SC/14260

Le Conseil de sécurité appelé à agir sur le lien entre climat et sécurité

«  L’urgence climatique est un danger pour la paix   », a déclaré ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques et à la consolidation de la paix.   M. Miroslav Jenča s’exprimait à la réunion sur le climat et la sécurité au cours de laquelle le Conseil a été appelé à maintes reprises à mobiliser une action climatique collective.  

Distanciation sociale oblige, c’est chacun dans sa mission que les 15 membres du Conseil font leur déclaration et dialoguent avec leurs invités, grâce à un système de visioconférence spécialement conçu pour eux.  

Le Sous-Secrétaire général a prévenu que même s’ils n’ont pas de lien direct avec les conflits, les changements climatiques exacerbent et créent de nouveaux risques.   Dans le monde entier, les pays fragiles ou touchés par les conflits se retrouvent plus exposés et moins capables de gérer l’impact des changements climatiques.   Ce n’est pas un hasard si 7 des 10 pays les plus vulnérables et les moins préparés à gérer les aléas du climat accueillent une opération de paix ou une mission politique spéciale, a fait observer le Sous-Secrétaire général.  

Selon M. Miroslav Jenča, il faut agir sur plusieurs fronts à commencer par une action climatique ambitieuse et un engagement à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris.   Tout échec en la matière saperait les efforts de prévention des conflits et de rétablissement et de consolidation de la paix, risquant de piéger des pays vulnérables dans le cercle vicieux des catastrophes naturelles et des conflits.  

Dans la région du Sahel, a confirmé le Directeur du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS-Niger), 80% de la population dépendent d’activités sensibles au climat.   Les changements climatiques, a alerté le Colonel Mahamadou Seidou Magagi, auront forcément des conséquences néfastes sur la paix et la sécurité régionales.   Déjà au Niger, la plupart des conflits dans les zones rurales se sont produits entre agriculteurs et éleveurs et cette concurrence s’aggrave dans le centre du Mali et dans le nord du Nigéria.  

Le Directeur du Centre a parié sur une aggravation sensible des tensions, compte tenu des prévisions météorologiques et du fait que le Sahel a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, environ 3% par an.   

Quant à la région du Pacifique, l’élévation du niveau de la mer, a indiqué la Directrice de «   Sustainable Pacific Consultancy   », explique pourquoi les dirigeants ont fait de l’enregistrement des frontières maritimes leur priorité pour veiller à ce qu’une fois fixées, elles ne soient pas contestées malgré les effets des changements climatiques.   

Mme Coral Pasisi a aussi parlé de ces effets sur l’économie bleue.   Certains pays, s’est-elle alarmée, risquent d’enregistrer des pertes allant jusqu’à 10 à 15% de leurs revenus.   En outre, en l’absence de mesures d’atténuation et d’adaptation ambitieuses, des milliers d’habitants des îles vont prendre la décision de fuir et d’émigrer.   Le Conseil de sécurité doit mobiliser l’ambition internationale avant que le monde ne soit confronté à un problème sécuritaire plus grave que personne ne pourra relever, a-t-elle asséné.   

La responsabilité du Conseil de sécurité d’assurer des progrès soutenus dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat est « fondamentale » pour maintenir la paix et la sécurité internationales, a renchéri les Fidji.  L’Accord de Paris est l’arme la plus importante pour « gagner cette guerre », a-t-il insisté. 

«  Le temps de la patience diplomatique est révolu », a pressé le Ministre allemand des affaires étrangères qui, à l’instar de nombreuses délégations, a souligné la nécessité de disposer d’indicateurs d’alerte précoce, mais aussi de «  donner un visage  » au climat et à la sécurité.  M Heiko Maas a donc appelé à la nomination «  dès que possible  » d’un représentant spécial sur le climat et la sécurité, une proposition appuyée, entre autres, par le Ministre des affaires étrangères de Belize, au nom de l’Alliance des Petits États Insulaires (AOSIS). 

«  Ce qui manque c’est un lanceur d’alerte », a acquiescé la France qui, avec la Belgique, a souhaité que le Secrétaire général joue ce rôle en présentant tous les deux ans à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité un rapport sur l’état des lieux des risques que représentent les changements climatiques pour la paix et la sécurité, et ce, dans toutes les régions du monde.  

Le lien de cause à effet entre le climat et la sécurité, a été contesté par l’Afrique du Sud qui a argué de l’insuffisances des preuves scientifiques.  Mais, a-t-elle concédé, là où les changements climatiques sont considérés comme un facteur aggravant s’agissant de la paix internationale, le Conseil de sécurité doit formuler des observations adaptées au contexte spécifique des pays concernés. Les changements climatiques sont avant tout une question de développement durable, a-t-elle souligné. 

Les tentatives d’utiliser le Conseil de sécurité pour détourner l’attention du lien entre changements climatiques et développement ont en effet été dénoncées par la Fédération de Russie qui a dit craindre pour le niveau des ressources affectées à la lutte contre les causes profondes des conflits.  Certains pays donateurs tentent de sortir la « carte de la sécurité » pour cacher qu’ils ne font rien sur les plans du financement climatique et du partage des technologies, a taclé la Fédération de Russie. 

La Section des communiqués de presse ne couvre que les déclarations faites en visioconférence dont les textes ont été transmis à temps par la Division des affaires du Conseil de sécurité.

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a déclaré que l’urgence climatique est un danger pour la paix, expliquant que les changements climatiques exacerbent et créent de nouveaux risques même s’ils n’ont pas de liens directs avec les conflits.  « Dans le monde entier, les situations fragiles ou touchées par les conflits se retrouvent plus exposées et moins capables de gérer les répercussions des changements climatiques. »  Ce n’est pas un hasard si 7 des 10 pays les plus vulnérables et les moins préparés à gérer les changements climatiques accueillent une opération de paix ou une mission politique spéciale, a-t-il estimé. 

M. Jenča a, dès lors, appelé à agir sur une multiplicité de fronts, à commencer par une action climatique ambitieuse et un engagement à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris.  Il a également prévenu que tout échec à prendre en considération les impacts croissants des changements climatiques sapera les efforts déployés en matière de prévention de conflit, de rétablissement et de consolidation de la paix, risquant ainsi de piéger des pays vulnérables dans un cercle vicieux de catastrophe climatique et de conflit. 

Poursuivant, le Sous-Secrétaire général a appelé à tirer parti des nouvelles technologies et à améliorer les capacités analytiques pour traduire la prévision climatique à long terme en une analyse concrète et à court-terme.  Le mécanisme de sécurité climatique a élaboré des directives en la matière, tandis que la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) met sur pied un système d’alerte précoce qui combine des techniques de télédétection avec une analyse de la densité de population et des données sur les déplacements pour anticiper les tensions potentielles au sujet des ressources en eau. 

M. Jenča a invité à placer l’être humain au centre des efforts et à apprendre de ceux qui subissent quotidiennement les conséquences des changements climatiques sur leur sécurité.  Il a également appelé à mieux intégrer les objectifs de consolidation de la paix, d’environnement et d’égalité des sexes en s’appuyant sur le pouvoir des femmes et des jeunes en tant qu’agents de changement.  À titre d’exemple, il a indiqué qu’au Chocó, en Colombie, un projet pilote interinstitutions de l’ONU encourage la participation des femmes à la gouvernance environnementale et à la gestion des ressources naturelles dans le contexte de la mise en œuvre de l’Accord de paix, avec des effets positifs sur la consolidation de la paix au niveau local. 

M. Jenča a aussi recommandé de renforcer les partenariats multidimensionnels et de faire le lien entre le travail de l’ONU, les États Membres et les organisations régionales, entre autres.  La Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du bassin du lac Tchad touchées par Boko Haram, dirigée par l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad, illustre le potentiel que recèlent les approches inclusives qui tiennent comptes du climat et de la sécurité pour tracer la voie vers la stabilité, a-t-il dit.  Il a également cité des initiatives menées en Afrique de l’Ouest, dans la région du Pacifique et en Asie centrale.  Ces exemples adaptés et spécifiques à une région peuvent fournir des informations et des leçons précieuses pour de futurs partenariats, a-t-il estimé. 

Soulignant que les changements climatiques sont implacables et que leurs effets en cascade continueront de croître et d’évoluer, il a appelé à rester vigilant et avoir le courage d’ajuster les approches établies pour qu’elles soient adaptées à un monde modifié par les changements climatiques.  Et surtout, nous devons traduire les mots en actions, a-t-il lancé, soulignant que le relèvement de la pandémie est l’occasion de renforcer la résilience et de promouvoir la justice climatique. 

Dans ses remarques de clôture, le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques a vu la discussion d’aujourd’hui comme la preuve du long chemin parcouru pour comprendre et commencer à aborder l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales.  « Mais ne nous leurrons pas : nos actions sont en retard sur nos paroles. »  La riposte multilatérale aux répercussions sécuritaires des changements climatiques ne correspond pas à l’ampleur du défi auquel nous sommes confrontés, a-t-il prévenu, avant d’appeler à travailler ensemble et à avancer plus vite. 

Le Colonel MAHAMADOU SEIDOU MAGAGI, Directeur du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS-Niger), a indiqué que dans la région du Sahel, les températures, oscillant en moyenne entre 25 et 45 degrés Celsius, devraient augmenter de 2,5 degrés d’ici à 2060.  Quelque 80% de la population sahélienne dépendant d’activités sensibles au climat pour leur subsistance, les changements climatiques auront forcément des conséquences néfastes sur la paix et la sécurité régionales.  Au Niger, a-t-il indiqué, la plupart des conflits dans les zones rurales se sont produits entre agriculteurs et éleveurs.  Cette concurrence s’aggrave dans le centre du Mali et dans le nord du Nigéria.  Le Directeur du Centre a parié sur une aggravation sensible des tensions, compte tenu des prévisions météorologiques et du fait que le Sahel a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés au monde, environ 3% par an. 

Une étude du CNESS-Niger dans la partie du lac Tchad au Niger a d’ailleurs révélé que les inondations successives de 2012 et 2013 ont stimulé le recrutement de Boko Haram, les jeunes ayant perdu leurs récoltes.  Une autre étude d’Adelphi a démontré le cercle vicieux des changements climatiques et de la dynamique des conflits dans la région du lac Tchad.  Si les changements climatiques sont un « multiplicateur de menaces », il ne faut pas pour autant oublier, a mis en garde le Directeur du Centre, que la pauvreté et les faibles capacités de l’État sont souvent des facteurs de conflit « plus influents ».  Un rapport d’ « International Crisis Group » montre que l’incapacité des États-nations à gérer correctement les tensions entre agriculteurs et éleveurs conduit à des conflits violents.  Selon le rapport, la propagation des conflits dans la région est moins liée à la diminution des ressources qu'à la transformation des modes de production et à une concurrence mal régulée dans l’accès à des ressources de plus en plus convoitées, en particulier les terres arables.  

Le Directeur du Centre a présenté les initiatives du Niger pour atténuer les effets des changements climatiques et renforcer la résilience des populations.  Le pays n’a pas connu de famine depuis 2011, grâce à la mise en œuvre de l’Initiative « 3 N », « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », qui a permis de réduire de 50% la part de sa population menacée par l’insécurité alimentaire.  

Le Chef du CNESS-Niger a conclu son exposé par six recommandations aux Nations Unies: une évaluation de la sécurité climatique avant d’assister un pays; le renforcement des capacités nationales et locales pour surveiller et gérer les effets des changements climatiques; la collecte d’informations sur l’impact des risques de sécurité liés au climat dans les situations de conflit; l’intégration dans les Plans-cadres des Nations Unies pour l’aide au développement de la gestion des risques de sécurité liés au climat en tenant dûment compte du genre; le renforcement de la « Plateforme des Nations Unies pour l’information spatiale pour la gestion des catastrophes et les interventions d’urgence » pour ajouter une composante « évaluation » des risques de sécurité liés au climat à l’intention du Conseil de sécurité; et enfin la création d’un mécanisme de coordination de la gestion des risques liés à la sécurité climatique des Nations Unies. 

Mme CORAL PASISI, Directrice de « Sustainable Pacific Consultancy », a rappelé que depuis plus d’une décennie, chaque année, dans leur communiqué annuel, les dirigeants du Forum des îles du Pacifique déclarent que « les changements climatiques représentent la plus grande menace pour la sécurité de notre région ».  Avec ses 98% de territoires constitués d’eau, le Pacifique est un continent bleu.  Ses zones économiques exclusives représentent 28 millions de kilomètres carrés et plus de 20% de ces zones dans le monde.  Tant collectivement qu’individuellement, les économies, l’environnement, les peuples et la sécurité du Pacifique sont intimement liés à l’océan et la certitude qu’on peut le gérer durablement et tirer parti des ressources aujourd’hui et demain. 

La Convention sur le droit de la mer, a fait observer l’oratrice, ne couvre pas les effets potentiels des changements climatiques, un phénomène qui affecte les frontières maritimes de nombreux États du monde entier.  Les petits pays insulaires en développement (PEID) du Pacifique sont parmi les plus touchés, à cause de leurs atolls de basse altitude, des points de base, utilisés pour délimiter les frontières maritimes, constitués d’îles coralliennes et de cayes sableuses.  Ces pays sont particulièrement vulnérables à l’élévation du niveau de la mer induite par les changements climatiques, à l’acidification des océans et à la dégradation des systèmes de récifs coralliens.  Pour un pays, il n’est pas plus grande menace à la sécurité que la disparition de ses juridictions établies en vertu du droit international.  L’ampleur de ce défi sécuritaire explique pourquoi les dirigeants du Pacifique ont fait de l’enregistrement des frontières maritimes leur priorité.  Ils ont recherché des options juridiques pour veiller à ce qu’une fois fixées conformément à la Convention sur le droit de la mer, les frontières ne seront pas contestées malgré les effets des changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer.  

Mme Pasisi a ensuite parlé de l’impact des changements climatiques sur l’économie bleue, rappelant que l’océan Pacifique occidental et central abrite plus de la moitié des stocks mondiaux de thon.  Neuf PEID du Pacifique tirent en moyenne de 10 à 84% de tous leurs revenus des droits de licence de pêche au thon, une industrie qui emploie environ 6 à 8% de la population active et souvent un pourcentage plus élevé de femmes.  D’après les estimations, que les pays concernés vont perdre 90 millions de dollars par an de revenus d’ici à 2050, et des pertes allant jusqu’à 10 à 15% des revenus pour plusieurs d’entre eux.  Si elles ne sont pas traitées, les conséquences de ces menaces pourraient catalyser les conflits et l’instabilité des économies insulaires. 

Elle a ensuite averti qu’en l’absence de mesures d’atténuation et d’adaptation ambitieuses, des milliers d’habitants des îles vont fuir et émigrer. Certains jeunes risquent de perdre les droits qui leur viennent de leur culture et de leurs traditions voire leur citoyenneté.  La seule solution, c’est d’inverser la tendance des changements climatiques, par une mise en œuvre ambitieuse de l’Accord de Paris.  Aussi horrible soit-elle, la pandémie de COVID-19 offre une bonne occasion de changer de trajectoire maintenant que l’on a compris l’importance de sociétés saines, connectées et résilientes.  Rien ne sera possible sans une action climatique collective.  Il est juste que les pays qui ont peu contribué au réchauffement de la planète et qui risquent pourtant de tout perdre, de demander au Conseil de sécurité de tout faire pour résoudre ce problème.  Le Conseil doit tirer parti des meilleures évaluations scientifiques et mobiliser l’ambition internationale avant que cela ne devienne un défi de sécurité plus grand que personne ne pourra relever. 

M. HEIKO MAAS, Ministre fédérale des affaires étrangères de l’Allemagne, a tenu à rappeler que si les diplomates ont le rôle de négocier pour parvenir à un consensus international, ils n’ont pas le pouvoir de négocier avec la nature, parce ce que les réalités physiques, chimiques et géographiques du réchauffement climatique ne feront pas de compromis avec nous.  « Les changements climatiques se produisent et ses conséquences pour la paix et la sécurité sont déjà réelles, du Sahel aux îles du Pacifique et des Caraïbes » a dit M. Maas avant de prévenir que les changements climatiques seront, tôt ou tard, un catalyseur dans presque tous les conflits auxquels nous sommes confrontés.  Face à la nécessité d’agir pour préserver les générations futures, le Ministre a proposé trois étapes qui peuvent être franchies immédiatement. 

Notant que le Conseil de sécurité a besoin de meilleures informations sur les risques de sécurité liés au climat, M. Maas a d’abord souligné la nécessité de disposer d’indicateurs d’alerte précoce permettant d’agir avant qu’il ne soit trop tard.  Il a précisé que la conférence internationale qui s’est tenue à Berlin le mois dernier a vu le lancement d’une évaluation mondiale des risques et de la prospective en matière de sécurité climatique.  À titre d’exemple, il a expliqué que l’Allemagne finance un expert qui conseille l’équipe de pays en Somalie sur les implications sécuritaires des changements climatiques.

« Deuxièmement, il est temps de donner un visage au climat et à la sécurité », a insisté M. Maas avant de demander au Secrétaire général de nommer dès que possible un représentant spécial sur le climat et la sécurité qui pourrait veiller à ce que les changements climatiques soient placés au cœur des travaux du Conseil de sécurité.

« Et, troisièmement, l’ONU doit être prête à agir lorsque les risques de sécurité liés au climat se manifestent », a-t-il préconisé en notant que ces risques doivent être abordés dans tous les mandats et stratégies de prévention des conflits.  Il a indiqué que l’Allemagne, avec ses partenaires, convoquera dès que possible un groupe d’experts informel du Conseil de sécurité sur le climat et la sécurité. 

Estimant que « le temps de la patience diplomatique est révolu », M. Maas a souhaité que la lutte contre les changements climatiques ne divise pas les États Membres.  Il a dit que les changements climatiques doivent être combattus pour les populations du monde entier qui sont déjà confrontées à la violence et aux déplacements du fait de ce phénomène. 

M. PHAM BINH MINH, Premier Ministre adjoint et Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, a indiqué que le delta du Mékong, essentiel à la sécurité alimentaire de son pays et de la région, est l’un des plus durement touché par la montée du niveau de la mer et la salinisation.  Il a aussi prévenu que les changements climatiques sont un dangereux multiplicateur de risque et aggravent des situations politiques et sécuritaires vulnérables.  Il a appelé le Conseil de sécurité à continuer de répondre aux causes sous-jacentes des conflits et à intégrer les conséquences des changements climatiques à son analyse des conflits. Cela est essentiel pour élaborer des stratégies capables de répondre à tous les aspects des conflits, a-t-il dit. 

Le Ministre a ensuite estimé que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris doivent continuer de guider la riposte, qu’elle soit nationale ou internationale, sur les plans de l’atténuation, l’adaptation et la résilience.  Le Ministre a tenu à rappeler qu’en répondant aux questions liées au climat et à la sécurité, le Conseil devra respecter la souveraineté, l’appropriation nationale et la responsabilité des États. 

M. ALEXANDER DE CROO, Vice-Premier Ministre et Ministre des finances et de la coopération au développement de la Belgique, a dit que son pays a toujours soutenu un rôle accru du Conseil de sécurité dans la lutte contre les risques de sécurité liés au climat.  Parmi les trois actions prioritaires pour améliorer le travail du Conseil en la matière, le Vice-Premier Ministre a cité la mise à disposition de données, d’outils d’analyse et de prévisions pour alimenter les systèmes d’alerte précoce et améliorer la capacité de prévention des conflits.  L’ONU, a-t-il estimé, a besoin d’un « centre d’échanges institutionnel » qui mette l’expertise existante à la disposition du Conseil de sécurité.  Le Vice-Premier Ministre belge a salué la formation d’un Groupe d’experts informel pour institutionnaliser l’implication du Conseil. 

Deuxièmement, le Secrétaire général doit soumettre régulièrement au Conseil un rapport sur les risques liés au climat et les mesures préventives afin de mieux comprendre ce que vivent les régions et les secteurs les plus touchés.  M. De Croo a aussi encouragé le Secrétariat de l’ONU à organiser des séances d’information exploratoires sur le climat.  Il a enfin exhorté le Conseil à intégrer les risques de sécurité liés au climat dans ses actions.  Il a espéré les missions en République démocratique du Congo (RDC), en Afrique de l’Ouest, au Soudan et au Mali seront dotées des capacités nécessaires, à la fois en termes de personnel et de formation, et qu’elles soutiendront les efforts des organisations nationales et régionales.  Nous demandons également que les missions des Nations Unies soient conscientes de leur propre empreinte écologique.  La Belgique, a-t-il conclu, verse chaque année la somme de 15 millions d’euros au Fonds pour l’environnement mondial (FEM).  Mon pays compte aussi doubler sa contribution au Fonds vert pour le climat et la hisser à 100 millions d’euros pour la période 2020-2023.  Ces quatre dernières années, la Belgique a accordé une enveloppe annuelle de 15 millions d’euros au Fonds pour les pays les moins avancés.

M. RENE KOKK, Ministre de l’environnement de l’Estonie, a appelé à une action immédiate face aux changements climatiques qui exercent une pression croissante au quotidien.  Il a affirmé que l’étendue des risques sécuritaires liés au climat est sous-estimée et qu’il est dont « crucial » que le Conseil de sécurité adopte une approche systémique pour y faire face.  Afin d’améliorer la capacité du Conseil de sécurité à minimiser ces risques sécuritaires, il a recommandé la nomination d’un représentant spécial chargé du climat et de la sécurité afin de renforcer la coordination entre les entités concernées de l’ONU.  

Le Ministre a aussi insisté sur la nécessité de disposer d’informations fiables et précises et a appelé à améliorer la collecte, le suivi et l’analyse de données.  Une présentation systématique par le Secrétaire général devant le Conseil de sécurité des risques climatiques participerait à une telle approche, a-t-il dit.  M. Kook a aussi appelé à investir dans les technologies vertes et durables et, par ailleurs, à mettre l’accent sur les outils et les stratégies de prévention. 

M. TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre du Commonwealth, des Nations Unies et de l’Asie du Sud du Royaume-Uni a noté que cette année, pour la première fois de son histoire, les cinq principaux risques mondiaux mentionnés dans le rapport annuel du Forum économique mondial sont tous écologiques.  Il est clair que les changements climatiques sont un multiplicateur de stress et de problèmes qui frappent surtout les communautés les plus vulnérables, dans les pays et régions les plus vulnérables du monde.  Tout en notant que chaque pays doit décider comment s’adapter à l’impact climatique et comment renforcer sa résilience, le Ministre a souligné la nécessité d’une approche factuelle des menaces et d’une démarche permettant d’adapter les solutions aux États fragiles et touchés par des conflits qui sont inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Nous l’avons déjà fait pour certaines résolutions sur le Mali, le Darfour, la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud et ou même la Somalie, a affirmé le Ministre, avant d’appeler à faire pression pour obtenir une mise en œuvre efficace de ces résolutions.  

Le Ministre a insisté pour que l’évaluation des risques et de la résilience climatiques fassent partie intégrante du travail du Conseil qui pourra alors intégrer correctement ces éléments dans les mandats des opérations de l’ONU, les stratégies de prévention et de résolution des conflits et les fonds de consolidation de la paix.  Il a plaidé pour l’élaboration d’un plan de mise en œuvre qui mettrait un milliard de personnes à l’abri des catastrophes d’ici à 2025.  Le Ministre a soutenu le renforcement de la capacité de l’ONU à analyser et à agir sur les risques climatiques.  Le Ministre a voulu que l’on travaille ensemble pour que le système des Nations Unies puisse prendre en compte des risques et des menaces climatiques de manière globale.  

L’Indonésie a mis l’accent sur le fait que le lien entre les changements climatiques et les risques de sécurité est très spécifique à un contexte donné, en citant le cas du Sahel.  Bien que les changements climatiques n’aient jamais été le seul facteur de conflit, il a été prouvé qu’ils multiplient les risques.  Il est donc important de comprendre cette relation grâce à une analyse éclairée qui prend en compte le contexte local et des informations climatiques à jour, a recommandé la délégation.  Ce n’est qu’en comprenant la relation précise entre le climat et les conflits qu’il sera possible de formuler des recommandations politiques efficaces et efficientes. 

Saluant le fait que le Conseil de sécurité a commencé à intégrer un libellé sur les risques de sécurité liés au climat dans ses résolutions, l’Indonésie l’a invité à tenir compte aussi des besoins en termes de renforcement des capacités des pays touchés pour pouvoir s’adapter et atténuer l’impact des risques de sécurité liés au climat.  Le Mécanisme sur la sécurité climatique a été mis en place pour fournir une évaluation de ces risques, a rappelé la délégation qui a recommandé de le renforcer, notamment ses capacités de créer des liens avec la communauté internationale de la recherche.  La délégation a prôné l’intégration des considérations relatives aux changements climatiques dans tout le continuum de la paix -de la prévention des conflits au rétablissement et à la consolidation de la paix et jusqu’au relèvement après un conflit- au cas par cas.  Cela suppose l’intégration de l’analyse climatique dans l’évaluation des risques, la prise en compte des impacts du climat sur le processus de paix et les opérations de maintien de la paix, ainsi que la conception d’interventions de consolidation de la paix sensibles aux aspects climatiques dans les pays touchés par un conflit, a souligné la délégation.  Des priorités doivent être établies dans les pays/situations où les risques climatiques se croisent avec une politique fragile, a-t-elle ajouté en estimant qu’il est essentiel de pouvoir aider ces pays, en fonction de leurs besoins et de leurs priorités, à renforcer leur capacité d’adaptation et à renforcer leur résilience. 

Le système des Nations Unies dans son ensemble doit travailler en synergie, en fonction de ses compétences et mandats respectifs, a poursuivi l’Indonésie en appelant à renforcer la coopération et l’échange d’informations entre toutes les entités des Nations Unies pour garantir des stratégies de réponse efficaces. Tirant les leçons de la pandémie de COVID-19 qui nous a appris que l’intérêt national ne peut à lui seul aboutir à une solution pour résoudre les défis mondiaux communs, l’Indonésie a réitéré à nouveau qu’il faut renforcer la coopération internationale pour lutter contre les changements climatiques. 

L’Afrique du Sud a estimé qu’il existe actuellement peu de preuves scientifiques pour étayer des conclusions plus générales d’une causalité directe entre les changements climatiques et les menaces à la paix et à la sécurité internationales.  C’est pourquoi l’Afrique du Sud reste réticente à l’introduction des changements climatiques au Conseil de sécurité en tant que question thématique et à l’adoption de décisions génériques dans ce forum.  « Au lieu de cela, là où les changements climatiques sont considérés comme un facteur qui contribue clairement à une menace à la paix et à la sécurité internationales, il convient que le Conseil de sécurité formule des observations sur cette question, dans le contexte spécifique des pays qui peuvent être touchés », a recommandé la délégation.  

L’Afrique du Sud a estimé que les changements climatiques est une question de développement durable qui doit être abordée par la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec le soutien des États membres d’organismes multilatéraux dédiés à soutenir efficacement les trois volets du développement durable - économique, social et environnemental. 

La délégation a estimé que la clef pour lutter contre les changements climatiques est de garantir la collaboration internationale pour prendre les mesures d’atténuation et d’adaptation nécessaires et de faire en sorte que tous les pays en développement qui ont besoin de moyens de soutien à la mise en œuvre ou d’assistance pour faire face aux pertes et dommages causés par les changements climatiques reçoivent un tel soutien.  Dans la mesure où les changements climatiques ont des implications sur la sécurité, l’Afrique du Sud a jugé préférable de les résoudre par un soutien massivement étendu, approprié et accessible à l’adaptation au climat et à l’atténuation aux pays touchés.  

Rappelant que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) détient le principal mandat et les capacités de galvaniser ce type d’action de la communauté internationale, l’Afrique du Sud a dit qu’introduire les changements climatiques en tant que question thématique à l’ordre du jour du Conseil de sécurité risquerait de dissiper l’importance de la CCNUCC et de détourner l’attention et les ressources de ses travaux essentiels.  « Nous pensons également que des questions raisonnables se posent quant à savoir quand et sur quelle base scientifique le Conseil de sécurité invoquerait les changements climatiques comme facteur contribuant à une situation de conflit spécifique », a encore insisté la délégation.  

La République dominicaine a déclaré que les changements climatiques posent un risque existentiel aux petits États insulaires en développement comme la République dominicaine.  La délégation a précisé que dans les Caraïbes, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes naturels extrêmes ne laissent aucun doute sur la vulnérabilité dans laquelle se trouvent les petits États insulaires.  La délégation a estimé que les changements climatiques sont un défi multidimensionnel et qu’il devient de plus en plus clair que les risques qu’ils déclenchent, menacent la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes. 

La délégation a estimé que le monde est à un stade qui oblige les États Membres à poursuivre leur réflexion sur la prévention des conflits face aux menaces non conventionnelles et à tirer parti des progrès déjà réalisés.  « Nous devons passer d’une approche conjoncturelle à une approche intégrale, intégrant les risques liés à la sécurité climatique dans nos délibérations, avec davantage de rapports systématiques et contextualisé du Secrétaire général », a insisté la délégation. 

La République dominicaine a dit que l’intégration de ces informations nécessite le renforcement des capacités d’analyse de toutes les instances pertinentes du système des Nations Unies.  La délégation a appelé à continuer d’œuvrer à la création du mandat nécessaire pour permettre que les effets des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales figurent régulièrement à l’ordre du jour de travail de ce Conseil.  La République dominicaine a dit que le rôle unique du Conseil l’oblige à être à la hauteur des défis déjà identifiés et qu’il est temps que ce Conseil montre sa volonté politique de prendre « des mesures fermes qui nous permettent d’apporter des réponses adéquates et cohérentes ».  

Les États-Unis ont réaffirmé leur engagement à travailler avec leurs partenaires pour renforcer la résilience aux effets des changements climatiques et se préparer et réagir aux catastrophes naturelles.  Nous continuerons de rechercher, d’innover et d’assurer la croissance de notre économie, tout en réduisant les émissions et en aidant «  nos amis et nos partenaires  » à faire de même, ont assuré les États-Unis.  Ils ont dit soutenir une approche équilibrée qui favorise la croissance économique et améliore la sécurité énergétique, tout en protégeant l’environnement grâce à des technologies d’énergie propre abordables et fiables.  Nous fournissons, ont-ils affirmé, un large éventail de programmes sur la collecte d’informations satellitaires et géospatiales.  Nous contribuons à renforcer la capacité d’analyse des partenaires pour mieux gérer les risques climatiques, améliorer l’utilisation des terres et adapter les pratiques agricoles.  

En tant que premier fournisseur mondial d’aide en cas de catastrophe, les États-Unis ont dit collaborer avec leurs partenaires pour renforcer la résilience à ces catastrophes naturelles.  Les programmes américains sur la conservation des forêts et autres écosystèmes, l’amélioration des pratiques agricoles, le renforcement de la résilience ou la réduction des émissions impliquent un large éventail de partenaires des secteurs public et privé et de la société civile.  C’est l’accent mis sur le travail sur le terrain qui fera une différence, ont estimé les États-Unis. 

La France a déclaré qu’un monde en état d’urgence climatique, « comme le nôtre  », c’est un monde en danger, exposé à des risques sécuritaires accrus et des menaces nouvelles.  Elle a estimé que les répercussions sur la sécurité internationale des changements climatiques et de l’effondrement de la biodiversité doivent impérativement devenir un élément clef de l’agenda de prévention et de règlement des conflits.  Une analyse rigoureuse et régulière de ces risques est nécessaire et d’intérêt public et doit s’accompagner de mesures de prévention qui seraient mises en œuvre par les gouvernements, les organisations régionales, les partenaires au développement et les agences des Nations Unies, a-t-elle dit.  

La délégation a appelé à doter les États Membres d’un outil collectif d’analyse et d’alerte précoce des impacts des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales.  Les données et les outils d’analyse existent. Mais ils sont dispersés entre les États, au sein même des Nations Unies et entre ses différentes agences, dans des « think-tanks ».  Il s’agit de les rassembler en un point central et de leur donner un véritable écho.  Ce qui manque en effet c’est un lanceur d’alerte et la France souhaite donc que le Secrétaire général joue ce rôle en présentant tous les deux ans à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité un rapport qui fasse un état des lieux des risques pour la paix et la sécurité de l’impact des changements climatiques, dans toutes les régions du monde.  

S’agissant du rôle des Nations Unies dans l’élaboration de recommandations concrètes, elle a appelé à mobiliser une large palette d’outils et à renforcer les capacités du Secrétariat, en termes d’expertise et de coordination climatique. Dans ce cadre, l’action du mécanisme climat et sécurité est précieuse mais elle doit être renforcée, notamment avec la nomination d’un Envoyé Spécial pour la sécurité climatique. 

La Fédération de Russie a reconnu que la sécurité et la stabilité dans certains pays et régions peuvent être affectées par certains facteurs, y compris les effets néfastes des changements climatiques.  Si elle a reconnu que les causes profondes des conflits sont beaucoup plus complexes là où les changements climatiques affectent spécifiquement un pays ou une région, elle a dit ne pas du tout être d’accord pour dire que le climat est un problème de sécurité générique.  De ce fait, selon la délégation, l’élaboration de mandats liés aux changements climatiques pour le Conseil de sécurité et des instructions spécifiques aux soldats de la paix aurait un certain nombre de conséquences néfastes.  Premièrement, cela peut détourner des ressources de la lutte contre les causes profondes des conflits, a relevé la Fédération de Russie.  Deuxièmement, la division du travail entre les principaux organes des Nations Unies, conformément à sa Charte, serait violée.  Troisièmement, une interprétation douteuse et vague des facteurs de risque ne peut conduire qu’à de fausses conclusions et, par conséquent, n’aboutira pas à des solutions efficaces.  Il n’existe aucune preuve concluante, universellement reconnue et scientifiquement prouvée, que les changements climatiques ont un impact sur les conflits armés, a martelé la délégation.  À cet égard, elle a jugé inapproprié d’associer des experts politiques à l’élaboration de conclusions liées à un domaine essentiellement scientifique.

En ce qui concerne les actions relatives aux changements climatiques, c’est la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris qui sont concernés, a rappelé la délégation.  Elle a exprimé sa préoccupation devant les efforts déployés pour utiliser le Conseil de sécurité pour éloigner le débat sur les changements climatiques de ses effets néfastes sur le développement.  En fin de compte, a indiqué la délégation, ce sera préjudiciable aux personnes les plus vulnérables, en particulier les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement et les pays souffrant de mesures coercitives unilatérales qui connaissent des problèmes encore plus graves du fait de la pandémie de COVID-19.  Il nous semble que certains pays donateurs tentent de sortir la « carte de sécurité » pour dissimuler leur manque d’action pour accroître le financement climatique et les échanges de technologies, conformément à leurs engagements antérieurs, et apporter une aide pratique suffisante à ceux qui en ont besoin ici et maintenant, a expliqué la délégation.

Pour la Fédération de Russie, c’est le système des Nations Unies pour le développement dans son ensemble, et les coordonnateurs résidents en particulier, qui jouent un rôle essentiel dans la coordination des efforts de développement sur le terrain, y compris les projets climatiques qui peuvent contribuer à une stabilité, en plus de leurs objectifs spécifiques.  Pour la délégation, il ne faut donc pas « réinventer la roue », mais simplement laisser l’expertise climatique s’exprimer dans son domaine d’expertise.

M. WILFRED ELRINGTON, Ministre des affaires étrangères de Belize, au nom de l’Alliance des Petits Etats Insulaires (AOSIS), a insisté sur trois messages clefs : l’importance capitale pour les États Membres de réaffirmer sans équivoque leur engagement en faveur de l’Accord de Paris et de prendre des mesures audacieuses pour renforcer leur action climatique; la promotion par le Conseil de sécurité des mesures d’adaptation en tant que paradigme de prévention; et la nécessité pour le système des Nations Unies de se préparer au scénario du pire. 

L’AOSIS, a souligné le Ministre, a fait trois propositions pour améliorer l’approche du Conseil dans l’intégration des risques de sécurité liés au climat dans son travail: utiliser les données scientifiques les plus rigoureuses; renforcer les capacités analytiques de l’ONU en vue d’évoluer les menaces climatiques; et améliorer la coordination entre les parties prenantes pour apporter un soutien systémique aux groupes sociaux les plus vulnérables.  Enfin, le Ministre a fait une dernière proposition liée au fait que 75% des maladies infectieuses sont d’origine animale.  Il a donc milité pour l’abandon des pratiques irresponsables et non-éthiques qui pourraient perturber l’ordre naturel des écosystèmes. 

Le Kenya, qui accueille le seul siège des Nations Unies dans les pays du Sud, abritant le PNUE et ONU-Habitat, a appelé à nouveau à allouer plus de ressources et à consolider de manière progressive les fonctions du bureau de Nairobi pour qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat, qui comprend la lutte contre les changements climatiques.  Cette «  menace existentielle  » pour la plupart de États peut avoir un effet multiplicateur des risques de conflit et d’insécurité, a souligné la délégation.  Prenant le cas de la Corne de l’Afrique, où de nombreux États sont confrontés à des situations climatiques extrêmes, à la COVID-19, au terrorisme et à la pire infestation de criquets des 70 dernières années, la délégation a constaté que les changements climatiques poussent parfois les capacités de l’État à leurs limites. 

Appelant à ne plus simplement constater le problème, le Kenya a lancé un appel à l’action concrète et réelle à commencer par reconnaître le lien qui existe entre les changements climatiques, la paix et la sécurité.  Il faut également que la communauté internationale s’engage fermement à respecter les dispositions des principaux instruments internationaux pertinents, en commençant par les ratifier. Il s'agit notamment de la CCNUCC et de l’Accord de Paris.  En outre, il est important que les pays eux-mêmes fassent preuve d’engagement au niveau national.  À cet égard, le Kenya a mis en place des politiques et des cadres juridiques sur les changements climatiques, ainsi qu’un plan d’action national pour intégrer les actions climatiques dans ses processus de planification du développement.  Le pays essaye aussi de recalibrer son programme de développement en intégrant l’idée d’énergie verte et d’économie verte, a indiqué la délégation rappelant que le Kenya est l’un des principaux producteurs d’énergie verte, et qu’il s’est engagé à planter 2 milliards de plants d’arbres d’ici la fin de 2020 afin de restaurer 1,5 million d’hectares de terre dégradée et déboisée. 

Quant au rôle du Conseil de sécurité, le Kenya a appelé à améliorer les systèmes d’alerte rapide et de prédiction pour pouvoir mieux identifier et cartographier les points chauds des changements climatiques, et disposer de données vérifiables.  Pour qu’il puisse agir efficacement, le Conseil a besoin de faits et de données fiables, a fait valoir la délégation, et cela suppose une meilleure utilisation des technologies d’observation de la Terre et de la recherche scientifique.  Le Kenya est ensuite revenu sur la problématique de la fracture numérique qui laisse le monde en développement à la traîne.  Il a demandé des fonds et des formations pour renforcer l’engagement scientifique du monde en développement, parlant même d’une «  démocratisation de l'accès et du partage des données cruciales  ».  

L’impact des changements climatiques étant par définition local, voire communautaire, le Kenya a encouragé à « penser localement  » dans la formulation des réponses, tout en agissant aussi au niveau mondial.  Le Conseil de sécurité devrait aussi intégrer la question des changements climatiques dans ses résolutions à l’instar de la résolution 2349 (2017) sur le bassin du lac Tchad qui a reconnu le lien entre les changements écologiques et les conflits. 

En outre, le Kenya a suggéré qu’il faut repenser les missions de soutien à la paix.  Nous devons repenser l’action humanitaire, voire offrir de nouvelles formations aux soldats de la paix pour qu’ils abordent les problèmes des changements climatiques en collaboration directe avec les parties prenantes nationales.  Le but est de pouvoir améliorer les capacités de restauration environnementale, renforcer la résilience au sein des communautés, collecter des données, surveiller les changements environnementaux et, plus encore, intégrer les concepts d’économie verte et d’énergie propre dans la stabilisation et la reconstruction de l’État.  

M. SIMON COVENEY, Ministre des affaires étrangères et de la Défense de l’Irlande, a prévenu que d’ici à 2050, l’accélération des changements climatiques affectera des centaines de millions de personnes et se manifestera par la malnutrition, les maladies, les migrations et les événements météorologiques extrêmes.  Il va de soi qu’une perturbation aussi profonde de la vie de tant de gens affectera la stabilité et la sécurité de nos sociétés, a-t-il prédit.  La science est claire, s’est exclamé le Ministre: sans une action concertée, les températures terrestres continueront d’augmenter.  Par conséquent il va falloir tout faire pour ralentir le réchauffement de la planète et parallèlement chercher à mieux comprendre et se préparer à cette réalité.  

Le Ministre a souligné que le lien entre climat et sécurité est déjà pris en compte dans la planification des forces armées dans le monde.  Il est donc urgent que la communauté internationale fasse de même.  Bien que les risques varient selon les régions géographiques, a poursuivi le Ministre, la constante, c’est que l’impact des changements climatiques est profondément ressenti par les plus vulnérables qui, ironiquement, ont fait le moins pour contribuer au phénomène.  La protection des populations vulnérables et la sauvegarde des droits de l’homme doivent être au cœur de la réponse internationale.  Des stratégies d’évaluation et de gestion des risques plus efficaces permettront de mieux comprendre les contextes climatiques et sécuritaires locaux et de mettre en place des systèmes d’alerte précoce.  Le Ministre a voulu que l’on renforce les institutions locales et régionales et que l’on veille à l’appropriation locale des interventions climatiques et des mécanismes de règlement des conflits.   

S’agissant du travail de l’ONU, il a estimé qu’il doit être guidé par des analyses solides.  Le Ministre a appelé le Secrétaire général à inclure des informations contextuelles sur le lien entre climat et sécurité dans ses rapports au Conseil de sécurité.  Le Mécanisme pour la sécurité climatique est un point de départ important mais il doit être développé.  Le Ministre a aussi encouragé la nomination d’un représentant spécial sur le climat et la sécurité et appuyé la mise en œuvre intégrale de la stratégie environnementale du Département de l’appui aux missions pour faire en sorte que les opérations de paix n’exacerbent pas la pression écologique sur les populations locales.  À son tour, le Ministre a demandé au Conseil de veiller à l’intégration des risques de sécurité liés au climat dans les mandats de ces opérations.  Pour garantir la « justice climatique », a-t-il conclu, il faut placer l’expérience distincte des femmes, des jeunes et des enfants au cœur des efforts d’analyse, d’intervention et de consolidation de la paix.  

M. OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE), a commencé par rappeler que les derniers chiffres de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) montrent que la température mondiale annuelle moyenne sera probablement d'au moins 1°Celsius au-dessus des niveaux préindustriels au cours de chacune des cinq prochaines années.  Nous approchons du point crucial de 1,5 degré beaucoup trop vite, a-t-elle averti, en rappelant que le GIEC a clairement démontré dans son rapport les effets dévastateurs qu'une telle augmentation de température aurait sur les moyens de subsistance et la vie des habitants de nombreuses régions du monde.  Le débat d’aujourd’hui lui semble également opportun dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19 qui exacerbe les vulnérabilités existantes et aggrave les conséquences des changements climatiques sur la sécurité alimentaire et hydrique, les moyens de subsistance, la cohésion sociale et la sécurité.  Cela menace de saper les acquis du développement, les droits de l'homme, de faire escalader la violence et de perturber les fragiles processus de paix.

Compte tenu de tout cela, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre ambition face à la crise climatique planétaire tout en combattant la pandémie, a martelé l’UE, en recommandant de ne pas fermer les yeux sur les conséquences qui se matérialisent déjà.  Pour elle, cela souligne d’autant plus l’importance de permettre au Conseil de sécurité de traiter plus systématiquement et plus efficacement des liens qui existent entre changements climatiques et sécurité.  Tout en prenant note des progrès dans ce domaine au cours de l’année passée, notamment grâce aux travaux du mécanisme de sécurité climatique au Secrétariat, l’UE a appelé à renforcer ce mécanisme qui crée des liens entre l'expertise de diverses parties du système des Nations Unies allant de la prévention des conflits et la médiation, à la gestion durable des ressources naturelles, et des changements climatiques à la résilience et aux questions de genre.  Elle a demandé un rapport régulier et systématique du Secrétaire général au Conseil de sécurité afin d'élargir la base analytique et de recommander des mesures, notamment pour renforcer la capacité des missions sur le terrain d'intégrer les risques de sécurité liés au climat dans leurs actions préventives et réactives.  Le Conseil devrait également continuer d’intégrer ces risques dans ses examens des conflits aux niveaux national et régional, a préconisé l’UE.

De même, l'architecture de consolidation de la paix des Nations Unies doit être habilitée à faire face aux risques liés au climat, y compris ceux liés à la diminution des ressources naturelles, et en particulier au stress hydrique, a encore recommandé l’UE.  À son avis, il va falloir une collaboration plus étroite entre les piliers paix et sécurité, développement et humanitaire de l'ONU pour pouvoir apporter des réponses efficaces et intégrées et il va falloir y tenir compte de la dimension de genre.  Un rapport récent du PNUE, du PNUD, du DPPA et d'ONU-Femmes démontre les nombreuses façons dont l'inégalité entre les sexes, la vulnérabilité climatique et la fragilité des États sont interdépendantes, a-t-elle fait valoir à ce sujet. Il est également crucial, selon l’UE, d’inclure les jeunes dans les discussions et les processus décisionnels concernant le climat et la sécurité puisque, car ce sont eux qui seront le plus touchés par les effets des changements climatiques.

L’UE reste fermement déterminée à mettre en œuvre ses engagements au titre de l'Accord de Paris, notamment par le biais du Green Deal de l’UE, et encourage tous ses partenaires à faire preuve de la même détermination sur la voie de la COP26.  En tant que plus grand donateur mondial pour le climat, une grande partie de son aide vise à combiner l’adaptation au réchauffement climatique et les interventions visant à améliorer la gestion durable des ressources avec la prévention des conflits, a expliqué la délégation en citant deux exemples de son soutien d’une part à travers le partage des images de son satellite Copernicus et en appuyant l’initiative africaine de la Grande Muraille verte.

Les Fidji ont déclaré que les changements climatiques représentent une crise existentielle pour les petits États insulaires en développement du Pacifique.  La montée du niveau de la mer ne doit pas avoir de répercussions sur les délimitations maritimes des États du Pacifique, ni menacer ou limiter leur souveraineté, a plaidé la délégation.  Elle a expliqué que le réchauffement des eaux avait provoqué des déplacements à large échelle des stocks de poissons migratoires depuis la zone économique exclusive des États du Pacifique vers des eaux plus fraîches, entraînant une perte de plus d’un milliard de dollars par an, soit près du double de l’ensemble de l’aide publique au développement (APD) qui leur est consacrée chaque année.  C’est un coup dévastateur porté à l’économie et à la stabilité de ces pays et cette menace ne fait que croître, a-t-elle averti. 

« Essayez de dire au Premier Ministre de Vanuatu que le Conseil de sécurité répondra avec lenteur à la crise climatique alors que son pays se remet du super-cyclone Pam qui a anéanti 70% de son économie en 2015 et du super-cyclone Harold qui l’a frappé en début d’année, en devant à présent faire face à l’effondrement du tourisme, le pilier de son économie, en raison de la COVID-19. » «  Ne mettez pas le climat en veilleuse  », a-t-elle lancé en faisant valoir que le monde dispose des outils et du cadre nécessaires pour combattre les changements climatiques.  Il revient à présent à la communauté internationale de se demander si elle dispose de l’architecture institutionnelle et de la volonté nécessaires. 

La délégation a indiqué que les Fidji et plusieurs autres pays de la région ont déjà commencé à relocaliser des communautés, «  loin de leur patrie, loin de leurs lieux de pêche, loin des tombes de leurs ancêtres et loin de leurs terres traditionnelles  ».  En outre, de plus en plus de terres arables et de nappes phréatiques sont perdues à cause de la salinisation et de la hausse du niveau de la mer. 

La délégation a aussi expliqué que les îles du Pacifique doivent gérer des épidémies plus fréquentes et longues de dengue et de leptospirose, en plus de la COVID-19.  « Nous devons déplacer des établissements de santé et en renforcer ou en reconstruire d’autres pour les rendre plus résilients. »  « C'est la guerre de notre époque », a enchaîné la délégation en soulignant que « nous n’avons pas le luxe de nous engager dans des débats sans fin sur les mêmes conflits régionaux qui ont frustré cet organe pendant des décennies alors que la montée des mers engloutit lentement des territoires nationaux ».  La responsabilité du Conseil de sécurité de maintenir des progrès soutenus et accélérés dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris est fondamentale pour maintenir la paix et la sécurité internationales, a-t-elle martelé en insistant sur le fait que « l’Accord de Paris est l’arme la plus importante dont nous disposons si nous voulons gagner cette guerre ». 

La délégation des Fidji a ensuite appelé à la désignation d’un envoyé spécial de l’ONU chargé du climat et de la sécurité.  Elle a voulu que le climat et la sécurité figurent parmi les points essentiels et récurrents de l’ordre du jour de l’ONU.  Elle a aussi exhorté le Conseil de sécurité à veiller à ce que les dimensions sécuritaires des changements climatiques soient systématiquement intégrées au travail des fonds, programmes et agences et opérations de paix de l’ONU.  Le Conseil doit également travailler avec les États Membres pour préparer et mieux positionner les opérations de paix pour leur permettre d’opérer dans des contextes de plus en plus soumis au climat, a-t-elle ajouté. 

Enfin, la délégation a demandé la tenue, dans les meilleurs délais, d’un sommet des dirigeants mondiaux sur les conséquences de la crise climatique sur la paix et la sécurité internationales et sur la réponse de l’ONU.  Ce sommet devra notamment examiner si l’architecture internationale existante est capable de répondre à ce défi de notre temps. 

Le Danemark a encouragé le Conseil de sécurité à continuer de donner aux opérations de maintien de la paix et aux missions politiques spéciales le mandat d’examiner les risques de sécurité liés au climat, y compris dans les efforts de médiation et de diplomatie préventive.  À son tour, il a jugé qu’il serait très utile de demander au Secrétaire général de rédiger régulièrement un rapport complet sur le lien entre le climat et la sécurité.  Appelant également à tirer parti des conclusions scientifiques d’autres processus tels que le GIEC, le Danemark a salué les progrès du mécanisme de sécurité climatique et a encouragé de nouvelles mesures pour intégrer les risques de sécurité liés au climat dans tous les efforts de l’ONU, y compris la consolidation de la paix.  

Les opérations de paix devraient travailler avec les communautés et les autorités locales, les connaissances et l’expertise locales de ces dernières sont essentielles pour une analyse efficace des politiques et pour une bonne adéquation entre les mesures d’adaptation aux changements climatiques et les besoins locaux, a fait valoir la délégation.  Ces opérations et le Conseil de sécurité doivent aussi collaborer avec les acteurs régionaux et sous-régionaux qui peuvent mettre en œuvre des activités transfrontalières.  Les opérations de paix doivent également s’engager avec les secteurs de la sécurité des pays hôtes pour évaluer collectivement les risques, avec l’aide des experts de l’Organisation météorologique mondiale et des agences nationales de météorologie et d’hydrologie. 

L’ONU, a dit à son tour le Danemark, doit développer des systèmes d’alerte précoce multirisques qui prennent en compte à la fois les risques climatiques et sécuritaires et permettent une réponse interpiliers intégrée.  Il faut inclure l’évaluation, la notification et la gestion des risques de sécurité liés au climat dans le travail des coordonnateurs résidents et des dirigeants des missions.  L’on pourrait aussi s’appuyer sur les mécanismes d’alerte précoce de la communauté humanitaire pour planifier les opérations de paix des Nations Unies, a suggéré le Danemark. 

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