Soixante-seizième session,
Réunions virtuelles – matin & après-midi
AG/SHC/4328

Troisième Commission: le handicap, le fléau de la lèpre, le sort des minorités et la culture au prisme des droits humains en temps de pandémie

La Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a poursuivi aujourd’hui le marathon de ses dialogues avec des titulaires de mandat sur la promotion et la protection des droits de l’homme, cette fois sous l’angle du handicap, du fléau persistant de la lèpre, du sort des minorités et des droits culturels dans le contexte actuel de pandémie.  La séance a aussi permis de faire le point sur les discussions relatives au réexamen des méthodes de travail des organes de traité. 

Première intervenante à s’exprimer, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées a donné le ton des échanges en soulignant les retombées disproportionnées qu’a eues la pandémie sur ce groupe vulnérable.  Constatant que les personnes en situation de handicap, et singulièrement les femmes et les filles, ont souvent été oubliées dans la planification de la riposte à la COVID-19, Mme Rosemary Kayess a plaidé pour une reprise qui, au-delà des mécanismes de soutien, assure leur participation dans les plans nationaux par l’intermédiaire de leurs organisations représentatives. 

Mme Kayess a profité de son intervention pour signaler l’impact de la pandémie sur son Comité, qui est confronté à des problèmes de fuseaux horaires, de connectivité, d’accessibilité et de rétribution des experts.  Dans ces conditions, le nombre des rapports en attente d’examen ne cesse de progresser sans espoir de résorption, une situation que partage la plupart des organes conventionnels et qui suppose, selon elle, de revoir leur fonctionnement.  Alors que des discussions ont lieu entre présidents desdits organes, elle s’est prononcée pour un calendrier commun et prévisible d'examens, qui permettrait d’éponger l’arriéré tout en garantissant l’égalité de traitement. 

Revenant à la situation des personnes handicapées, le Rapporteur spécial en charge de leurs droits a mis l’accent sur celles qui vivent dans des contextes de conflit armé.  Ce qui est en jeu, a noté M. Gérard Quinn, c’est non seulement leur protection mais aussi leur participation à la prévention des crises et à la reconstruction d’un avenir plus inclusif.   Il s’est alarmé, à cet égard, du manque de visibilité des personnes handicapées dans l’ensemble des activités de paix, ces individus étant rarement pris en compte dans le cadre des stratégies de prévention de conflit. 

À ses yeux, les normes du droit international humanitaire ne sont pas suffisamment « nuancées » pour tenir compte de l’expérience des personnes handicapées durant les conflits.  Il a ainsi appelé les opérations de maintien de la paix à avoir davantage conscience des droits des civils handicapés et à reconnaître le rôle positif des personnes handicapées et de leurs représentants dans les processus de consolidation de la paix. 

  La Commission a ensuite été alertée par la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des  membres  de  leur  famille sur les dizaines de lois discriminatoires qui frappent cette population défavorisée, dans les pays du Sud comme du Nord, que la maladie y soit endémique ou non.  Ces législations, qui créent  des  « espaces de non-citoyenneté et de déshumanisation », violent les droits et libertés fondamentales de ces personnes et, fait aggravant, ont également un impact sur leurs proches, leurs descendants et les communautés  toutes  entières, a souligné Mme Alice Cruz. 

Rappelant que la lèpre n’est pas une « maladie du passé », la Rapporteuse spéciale a indiqué que 200 000 personnes sont diagnostiquées chaque année et que cinq millions de personnes vivent avec la maladie.  Au total, le monde compterait plus de 1 000 léproseries, « autrement dit des lieux de ségrégation ».   Cela étant, la lèpre « n’est pas hautement transmissible », a-t-elle assuré, ajoutant que 95% des personnes y sont immunes.  Elle s’est donc élevée contre les stratégies sanitaires qui « pénalisent et sanctionnent », en particulier en cette période de pandémie. 

« La promesse des objectifs  de développement durable de ne laisser personne de côté  a  échoué », a, lui aussi, tonné le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, en observant que, dans de nombreux pays, le développement est privilégié  par rapport aux  personnes et aux communautés, en particulier les plus marginalisées comme les minorités.  De l’avis de M. Fernand de Varennes, le manque de données tenant compte de l’ethnicité, de la religion et de la langue tend à masquer un  « développement déséquilibré », dont tout le monde ne profite pas équitablement. 

Pour y remédier M. de Varennes a préconisé de davantage axer les indicateurs des ODD sur les groupes les plus défavorisés et exclus, tels que les personnes d’ascendance africaine, les Roms ou les dalits, afin de saisir les formes existantes et systémiques de discrimination et de réduire plus efficacement les disparités et les inégalités là où c’est nécessaire. 

Le dernier dialogue du jour a vu la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels  en appeler à une plus grande reconnaissance du mélange culturel et du syncrétisme respectueux des droits humains.  Mme Karima Bennoune a ainsi cité l’exemple de la « créolisation » qui, selon elle, « subvertit une notion initialement coloniale » en soulignant la nature composite des identités culturelles. 

Partisane d’un respect accru de la mixité culturelle, elle a relevé que le rejet du syncrétisme a conduit à des attaques contre des sites religieux et des reliques importantes pour certains Afro-Brésiliens.  De même, sous le contrôle des Taliban, les diversités culturelles de l’Afghanistan sont aujourd’hui menacées d’oblitération, a-t-elle averti, avant de mettre en garde contre l’hégémonie culturelle et ses effets, notamment sur les peuples autochtones et les minorités. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux sur la promotion et la protection des droits humains demain, vendredi 22 octobre à partir de 10 heures.                                                                    

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

Mme ROSEMARY KAYESS, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a reconnu dès l’entame de sa présentation que la pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur le travail de son organe, qui a notamment dû reporter sa vingt-troisième session en mars 2020.  Depuis lors, il a mené trois sessions en ligne et augmenté ses activités dans les intersessions afin d’accomplir son mandat.  Malgré ces difficultés, le Comité a pu souligner l’impact disproportionné de la pandémie sur les personnes handicapées, s’est félicitée Mme Kayess, en plaidant pour une reprise post-COVID-19 qui comprenne des mécanismes de soutien à ces personnes et assure leur participation dans les plans nationaux par l’intermédiaire de leurs organisations représentatives. 

Elle a ensuite rappelé que, dans une lettre ouverte publiée en juin dernier, le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées ont recommandé aux États membres du Conseil de l’Europe d’interrompre le processus d’adoption du projet de protocole additionnel à la Convention de bioéthique du Conseil de l’Europe en expliquant que s’il était adopté, il « établirait les bases d’une fragmentation du droit international ».  En effet, a-t-elle expliqué, le protocole additionnel permet une politique et une pratique coercitives en matière de santé mentale qui établit une norme différente de la Convention.  Le Comité s’est par ailleurs engagé avec le Comité des droits de l’enfant à harmoniser la jurisprudence sur les droits des enfants handicapés, tout en créant un groupe de travail sur les femmes et les filles handicapées pour lutter contre la discrimination multiple et intersectionnelle.  Il a également organisé un débat en ligne qui a abouti à la rédaction d’une observation générale sur l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui porte sur le travail et l’emploi. 

Bien que le Comité ait adapté ses méthodes de travail à titre exceptionnel, il reste confronté à des « défis considérables », a souligné Mme Kayess, en évoquant des problèmes d’utilisation de la plateforme en ligne, de différence de fuseaux horaires, de connectivité, d’accessibilité et de rétribution des experts. Déplorant l’absence d’aménagements raisonnables, la Présidente du Comité a aussi estimé que les politiques actuelles de l’ONU sont inadéquates pour faciliter la fourniture d’un soutien individualisé aux experts handicapés à la fois en ligne et en personne.  Elle a en outre averti qu’alors que le Comité doit revenir aux réunions en personne en 2022, la rigidité budgétaire continuera d’entraver les initiatives pour un engagement présentiel plus fort dans les zones régionales. 

Autre point noir signalé par Mme Kayess, le Comité n’a pu effectuer que trois examens en ligne des États parties au cours de ses vingt-quatrième et vingt-cinquième sessions, alors que de nombreux examens ont été reportés depuis mars 2020.  De fait, 82 rapports sont aujourd’hui en attente d’examen et un État qui soumet son rapport initial devra attendre au moins cinq ans pour avoir son dialogue avec le Comité.  Certains États devront même attendre 10 ans pour avoir leur deuxième dialogue, a-t-elle prévenu, estimant que le traitement de cet arriéré suppose de revoir le fonctionnement des organes conventionnels.  Elle a précisé à cet égard que le Comité soutient un calendrier commun et prévisible d’examens basé sur un cycle d’examen de cinq ans.  Selon elle, ce calendrier résoudrait l’arriéré existant, tout en garantissant l’égalité de traitement et le respect général par les États de leurs obligations de déclaration.  Pour la Présidente du Comité, le passage au travail à distance doit également être reconnu comme faisant partie du mandat principal des organes conventionnels, mais à la condition que des honoraires soient versés aux experts lorsqu’ils travaillent en ligne.  Plus largement, a-t-elle conclu, l’avenir du système des organes de traité a besoin d’une stratégie de financement qui assure la stabilité financière et renforce les mandats, conformément à l’appel à l’action sur les droits de l’homme lancé par le Secrétaire général. 

Dialogue interactif

Évoquant le contexte de la pandémie de COVID-19, la Suisse a voulu connaître les difficultés que rencontre le Comité dans ses travaux en ligne.  Elle a d’autre part souhaité savoir si les séminaires régionaux en ligne devraient être encouragés et si un système de gestion numérique des rapports permettrait de résorber les délais d’examen.  En outre, le rôle crucial joué par les organes conventionnels pourrait être renforcé en harmonisant et en modernisant leurs méthodes de travail, a estimé la délégation. 

Qu’en est-il des efforts déployés par le Comité pour traiter les problèmes multiples et intersectionnels auxquels sont confrontées les personnes handicapées, en fonction de leur sexe, race et âge, a voulu savoir l’Australie qui, à titre national, a fait état du lancement d’une nouvelle stratégie sur le handicap pour la période 2021-2031.  Quelles mesures permettaient d’assurer la pleine participation des personnes handicapées aux efforts de consolidation de la paix et de réconciliation, a demandé à son tour la Pologne, tandis que Royaume-Uni a souhaité savoir comment les États peuvent accroître la capacité des organisations de personnes handicapées pour leur permettre d’interagir efficacement avec les gouvernements et d’autres entités en matière de paix et de sécurité.  Le Mexique a quant à lui demandé des exemples de bonnes pratiques qui intègrent des politiques répondant aux intersectionnalités des personnes handicapées, par genre, sexe, race, âge et autres caractéristiques. 

La France a ensuite sollicité l’avis du Comité sur les moyens qui permettraient aux États de mieux intégrer les besoins spécifiques des femmes et des filles en situation de handicap dans leurs politiques de réponse à la COVID-19.  Pour la délégation, cette crise ne saurait servir de prétexte à une restriction, à un recul ou à une stagnation des droits de ces personnes, en particulier en matière de droits à la santé sexuelle et reproductive.  Lui emboitant le pas, l’Union européenne s’est dite consciente qu’une perspective de genre et une focalisation sur les enfants font souvent défaut dans les lois et programmes sur le handicap.  La délégation a d’autre part appuyé la proposition du Comité en faveur d’un calendrier prévisible des examens de rapport par les organes conventionnels, tout en regrettant l’absence de progrès dans les discussions entre présidents desdits organes. 

Comment le Comité travaille-t-il avec d’autres organes conventionnels pour intégrer le handicap dans leurs actions, ont voulu savoir les États-Unis, qui ont mis en avant leurs projets visant à mieux intégrer les personnes handicapées dans le travail et les opérations de l’ONU.  L’Éthiopie a, pour sa part, indiqué qu’elle s’emploie à accroître l’inclusion des personnes handicapées dans la société, notamment en matière d’accessibilité et d’égalité des droits.  La Malaisie a indiqué que, face à la pandémie, son gouvernement a adopté une approche intégrée pour s’assurer que les personnes handicapées ne soient pas laissées pour compte dans la riposte.  Son action a notamment pris la forme d’une assistance financière aux personnes concernées, mais aussi de bourses, de formations et d’encouragement à l’entreprenariat.  De son côté, le Maroc a jugé primordial d’assurer la participation des personnes handicapées à la riposte contre la pandémie et de garantir que l’information leur soit transmise de façon appropriée. Par ailleurs, que fait le Comité pour remédier au manque de données et de statistiques sur la participation de ces personnes à ces efforts? 

La République islamique d’Iran a elle aussi affirmé lutter contre les effets de la pandémie en tenant compte des droits des personnes handicapées, notamment en leur accordant la priorité en matière de vaccination.  Pour la délégation, ces efforts sont toutefois sapés par les mesures coercitives illégales prises contre le pays, qui devaient être un motif de préoccupation pour la communauté internationale.  La Thaïlande a ensuite fait savoir que pendant la pandémie, un hôpital exclusivement dédié aux personnes handicapées a été créé et que des logements gratuits ont été attribués à celles qui en avaient besoin, faisant également état de transferts de liquidités et de programme d’insertion dans l’emploi. 

Quels sont les plus grands défis pour la pleine mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a demandé l’Ordre souverain de Malte, après avoir indiqué que ses programmes humanitaires à travers le monde viennent en aide aux personnes handicapées, notamment aux réfugiés syriens handicapés présents en Turquie. 

En réponse aux questions et remarques, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées a souligné en premier lieu l’importance de l’intersectionnalité des études sur le handicap, qui est reconnue par la Convention et permet aux États souhaitant mettre en œuvre leurs obligations de reconnaître la diversité des cas.  Il est essentiel, à ses yeux, que des données ventilées soient utilisées, de façon à refléter la multiplicité des situations. Reconnaître les différentes identités des individus permet de mieux répondre aux besoins de chaque groupe, en particulier ceux des femmes et des filles.  La pandémie a en effet montré que ces dernières ont été laissées pour compte dans l’étape de planification mais aussi dans les données collectées quant aux conséquences de la crise, a-t-elle souligné, avant d’appeler à leur inclusion dans l’élaboration des mesures de relèvement post-COVID-19. 

Elle a appelé à mettre en place des stratégies s’appuyant sur l’intersectionnalité des données, lesquelles doivent non seulement tenir compte du sexe et de l’âge, mais également des différents types de handicap.  Le Comité y travaille avec d’autres organes conventionnels, avec lesquels il a monté des groupes de travail, ainsi qu’avec l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’International Disability Alliance et le monde universitaire.  Il mène en outre des consultations régionales qui lui permettent d’obtenir des informations clefs et de dialoguer directement avec les détenteurs de droits dans leur région, a-t-elle précisé, qualifiant ces échanges de très utiles. 

Mme Kayess a ensuite abordé la question du travail en ligne de son Comité. Elle s’est félicitée à cet égard que le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme élabore actuellement un portail à même de recevoir des signalements en ligne et des transferts de pétitions entre États.  Cela rationnalisera les communications et permettra de réduire les délais d’examen, a-t-elle assuré, avant d’évoquer les difficultés liées à un travail dont « l’amplitude horaire est passée à 24 heures ».  Nous avons réussi à assurer la participation de tous mais nous ne pouvons demander à certains de « travailler à 2 heures du matin », a expliqué la Présidente du Comité.  Cela étant, le travail en mode virtuel permet une plus grande participation des détenteurs de droits et de la société civile, tout en facilitant les échanges au niveau régional, a-t-elle concédé. 

Enfin, en réponse à l’Union européenne, Mme Kayess a confirmé que les échanges entre présidents d’organes de traité en vue d’une réorganisation de leurs méthodes de travail n’ont guère avancé.  Aucun progrès n’a été enregistré en ce qui concerne les communications écrites et l’examen de la vision de 2019, a-t-elle indiqué, estimant cependant qu’un consensus reste possible.  Nous allons poursuivre les discussions avec d’autres organes qui n’ont pas encore achevé leur session, a ajouté la Présidente du Comité, selon laquelle l’absence de réunion en présentiel est un obstacle supplémentaire. 

Exposé

M. GERARD QUINN, Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, a indiqué que son rapport (A/76/146) porte, cette année, sur la question de la protection des droits des personnes handicapées dans le contexte des conflits armés, avec pour principal point de départ l’article  11 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Ce qui est en jeu, a-t-il indiqué, ce n’est pas uniquement la protection des personnes handicapées au sens « statique » mais aussi leur participation à la prévention des crises et à la reconstruction d’un avenir plus inclusif et résilient. 

Il s’est inquiété du manque de visibilité des personnes handicapées dans l’ensemble des activités de paix, ces dernières étant rarement prises en compte dans le cadre des stratégies de prévention de conflit.  Selon lui, les normes du droit international humanitaire ne sont pas suffisamment nuancées pour tenir compte de l’expérience des personnes handicapées durant les conflits.  Il a également appelé les opérations de maintien de la paix à avoir davantage conscience de la présence et des droits des civils handicapés.  De même, le rôle positif des personnes handicapées et de leurs organisations représentatives dans les processus de consolidation de la paix doit être reconnu et renforcer. 

Le Rapporteur spécial a également indiqué que loin d’être prescriptif, son rapport anticipe la poursuite d’une discussion sur la manière d’assurer la visibilité maximale des personnes handicapées tout au long du continuum de la paix.  Ce document sera suivi, en 2022, d’un rapport plus ciblé sur le droit international humanitaire, puis, en 2023 d’un rapport sur la consolidation de la paix et le handicap. 

Dialogue interactif

Donnant le coup d’envoi à cet échange, la Croatie s’est intéressée à l’application des recommandations du Rapporteur spécial, notamment en matière de recherche.  Comment l’armée peut-elle intégrer l’inclusion des personnes handicapées aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique, ont ensuite voulu savoir les Philippines.  Et comment traduire en pratique leur association au processus de paix, a demandé Israël, tout en s’enquérant dans le même temps sur le droit des personnes handicapées à être plus abondamment consultées. 

La Hongrie a voulu en savoir davantage sur les solutions novatrices, tandis que la République de Corée a promis que son gouvernement prendra dûment en considération les recommandations du rapport visant à inclure les femmes et les filles handicapées dans les efforts de consolidation de la paix.  L’Algérie a pour sa part insisté sur l’importance de la résolution des conflits, s’inquiétant notamment de la situation en région subsaharienne. 

Quelles sont les meilleures pratiques pour l’évacuation des personnes handicapées en cas de conflit, a demandé le Canada.  Et quel type de progrès souhaiteriez-vous voir figurer dans les prochaines normes de désarmement, démobilisation et réintégration, a questionné l’Irlande

Les États-Unis se sont intéressés à la prise en compte des récits des personnes handicapées dans le contexte des conflits armés.  Après le Qatar qui a rappelé son rôle de médiateur dans plusieurs processus de paix la Nouvelle-Zélande a voulu savoir quelle était la meilleure manière de promouvoir la Convention. 

Partisane d’une action humanitaire inclusive, la Colombie, a fait savoir qu’il y a plus de 1 700 000 personnes handicapées dans le pays, ce qui équivaut à 4,07% de la population et que 393 243 d’entre elles sont des victimes du conflit armé, soit 4,3% de toutes les victimes enregistrées, dont 12 053 ont été victimes de mines antipersonnel.  Les Fidji ont ensuite attiré l’attention sur l’impact disproportionné des changements climatiques sur les droits des personnes handicapées et la Côte d’Ivoire a passé en revue les mesures prises par son pays en faveur des personnes handicapées. 

À son tour, la Chine a signalé que certains États, notamment les États-Unis ou le Royaume-Uni, mènent des interventions militaires dans d’autres pays sous prétexte de promouvoir la démocratie, au risque de provoquer de très nombreuses victimes, dont certaines qui peuvent se retrouver handicapées.  Les auteurs de tels crimes doivent en rendre compte devant la justice, a-t-elle estimé. 

La Finlande au nom des pays nordiques et baltes, a voulu savoir ce que le Rapporteur spécial pouvait faire pour promouvoir la mise en œuvre de la résolution 2475 du Conseil de Sécurité.  C’est en effet une résolution historique a abondé la Pologne coauteur de ce texte avec le Royaume-Uni qui, tout comme l’Union européenne, a souhaité connaître les éléments clefs permettant de garantir que les personnes handicapées puissent s’engager de manière significative dans le continuum de la paix et de la sécurité.  La délégation européenne s’est également intéressée au renforcement des capacités des acteurs humanitaires et des organisations de personnes handicapées, afin qu’ils puissent s’engager de manière plus significative dans une action humanitaire incluant le handicap. 

Comment combler l’écart de mise en œuvre entre la Convention et d’autres instruments internationaux, tels que la résolution 2475 (2019), afin de parvenir à une cohérence totale avec le droit international humanitaire, s’est enfin enquis le Mexique, tandis qu’El Salvador s’est intéressé à la question des victimes des violations graves des droits de la personne handicapée durant les conflits armés. 

Répondant à ces questions et commentaires, le Rapporteurr spécial sur les droits des personnes handicapées a insisté sur l’importance de la perspective intersectorielle et de l’appliquer à des domaines tels que la sécurité, le développement et les droits humains, plaisant en outre pour une plus grande cohérence.  Il a également évoqué le changement de paradigme opéré par la Convention, passant de la protection au sens statique du terme, pour mettre l’accent sur la capacité des personnes handicapées à contribuer à la prévention des conflits, aux processus de la consolidation de la paix, entre autres. 

Quant aux exemples de bonnes pratiques, il s’est référé aux programmes « très innovants » de la Banque mondiale, ainsi qu’aux recherches de l’académie de Genève qui « est à la pointe sur cette question », citant des publications relatives aux responsabilités pénales dans le contexte du droit international.  Quant à savoir comment les militaires peuvent travailler mieux avec la société civile, M. Quinn a envoyé à l’atelier organisé dans le cadre de l’OTAN sur ces questions, il y a quelques années.  Venant aux questions sur les nouvelles technologies, il a promis que cette problématique figurerait dans son prochain rapport thématique sur l’intelligence artificielle et le handicap. 

Exposé

Mme ALICE CRUZ, Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, a présenté son rapport initial (A/76/148) dans lequel elle identifie plus de 100 lois discriminatoires à l’encontre des personnes touchées par la lèpre dans le monde.  Elle a indiqué que ces lois sont encore en vigueur dans les pays tant du Nord que du Sud où la lèpre est endémique ou non, et créent des espaces de non-citoyenneté et de déshumanisation au sein des nations.  Ces lois non seulement violent les droits et libertés fondamentales de ces personnes, mais ont également un impact sur les membres de leur famille, sur leurs descendants et sur des communautés toutes entières, a-t-elle signalé. 

La Rapporteuse spéciale a expliqué que l’existence de ces cadres juridiques discriminatoires est étroitement liée au fait, qu’à ses débuts, la biomédecine moderne considérait la lèpre comme une maladie hautement contagieuse.  À la fin du XIXe siècle, les États ont commencé à séparer par la force les personnes atteintes de la lèpre sans aucune preuve de l’efficacité prophylactique d’une telle politique.  Mais ce qui est frappant, c’est que nombre de lois discriminatoires ont été promulguées bien après la découverte d’un remède contre la lèpre dans les années 1950, certaines ayant même été adoptées au XXIe siècle. 

« Soyons clair: la lèpre n’est pas hautement transmissible », a-t-elle insisté, ajoutant que 95% des personnes y sont immunes.  Elle a également estimé que l’impact des politiques sur la lèpre doit alerter contre les stratégies sanitaires qui pénalisent et sanctionnent, en particulier en cette période de pandémie.  Soulignant que la lèpre n’est pas une maladie du passé, la Rapporteuse spéciale a indiqué que, chaque année, environ 200 000 personnes en sont diagnostiquées, y compris des enfants, et que selon les estimations, 5 millions de personnes vivent avec la lèpre et ses conséquences.  Le monde compterait également plus de 1 000 léproseries, autrement dit des lieux de ségrégation. 

Poursuivant, Mme Cruz a indiqué que la discrimination institutionnalisée entrave l’accès des personnes touchées par la lèpre à l’éducation, au travail, à la santé et à la protection sociale, augmentant ainsi l’impact disproportionné de la pandémie sur elles.  Ces lois entravent également leur accès à la justice et au droit à un recours adéquat face à la discrimination et aux violations des droits humains.  La Rapporteuse spéciale a aussi dénoncé les politiques de ségrégation obligatoire, l’interdiction qui leur est faite de participer aux élections ou d’occuper une fonction publique, les restrictions à leur liberté de mouvement, notamment en ce qui concerne l’utilisation des moyens de transport, ou encore la dissolution du mariage des personnes affectées par la lèpre et leur interdiction d’exercer de nombreux métiers.  Cette discrimination légale compromet leurs moyens de subsistance, normalise l’humiliation et la violence à leur égard, et, en les excluant de la vie civile et politique, entrave toute possibilité pour elles de défendre leurs intérêts et leurs droits, s’est-elle alarmé. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite reconnu les efforts récents déployés par les États pour éliminer les lois discriminatoires et les a exhorté à renforcer leur coopération et leur coordination à différents niveaux du gouvernement et de l’administration pour surmonter les obstacles restant.  L’élimination de la discrimination de jure et de facto reste sans nul doute un travail inachevé auquel les États doivent s’atteler activement et d’urgence, a-t-elle dit. 

Dialogue interactif

Comment l’histoire de la lèpre peut-elle aider à mieux comprendre les dangers et les conséquences d’une telle discrimination pour forger des sociétés plus libres, a voulu savoir l’Union européenne, qui s’est également interrogée sur les voies et moyens envisageables dans la lutte contre la discrimination sur le terrain et la mise en commun les meilleures pratiques. 

Soulignant que la lèpre ne pourra pas être éliminée sans prendre en considération les droits de la personne, le Portugal s’est préoccupé des discriminations multisectorielles et s’est enquis des mesures susceptibles de faciliter l’accès à la justice des femmes affectées par cette maladie. 

Il importe de toucher tous les secteurs de la société pour éliminer toutes les discriminations fondées sur l’état de santé, ont recommandé les Émirats arabes unis.  À ce propos, le Japon s’est employé à l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre en supprimant les centres d’isolement et en fournissant des dédommagements aux victimes.  Notant en outre que la COVID-19 risque d’exacerber la situation des personnes affectées par la lèpre, le Japon a voulu savoir comment mieux intervenir dans ce cadre. 

Dans sa réponse, la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes affectées par la lèpre et des membres de leur famille, a souligné qu’aucune preuve n’a jamais justifié la ségrégation forcée des personnes affectées par la lèpre.  À cet égard, les décisions d’ordre politique prises par le passé et aujourd’hui encore ont un impact désastreux.  Elle a évoqué la situation d’enfants touchés par la lèpre qui sont privés d’aller à l’école et vivent dans l’isolement, évoquant par ailleurs des cas de stérilisation forcées de personnes affectées par la lèpre.  En outre, ces lois discriminatoires ont des conséquences disproportionnées, a-t-elle signalé, indiquant notamment que pendant la pandémie actuelle, on a découvert qu’aucun filet de sécurité n’existait pour ces personnes.  De fait, ce sont les organisations de la société civile qui ont défendu les droits des personnes touchées par la lèpre au cours de la pandémie de COVID-19. 

Mme Cruz a également souligné l’importance de l’économie solidaire pour venir en aide à ces personnes.  Il importe aussi de lever l’obstacle majeur qui fait qu’elles ne sont pas reconnues comme vivant avec un handicap.  L’absence d’accès à la justice mérite aussi davantage d’attention, a-t-elle ajouté. Les femmes affectées par la lèpre pâtissent notamment des lois sur le divorce, car elles sont souvent séparées de leurs enfants une fois divorcées et, en règle générale, n’ont aucun recours devant les tribunaux.  La Rapporteuse spéciale a ensuite appelé à la mise en place de mesures spéciales pour que les personnes affectées par la lèpre aient une place au sein de la société, relevant que dans de nombreux pays, elles ne peuvent pas jouir de la pleine citoyenneté. 

Exposé

M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a déclaré que la promesse des objectifs de développement durable (ODD) de « ne laisser personne de côté » a échoué dans de nombreux pays car le développement est toujours privilégié par rapport à l’être humain.  L’accent n’est malheureusement pas suffisamment mis sur les communautés les plus marginalisées, en particulier les minorités, a-t-il fait observer, précisant par ailleurs que son rapport traite des ODD, des minorités et du développement social et économique. 

Le Rapporteur spécial a ensuite signalé que l’incapacité à ventiler les données autrement qu’en fonction de l’âge et du sexe, et en particulier l’origine ethnique, tend à masquer un « développement déséquilibré », où tout le monde ne partage pas équitablement les avantages du développement. 

Il a fait observer que pour les minorités et les peuples autochtones en particulier, les avantages du développement, que ce soit l’accès à l’éducation, aux soins de santé, ou aux opportunités d’emploi équitables et non discriminatoires, restent insaisissables.  De fait, ces avantages sont fréquemment déterminés par l’ethnicité ou même dans certains cas par la religion, mais ne pas fournir de données à ce sujet tend à masquer l’ampleur et même la croissance des inégalités, a-t-il analysé.  Il a également dénoncé les « inégalités croissantes » et la « marginalisation socioéconomique et politique brutale » dont souffrent les minorités d’ascendance africaine, dénonçant là encore l’absence de données officielles complètes et ventilées les concernant. 

Parmi ses recommandations, M. de Varenne a préconisé que les mesures et les indicateurs des ODD soient davantage axés sur l’humain ainsi que sur les groupes marginalisés, les plus défavorisés et les exclus, afin de saisir l’étendue de la discrimination et de réduire plus efficacement les disparités et les inégalités. Dans un monde de plus en plus inégalitaire, les minorités et les peuples autochtones, et en particulier les femmes de ces communautés, sont rarement au cœur des stratégies et des initiatives visant à atteindre les ODD, a-t-il regretté, avertissant que ces inégalités croissantes engendrent la peur, l’insécurité, des griefs, voire la violence et l’instabilité.  À ses yeux, les personnes doivent être prioritaires par rapport au développement afin d’éviter d’exacerber davantage le fossé qui se creuse entre les membres les plus riches et les plus pauvres de la société. 

Le Rapporteur spécial a également appelé à examiner la cohérence de l’indicateur 10.2 qui est de favoriser l’intégration sociale, économique et politique de tous, mais qui exclut la collecte de données sur l’ethnicité, la religion ou la langue, alors que celles-ci sont essentielles pour mesurer l’inclusion des minorités vulnérables comme les Afrodescendants, les Dalits et les Roms.  Le fait de ne pas reconnaître ou de ne pas tenir compte de l’ethnicité, de la religion ou de la langue en tant que marqueurs clefs de l’exclusion sociale et économique, risque de masquer les formes croisées de discrimination qui se combinent pour exacerber la marginalisation des femmes minoritaires et autochtones, a-t-il prévenu. 

Dialogue interactif

S’exprimant au nom d’un groupe de 43 États, la France s’est préoccupée de la situation des Ouighours en Chine et a demandé à ce pays d’autoriser un accès sûr et sans entraves à la province où se trouve cette minorité.  Le Xinjiang et le Tibet sont du ressort des affaires intérieures de la Chine, a rétorqué Cuba qui, au nom de plusieurs pays, a rejeté la politisation des droits humains.  Le Koweït, qui parlait également au nom du Qatar et d’Oman, a appelé à discuter des droits de la personne d’une manière transparente, constructive et sans ingérence, insistant en outre sur le droit au développement et la protection de toutes les populations contre le terrorisme. 

Le Xinjiang est fier de ses réalisations et le complot visant à nuire à la Chine échouera, a déclaré à son tour la Chine.  En abandonnant votre autonomie au nom d’autres, vous ne faites que vous attirez la honte, a tancé la délégation en s’adressant directement à la France et aux États-Unis. 

Que peuvent faire les gouvernements pour faire rendre des comptes pour les violations des droits humains des minorités dans le monde, a demandé à son tour la délégation des États-Unis qui a invité la communauté internationale à combattre toutes les formes d’oppression et de discriminations, y compris à l’encontre des minorités en Afghanistan, en Chine, en Iran, au Myanmar et en Crimée occupée par la Russie, ainsi que des personnes athées et non-croyantes.  L’Union européenne a pour sa part appelé à lutter contre la discrimination envers les minorités véhiculées par les médias. 

À son tour, la Syrie a salué la contribution de la Chine aux mécanismes des droits de l’homme de l’ONU.  Dans le même esprit, le Venezuela a appuyé la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine et prié les intervenants à respecter les principes d’objectivité, de non-sélectivité et de non-ingérence.  La politisation des droits humains a également été décriée par le Sri Lanka et le Burundi

L’Autriche a dit l’importance des travaux du Forum sur les questions relatives aux minorités, tandis que les Maldives ont estimé que les questions de l’apatridie, l’éducation et les langues des minorités sont les plus pressantes pour garantir la protection des droits des plus marginalisés, décriant en outre les discours de haine ciblant ces derniers sur les médias sociaux.  Le Tadjikistan a jugé « naïves » les allégations selon lesquelles les choses vont s’améliorer en Afghanistan, s’inquiétant notamment des exactions contre les minorités dans le Panshir; l’Érythrée a appelé tous les pays à respecter les principes de multilatéralisme et de coopération; et le Liechtenstein a voulu en savoir plus sur le lien entre minorité et conflit sécessionniste. 

Le Pakistan a relevé que le Rapporteur spécial évoque les abus de l’Inde contre les minorités au Jammu-et-Cachemire et s’est interrogé sur le rôle des mécanismes de l’ONU dans la prévention du génocide contre des minorités.  On jouit de davantage de libertés au Jammu-et-Cachemire que dans le passé, a rétorqué l’Inde.  La Hongrie a appelé à améliorer les cadres politiques de protection et de promotion des droits des minorités, notamment au sein du Conseil de l’Europe.  De son côté, l’Indonésie a cité les mérites du dialogue et de la contribution des médias. 

Relevant que la Chine a adopté des lois pour préserver la sécurité nationale et celle de ses citoyens, le Vanuatu a décrié la recherche de la confrontation en ces temps de pandémie.  Il faut faire preuve d’impartialité et respecter l’évolution des droits de l’homme dans chaque pays, a renchérit Madagascar, tandis que l’Éthiopie a relevé que la Chine s’emploie à défendre le droit des peuples à aspirer à une vie meilleure.  La République populaire démocratique de Corée a pour sa part critiqué les tentatives récentes de déstabilisation de certaines régions chinoises. 

Le Maroc a rappelé l’adoption, en 2016, de la Déclaration de Marrakech sur les droits des minorités religieuses dans les pays à majorité musulmane.  Le Bélarus a appuyé les conclusions du Rapporteur spécial sur l’apatridie et espéré que ses recommandations sur cette question seront publiées rapidement.  Le Kazakhstan a ensuite soutenu le principe d’une Chine unique.  Le Ghana, l’Ouzbékistan, le Cambodge, se sont exprimés dans le même sens, et le Nicaragua a invité à faire prévaloir le multilatéralisme et la coopération sans condition préalable ni ingérence. 

Les efforts pour restaurer la paix à Hong Kong sont remarquables, a estimé la République islamique d’Iran qui s’est interrogée sur le « silence » des États-Unis et de l’Union européenne au sujet des événements dans certains pays au cœur de l’Europe.  Le Japon a fait part de ses efforts en faveur des communautés vulnérables et les peuples autochtones, dont la mise en place de services en langue étrangère pour les minorités.  À son tour, la Grenade a appuyé la Chine et la liberté de chaque pays de choisir les moyens de développement qui lui conviennent. 

Réagissant à ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a de nouveau insisté sur l’importance de recueillir des données ventilées pour identifier ceux et celles qui ne bénéficient pas des dividendes du développement sur un pied d’égalité.  Aucun des indicateurs prévus n’identifient les groupes minoritaires par leurs caractéristiques essentielles, a-t-il déploré.  Les discours d’incitation à la haine font partie des questions particulièrement épineuses, a-t-il estimé d’autre part, relevant que dans la plupart des pays, environ 80% des cas ciblent les minorités de façon disproportionnée.  Il a encouragé à l’application ou l’adoption de normes à l’échelle mondiale et à établir un instrument international qui permette à la fois de comprendre et de protéger les piliers fondamentaux du respect des minorités. Les incitations à la violence se propagent « comme un poison » dans les médias sociaux, a-t-il ajouté, soulignant qu’il faut trouver une solution à ce phénomène devenu mondial. 

S’agissant de la prévention des conflits sécessionnistes, il a indiqué que la question sera prochainement traitée à Genève lors du Forum sur les questions relatives aux minorités.  Il a expliqué que des conclusions intéressantes se sont dégagées des forums régionaux, notamment la nécessité de disposer de mécanismes chargés de répondre aux griefs fondés sur certaines formes de discriminations et d’injustices.  Les atrocités contre les membres des minorités ont augmenté au cours des dernières années écoulées, a-t-il fait observer.  Et les institutions nationales de protection des droits de l’homme se sont avérées précieuses pour ceux qui, laissés pour compte, ont « emprunté la voie de la colère ».  Concernant l’apatridie, il a noté que ce sont les femmes et les enfants apatrides qui sont les plus marginalisés et qui ne peuvent bénéficier des politiques de développement mises en place par les États car ils n’en sont pas citoyens. 

Exposé

Mme KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels a, face à une conception de plus en plus monolithique de la culture et de l’identité, plaidé pour un plus grand respect du mélange des cultures et du syncrétisme, ainsi qu’à un respect accru des identités culturelles mixtes, reconnaissant toutefois que les cultures ne se mélangent pas toujours à partir d’une position d’égalité. 

Divers exemples de mélange culturel et de syncrétisme dans toutes les régions du monde peuvent et doivent être célébrés et étudiés, a souligné la Rapporteuse spéciale.  La créolité ou la créolisation, qui subvertit une notion initialement coloniale et met l’accent sur la nature composite des identités culturelles et autres, en est un exemple frappant, a-t-elle indiqué, évoquant notamment les travaux du théoricien martiniquais Édouard Glissant.  Pouvoir mélanger, emprunter, traverser et fusionner les cultures, dans le respect des droits, doit être considéré comme un droit culturel, a-t-elle insisté. 

Pour relever les défis dans ce domaine, la Rapporteuse spéciale a appelé à appliquer un cadre des droits humains qui, plutôt que de contraindre les personnes en les assignant à des catégories identitaires étroites, reconnaisse leurs diversités internes et leur capacité à s’engager dans l’exploration et le développement culturels.  Ce cadre doit être fermement ancré dans l’égalité et encourager la participation active et la consultation de tous les groupes concernés, a-t-elle souligné, avant de prévenir que le refus de respecter le mélange culturel ou les identités culturelles mixtes entraîne de nombreuses violations des droits de la personne. 

Insister sur la pureté culturelle peut en effet conduire à la décimation de ceux qui entacheraient cette pureté.  Et le rejet du syncrétisme a notamment conduit à des attaques contre des sites religieux et des reliques importantes pour certains Afro-Brésiliens, a rappelé la Rapporteuse spéciale, évoquant la destruction des « terreiros » d’Umbanda et de Candomblé.  L’essentialisation des cultures et des identités et le fait de les considérer comme statiques représentent également des obstacles importants à la réalisation de l’égalité des sexes.  Aujourd’hui, sous le contrôle des Taliban, la richesse de la diversité culturelle de l’Afghanistan, en matière de patrimoine, de vêtements féminins et de musique, est menacée d’oblitération, a-t-elle averti.  Elle a ensuite exhorté la communauté internationale à offrir l’asile aux travailleurs culturels afghans tout en exigeant résolument que les Taliban respectent les droits culturels sans discrimination. 

De même, elle a appelé la communauté internationale à répondre aux impacts de l’hégémonie et de l’assimilation culturelles, en particulier sur les peuples autochtones et les minorités.  Souvent, les cultures et les expressions culturelles ne se rencontrent pas et ne se mélangent pas sur un pied d’égalité, or, a-t-elle insisté, un mélange culturel respectueux des droits devrait se produire en surmontant les inégalités et en défiant les conséquences culturelles négatives des modes dominants de la mondialisation. 

Mme Bennoune a par ailleurs regretté que deux citations qu’elle avait incluses dans la version anglaise du rapport mais qui étaient dans une autre langue, le but étant de mettre en pratique ce que le rapport prêche, aient été supprimées par les éditeurs de l’ONU car, a-t-elle déploré, le « multilinguisme est interdit dans les documents de l’ONU ». 

Dialogue interactif

Tout en saluant l’appel lancé en faveur d’une plus grande reconnaissance des cultures est fondé, la Fédération de Russie a critiqué l’approche « soi-disant transnationale » en matière d’enseignement visant à dépasser « l’horizon d’une identité nationaliste », y voyant une « contradiction dangereuse ».  Quelles politiques devraient être privilégiées par les gouvernements pour atteindre l’objectif de la solidarité interculturelle, a souhaité savoir l’Union européenne.

L’Ukraine a indiqué que ses territoires temporairement occupés font l’objet d’une politique de violation systématique des droits culturels des Tatars de Crimée et d’autres communautés qui s’opposent à l’occupation russe.  En détruisant leur identité et leur conscience nationale, les objets et traditions connexes, la Fédération de Russie mène une politique délibérée d’effacement culturel dans la péninsule, a accusé la délégation.  Quelles seraient alors, les meilleures pratiques pour encourager la reddition des comptes, au niveau national et international, dans la protection et la promotion des droits culturels, ont demandé les États-Unis

L’Égypte a fait part de ses efforts pour récupérer ses biens volés, Chypre s’est intéressée aux mesures permettant d’assurer la restitution et le rapatriement de l’héritage culturel, et le Maroc a voulu savoir par quels moyens promouvoir la réalisation des droits culturels dans le contexte de la crise de COVID-19.  Le Cameroun a voulu savoir comment la Rapporteuse spéciale peut contribuer à la promotion culturelle internationale et à l’élaboration de normes standards en matière des droits de l’homme. 

La protection et promotion des droits culturels, en particulier dans les pays en voie de développement sont conditionnées par les moyens humains et matériels et surtout une expérience avérée dans ce domaine, a estimé l’Algérie, qui s’est intéressée à la contribution de la communauté internationale aux efforts de ces pays.  Le Qatar a cité les mérites des échanges culturels et du renforcement de la compréhension entre les peuples et les pays, tandis que Cuba a souhaité que la Rapporteuse spéciale examine davantage les retombées des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits culturels. 

En réponse aux questions et observations des États Membres, la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a jugé très important de réfléchir à la question de l’identité de ceux qui définissent les valeurs traditionnelles et d’analyser la nature de nos traditions, estimant qu’on ne peut critiquer son rapport comme étant « incompatible » avec les valeurs traditionnelles.  Les métissages culturels respectueux des droits ne signifient pas la disparition des traditions culturelles indépendantes, a-t-elle souligné.  Il s’agit plutôt de garantir une évolution mutuelle des deux idées, a-t-elle fait valoir. 

Pour ce qui est de la solidarité interculturelle, la Rapporteuse spéciale a formé le vœu qu’au sortir de la pandémie cette « question fondamentale » soit examinée, invitant à renouveler et approfondir les partages culturels et la mobilité culturelle.  Elle a également insisté sur l’importance de la reddition des comptes, estimant qu’il sera autrement difficile de faire des droits culturels une partie intégrante de l’architecture universelle des droits de la personne. Pour finir, elle a remercié les délégations notamment celles qui parlent plusieurs langues car c’est « donner corps aux idéaux prônés dans son rapport ». 

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