8716e séance – matin
CS/14102

Le Conseil de sécurité appelé à faire face à la persistance de la menace de Daech et à répondre aux défis posés par les prisonniers en Syrie

Vaincu militairement l’an dernier en Syrie après l’avoir été en Iraq en 2017, privé de son chef Abu Bakr al-Baghdadi, tué en octobre 2019, l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech) continue néanmoins de représenter une menace terroriste transnationale, a averti, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies (BLT), faisant état d’une reconstitution de l’organisation en réseaux clandestins et d’une extension de son influence en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  La réunion a aussi été l’occasion de s’interroger sur la judiciarisation des combattants étrangers associés à Daech et sur le sort des femmes et des enfants détenus à ce même titre en Syrie. 

Pour M. Vladimir Voronkov, venu présenter le dixième rapport du Secrétaire général sur cette question, la situation est d’autant plus préoccupante que le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », allié actif de Daech dans le bassin du lac Tchad, est en train de renforcer ses liens avec l’État islamique du Grand Sahara, lequel adopte les mêmes tactiques de harcèlement à l’égard des forces de défense et de sécurité au Burkina Faso, au Mali et au Niger.  Ce dernier pays a du reste évoqué une intensification des attaques terroristes dans la région du Sahel, avec une progression de la menace du nord du Mali vers les pays dits « de la zone des trois frontières » et un risque potentiel de contagion de la menace vers les pays côtiers.  En l’espace de trois ans, a souligné la délégation nigérienne, le nombre de victimes d’attentats terroristes dans ces trois pays a quintuplé, passant d’environ 770 en 2016 à 4 000 morts en 2019. 

De même, a poursuivi M. Voronkov, si le groupe affilié à Daech en Afghanistan a essuyé un revers majeur en novembre dernier, il demeure néanmoins actif, ambitieux et menaçant, ayant noué des contacts informels avec d’autres groupes terroristes.  Face à ce risque d’implantation en Asie centrale, la Fédération de Russie a demandé que le régime de sanctions soit appliqué à la filiale afghane de Daech.  Elle s’est par ailleurs inquiétée de la situation en Libye, à la suite de l’arrivée dans ce pays de combattants terroristes étrangers provenant de la région d’Edleb (Syrie).

Au-delà de ces mouvements alarmants, le défi « le plus pressant » est, de l’avis du Secrétaire général adjoint, la situation « intenable » de plus de 100 000 personnes qui se trouvent dans les installations de détention et de déplacement dans le nord-est de la Syrie, 70 000 d’entre elles étant des enfants et des femmes placés dans le camp de Hol.  Il est urgent de remédier à la crise humanitaire sur le terrain et de prévenir les risques d’évasion, de radicalisation et de violence dans ces camps, a-t-il plaidé, avant d’appeler les États Membres à assumer leurs responsabilités premières vis-à-vis de leurs ressortissants, s’agissant de la protection, du rapatriement et des poursuites pénales, conformément à leurs obligations au regard du droit international. 

Autre haut fonctionnaire de l’ONU entendu par le Conseil, Mme Michèle Coninsx, Chef de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a abondé dans ce sens, jugeant qu’abandonner à leur sort les milliers de femmes et d’enfants associés à l’EIIL, aujourd’hui entassés dans des camps de fortune et confrontés à la menace d’une radicalisation, serait « non seulement contraire aux principes d’humanité mais aussi contre-productif pour les efforts de lutte contre le terrorisme ».  De fait, elle s’est félicitée des mesures prises par des États Membres pour rapatrier l’ensemble ou une partie de leurs ressortissants associés à Daech, ajoutant que d’autres États impactés devraient, eux aussi, développer des stratégies de rapatriement dans le respect du droit international, dont le principe de non-refoulement.  « Plus nous attendons, plus les chances de succès s’amenuisent », a-t-elle toutefois averti. 

Cette question a fait réagir de nombreuses délégations, la France précisant, par exemple, attacher une importance particulière à la prise en charge et au suivi des mineurs qui sont revenus ou ont été rapatriés de la zone syro-iraquienne.  Les États-Unis ont, eux, insisté sur l’impératif de réinsérer et réhabiliter les enfants des combattants terroristes afin d’éviter de créer « une nouvelle génération de terroristes ».  C’est pourquoi ils entendent rapatrier leurs ressortissants présents en Syrie afin qu’ils rendent des comptes dans leur pays. 

Plus réservé à cet égard, le Royaume-Uni a estimé que les individus poursuivis pour des crimes perpétrés au nom de Daech devaient répondre de leurs actes dans la juridiction appropriée, laquelle est « souvent celle où les crimes ont été commis ».  Un avis partiellement partagé par la Fédération de Russie, selon laquelle les combattants terroristes étrangers doivent être soit extradés vers leur pays d’origine, soit jugés sur place mais en aucune manière laissés en détention. 

Face à la menace que représentent les prisonniers terroristes ou radicalisés, les revenants, les « voyageurs frustrés » qui n’ont pas réussi à rallier Daech à l’étranger et les personnes qui ont commis, soutenu ou préparé des attentats, l’Indonésie a, quant à elle, prôné une approche globale, rappelant avoir organisé en novembre dernier, de concert avec la Belgique et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), une séance selon la formule Arria consacrée aux stratégies de gestion des prisonniers terroristes et extrémistes violents. 

La réunion a également permis aux membres du Conseil d’entendre le témoignage de Mme Mona Freij, victime syrienne de Daech devenue activiste de la société civile.  Dans sa ville de Raqqa, a-t-elle expliqué, la défaite militaire de Daech a laissé la place à « la tyrannie du régime d’Assad ».  Elle a donc exhorté le Conseil à soutenir la population syrienne dans sa quête de solution politique et à appuyer un processus de justice transitionnelle pour mettre fin à l’impunité en Syrie. 

Enfin, la question du Xinjiang, région chinoise où sont rapportés de nombreux cas d’incarcération arbitraire de dissidents, de journalistes ou de membres de groupes religieux et de minorités ethniques, a une nouvelle fois opposé les États-Unis à la Chine, celle-ci rejetant catégoriquement ces accusations et assurant avoir pris des mesures « ancrées dans le droit » pour éliminer sur place les facteurs de terrorisme et d’extrémisme violent. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME

Dixième rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’EIIL (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace (S/2020/95)

Déclarations

M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies (BLT), a rappelé que Daech avait perdu son dernier bastion en Syrie en mai dernier et vu un changement de leadership avec la mort d’Abu Bakr al-Baghdadi en octobre.  Néanmoins, comme le montre le rapport du Secrétaire général, le groupe demeure au centre de la menace terroriste transnationale.  « Nous devons rester vigilants et unis dans la lutte contre ce fléau. »  Daech cherche à demeurer d’actualité, notamment sur Internet, et à restaurer sa capacité à lancer des opérations internationales complexes, tandis que les groupes régionaux qui lui sont affiliés poursuivent une stratégie d’enracinement dans les zones de conflit en exploitant les revendications locales.  En raison de leur nombre élevé, les combattants terroristes étrangers qui se sont rendus en Syrie et en Iraq continueront de poser une menace aiguë sur le court, le moyen et le long terme.  M. Voronkov a estimé que le nombre de ces combattants encore en vie se situe entre 20 000 et 27 000.  La situation de ces combattants et leurs familles détenus en Iraq et en Syrie continue de s’aggraver, a-t-il dit, ajoutant que leur sort demeure un défi majeur.  La plupart des États Membres n’ont pas assumé leurs responsabilités s’agissant du rapatriement de leurs ressortissants, a-t-il observé.

Poursuivant son exposé, M. Voronkov a constaté qu’au Moyen-Orient, la reconstitution de Daech en tant que réseau souterrain en Syrie imite ce qui s’est passé en Iraq depuis 2017.  Le nord-est de la Syrie a vu une recrudescence d’attaques contre la coalition internationale anti-Daech et des groupes armés locaux.  Le défi le plus pressant est la situation « intenable » de plus de 100 000 personnes qui se trouvent dans les installations de détention et de déplacement dans le nord-est de la Syrie, 70 000 d’entre elles étant des enfants et des femmes placés dans le camp de Hol.  Il est urgent de remédier à la crise humanitaire sur le terrain et de prévenir les risques d’évasion, de radicalisation et de violence dans ces installations, a déclaré M. Voronkov.  Il a rappelé que les enfants, y compris ceux ayant des liens avec les groupes terroristes inscrits sur la liste des Nations Unies, doivent être traités avant tout comme des victimes, toute poursuite judiciaire devant respecter les normes internationales.  La meilleure solution est de soustraire ces enfants à toute violence et de les rapatrier dans leurs pays d’origine, avec leurs familles, dès que possible, a-t-il recommandé.  « J’appelle les États Membres à assumer de nouveau leurs responsabilités premières vis-à-vis de leurs ressortissants s’agissant de la protection, du rapatriement, de poursuites prenant en compte les dimensions de l’âge et du genre, conformément à leurs obligations en droit international. »  Il a aussi félicité les États qui ont rapatrié, ou sont sur le point de le faire, leurs ressortissants suspectés de liens avec des groupes terroristes inscrits sur la liste des Nations Unies en Syrie et en Iraq. 

Il a indiqué que la situation s’est aggravée en Afrique de l’Ouest, alors que la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » est en train de renforcer ses liens avec l’État islamique du Grand Sahara.  En Europe, il existe des préoccupations devant la libération anticipée d’environ 1 000 condamnés pour terrorisme, y compris des « combattants frustrés » et des combattants terroristes étrangers qui sont revenus.  Ces préoccupations sont aggravées par les doutes entourant l’efficacité des programmes de réhabilitation.  Si le groupe affilié à Daech a essuyé un revers majeur en Afghanistan en novembre dernier, il demeure néanmoins actif, ambitieux et menaçant, ayant noué des contacts informels avec d’autres groupes terroristes. 

M. Voronkov a indiqué que la lutte contre le financement du terrorisme doit demeurer une priorité, Daech ayant des réserves financières de plus de 300 millions de dollars.  Le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, en consultation avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a accru ses efforts de renforcement des capacités en développant un programme complet contre le financement du terrorisme.  Il a indiqué que le programme onusien multi-agences luttant contre les déplacements des terroristes, dirigé par son Bureau, a pris de l’ampleur, en étant mis en œuvre dans plusieurs pays pilotes, y compris le Ghana, le Soudan, le Togo et l’Azerbaïdjan. 

M. Voronkov a rappelé que la coopération antiterrorisme est indispensable, sans oublier la société civile qui a un rôle à jouer.  Les principes directeurs de Madrid rappellent l’importance de la participation de la société civile pour remédier au phénomène des combattants terroristes étrangers et œuvrer à une réintégration efficace de ces derniers et de leurs familles.  En conclusion, le Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies a exhorté le Conseil et les États Membres à réaffirmer leur unité devant la menace persistante posée par Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés et devant le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations.  « J’exhorte la communauté internationale à préserver l’urgence et la solidarité nécessaires pour sauver des vies et aider les victimes et survivants du terrorisme. »

Mme MICHELE CONINSX, Chef de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a commencé son propos par une mise en garde: en dépit de sa défaite militaire en République arabe syrienne et de la mort de son principal dirigeant, Abu Bakr al-Baghdadi, l’État islamique d’Iraq et du levant (EIIL/Daech) continue de s’adapter et d’évoluer.  Lutter contre ses activités continue, de fait, de constituer un défi important, a-t-elle souligné.  Si l’ampleur du problème est bien connue, les solutions ne sont pas simples et « l’inaction n’est pas une possibilité », a ajouté la haute fonctionnaire.  Notant que plusieurs milliers de femmes et d’enfants associés à l’EIIL sont aujourd’hui entassés dans des camps de fortune, elle a estimé que les abandonner à leur sort, et à la menace d’une radicalisation, serait non seulement contraire aux principes d’humanité mais aussi contre-productif pour les efforts de lutte contre le terrorisme. 

Selon Mme Coninsx, comprendre les motivations et les facteurs de la radicalisation parmi les individus associés à l’EIIL, en particulier les femmes, est une tâche complexe.  Il convient d’éviter les stéréotypes, les généralisations et les simplifications en mettant au point des réponses appropriées, notamment parce que les femmes sont souvent à la fois victimes et bourreaux.  Cela nécessite par conséquent une réponse sexospécifique, des poursuites adaptées et des stratégies de réinsertion conformes aux normes internationales des droits de l’homme, a-t-elle préconisé.  Pourtant, a-t-elle observé, le taux de retour des femmes associées à l’EIIL reste nettement moins élevé que celui des hommes et des enfants.  Ces derniers, a-t-elle expliqué, sont principalement des victimes et doivent être traités comme tel.  Il est impensable et inacceptable d’enfermer tout une génération d’enfants, a-t-elle martelé, appelant la communauté internationale à œuvrer ensemble à la prévention des cycles de violence et à la victimisation des enfants afin de leur offrir une vie digne et sûre. 

Poursuivant, Mme Coninsx s’est félicitée des mesures prises par des États Membres pour rapatrier l’ensemble ou une partie de leurs ressortissants associés à ce groupe.  D’autres États impactés devraient eux aussi développer et mettre en œuvre des stratégies de rapatriement respectant le droit international, y compris le principe de non-refoulement.  Plus nous attendons, plus les chances de succès s’amenuisent, a-t-elle toutefois averti, avant de souligner l’importance de traduire en justice les perpétrateurs de l’EIIL, un effort pour lequel le Comité travaille de concert avec les États Membres et des agences de l’ONU.  Le Comité s’emploie en outre à faciliter la fourniture d’une assistance technique aux États afin de renforcer leur riposte au terrorisme et à l’extrémisme violent, a-t-elle précisé. 

Mme Coninsx a par ailleurs indiqué que, lors de récentes visites d’évaluation en Afrique, le Comité a constaté le manque de mécanismes à même de traiter le problème de radicalisation dans les établissements pénitentiaires, l’inefficacité des formations pour le traitement des détenus extrémistes violents et l’absence de programmes de réhabilitation et de réintégration des prisonniers libérés.  Parallèlement, a-t-elle relevé, les terroristes continuent d’utiliser Internet pour diffuser leur propagande et leur idéologie, ce qui a fait l’objet d’un débat ouvert au sein du Comité la semaine dernière.  Celui-ci a permis de souligner la nécessité d’une approche impliquant toute la société pour contrer les récits terroristes.  Sur la base de ses visites et de ses échanges avec les États Membres, la haute fonctionnaire a également fait état des défis judiciaires liés en particulier à l’absence de preuve admissible, à la l’absence de garantie de procès équitables et à la difficulté de déterminer les responsabilités pénales.  Tous ces problèmes viennent saper les efforts déployés par les États pour poursuivre et juger les personnes associées à l’EIIL.  Soucieux d’y remédier, le Comité a publié en décembre dernier des lignes directrices sur les preuves militaires, afin de faciliter la collecte, le traitement, la préservation et l’utilisation de preuves réunies par l’armée en vue de poursuites pour activité terroriste.  Cette mesure vient s’ajouter à l’initiative conjointe du Comité et de l’ONUDC sur les preuves électroniques, a indiqué la Chef de la DECT, saluant également les efforts de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) dans la collecte et la préservation des témoignages. 

La Chef de la DECT a ensuite mis l’accent sur l’institutionnalisation par l’EIIL des violences sexuelles et de l’esclavage.  À ce sujet, elle s’est déclarée « profondément troublée » par le manque de progrès dans la traduction en justice des auteurs de violences sexuelles.  De surcroît, a-t-elle observé, des femmes et de enfants enlevés par l’EIIL n’ont toujours pas retrouvé leur famille, tandis que des enfants conçus lors de viols n’ont toujours pas de reconnaissance légale.  De fait, a-t-elle constaté, l’impunité pour les crimes sexuels persiste, ce qui nécessite une « action décisive » des États Membres centrée sur les survivants et une approche fondée sur les droits de l’homme.  À cet égard, Mme Coninsx s’est félicitée du lancement d’un fonds mondial destiné aux rescapés de violences sexuelles commises en période de conflit.  Aujourd’hui, a-t-elle conclu, la communauté internationale a l’occasion de juger les auteurs de crimes, de réhabiliter les victimes et de faciliter la reconstruction et le développement de communautés dans des lieux détruits par l’EIIL.  Le rapatriement de femmes et d’enfants accélérera ce processus, de même que la traduction en justice de combattants de l’EIIL et de leurs affiliés, dans le respect du droit international des droits de l’homme, permettra de rendre justice aux victimes. 

Mme MONA FREIJ, une activiste de la société civile et professeure d’anglais, qui intervenait par visioconférence depuis Istanbul, a fait part de son expérience dans sa ville, Raqqa, dans le nord-est de la Syrie.  En septembre 2014, des éléments de Daech ont fait irruption dans sa maison, mais grâce à une diversion de son voisin, Mme Freij a réussi à s’évader par miracle, a-t-elle raconté.  Le fait qu’une femme ait réussi à prendre la fuite a été vécu par les éléments de Daech comme une atteinte à leur réputation, et ils ont fait subir des intimidations à sa famille dont de nombreux membres ont été arrêtés et torturés.  Raqqa a été libérée du régime tyrannique, a-t-elle poursuivi, en insistant sur le rôle de la société civile qui a pris le relais en mars 2013.  Elle-même fait partie des premières femmes à travailler dans les conseils locaux en Syrie.  Au cours d’une des manifestations auxquelles elle a participé en 2013, a-t-elle encore relaté, elle a porté une pancarte demandant la chute de l’EIIL, ce qui lui a valu, ainsi qu’à sa famille, des représailles supplémentaires. 

Mme Freij, qui a dit être restée en dehors de Raqqa jusqu’à la chute de l’EIIL et n’y être retournée que fin 2017, a constaté à ce moment-là que les civils avaient été privés d’éducation, surtout les femmes et les filles qui ont souvent été forcées d’épouser des éléments de Daech et de porter leurs enfants.  Ces femmes étaient otages et « forcées d’obéir à des monstres », a affirmé Mme Freij en ajoutant qu’elles peinent maintenant à prouver la filiation de leurs enfants.

Son expérience avec la tyrannie n’a pas fini avec Daech, a-t-elle encore relaté.  Dès son retour, elle a cherché à créer un espace sûr pour les femmes, notamment celles qui vivent dans les camps.  Elle leur a demandé de ne pas baisser les bras et de travailler, ce qu’ont fait certaines d’entre elles dans le textile, sur les marchés ou encore dans les dispensaires.  En outre, des cours informels ont été mis en place. 

La défaite de Daech a été militaire, a estimé Mme Freij, mais la tyrannie s’est incarnée dans le régime d’Assad.  Les femmes demandent toujours leurs droits politiques, économiques et sociaux et la communauté internationale les a oubliées.  « Alors que je vous parle, le droit international est ignoré. »  Les civils à Edleb sont visés par des bombardements, à l’instar de ce qui s’est passé à Raqqa.  Dès lors, Mme Freij a demandé au Conseil de sécurité de rester aux cotés des civils Syriens pour faire respecter le cessez-le-feu et parvenir à une solution politique ainsi qu’à un processus de justice transitionnelle pour mettre fin à l’impunité.  Il faut une transition politique qui réponde aux attentes des Syriens et des Syriennes, a-t-elle conclu.

M. MICHAEL BARKIN (États-Unis) a rappelé que l’année dernière, les efforts collectifs de la coalition ont permis la perte du territoire et du dirigeant de l’EIIL.  Cependant, la coalition doit poursuivre ses efforts dans ses quatre domaines prioritaires.  Il faut sanctionner et cibler chaque affilié de l’EIIL, a-t-il exhorté.  Après que les États-Unis ont demandé l’inscription de nouveaux groupes sur la Liste du Comité des sanctions 1267 du Conseil de sécurité, notamment la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » et l’État islamique du Grand Sahara, le représentant a encouragé d’autres États Membres à faire de même.  Par ailleurs, a ajouté le représentant, les États-Unis appellent à veiller à ce que les prisons ne deviennent pas des centres d’incubation de terroristes.  M. Barkin a aussi insisté sur l’impératif de réinsérer et réhabiliter les enfants des combattants terroristes afin d’éviter de créer une nouvelle génération de terroristes.  Voilà pourquoi les États-Unis vont rapatrier leurs ressortissants présents en Syrie pour qu’ils rendent des comptes dans leur pays, a expliqué le représentant, en ajoutant qu’il faut garantir la reddition de la justice aux victimes des crimes commis par l’EIIL.  Parlant aussi des milliers d’innocents ciblés par des attaques barbares de Daech en Iraq, il a souligné que les États-Unis sont un fervent partisan de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies pour promouvoir la responsabilisation pour les crimes commis par Daech.

Le représentant a déclaré que les opérations antiterroristes ne doivent pas servir de prétexte à des incarcérations arbitraires de dissidents, de journalistes ou de membres de groupes religieux et de minorités ethniques.  Les actions antiterroristes doivent s’inscrire dans le respect des droits fondamentaux et individuels, et il faut faire rapport sur toute violation possible de ces droits par le truchement des mécanismes existants, a encore demandé le représentant.  Le représentant s’est dit profondément préoccupés par la situation à Xinjiang, où plus d’un million d’Ouïghours et d’autres musulmans sont détenus dans des camps d’internement sous couvert de lutte antiterrorisme.  Il a dénoncé ce confinement, fondé sur l’ethnicité et la religion, comme incompatible avec le droit international.  En plus de violer les droits individuels, de telles actions peuvent être contre-productives, engendrant des griefs profonds et durables, a-t-il prévenu.  La lutte antiterroriste ne saurait justifier que l’on fasse taire des minorités, a-t-il conclu.

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a tenu à saluer l’intervention de Mme Mona Freij, estimant que la lutte contre le terrorisme dépend largement de l’implication de la société civile.  Dans le contexte actuel, il s’est dit préoccupé par la menace imminente que représente l’EIIL en dépit de sa défaite militaire et de la mort de son chef, Abu Bakr al-Baghdadi.  Il s’est notamment inquiété de la recrudescence des activités du groupe au Sahel, dans le bassin du lac Tchad.  Face à cette menace toujours aussi prégnante, a-t-il dit, il faut une coopération internationale et une approche globale de lutte contre le terrorisme.  Nous ne pouvons surmonter nos difficultés qu’en menant une action globale, a-t-il insisté, jugeant que le Conseil de sécurité a le devoir de prévoir une approche assurant l’équilibre entre prévention et répression.  Il importe, en outre, d’adopter une approche commune s’agissant du retour des étrangers associés à l’EIIL, de leur réinsertion et de leur réhabilitation.  Parallèlement, a plaidé le délégué, nous devons endiguer le financement du terrorisme, et ce, en nous appuyant notamment sur les travaux du Groupe d’action financière. 

Cela étant, a poursuivi M. Schulz, toute action contre le terrorisme doit aussi respecter nos valeurs, cette attitude étant la seule façon de rester crédible.  Il a plaidé pour que la lutte contre le terrorisme ne soit jamais un prétexte pour bafouer les droits fondamentaux.  L’exclusion de minorités ethniques ou religieuses peut faire de ces personnes marginalisées des extrémistes et des proies faciles pour les terroristes, a-t-il mis en garde.  Il a d’autre part souligné l’importance de développer des mécanismes internationaux de bonne diligence et de prendre en compte les questions sexospécifiques liées au terrorisme, notamment dans la perspective du vingtième anniversaire de la résolution 1325.

Mme HALIMAH AMIRAH FARIDAH DESHONG (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a noté que l’EIIL dispose de réserves financières qui se situeraient entre 100 et 300 millions de dollars et a encouragé les États Membres à pleinement adhérer aux obligations découlant de la résolution 2462 (2019).  Elle a toutefois signalé que des tentatives réglementaires de lutte contre le financement du terrorisme « bien intentionnées mais mal conçues » avaient eu des conséquences involontaires sur les systèmes bancaires des petites îles.  Saint-Vincent-et-les Grenadines a mis en place des mécanismes pour combattre ce « fléau », a-t-elle indiqué, citant notamment la création de l’Unité du renseignement financier.

Mme DeShong a ensuite appuyé l’Initiative d’Accra, ainsi que le lancement d’un projet conjoint du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme et d’INTERPOL pour faciliter l’échange de renseignements sur les combattants terroristes étrangers entre l’Europe, l’Asie centrale et le Moyen-Orient.  Elle a également insisté sur l’importance d’agir en tenant compte de la dimension hommes-femmes et en adoptant une approche sexospécifique.  Les plans opérationnels doivent mettre l’accent sur la participation des femmes, promouvoir des actions axées sur les survivants et qui combattent la violence sexuelle et sexiste, et aussi tenir compte de l’impact différent qu’a le terrorisme sur les femmes, les hommes et les enfants.  Elle a ensuite rappelé la création, en 2018, de la Stratégie antiterroriste de la CARICOM.

M. ADEL BEN LAGHA (Tunisie) a plaidé pour que la lutte antiterroriste soit menée selon une approche participative et inclusive, incluant notamment les femmes.  Malgré sa défaite cuisante, l’EIIL a été en mesure d’absorber ses pertes territoriales en Syrie et en Iraq, a-t-il noté en relevant qu’il organise des attaques systématiques en tirant parti de la dégradation de l’environnement sécuritaire dans certains pays.  S’agissant des quelques 40 000 combattants terroristes étrangers de l’EIIL, il a appelé à se mobiliser pour les traduire en justice et assurer leur réinsertion, à défaut de quoi ils rejoindront des cellules dormantes ou des groupes terroristes locaux.  Ils représentent une menace directe pour leurs pays d’origine et les pays voisins, a martelé le représentant en appelant à une action concertée de la communauté internationale, y compris pour le soutien financier et technique aux pays concernés pour pouvoir gérer cette question. 

La Tunisie suit d’un œil inquiet les informations sur la relocalisation d’un grand nombre d’anciens combattants en Libye, a poursuivi le représentant en soulignant cette menace directe pour les pays voisins.  Il a appelé à la poursuite des efforts de la coalition internationale contre Daech jusqu’à l’élimination complète de celui-ci, en s’appuyant sur les résolutions pertinentes notamment pour ce qui est du financement du terrorisme.  Le représentant a aussi recommandé d’amplifier la coopération bilatérale et multilatérale en termes d’échange d’informations et dans le domaine de l’aviation civile pour empêcher la relocalisation d’anciens combattants dans d’autres pays.  Il faut également donner les moyens aux pays de protéger leurs lieux de culte ainsi que les sites archéologiques et culturels qui sont devenus des cibles vulnérables pour des attaques d’éléments terroristes isolés.  Constatant que les conflits internes et entre États sont des terrains fertiles pour les groupes extrémistes et terroristes, le représentant a souhaité que le Conseil de sécurité joue un rôle décisif pour régler ces conflits et lutter efficacement contre le trafic d’armes.

Le succès de la lutte antiterroriste dépend largement des réponses apportées aux causes profondes du terrorisme, a poursuivi le représentant, en citant notamment la pauvreté et les obstacles au développement, qui poussent les jeunes dans les bras de la radicalisation.  Par ailleurs, la communauté internationale doit promouvoir des mécanismes pour traduire en justice ceux qui participent, encouragent ou financent les actes terroristes, notamment grâce aux dispositions de la résolution 2462 (2019).  Tout en étant soucieuse de la liberté d’expression, la Tunisie est également préoccupée par l’utilisation croissante des réseaux sociaux pour diffuser des messages terroristes et recruter des jeunes. 

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) s’est dit très inquiet, au vu du rapport du Secrétaire général, de constater la résilience de l’EIIL et de son idéologie toxique malgré les revers dévastateurs subis.  Il a dit que la capacité d’adaptation du groupe terroriste appelle à une détermination totale des États Membres pour contrer les actions et l’idéologie de l’EIIL.  Face à ce constat, il a salué la contribution de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD). 

Il s’est dit particulièrement alarmé par l’expansion de l’EIIL sur le continent africain en raison, notamment, des pressions subies au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde.  Il a cité les activités de la « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique », dans le bassin du lac Tchad, et ses liens avec l’État islamique du Grand Sahara qui harcèle les forces de sécurité au Burkina Faso, au Mali et au Niger.  Il a aussi noté que l’EIIL dans le Puntland fait office de centre de commandement pour les affiliés de l’EIIL en République démocratique du Congo et au Mozambique.  Il a dit la détermination de son pays à « se tenir aux côtés de ses frères et sœurs africains pour combattre le terrorisme sur tout le continent africain ».  Dans ce contexte, il a souligné la valeur ajoutée de l’arrivée au Conseil de sécurité de deux pays africains, la Tunisie et le Niger, dont les contributions devraient selon lui être très utiles pour lutter contre le terrorisme en Afrique. 

Enfin, le représentant a salué les efforts de coopération entre les organismes régionaux, dont l’Union africaine, pour améliorer les capacités conjointes de lutter contre le terrorisme.  Il a salué la tenue d’une une série de conférences régionales de haut niveau sur la question, dont une conférence africaine de haut niveau sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de la propagation de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme qui s’est tenue à Nairobi, au Kenya, en 2019. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a d’abord insisté sur l’importance de la coopération, arguant que le terrorisme est un phénomène mondial qu’aucun État ne peut résoudre seul.  Il a donc encouragé l’implication de parties prenantes autres que les gouvernements, dont le secteur privé, la société civile, le milieu universitaire et les organisations religieuses.  Le représentant a ensuite défendu une approche bidimensionnelle: les opérations sécuritaires, d’une part, et les efforts pour traiter des causes-jacentes de la radicalisation et du terrorisme, d’autre part.  Si elle n’est pas touchée directement par le phénomène, l’Estonie, a souligné le représentant, contribue néanmoins aux efforts internationaux.  Elle a déployé des troupes en Iraq, en Afghanistan et au Mali et fait sa part pour déraciner les causes de l’instabilité, comme en témoigne son aide aux réfugiés syriens du Liban, de la Jordanie et de la Turquie.  Nous leur apprenons les nouvelles technologies de l’information et l’entrepreneuriat, tout en leur offrant un appui psychosocial, a précisé le représentant.  Le rétablissement de la justice et la lutte contre l’impunité, a-t-il poursuivi, sont une partie essentielle de la lutte contre le terrorisme.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, l’Estonie a fermement appuyé l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes et le Mécanisme international, impartial et indépendant.  Toutes les mesures antiterroristes doivent être prises dans le strict respect du droit international, y compris le droit humanitaire et les droits de l’homme, a martelé le représentant.

M. WU HAITAO (Chine) a admis que la situation actuelle de lutte contre le terrorisme n’est « pas idéale », les attentats perpétrés par l’EIIL ayant causé de grands dégâts dans les pays concernés.  De fait, a-t-il constaté, la menace reste aiguë malgré les défaites infligées à l’EIIL, lequel se reconstitue en réseaux clandestins.  Pour le représentant, les réseaux de financement du terrorisme représentent des défis majeurs, de même que les efforts de sensibilisation des populations à cette menace et le renforcement de la coopération internationale.  Il faut pour cela s’appuyer sur le rôle central de coordination des Nations Unies en la matière, en se conformant aux droits de l’homme et à la Stratégie antiterroriste mondiale de l’Organisation, a plaidé le délégué.

Le délégué a aussi recommandé de rechercher les causes profondes du terrorisme, d’encourager le dialogue entre les civilisations sur un pied d’égalité et de contrer l’influence des idéologies extrémistes, tout en aidant les États à renforcer leurs capacités dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation.  Il importe par ailleurs de s’adapter à la menace terroriste et d’aider les États à faire face à l’utilisation des technologies de l’information par l’EIIL.  Sur le plan judiciaire, la Chine estime que les départements pertinents de l’ONU devraient faciliter la collecte de preuves et les poursuites, tout en respectant le principe de territorialité.  Elle s’est activement impliquée au sein du Forum antiterroriste et coopère avec de nombreux États Membres sur ces questions, y compris la lutte contre la cybercriminalité, a souligné le représentant. 

Il s’est ensuite élevé contre les « accusations infondées » proférées par les États-Unis au sujet du Xinjiang.  Rejetant catégoriquement ces allégations, le délégué a assuré que la question du Xinjiang n’est pas pour les autorités chinoises un enjeu religieux mais une question de lutte contre le terrorisme.  Face aux éléments terroristes qui mettent en péril les populations de cette région, la Chine a pris des mesures ancrées dans le droit pour éliminer les facteurs de terrorisme et d’extrémisme violent, ce qui a donné de « bons résultats », comme en témoigne le livre blanc publié par Beijing sur cette action, a fait valoir le représentant.  Il a estimé que c’est un exemple intéressant pour la communauté internationale puisque la région prospère, que les groupes ethniques vivent en harmonie et que la région n’a plus connu d’attentats depuis trois ans.  De l’avis du représentant, « les États-Unis, qui sont à l’origine de la guerre au Moyen-Orient, où les populations ont connu tant de souffrances, n’ont pas de leçons à donner en matière de défense des droits de l’homme et de protection des minorités ».  Avant de conclure, il a exhorté les États-Unis à respecter les faits, à renoncer au « deux poids, deux mesures » et à la propagande, et à cesser de saper l’unité du Conseil. 

M. NIANDOU AOUGI (Niger) a salué ce débat intervenant à un moment où les populations de plusieurs pays du Sahel, y compris le Niger, sont confrontées à la recrudescence des actes terroristes particulièrement meurtriers.  Il a rappelé les propos tenus par le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel devant le Conseil de sécurité le 8 janvier dernier.  Ce dernier évoquait une intensification des attaques terroristes sans précédent dans la région du Sahel, avec une progression de la menace du nord du Mali vers les pays dits « de la zone des trois frontières » (Burkina Faso-Mali-Niger), et un risque potentiel de contagion de la menace vers les pays côtiers.  Ainsi, en l’espace de trois ans, le nombre de victimes d’attentats terroristes dans ces trois pays a quintuplé, passant d’environ 770 en 2016 à 4 000 morts en 2019. 

Le délégué nigérien a rappelé qu’il y a un mois, son pays a connu successivement trois attaques meurtrières qui ont coûté la vie à 179 militaires.  Des attaques qui ont toutes été revendiquées par la branche de l’État islamique en Afrique de l’Ouest.  M. Aougi a indiqué que ces attaques répétées dans la sous-région ont occasionné le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes, accentuant ainsi l’insécurité alimentaire déjà préoccupante dans la région, ainsi que la fermeture de milliers d’écoles et de centres de santé.  Cette situation a amené les gouvernements de la région à consentir d’énormes efforts et sacrifices pour protéger leur population et l’intégrité de leur territoire.  C’est ainsi que le Gouvernement nigérien consent plus de 25% du budget national à cette fin, au détriment des services sociaux de base tels que la santé et l’éducation.

En outre, pour être encore plus efficace contre cet ennemi transnational, ces pays ont regroupé leurs forces autour du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) et de la Force multinationale mixte (FMM) qui comprend le Bénin, le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad.  Le représentant a affirmé que les actions de ces forces connaissent des résultats probants, particulièrement au niveau du bassin du lac Tchad où elles triomphent face aux combattants de Boko Haram qui sont aujourd’hui retranchés dans le secteur de la forêt de Sambisa.  Il a relevé qu’en dépit de la détermination de ces gouvernements et de la bravoure de leurs soldats, les moyens dont ces pays disposent pour vaincre cet ennemi transnational s’avèrent nettement insuffisants, et parfois même inadaptés à la situation.  Fort de cela, M. Aougi a appelé, « au nom de la sécurité collective et avant qu’il ne soit trop tard », à une solidarité internationale plus agissante et plus efficace pour éradiquer toutes les menaces sécuritaires au Sahel, ainsi que dans les autres parties affectées de l’Afrique, tel que cela est du reste mentionné dans le rapport du Secrétaire général.  Cette solidarité se traduirait par un règlement rapide du problème libyen; le financement de la Force conjointe du G5 Sahel ou sa prise en charge par le Chapitre VII de la Charte; une large adhésion à la coalition internationale pour le Sahel créée le 10 janvier 2020 à Pau en France; le renforcement du mandat de la MINUSMA afin qu’elle soit plus offensive; ainsi que la mise en œuvre effective de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. 

Étant donné que la menace persiste notamment en Syrie et en Iraq, où Daech est défait mais pas définitivement vaincu, M. ANTOINE MICHON (France) a estimé que la priorité collective doit être la poursuite des efforts de la coalition contre Daech pour empêcher toute résurgence du groupe terroriste.  La France, a-t-il indiqué, souhaite rester engagée militairement en Iraq, à la demande des autorités de Bagdad et dans le respect de leur souveraineté.  À la question des combattants étrangers, il faut répondre, a dit le représentant, par la prévention de la radicalisation en Europe et ailleurs.  L’engagement de tous les acteurs est nécessaire, y compris des réseaux sociaux sur Internet dont l’utilisation peut être détournée pour diffuer la propagande terroriste.  La France est fière d’avoir lancé avec la Nouvelle-Zélande l’Appel de Christchurch qui réunit déjà une cinquantaine de pays et d’organisations avec les grandes entreprises d’Internet.  Elle soutient aussi le projet de règlement de l’Union européenne pour le retrait des contenus terroristes dans l’heure; l’objectif étant de ne pas laisser Internet devenir un sanctuaire pour les groupes terroristes.

Il faut aussi, a poursuivi le représentant, adapter les législations et les dispositifs pour judiciariser et prendre en charge ceux qui se laissent attirer par les fausses promesses des groupes terroristes.  La France, a-t-il affirmé, a pris depuis plusieurs années de nombreuses mesures et attache une importance toute particulière à la prise en charge et au suivi des mineurs qui sont revenus ou qui ont été rapatriés de la zone syro-iraquienne.  La lutte contre le financement du terrorisme étant une priorité absolue pour la France, les efforts entrepris depuis 20 ans pour tarir les ressources doivent être poursuivis, notamment grâce aux dispositions de la résolution 2462 (2019), a précisé le représentant.  Après avoir assuré que la France œuvrera sans relâche pour que les crimes commis par Daech ne restent pas impunis et attiré l’attention sur la résolution 2379 (2017) et le Mécanisme international, impartial et indépendant en Syrie, le représentant a cité sa quatrième et dernière priorité: garantir que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le plein respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a noté que l’EIIL est devenu une menace grandissante au-delà de l’Iraq et de la Syrie, et notamment en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale -dans la zone du Grand Sahara-, en Asie centrale et en Asie du Sud-Est.  « Parce que nous savons que cette menace évolue vite et sous différentes formes », il y a urgence à adapter nos mesures de prévention et de réponse à ce fléau, a-t-il lancé.  Il a indiqué que l’Indonésie, de concert avec la DECT, a tenu la semaine dernière, à Djakarta, une réunion régionale sur les stratégies de réadaptation et de réintégration à l’intention des personnes associées à des groupes terroristes. 

Il a souligné la menace que représentent les prisonniers terroristes ou radicalisés, les revenants, des « voyageurs frustrés » qui n’ont pas réussi à rallier l’EIIL à l’étranger et des personnes qui ont commis, soutenu ou préparé des attentats terroristes, ainsi que d’autres qui ont été radicalisées en cours de détention.  Face à ce constat, le représentant de l’Indonésie a appelé à une approche globale.  Il a expliqué que l’Indonésie, de concert avec la Belgique et l’ONUDC, avec le soutien de Groupe des Amis des victimes du terrorisme, a organisé en novembre 2019, une séance selon la formule Arria, consacrée aux stratégies de gestion des prisonniers terroristes et des autres prisonniers extrémistes violents, afin de discuter des pratiques optimales et des problèmes persistants ayant trait à la radicalisation en milieu carcéral et à la promotion de politiques de réadaptation et de réintégration des détenus.  En outre, le représentant a souligné la nécessité d’adopter des mesures souples, qui soient de nature à contrer le discours terroriste et à aider les gens à se distancer du terrorisme. 

M. WELLINGTON DARIO BENCOSME CASTAÑOS (République dominicaine) a salué les progrès importants accomplis dans la lutte contre le terrorisme, soulignant la perte de contrôle territorial de Daech en Syrie, mais a dit rester préoccupé par la capacité des groupes terroristes à changer leurs modalités pour infliger souffrances et peur.  Le nombre de combattants terroristes étrangers représente une menace qui mérite une attention particulière, a-t-il poursuivi en faisant remarquer que les terroristes profitent de la porosité du terrain et des frontières pour mener des attaques qui ont coûté la vie à des soldats et à des civils.  Le représentant a réaffirmé sa ferme condamnation des actes de terrorisme en s’inquiétant du nombre en hausse d’attaques perpétrées contre des membres des Forces de sécurité et de défense du Mali, du Niger et du Burkina Faso.

Pour le représentant, il faut aborder d’urgence et de façon holistique les thèmes de la protection, du rapatriement, du traitement, de la réhabilitation et de la réintégration des plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants affiliés aux groupes terroristes, en utilisant les meilleures pratiques et en collaborant entre États Membres.  Inquiet de la détérioration de la situation humanitaire, M. Bencosme Castaños a souligné le défi qui se pose aux États Membres pour l’évaluer de manière exhaustive et déterminer la responsabilité pénale potentielle, tout en assurant le respect du droit international.  Il faut donc, a-t-il exhorté, continuer d’améliorer l’élaboration de politiques axées sur les besoins des individus, basées sur des preuves, et sensibles au genre et à l’âge, avec une attention particulière aux enfants comme selon les Principes directeurs de Madrid.

M. DANG DINH QUY (Viet Nam) s’est préoccupé du fait que l’EIIL ait continué d’augmenter ses activités et que la menace que le groupe fait peser sur la paix et la sécurité internationales n’ait pas diminué.  Il a insisté sur la nécessité primordiale de renforcer la coopération internationale pour répondre à la menace du terrorisme.  Le terrorisme ne se laisse pas restreindre par les frontières, a-t-il affirmé, et la coopération entre les autorités concernées est essentielle pour collecter, analyser et partager des renseignements sur les attaques imminentes, les réseaux, les recrutements, les formations, le financement, ainsi que les éléments de preuve pour les poursuites pénales.  Le renforcement des capacités nationales et la création de mécanismes institutionnels de lutte antiterroriste aux niveaux national et régional est tout aussi important, a-t-il ajouté.

M. Dang a aussi insisté sur l’importance de s’attaquer aux racines du terrorisme, citant notamment les conflits non résolus, la pauvreté, l’inégalité et l’injustice.  Il s’est ensuite inquiété de la présence de groupes terroristes de l’EIIL en Asie, notamment des déplacements de combattants terroristes étrangers en Asie du Sud-Est.  Au niveau régional, l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) n’a épargné aucun effort pour lutter contre la menace terroriste, a-t-il dit.

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a constaté que les membres de l’EIIL conservent leur position en Syrie et en Iraq en s’organisant en réseaux décentralisés.  De plus, le groupe tente de s’implanter ailleurs y compris en Asie, en particulier en Afghanistan et dans d’autres États d’Asie centrale.  Dès lors, la Russie demande que le régime de sanctions soit appliqué à la filiale afghane de l’EIIL.  S’agissant de la Libye, le représentant a fait part de ses préoccupations suite à l’arrivée de combattants terroristes étrangers en provenance de la région d’Edleb (Syrie).  Il a regretté l’effondrement de l’État en Libye ainsi que dans la région du Sahel.  Dénonçant la situation des personnes vivant dans le camp de Hol, le représentant a appelé à coopérer davantage avec les autorités légitimes.  Les efforts de la communauté internationale doivent avoir pour objectif d’éviter que l’EIIL ne renaisse de ses cendres et crée une nouvelle « internationale terroriste », a mis en garde M. Kuzmin.  Dans la foulée, il a dénoncé les tentatives de « jouer la carte des terroristes » à des fins politiques, ce qui détériore la situation dans certains pays.  Or, a-t-il remarqué, « on préfère se préoccuper de ces situations après que le nombre de victimes se compte par milliers ».  Hier, nous avons expliqué les faits et donné des chiffres relatifs aux dernières activités du groupe HTS à Edleb, a rappelé le représentant, en assurant que toute menace émergente sera éradiquée.

Quant à la question de savoir ce qu’il faut faire des combattants terroristes étrangers, la Russie estime que cela incombe aux pays dont ils sont ressortissants.  Le représentant a précisé que, de l’avis de son pays, la communauté internationale doit s’en tenir strictement au respect du principe selon lequel ces combattants doivent être soit extradés, soit jugés.  En effet, la Russie s’oppose à leur détention.  La protection ou la tutelle dans un contexte d’impunité favorise une montée en puissance terroriste, a averti le représentant, « ce dont nous sommes aujourd’hui témoins à Edleb ».  Il a ajouté que les femmes et les enfants de ces combattants doivent être rapatriés sans tarder dans leurs pays d’origine.  Enfin, il a regretté que le rapport du Secrétaire général n’évoque « qu’à demi-mots » la question de l’envoi d’armes et autres matériels aux groupes terroristes « sous prétexte d’aider une soi-disant opposition modérée ».

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a constaté, à son tour, qu’en dépit de ses défaites militaires sur le terrain, l’EIIL/Daech reste une menace étendue, de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à l’Asie du Sud-Est.  Dans ce contexte, a indiqué le représentant, le Royaume-Uni estime que les individus poursuivis pour des crimes perpétrés au nom de l’EIIL doivent répondre de leurs actes dans la juridiction appropriée, laquelle est souvent celle où les crimes ont été commis.  Le délégué s’est aussi félicité de l’unanimité qui a entouré le renouvellement de l’UNITAD, chargée de collecter des éléments de preuve essentiels.  Abordant la question du rapatriement de personnes associées à l’EIIL, il a assuré que son pays s’emploie à faciliter le retour de ses ressortissants, qui sont traités au cas par cas. 

Après avoir salué les nombreuses initiatives engagées par les Nations Unies en matière de lutte antiterroriste, il a encouragé le Comité de lutte contre le terrorisme à poursuivre la mise au point de nouveaux outils.  Il a par ailleurs estimé que la société civile, représentée par le témoignage courageux de Mme Freij, ne peut être ignorée.  Il faut, selon lui, non seulement apporter une réponse sur le plan de la sécurité mais aussi proposer une action pour renforcer la résilience des populations.  Il importe de reconquérir les cœurs et les esprits, faute de quoi la menace ressurgira, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite félicité la DECT pour ses visites d’évaluation avant d’inviter les membres du Conseil de sécurité à les faciliter.  Rappelant que le Royaume-Uni a récemment été victime de deux attaques menées par des terroristes inspirés par Daech, il a rendu hommage à la population et à la police qui ont empêché des dommages plus graves. 

Le délégué s’est réjoui que le rapport du Secrétaire général mette en avant la nécessité de respecter les droits de la personne dans la lutte contre le terrorisme.  Il a félicité les entités pertinentes des Nations Unies pour leurs nombreuses initiatives intégrant une approche fondée sur les droits humains.  Il s’est par ailleurs inquiété de la situation dans le Xinjiang, où des informations font état de détentions extrajudiciaires de musulmans dans des camps de rééducation.  Ces mesures des autorités chinoises sont, à ses yeux, contre-productives sur le long terme car elles créent des tensions ethniques et propices au radicalisme.  Il a donc encouragé la Chine à y renoncer et à offrir un accès sans entrave des représentants des Nations Unies à la région du Xinjiang, notamment la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michèle Bachelet.  Il s’est aussi étonné que son homologue chinois ait estimé que le Conseil de sécurité ne soit pas le lieu pour évoquer ces questions.  Enfin, il s’est adressé à son confrère russe pour lui rappeler que la lutte contre le terrorisme n’est pas une excuse pour mener des actions militaires contre la population civile, au mépris du droit international. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a constaté avec inquiétude que malgré la défaite militaire de Daech en Iraq et en Syrie, le groupe continue d’opérer en réseau clandestin et de commettre des attentats.  D’où l’importance, selon lui, de poursuivre les efforts au sein de la coalition, en vue d’une défaite totale du groupe et de son idéologie.  La Belgique est également préoccupée par l’évolution des affiliés et partisans de Daech et d’Al-Qaida dans d’autres zones de conflit, notamment au Sahel, en Somalie et dans la péninsule arabique.  L’influence nocive de ces groupes terroristes, leur instrumentalisation de conflits locaux ainsi que l’appropriation de compétences normalement dévolues aux États ont des conséquences désastreuses pour ces régions, a-t-il souligné, ajoutant que même en Europe la menace n’a pas disparue.  L’attentat de dimanche dernier à Londres, revendiqué par Daech en est une illustration, a dit le représentant.

Alors comment contrer au mieux cette menace en constante évolution? s’est-il interrogé.  Tout d’abord, il faut poursuivre le travail en cours par le biais de l’élaboration et de la mise en œuvre de mesures de sécurité internationales appropriées.  Des résultats majeurs ont déjà été engrangés, a-t-il remarqué en citant les dossiers passagers (PNR et API) et les technologies de l’information et des communications.  Ensuite, a poursuivi le délégué, il faut continuer à se concentrer sur la lutte contre les facteurs sous-jacents de l’extrémisme violent et du terrorisme. 

Soucieuse de faire avancer sur ces sujets, la Belgique a coorganisé avec l’Indonésie et l’ONUDC une réunion en formule Arria sur la radicalisation en milieu carcéral.  La détention et la réhabilitation ne peuvent y réussir que si l’on accorde l’attention nécessaire à la mise en œuvre de normes carcérales adaptées ainsi qu’à des programmes de suivi individualisé, y compris après la période de détention, a estimé le représentant.  La Belgique encourage la DECT à poursuivre son examen de cette question auprès des États Membres visités, et l’ONUDC à donner la priorité à ce sujet dans ses programmes de renforcement des capacités.  Elle appelle en outre à permettre à la société civile de jouer pleinement et sans entrave son rôle de lutte contre la propagation du terrorisme.  Avant de conclure, le représentant a mis l’accent sur le fait qu’il serait vain de prendre de telles mesures si elles devaient contrevenir aux normes internationales en matière de droits de l’homme, de libertés fondamentales et de droit international humanitaire.

Le représentant de la Chine, reprenant la parole pour répondre aux accusations proférées par le Royaume-Uni contre son pays, a fermement rejeté celles-ci en arguant qu’elles ne sont en rien fondées.  « Le Royaume-Uni suit une fois de plus aveuglement les traces des États-Unis », a-t-il regretté. 

S’agissant du Xinjiang, il a estimé avoir expliqué sa position au préalable et a espéré que le Royaume-Uni en a pris bonne note.  La Chine enjoint le Royaume-Uni à ne plus utiliser le Conseil de sécurité pour déstabiliser leurs relations et pour s’immiscer dans les affaires internes de la Chine, a-t-il déclaré.  Rappelant que le Royaume-Uni a été l’objet de récents attentats, le représentant lui a conseillé d’abandonner son attitude du deux poids, deux mesures et de cesser toute hypocrisie, pour faire plutôt face à ses propres problèmes.  La position de la Chine sur le Xinjiang n’a pas changé, a réitéré son représentant: elle s’oppose à ce que cette question soit abordée au Conseil de sécurité.

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