attendre du Conseil qu’il assume seul une telle tâche, a reconnu le représentant.  C’est pourquoi il est si important pour le Conseil de travailler avec les autres organes principaux de l’ONU, tandis que d’autres organismes pertinents peuvent également être des partenaires clefs.  « Par exemple, le Conseil pourrait renforcer sa coordination avec les organes des Nations Unies chargés des droits de l’homme à Genève », a estimé M. Wenaweser, pour qui les violations des droits de l’homme ne se manifestent pas seulement dans les conflits armés, mais sont souvent à l’origine et à proximité de ces conflits.

M. PHILIPPE KRIDELKA (Belgique) a souligné l’importance de la lutte contre l’impunité, notamment à travers la justice transitionnelle, qui peut apporter une contribution précieuse à la prévention des conflits et au maintien de la paix.  Cette justice transitionnelle, a-t-il précisé, doit être adaptée au contexte local, axée sur les victimes, basée sur les droits humains et tenir compte de la dimension de genre.  Le représentant a ensuite prôné la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, y compris à travers un dialogue permanent entre le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et le Conseil de sécurité.  Le représentant a par ailleurs estimé nécessaire de renforcer nos capacités d’alerte précoce, notamment par des échanges d’informations entre le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix, en accord avec leurs mandats respectifs.  « À travers des recommandations courtes, ciblées, spécifiques et applicables, la Commission doit pleinement exercer son rôle de Conseil », a-t-il déclaré.  Le délégué a également salué la représentation et l’inclusion adéquate des acteurs locaux et de la société civile dans les échanges de la Commission, y compris les organisations de défense des droits des femmes et de la jeunesse.  Enfin, il a rappelé que le Secrétaire général a appelé à un financement prévisible, flexible et à long terme pour le Fonds pour la consolidation de la paix, avant d’annoncer que la Ministre belge des affaires étrangères a récemment donné son accord pour une allocation supplémentaire de 2 millions d’euros au Fonds pour la consolidation de la paix, qui viennent ainsi s’ajouter aux 10,5 millions de dollars déjà versés par la Belgique au Fonds depuis sa création.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a estimé que les efforts de la diplomatie préventive et le traitement précoce des causes profondes des conflits étaient le meilleur moyen pour éviter les affres des conflits.  Il ne fait aucun doute que, parmi les éléments permettant d’éviter les conflits figure le respect de la Charte, des relations cordiales ainsi que de la souveraineté et l’indépendance des États, a poursuivi la représentante.  Soulignant le lien entre la paix et le développement, le respect des droits humains et de l’état de droit, Mme Al-Thani a appelé à poursuivre les efforts pour mettre en œuvre les principes sur lesquels sont fondées les Nations Unies, en évitant notamment les facteurs de pauvreté.  Il est nécessaire que ces efforts soient globaux, a-t-elle appuyé.

Mme Al-Thani a souligné la nécessité de poursuivre la coopération entre les organes des Nations Unies qui ont des mandats complémentaires et a salué l’intérêt croissant pour une meilleure coordination entre ces différents organes.  Le Qatar accorde une grande importance au renforcement de la paix et la sécurité dans sa diplomatie, en encourageant la résolution pacifique des différends, a par ailleurs assuré la représentante, mettant en avant ses efforts de médiation, notamment à propos de la situation en Afghanistan et au Darfour.  Par ailleurs, Mme Al-Thani a souligné l’aide d’urgence apportée par son pays dans la bande de Gaza, à hauteur de 1,5 milliard de dollars, afin d’améliorer les conditions de vie déplorables de la population et parvenir à la paix.

Pour Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine), la diplomatie préventive doit tenir compte de l’interaction entre les différents organes, ce qui permet d’aborder crises et conflits à partir d’angles différents et de façon coopérative.  La Charte des Nations Unies établit clairement que la prévention des conflits est une responsabilité fondamentale du Conseil de sécurité, a rappelé Mme Squeff, avant de souligner que les autres organes des Nations Unies quant à eux vont plutôt apporter une approche plus large de la prévention des conflits axée sur la prévention structurelle à long terme.  Elle a notamment cité le renforcement de la résilience à travers l’adoption de mesures qui traitent des causes sous-jacentes des conflits comme la faim et la pauvreté, l’absence de perspectives d’emploi, la discrimination ou l’absence de politique participative.  Aussi, a souligné la représentante, les tâches de la Commission de consolidation de la paix sont cruciales pour empêcher la rechute dans la violence.  Par conséquent, on ne peut pas envisager la diplomatie préventive sans l’implication de toutes les composantes du système des Nations Unies, a estimé la représentante.

M. GÜNTER SAUTTER (Allemagne) a indiqué que la prévention exigeait une approche à l’échelle de toutes les institutions des Nations Unies.  Trop souvent, les différents volets de la paix, du développement et des droits de l’homme sont encore abordés séparément, a-t-il déploré, en invitant à davantage de synergies et de coopération.  De son côté, la Commission de consolidation de la paix doit pouvoir élargir ses interventions, car elle est étroitement liée au Conseil, à l’ECOSOC, et à l’Assemblée générale.  Ces deux derniers organes avaient du reste adopté parallèlement, en 2016, des résolutions à cet égard, a rappelé le représentant.  M. Sautter a mis l’accent sur le respect des droits des personnes, expliquant que les violations de ces droits étaient souvent les détonateurs de conflits violents.  L’Allemagne accorde une grande attention aux droits de l’homme, raison pour laquelle, alors qu’elle était membre du Conseil de sécurité en 2019 et 2020, l’Allemagne avait invité la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à intervenir devant le Conseil de sécurité.  Il a assuré que l’engagement de son pays est le même que celui des Nations Unies.

M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan), au nom du Mouvement des pays non alignés, a estimé que le respect des principes du droit international concernant les relations amicales et la coopération entre les États était de la plus haute importance pour le maintien de paix et de sécurité internationales.  À cet égard, il a réclamé l’abrogation des mesures coercitives unilatérales à l’encontre d’États Membres, mesures qui ne sont pas autorisées par le Conseil de sécurité ou qui sont incompatibles avec les principes du droit international ou de la Charte de l’ONU, étant donné leurs implications extraterritoriales et leur caractère illégal.  Pour le représentant, les menaces et défis multiples à la paix et à la sécurité internationales nécessitent le renouvellement de notre engagement collectif envers les valeurs du multilatéralisme et de la coopération internationale.

M. Aliyev a par ailleurs réitéré la grave préoccupation du Mouvement face à l’empiétement « accru et continu » du Conseil de sécurité sur des questions qui relèvent manifestement des fonctions et pouvoirs d’autres organes principaux de l’ONU et de leurs organes subsidiaires.  Il a rappelé que les principaux organes ont des rôles distincts et ne doivent exercer que les fonctions et pouvoirs énoncés dans leurs mandats.

Une coopération et une coordination étroites entre ces organes est cependant « hautement indispensable » pour permettre à l’ONU de rester pertinente et capable de faire face aux menaces et défis existants, nouveaux et émergents, a ensuite observé M. Aliyev, avant de rappeler que le Mouvement des pays non alignés avait demandé aux Présidents de l’Assemblée générale, du Conseil économique et social et du Conseil de sécurité de se coordonner régulièrement au sujet de l’ordre du jour et du programme de travail de leur organe respectif.

Le représentant a souligné le rôle important joué par la Cour internationale de Justice pour encourager le règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques.  À cette aune, il a exhorté le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et les autres organes des Nations Unies, ainsi que ses institutions spécialisées dûment autorisées à le faire, à utiliser davantage la CIJ comme source d’avis consultatifs et d’interprétation du droit international.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé que le coût des conflits et de leur gestion est supérieur à celui de la prévention.  C’est pour cette raison que le Conseil de sécurité doit la placer au cœur de son travail.  Mais cela n’est pas toujours le cas, comme le montre le retard pris par le Conseil de sécurité pour traiter de la situation en Éthiopie, a-t-il déploré.

Il a ensuite appelé à renforcer les mécanismes de prévention, notamment à travers la Commission de consolidation de la paix, et à élargir le Fonds pour la consolidation de la paix.  Les mécanismes des droits humains et l’enseignement aux droits de l’homme doivent aussi être renforcés, en raison du lien entre violations des droits humains et conflits.  En tant que nouveau membre entrant au Conseil de sécurité, l’Albanie entend lui faire entendre davantage d’exposés sur la situation des droits de l’homme dans le monde, y compris de la bouche de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a-t-il dit.

Le représentant a par ailleurs engagé à promouvoir la participation des femmes dans les processus de maintien de la paix, notant que leur participation est un outil efficace de prévention et de résolution des conflits.  Enfin, les Nations Unies doivent tisser des partenariats forts avec les organisations régionales et sous-régionales pour plus d’efficacité.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a affirmé que le manque de démocratie, de responsabilité et d’état de droit rendait les régimes de certains pays sujets à l’agression.  Dans le même temps, le rétablissement de la démocratie et le respect des droits de l’homme sont essentiels pour la prévention des conflits.  L’Ukraine promeut au Conseil des droits de l’homme une initiative sur le rôle de la prévention des violations des droits de l’homme, a expliqué le représentant, qui a dit espérer que des événements comme le débat de ce jour contribueront à surmonter la séparation idéologique et même physique de longue date entre les questions de droits de l’homme à Genève et les questions de sécurité à New York.

Le Conseil de sécurité doit faire preuve d’une approche globale pour garantir le respect des droits de l’homme, a estimé M. Kyslytsya.  Il doit aussi répondre à leurs violations en tant qu’élément essentiel des efforts visant à prévenir les conflits et les situations de crise.  Le représentant a félicité les Présidents de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et de la Cour internationale de Justice pour avoir réitéré leur engagement à assurer une contribution viable des principaux organes respectifs au renforcement des activités de prévention.

Pour l’Ukraine, il est impossible de construire une paix durable sans développement économique durable.  En tant que Vice-Président de l’ECOSOC pour la session 2021, le représentant s’est dit convaincu que le rôle de l’ECOSOC est essentiel pour lutter contre les moteurs économiques et sociaux des conflits à travers le monde.  L’Ukraine salue l’accent mis sur la prévention dans le rapport « Notre Programme commun » et est prête à s’engager de manière constructive dans ce processus, a ajouté M. Kyslytsya.  Du point de vue de l’Ukraine, il est essentiel d’explorer la boîte à outils de la diplomatie préventive pour décourager tout instigateur de nouvelles flambées de violence.

L’imposition de sanctions et d’autres mesures restrictives à l’encontre d’un agresseur au niveau international a été une réponse légitime et adéquate visant à rétablir le respect des normes et principes du droit international, a poursuivi le représentant, pour qui on ne saurait condamner en bloc comme illégitime ce qui est appelé « mesures coercitives unilatérales ».  La diplomatie préventive ne doit pas non plus être à la traîne des développements sur le terrain.  La situation actuelle aux frontières de l’Union européenne et les problèmes avec le Bélarus servent de test pour notre capacité à assurer une prévention efficace, a estimé le représentant, en soulignant que les tentatives de militarisation des migrations constituaient une menace sérieuse pour l’ensemble de la région.  L’Ukraine pourrait être parmi les plus touchées, a-t-il conclu.

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a déclaré qu’une diplomatie préventive efficace requiert l’engagement de l’ensemble du système des Nations Unies.  Il est particulièrement urgent, aujourd’hui, d’investir dans la diplomatie préventive, car la communauté internationale doit être capable d’identifier certains risques graves pour notre sécurité commune, a-t-il, par ailleurs, prévenu.  Le représentant a notamment cité en exemple la « militarisation des civils qui sont actuellement pris au piège sur le territoire du Bélarus ».  Pendant des mois, a expliqué la délégation, les autorités du Bélarus leur ont délivré des visas et les ont incités à prendre l’avion en leur promettant faussement qu’ils voyageaient vers « un avenir meilleur ».  Toutes ces personnes ont été admises au Bélarus avec le consentement et à la connaissance des autorités du pays, a accusé la Pologne, ajoutant que cela pouvait être qualifié « d’attaque hybride contre l’UE et l’OTAN ».

La Pologne a ensuite qualifié les réponses du Bélarus de « mélange d’accusations et de menaces ouvertes », affirmant que le Groupe de Minsk ne souhaitait pas réduire les tensions, ni permettre l’accès à l’aide humanitaire.  Ainsi, nous sommes convaincus que l’heure est à la diplomatie préventive, a lancé M. Szczerski, appelant à agir avant que la situation ne devienne incontrôlable.  Il a incité la communauté internationale à ne pas participer à la campagne de désinformation bélarussienne, à retirer son soutien à la politique bélarussienne dans les forums internationaux et enfin à aider au processus de démantèlement du réseau de trafic d’êtres humains qui a contribué à déclencher cette crise en premier lieu.

Les actions hybrides ne peuvent pas devenir une nouvelle forme de déclenchement de crises internationales dans n’importe quelle partie du monde, a mis en garde la délégation polonaise.  Cela montre à quel point il est urgent et évident de mettre en place une coopération plus cohérente et soutenue entre les principaux organes des Nations Unies, a-t-elle ajouté, encourageant le Conseil de sécurité à s’engager dans la promotion d’une diplomatie préventive proactive, en collaboration avec l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la Cour internationale de Justice.

M. OMAR HILALE (Maroc) a déclaré que si le Conseil de sécurité a une claire responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’action préventive montre, elle, l’efficacité et l’importance d’une approche cohérente de l’ensemble du système de l’ONU.  Il a salué les contributions précieuses de la Commission de consolidation de la paix, de même que les contributions du Secrétaire général dans son rapport « Notre Programme commun », qui adopte une perspective de prévention.

M. Hilale s’est félicité de l’adoption, hier par l’Assemblée générale de la résolution procédurale sur ledit programme.

Dégageant les priorités préconisées par le Maroc, le représentant a appelé à mettre l’analyse des différents organes en cohérence; renforcer la cohésion de l’action des différents organes et rationnaliser les actions transversales, en mettant l’accent sur les aspects pragmatiques.  Il a également conseillé d’investir davantage dans le nexus « paix, développement, humanitaire ».

M. JORGE EDUARDO FERREIRA SILVA ARANDA (Portugal) a observé que le recours à la diplomatie préventive pour maintenir la paix et la sécurité internationales est de plus en plus crucial pour faire face aux risques émergents et aux tendances dangereuses, comme le souligne le rapport « Notre Programme commun » du Secrétaire général.  Appelant de ses vœux une action conjointe de la communauté internationale face aux causes profondes des conflits, le délégué a noté que cela ne sera possible que si tous les organes principaux de l’ONU travaillent ensemble pour renforcer l’état de droit, éradiquer la pauvreté, promouvoir le développement durable et résoudre les conflits.  De fait, a-t-il ajouté, faire passer l’attention de l’ONU de la gestion à la prévention des conflits est plus nécessaire que jamais.  Pour cela, il importe de « briser les silos » au cœur du système onusien et de favoriser une plus grande coordination dans l’intervention de l’Organisation.

Pour le représentant, le Département des affaires politiques et de consolidation de la paix et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix sont cruciaux pour garantir cette « approche transversale », car ils ont été conçus pour servir de « charnière » entre les piliers paix et sécurité, droits humains et développement.  Le Conseil consultatif de haut niveau sur la médiation contribue aussi à la diplomatie préventive, tout en augmentant l’efficacité du travail de l’ONU avec les groupes et organisations non gouvernementales impliquées dans la médiation à travers le monde, a-t-il relevé, avant de se prononcer pour un élargissement du rôle de la Commission de consolidation de la paix afin de lui permettre de faire face aux multiples menaces à la paix et à la sécurité de manière cohérente et transparente.  À cet égard, il a plaidé pour une coopération accrue entre le Conseil et la CCP, notamment en matière de prévention des conflits.  Enfin, il a souhaité que ces efforts garantissent une participation significative des femmes et des jeunes.

Pour M. MHER MARGARYAN (Arménie), il convient de renforcer la coopération entre l’ONU et les organisations régionales pour identifier les signes avant-coureurs de conflit.  « C’est garantir des réponses rapides en cas de renforcement militaire, de violation des engagements ».  Aussi, a-t-il poursuivi, l’appui de la communauté internationale est essentiel pour le règlement juste du conflit du Haut-Karabakh sur la base des principes et éléments élaborés au fil des ans, notamment les principes d’autodétermination des peuples.  Ces derniers jours, l’Azerbaïdjan a procédé à des attaques armées contre l’intégrité territoriale de l’Arménie en faisant totalement fi de la Charte des Nations Unies et des dispositions de l’accord du 9 novembre 2020 sur la cessation des hostilités de la guerre de 44 jours, a accusé M. Margaryan, qui a déploré que ces mesures hypothèquent les perspectives de paix dans la région. « Une réaction ferme et sans équivoque aux actions illégales de l’Azerbaïdjan est essentielle pour éviter une escalade dangereuse de la situation sécuritaire dans la région et au-delà », a finalement déclaré M. Margaryan.

Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a déclaré que pour faire face aux enjeux des nouveaux conflits, la communauté internationale et le Conseil de sécurité ont besoin d’approches nouvelles et innovantes.  Pour ce faire, les organes de l’ONU doivent travailler en synergie pour appuyer le Conseil de sécurité dans son mandat de maintien de la paix par le biais de la prévention.  Les interactions entre l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice et le Conseil de sécurité ne sauraient être davantage soulignés, par plus que la nécessité pour le Conseil de sécurité de renforcer ses liens avec les organisations régionales et sous-régionales, a-t-elle estimé.  La représentante a également assuré que selon la Charte des Nations Unies, la diplomatie préventive doit être au cœur du mandat de l’ONU.  Pour réaliser cet objectif, il faut des réformes qui permettent aux Nations Unies de remplir pleinement son mandat.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a appelé à passer d’une stratégie qui se base principalement sur la gestion des conflits à a prévention.  « Il ne fait aucun doute que travailler sur les causes profondes des conflits apportera des bénéfices à long terme favorisant une culture de paix et de résilience. »  Elle a également souligné que les femmes sont des piliers importants dans leur communauté, capables de favoriser les efforts de prévention des conflits.

Mme Shaheen a par ailleurs jugé essentiel de maintenir une communication régulière et la transparence entre le Conseil et les États Membres.  Cela ne peut pas se limiter à un rapport annuel soumis à l’Assemblée générale, a-t-elle estimé, se disant favorable à des contacts réguliers sur les priorités partagées.  De plus, elle a insisté sur le rôle crucial que jouent les organisations régionales dans la prévention des conflits, jugeant qu’au Moyen-Orient, qui occupe une part importante de l’ordre du jour du Conseil de sécurité, le Conseil et la Ligue des États arabes pourraient tirer avantage d’une coopération plus étroite dans la prévention des conflits, l’édification et le maintien de la paix.

M. PANGERAN IBRANI SITUMORANG (Indonésie) a appelé à renforcer la coopération entre tous les organes des Nations Unies afin qu’ils puissent réagir de façon cohérente en s’appuyant sur leurs atouts respectifs.  Les missions sur le terrain ont la capacité d’identifier le moteur des conflits, tandis que les agences ont la capacité technique à travailler sur ces moteurs, a fait remarquer la délégation.  Afin de parvenir à cette coordination harmonieuse, l’Indonésie a souligné que les organes doivent exercer leur mandat respectif dans le respect de la Charte des Nations Unies et des différentes résolutions.

La délégation a ensuite mis en avant le rôle et l’importance des organisations régionales.  Les efforts dans la prévention des conflits peuvent être améliorés grâce à une coopération forte entre les Nations Unies et les organisations régionales, a-t-elle estimé, appelant à soutenir leurs efforts.  Enfin, l’Indonésie a incité à favoriser une culture de la confiance et du dialogue.  Nous pouvons apprendre de l’expérience de l’Asie du Sud-Est, a assuré le représentant, rappelant que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) avait été établie pour traiter des problèmes de méfiance.  Cela ne signifie pas que la région n’a plus de problème, a-t-il reconnu, « mais la clef de l’ASEAN est la culture du consensus ».  Il a donc appelé à renforcer le dialogue dans les processus de paix dans les zones touchées par les conflits, soulignant que le renforcement de la prévention des conflits ne peut pas être fait par une seule organisation.

Intervenant en sa capacité nationale, M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan) a réfuté les « fausses allégations » faites par l’Arménie.  Il a dit que son pays a beaucoup souffert des effets dévastateurs de la guerre avec l’Arménie, qui a occupé une partie de son territoire malgré les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a reproché en outre à l’Arménie d’avoir mené un nettoyage ethnique dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, d’avoir rasé des villages entiers et d’avoir fait usage de la force militaire contre des civils.  Compte tenu de tout cela, a-t-il indiqué, l’Azerbaïdjan a lancé une contre-offensive afin de libérer ces territoires, de protéger son peuple et de permettre aux déplacés de rentrer chez eux, « conformément à la Charte des Nations Unies ».  Ce conflit armé a été résolu, a déclaré le représentant, et l’Azerbaïdjan est aujourd’hui prêt à signer un traité de paix avec l’Arménie.  Cependant, l’Arménie n’a pas fait sa part dans le programme de paix proposé par l’Azerbaïdjan, ce dont témoignent ses revendications territoriales, a-t-il déploré.  Il n’en reste pas moins que l’Azerbaïdjan est convaincu qu’il n’y a pas d’alternative à la normalisation des relations entre les deux pays sur la base du droit international.

Reprenant la parole, la délégation de l’Inde a accusé le Pakistan d’avoir depuis longtemps des politiques d’appui au terrorisme, en abritant et finançant des terroristes.  L’ensemble du territoire du Jammu-et-Cachemire et du Ladakh feront toujours partie intégrante de l’Inde, a souligné la déléguée, appelant le Pakistan à évacuer les zones occupées illégalement.  Enfin, elle a déclaré que tout dialogue ne peut avoir lieu que dans le cadre d’un climat sans violence ou provocation.  Si le Pakistan n’a pas une telle attitude, nous prendrons des mesures pour faire face au terrorisme transfrontalier, a assuré l’Inde.

Texte de la Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité rappelle ses résolutions antérieures et les déclarations de sa présidence sur les questions de la diplomatie préventive, de la prévention des conflits armés, de la consolidation de la paix et de la pérennisation de la paix, ainsi que de la médiation et du règlement pacifique des différends. 

Le Conseil réaffirme son attachement à la Charte des Nations Unies, notamment aux buts et aux principes qui y sont énoncés, et la responsabilité principale qui est la sienne à ce titre en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  

Le Conseil note que les organes principaux de l’Organisation des Nations Unies sont tenus, dans la limite de leurs propres mandats, de contribuer à la réalisation des buts énoncés à l’Article 1 de la Charte des Nations Unies.  

Le Conseil réaffirme le rôle central de l’Organisation des Nations Unies et réaffirme qu’il est attaché au renforcement de la coordination dans le système des Nations Unies. 

Le Conseil souligne que les organisations et accords régionaux et sous-régionaux jouent un rôle important et qu’il est indispensable de coopérer avec eux, conformément au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales, cela contribuant aux efforts internationaux visant à faire respecter la Charte. 

Le Conseil réaffirme qu’il s’est engagé à obtenir, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de situations ou de différends internationaux susceptibles de mener à une rupture de la paix.  

Le Conseil souligne l’importance d’une approche globale de la pérennisation de la paix, reposant en particulier sur la prévention des conflits et l’élimination de leurs causes profondes, le renforcement de l’état de droit aux niveaux international et national et la promotion d’une croissance économique soutenue et durable, de l’élimination de la pauvreté, du développement social, du développement durable, de la réconciliation et de l’unité nationales, y compris grâce à un dialogue inclusif et à la médiation, de l’accès à la justice et à la justice transitionnelle, de l’application du principe de responsabilité, de la bonne gouvernance, de la démocratie, de la transparence des institutions, de l’égalité des sexes, et du respect et de la protection des droits humains et des libertés fondamentales. 

Le Conseil reste déterminé à tout mettre en œuvre pour encourager les échanges réguliers avec l’Assemblée générale, le Conseil économique et social, la Cour internationale de Justice et le Secrétariat, dans le respect des mandats conférés aux uns et aux autres par la Charte des Nations Unies, en particulier sur les questions relatives aux outils et mécanismes de diplomatie préventive. 

Le Conseil réaffirme l’importance du rôle des femmes dans la prévention et le règlement des conflits et dans la consolidation de la paix et demande de nouveau que l’on associe pleinement et véritablement les femmes, sur un pied d’égalité, aux efforts de diplomatie préventive et à tous les mécanismes de décision connexes concernant ces questions, conformément à la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité et aux résolutions connexes. 

Le Conseil est conscient que la consolidation de la paix est, par définition, un processus politique visant à prévenir le déclenchement, l’intensification, la poursuite ou la récurrence de conflits et qu’elle recouvre un vaste éventail de programmes et de mécanismes de nature politique et touchant au développement et aux droits humains. 

Le Conseil voit dans le rôle consultatif que la Commission de consolidation de la paix joue, conformément à son mandat, pour ce qui est de l’appui à la consolidation de la paix dans les pays touchés par des conflits, compte étant tenu du principe d’appropriation nationale et des priorités des pays, un outil majeur qui complète les capacités de la communauté internationale en ce qui concerne le programme de consolidation de la paix au sens large. 

Le Conseil souligne le rôle central qui revient à la Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, qui tranche les différends entre États, et la valeur des travaux qu’elle mène. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.