SC/14174

Déclaration publique du Président du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés est convenu d’adresser, à l’occasion de l’examen du quatrième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan (S/2019/727), sous la forme d’une déclaration publique de son président, le message suivant :

À toutes les parties au conflit armé en Afghanistan, en particulier les groupes armés non étatiques tels que les forces des Taliban et les groupes qui leur sont affiliés, l’État islamique d’Iraq et du Levant-Province du Khorassan (EIIL-K), le Réseau Haqqani et Hezb-e Islami de Gulbuddin Hekmatyar, ainsi que la Police nationale afghane et la Police locale afghane, citées dans le rapport du Secrétaire général:

  • se déclare vivement préoccupé par l’ampleur, la gravité et la récurrence des violations et des exactions subies par les enfants en Afghanistan, en particulier par le nombre élevé de meurtres et d’atteintes à l’intégrité physique commis sur la personne d’enfants ; condamne fermement toutes les violations et les exactions qui continuent d’être commises contre des enfants en Afghanistan ; et exhorte toutes les parties au conflit à faire cesser immédiatement et à prévenir toutes les violations du droit international applicable concernant le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques lancées contre des écoles et des hôpitaux et le refus d’accès humanitaire, et à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international;  
  • souligne qu’il importe d’appliquer le principe de responsabilité concernant toutes les violations et les exactions dont sont victimes les enfants en temps de conflit armé et de faire traduire en justice tous les responsables et de les amener à répondre de leurs actes, notamment par la conduite rapide, systématique, impartiale et indépendante d’enquêtes et, s’il y a lieu, l’ouverture de poursuites judiciaires et l’établissement de leur culpabilité;
  • se déclare profondément préoccupé devant l’augmentation considérable du nombre de meurtres ou d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants à la suite de combats terrestres, d’attaques au moyen d’engins explosifs improvisés ou de restes explosifs de guerre, d’opérations aériennes menées par les forces gouvernementales et pro-gouvernementales et d’attentats-suicides et d’attaques complexes perpétrés en particulier par les Taliban et l’EIIL-K ; engage vivement toutes les parties à respecter les obligations que leur impose le droit international humanitaire et notamment les principes de distinction et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire au minimum les dommages causés aux civils et aux biens de caractère civil ; encourage les parties à continuer de donner suite aux rapports faisant état de meurtres ou d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants afin d’améliorer les pratiques en cours et de faire appliquer le principe de responsabilité, et de garantir des réparations appropriées et effectives ;
  • condamne le recrutement et l’utilisation d’enfants, tant par les groupes armés qui sont responsables de la majorité des cas, les Taliban en étant les principaux auteurs, que par les forces de sécurité afghanes, en particulier la Police nationale afghane et la Police locale afghane ; exhorte vivement les forces de sécurité et les groupes armés à libérer immédiatement et sans conditions tous les enfants qui leur sont associés et à faire cesser et prévenir les recrutements et l’utilisation d’enfants, conformément aux obligations que leur impose le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et à la déclaration faite par l’Afghanistan lorsqu’il y a adhéré en 2003;
  • constate avec préoccupation que des enfants sont privés de liberté au motif qu’ils sont associés ou soupçonnés d’être associés à des forces armées ou à des groupes armés et exhorte toutes les parties au conflit à libérer tous ces enfants et à appuyer leur pleine réintégration au moyen de programmes spécialisés de protection de l’enfance ; demande instamment que les enfants associés ou soupçonnés d’être associés aux parties au conflit soient traités avant tout comme des victimes qui ont été recrutées et utilisées et que la détention ne soit utilisée qu’en dernier recours et pour une période aussi courte que possible, conformément au droit international et en s’appuyant sur les Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris) approuvés par le Gouvernement afghan ; et prie instamment le Gouvernement de faire en sorte qu’en cas de poursuites engagées contre des enfants soupçonnés d’avoir commis des crimes, les droits de ces derniers soient respectés;  
  • exprime sa vive préoccupation devant les cas de viol et d’autres formes de violence sexuelle commis contre des enfants, qui ne sont pas systématiquement signalés, notamment la violence sexuelle liée au batcha bazi, et l’absence d’interventions appropriées et de services, en ce qui concerne les rescapés ; exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures précises pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle perpétrés contre des enfants ; et souligne qu’il importe d’amener les responsables de violence sexuelle et fondée sur le genre contre des enfants à répondre de leurs actes;  
  • condamne fermement les attaques commises contre des écoles et des hôpitaux en violation du droit international, y compris celles perpétrées par des groupes armés contre des écoles qui servent de bureaux d’inscription sur les listes électorales et de bureaux de vote, les groupes armés étant responsables de la majorité des attaques contre les écoles et le personnel enseignant et contre les hôpitaux et le personnel médical, attribuées principalement aux Taliban ; demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel, et de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées et indiscriminées contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles signée par le Gouvernement afghan en mai 2015, et souligne qu’il importe que les auteurs des attaques perpétrées contre de tels établissements en violation du droit international répondent de leurs actes;
  • condamne fermement les enlèvements d’enfants, dont la majorité est attribuée aux groupes armés ; et demande à toutes les parties concernées d’y mettre un terme et de libérer immédiatement tous les enfants enlevés;
  • condamne fermement les cas de refus d’accès humanitaire, dont la majorité est attribuée aux groupes armés, en particulier les Taliban, y compris les attaques contre le personnel humanitaire, tels que les démineurs et les vaccinateurs humanitaires ; et demande à toutes les parties au conflit armé de permettre et de faciliter un accès sûr, rapide et sans entrave aux enfants, conformément aux principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence et de respecter la nature exclusivement humanitaire et impartiale de l’aide humanitaire, ainsi que les activités de tous les organismes humanitaires des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, sans distinction préjudiciable;
  • se déclare préoccupé de constater que les programmes restent insuffisants pour ce qui est de réintégrer et de soutenir les enfants qui ont été associés à des parties au conflit, les enfants libérés des centres de détention et les postulants mineurs dont la candidature aux Forces nationales de défense et de sécurité afghanes a été rejetée, et souligne que la réintégration dans leur famille et dans la société des enfants qui étaient associés à des parties au conflit est essentielle pour leur garantir un avenir, ainsi qu’à leur famille, et pour prévenir les risques de réenrôlement;

Au Gouvernement afghan:

  • se félicite des progrès accomplis et des mesures concrètes prises par le Gouvernement afghan pour faire cesser et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par ses forces de sécurité dans l’application de la feuille de route pour la mise en conformité qu’il a adoptée en 2014 afin de compléter et d’accélérer l’exécution du plan d’action, y compris en promulguant en 2015 une loi qui érige en infraction le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes et en adoptant le Code pénal révisé de 2017, qui érige expressément en infraction le recrutement et l’utilisation d’enfants et la falsification des tazkeras (pièces d’identité), et la loi sur les enfants promulguée par décret présidentiel, et en adoptant en 2015 les directives nationales relatives à l’évaluation de l’âge ; se déclare préoccupé de constater que les mécanismes de vérification dans la Police locale afghane n’avancent guère et que l’application du Code pénal révisé et les poursuites contre ceux qui se rendent coupables de recrutement et d’utilisation d’enfants et notamment le batcha bazi laissent à désirer ; et exhorte le Gouvernement à redoubler d’efforts pour faire cesser et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par la Police nationale afghane et la Police locale afghane, à instaurer des mécanismes de vérification de l’âge au moment de la mise en place de la Force territoriale de l’armée nationale afghane, et à veiller à faire appliquer le principe de responsabilité en cas de recrutement et d’utilisation d’enfants;  
  • prie instamment le Gouvernement afghan de prévenir le recrutement d’enfants au moment de l’intégration d’ex-combattants du Hezb-e Islami, à l’issue de la signature de l’accord de paix avec le groupe armé;  
  • se félicite de la directive du Ministère de l’intérieur de 2016 interdisant aux médias d’aborder la question des enfants arrêtés pour atteinte à la sûreté nationale, de la directive nationale ordonnant la nette séparation des jeunes détenus et des adultes dans les centres ainsi que de la modification de 2018 du Code de procédure pénale qui prévoit que les enfants accusés d’atteintes à la sécurité soient placés dans des centres de réadaptation pour mineurs ; exhorte le Gouvernement à élaborer un plan national relatif aux enfants arrêtés pour atteinte à la sûreté de l’État et à mettre en place un mécanisme d’intervention solide pour répondre aux besoins des enfants qui ont été associés à des parties au conflit, libérés de centres de détention ou rejetés dans le cadre de procédures de recrutement officielles, afin de garantir leur relèvement, leur protection et leur réintégration et d’éviter qu’ils ne soient à nouveau recrutés et utilisés ;
  • se félicite de l’adoption par le Gouvernement afghan de la politique nationale de prévention et d’atténuation des pertes civiles et l’exhorte à l’appliquer;  
  • félicite le Gouvernement afghan d’avoir ratifié en août 2017 le Protocole V de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques de 1980 et l’encourage à élaborer un plan d’exécution et à poursuivre les programmes de sensibilisation aux dangers des restes explosifs de guerre parmi les populations afin de faire cesser et de prévenir les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique d’enfants du fait des restes explosifs de guerre;  
  • se félicite du Code pénal révisé de 2017, qui érige expressément en infraction le batcha bazi, et de la loi sur les enfants qui comprend des dispositions sur la violence sexuelle contre des enfants, qui doit être adoptée le plus rapidement possible par l’Assemblée ; encourage le Gouvernement à en améliorer l’application, à poursuivre les auteurs de ces actes et notamment de batcha bazi, dont des représentants des autorités, et à mettre en place des mécanismes d’intervention pour fournir un appui et une protection aux victimes et aux rescapés de la violence sexuelle;  
  • rappelle l’adoption de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et se félicite de la promulgation par la suite de deux directives du Ministère de l’éducation visant à mieux protéger les écoles ; et encourage le Gouvernement à continuer de renforcer les lois et les politiques en vue de prévenir l’utilisation des écoles à des fins militaires;  
  • se félicite de la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance par le Ministère de la défense en 2017 qui consiste à prévenir les six violations commises contre des enfants en temps de conflit armé et l’utilisation à des fins militaires d’écoles et d’établissements médicaux, applicable à l’ensemble du personnel de l’Armée nationale afghane ;  
  • insiste sur l’importance de faire appliquer le Programme de développement durable à l’horizon 2030, sachant qu’il faut s’attacher tout particulièrement à combattre la pauvreté, les privations et l’inégalité en Afghanistan afin de prévenir toutes les violations et les exactions contre les enfants et de protéger ces derniers contre de tels actes, en particulier en temps de conflit armé, et de promouvoir la résilience des enfants, de leur famille et de leur société, ainsi que l’éducation pour tous et l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable ;  

À la mission Resolute Support de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord :

  • se félicite de ce qu’un conseiller principal pour la protection de l’enfance soit affecté depuis 2016 à la mission Resolute Support de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’encourage à continuer de fournir un soutien sur le plan du renforcement des capacités de protection de l’enfance dans les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes au moyen de son mandat consistant à former, conseiller et aider ces dernières, et notamment à réviser leurs politiques et à dispenser une formation en ce qui concerne les enfants touchés par les conflits armés et la protection des enfants;  

Aux États-Unis d’Amérique:

  • prend note avec satisfaction de la désignation par les États-Unis d’un civil de haut rang au Ministère de la défense, chargé d’élaborer et de coordonner des directives générales relatives aux victimes civiles au cours des opérations militaires des États-Unis et de veiller à ce que ces directives soient respectées, y compris celles visant à passer en revue les rapports sur des victimes civiles, et d’affiner les orientations, au cours de l’action menée par leurs forces, afin de réduire au minimum le nombre de victimes civiles ; et les encourage à poursuivre leurs efforts pour protéger les enfants durant leurs opérations militaires et à continuer de respecter les obligations que leur impose le droit international ;  

Aux Taliban et aux autres groupes armés :

  • se déclare vivement préoccupé devant l’emploi de systèmes de tir indirect et leurs effets sur les enfants, notamment dans les zones d’habitation civiles, et d’engins explosifs improvisés visant les civils et les biens de caractère civil, ainsi que l’emploi indiscriminé de ces armes par les Taliban et d’autres groupes armés ; et les exhorte à établir une distinction entre les civils et les biens de caractère civil, d’une part, et les cibles militaires, d’autre part, et à prendre des mesures de protection des civils;  
  • exhorte les Taliban et les autres groupes armés à prévenir et à faire cesser immédiatement le recrutement et l’utilisation d’enfants, à promulguer des ordonnances militaires interdisant le recrutement et l’utilisation de toute personne âgée de moins de 18 ans, à libérer sur-le-champ tous les enfants qui se trouvent dans leurs rangs et à faciliter leur réintégration dans la société ;
  • exhorte les Taliban et les autres groupes armés à cesser immédiatement les attaques contre le personnel et les établissements médiaux, notamment durant les campagnes de vaccination, ainsi que contre les écoles et le corps enseignant, y compris lorsqu’ils servent de bureaux d’inscription sur les listes électorales et de bureaux de vote, et à empêcher l’enlèvement d’enfants à quelque fin que ce soit;  

À toutes les personnes concernées:

  • demande à toutes les parties au conflit inscrites sur les listes annexées au rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés qui ne l’ont pas encore fait de participer à un dialogue avec l’Organisation des Nations Unies en vue de l’élaboration et de l’application d’un plan d’action avec l’Organisation afin de faire cesser et de prévenir les six violations graves commises contre des enfants en temps de conflit armé;  
  • demande à tous ceux qui participent ou participeront à des pourparlers de paix et à des accords de veiller à ce que les dispositions relatives à la protection des enfants, y compris la libération et la réintégration des enfants, ainsi que les dispositions relatives aux droits et au bien-être des enfants, soient intégrées dans tous les pourparlers de paix, les accords de cessez-le-feu ou de paix et dans les mesures de surveillance du cessez-le-feu, en tenant compte des vues des enfants dans ces processus, chaque fois que c’est possible;
  • demande au Gouvernement afghan, aux États Membres, aux entités des Nations Unies, notamment à la Commission de consolidation de la paix et aux autres parties concernées de veiller à ce qu’une place soit faite à la protection, aux droits, au bien-être et à l’autonomisation des enfants touchés par le conflit armé et à ce que la priorité leur soit pleinement accordée dans les plans, les programmes et les stratégies de relèvement et de reconstruction après un conflit, ainsi qu’au cours de l’action menée pour consolider et pérenniser la paix, et d’encourager et de faciliter la prise en compte de leurs vues à cette occasion;
  • demande aux parties au conflit de faciliter l’accès sûr et sans entrave du personnel des Nations Unies aux fins des activités de surveillance et de communication de l’information;

Aux notables locaux et aux chefs religieux:

  • souligne l’importance du rôle que jouent les notables locaux et les chefs religieux dans le renforcement de la protection des enfants en temps de conflit armé;  
  • exhorte les notables locaux et les chefs religieux à renforcer la protection au niveau local et à condamner publiquement les violations et les exactions commises contre des enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les attaques et les menaces d’attaque dirigées contre des écoles et des hôpitaux, les enlèvements d’enfants et le refus d’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour les faire cesser et les prévenir, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réintégration et la réadaptation, dans la société, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants.
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