Soixante-seizième session,
5e séance plénière – après-midi
CPSD/732

​​​​​​​Quatrième Commission: les défenseurs du droit à l’autodétermination des Sahraouis s’opposent aux représentants issus des dernières élections au Maroc

Au troisième et dernier jour des auditions de pétitionnaires à la Quatrième Commission, chargée des questions de politiques spéciales et de la décolonisation, c’est encore de l’avenir du Sahara occidental dont il était question.  Malgré les restrictions sanitaires imposées par la pandémie de COVID-19, ils ont été 66 à se déplacer à New York cette année pour s’exprimer sur le sujet, qui oppose toujours les partisans du Front POLISARIO à ceux du plan d’autonomie élargie pour les « provinces du Sud » proposé par le Maroc; les défenseurs du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui à ceux du développement économique et de la légitimité des urnes des représentants élus du « Sahara marocain ».  

Ainsi, la représentante de l’Association américaine de juristes et du Groupe de soutien de New York pour l’indépendance du Sahara occidental, Mme Vanessa Ramos, a affirmé sans ambages que le Sahara occidental est un cas de décolonisation et d’occupation militaire illégal, et que le peuple sahraoui jouit du droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance.  L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021 confirme la jurisprudence établie dans les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016 et du 27 février 2018, a-t-elle argué, rappelant qu’il stipule qu’aucun accord ne peut être appliqué au Sahara occidental sans le consentement libre, préalable et éclairé du peuple sahraoui.

Renchérissant, M. David Lippiatt, de WE International Inc., est allé jusqu’à dire que l’oppression du Maroc au cours des 40 dernières années justifierait un renvoi à la Cour pénale internationale, en vertu de l’article  13(b) du Statut de Rome, pour « les crimes contre l’humanité commis dans le territoire du Sahara occidental ».

Mais c’est l’intervention de M. Mohamed Hichem Radoui, d’American Peace Supporters Association, qui a fait réagir le Maroc, la délégation invoquant une motion d’ordre pour réfuter en bloc « les mensonges », bons « pour la poubelle », colportés devant la Commission par ce pétitionnaire.  Ce dernier avait dénoncé le blocus et l’oppression exercés par le « régime marocain » dans le territoire sahraoui, en évoquant notamment des transferts illégaux de prisonniers marocains et sahraouis et des arrestations de centaines de Sahraouis et de Marocains à la suite de la publication d’une vidéo sur la situation.  Il faut agir et éviter qu’une catastrophe ne se produise, a exhorté ce pétitionnaire, en déplorant l’absence de mécanisme de protection des citoyens sahraouis en raison du refus du Maroc d’autoriser les observateurs.

À ces critiques du Royaume chérifien, sont venus s’opposer des représentants élus des Sahraouis qui vivent « dans le Sahara marocain ».  Qu’il s’agisse de M. M’hamed Abba, Président du Conseil régional de Laâyoune-Sakia Al Hamra ou de M. Mohammed Ayyach, parlementaire de Laâyoune, ils ont tous deux revendiqué leur légitimité tirée des urnes pour représenter leur peuple.  Les Sahraouis des « provinces sahraouies » ont participé avec un taux record aux élections de septembre 2021 au Maroc, pour élire leurs représentants aux niveaux local et parlementaire, a expliqué M. Ayyach.  En tout, ce sont 667 élus locaux et 25 représentants au sein du Parlement marocain qui ont été élus par des scrutins directs sous observation internationale, a-t-il rappelé.

Tenant à préciser que ce sont environ 85% des Sahraouis qui vivent dans le « Sahara marocain » qui ont élu leurs représentants, il a remis en cause la légitimité de ceux qui font partie de la minorité sahraouie résidant dans des camps en Algérie et qui se prétendent, selon lui, être les représentants de leur peuple.  Pour M. Abba, en participant massivement aux élections de 2021, les Sahraouis du « Sahara marocain » ont de facto exercé leur droit à l’autodétermination puisqu’ils représentent la majorité, et ont « choisi de vivre au Maroc ».

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 12 octobre, à 15 heures et abordera les missions politiques spéciales.

DÉBAT GÉNÉRAL SUR LES POINTS RELATIFS À LA DÉCOLONISATION (SUITE)

Pétitionnaires du Sahara occidental (fin)

Mme VANESSA RAMOS, de l’Association américaine de juristes et du Groupe de soutien de New York pour l’indépendance du Sahara occidental, a estimé que le Sahara occidental est un cas de décolonisation et d’occupation militaire illégale, affirmant que le peuple sahraoui jouit du droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance.  L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021 confirme la jurisprudence établie dans les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016 et du 27 février 2018, stipulant qu’aucun accord ne peut être appliqué au Sahara occidental sans le consentement libre, préalable et éclairé du peuple sahraoui.  Les violations des droits humains, la grave situation humanitaire des plus de 170 000 réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf, et l’exploitation illégale des ressources naturelles du territoire à travers des accords entre le Maroc et d’autres États ou sociétés transnationales sont illégales.  Mme Ramos a donc exhorté le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme à prendre des mesures pour mettre fin à cette situation.  Elle a demandé à cette Commission de dépêcher une mission d’observation dans le « territoire occupé du Sahara occidental » avec des experts du Bureau des Nations Unies pour les droits de l’homme.

M. DAVID LIPPIATT, de WE International Inc., a déclaré être allé plusieurs fois dans les camps sahraouis de Tindouf, en Algérie.  Selon lui, le Maroc a continuellement opprimé le peuple sahraoui.  La Cour internationale de Justice, Amnesty International, Human Rights Watch, le Centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l’homme, l’Union africaine, ainsi que de nombreux États-nations ont conclu qu’il y a un réel besoin pour la MINURSO de disposer d’un volet « droits de l’homme » dans son mandat, comme d’autres missions.  Il est clair, a estimé le pétitionnaire, que le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) est une « farce » qui ne réalisera pas de surveillance impartiale.  M. Lippiatt a estimé que l’oppression du Maroc au cours des 40 dernières années justifierait un renvoi à la Cour pénale internationale, en vertu de l’article 13 (b) du Statut de Rome, pour les crimes contre l’humanité commis dans le territoire du Sahara occidental.

M. MOHAMED ALI ARKOUKOU, de Sahrawi Association in USA, a déclaré qu’on avait menti sur les élections au Sahara occidental.  Celles-ci sont illégales et il se trouve que les élus sont souvent des collaborateurs du régime marocain, a-t-il soutenu.  Il a émis l’espoir que ces collaborateurs tirent des enseignements sur ce qui s’est passé dans d’autres pays comme le Viet Nam ou l’Algérie.  Ainsi, il a estimé que ceux qui ont participé aux élections sont des colons marocains qui sont présents depuis 1975, attirés par l’argent.  Il a, en conclusion, exigé la remise en liberté de tous les détenus politiques sahraouis.

M. STEPHEN BRONNER, de International Council for Diplomacy and Dialogue (ICDD), a déclaré que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) devait reconsidérer sa position, car chercher à progresser sur le plan diplomatique tout en poursuivant des activités relevant de la guérilla était intenable à long terme.  Il a de plus estimé que les investisseurs devaient faire pression sur le Maroc pour qu’il renoue des relations diplomatiques avec l’Algérie.  En outre, le pétitionnaire a présenté trois autres alternatives: une autonomie renforcée qui permettrait à la RASD d’avoir sa propre gouvernance démocratique sans que ses lois soient soumises au veto du Maroc; deux États indépendants sans frontière, laquelle entraverait leur développement économique commun; ou encore rétablir le précédent cadre de règlement global de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) impliquant un cessez-le-feu, le retour des réfugiés, le droit des Sahraouis d’exploiter leurs propres ressources naturelles sans entrave du Maroc, ainsi qu’un référendum sur le statut final.

M. MAALAININE YARA, de Laayoune Online, a exhorté le nouvel Envoyé spécial à examiner la situation des droits de la personne dans le « territoire sahraoui occupé ».  Ce volet des droits humains doit être intégré dans le mandat dans la MINUSRO, a plaidé le pétitionnaire.

M. MOHAMED HICHAM RADOUI, d’American Peace Supporters Association, a dénoncé le blocus et l’oppression exercés par le régime marocain dans le territoire sahraoui.  Les femmes font partie des opprimés, a ajouté le pétitionnaire, en accusant le Maroc de transferts illégaux de prisonniers marocains et sahraouis, des violations qui n’épargnent pas, selon lui, les enfants.  M. Radoui a également déploré l’arrestation de centaines de Sahraouis et de Marocains à la suite de la publication d’une vidéo sur la situation.  Il faut agir et éviter qu’une catastrophe ne se produise, a exhorté l’intervenant, en déplorant l’absence de mécanisme de protection des citoyens sahraouis en raison du refus du Maroc d’autoriser les observateurs.  Ce conflit doit être réglé conformément au droit international, a-t-il ajouté.

M. MOHAMMED AYYACH, parlementaire de Laâyoune, a été élu durant les dernières élections de septembre 2021 au Maroc.  Elles ont connu un taux de participation record dans les provinces sahraouies, a-t-il précisé, mettant en exergue la conscience politique des Sahraouis ainsi que leur volonté de bonne gouvernance et de sauvegarde du patrimoine local dans le cadre de l’identité marocaine.  En tout, ce sont 667 élus locaux et 25 représentants au sein du Parlement marocain qui ont été élus à travers des élections directes sous observation internationale.  Environ 85% des Sahraouis sont des résidents du Sahara marocain, a-t-il rappelé, avant de dire que ce sont eux qui ont élu leurs représentants.  Dès lors, M. Ayyach s’est dit surpris du discours de certains Sahraouis résidant dans les camps en Algérie alors qu’ils représentent la minorité sahraouie et n’ont jamais eu l’occasion de s’exprimer dans les urnes.  Comment peuvent-ils revendiquer une légitimité? s’est-il demandé.

M. M’HAMED ABBA, Président du Conseil Régional de Laâyoune-Sakia Al Hamra, a été élu lors des élections générales de 2021 au Maroc qui ont eu lieu sous observation internationale.  Il a estimé être le véritable représentant du Sahara occidental « qui tire sa légitimité des urnes », contrairement à d’autres ici voulant parler en leur nom.  Le Maroc « a suivi la voie de la sagesse » en se mobilisant en faveur du succès des élections au Sahara marocain, a-t-il fait valoir.  Les jeunes et les femmes ont massivement participé à ces élections (8% de nouveaux électeurs âgés de 18 à 24 ans).  Au Sahara marocain, la participation électorale était de plus de 50% malgré la pandémie, a-t-il noté, signifiant que les citoyens sahraouis ont réalisé leur droit à l’autodétermination et choisi de vivre au Maroc. 

Mme KADIATOU SYLLA a expliqué qu’au Sahara occidental, les citoyens sont pris entre des dirigeants irresponsables et des groupes séparatistes.  Dès lors, il n’est pas étonnant que la violence règne.  Et ce sont les groupes marginalisés qui paient le plus lourd tribut, à savoir les femmes et les enfants.  « J’ai vu des femmes victimes d’exploitation sexuelle, des enfants à qui on enseigne le maniement des armes et des jeunes désœuvrés qui n’ont comme espoir que l’extrémisme », a-t-elle déclaré.  Estimant que les vies de tous les Africains sont importantes, l’intervenante a déclaré que « si nous ne faisons rien, nous nous exposons à des catastrophes », a-t-elle ajouté.  

Le représentant du Maroc est intervenu au titre d’une motion d’ordre, en déclarant qu’on accorde le droit de parole aux pétitionnaires pour parler de sujets spécifiques dans le plein respect des règles de l’Organisation.  Le représentant a estimé que M. Mohamed Hicham Radoui venait de colporter des mensonges contre son pays et recouru à une terminologie qui est inacceptable à l’ONU.  Il a condamné et rejeté « les propos fallacieux de cet individu qui ne sont dignes que de la poubelle ».  Notre Organisation ne peut et doit laisser de telles personnes instrumentaliser la Quatrième Commission, a-t-il ajouté en conclusion.

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