8715e séance – après-midi 
CS/14100

Conseil de sécurité: appels à la cessation immédiate des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie pour protéger trois millions de personnes d’une catastrophe humanitaire

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont obtenu aujourd’hui du Conseil de sécurité une réunion pour appeler à une cessation immédiate des hostilités dans la province d’Edleb, du nord-ouest de la Syrie, où une catastrophe risque de s’abattre sur trois millions de civils.  C’est un impératif humanitaire et un moyen de lutter contre le terrorisme qui va dans l’intérêt de la paix et de la sécurité régionales et internationales.  C’est aussi la base essentielle d’une voie durable vers la fin d’un conflit qui s’approche de sa dixième année, a plaidé l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie qui s’est exprimé avant le Coordonnateur des secours d’urgence. 

Entre le 1er et le 5 février, 49 personnes ont perdu la vie dans la province d’Edleb, s’est alarmé, M. Mark Lowcock.  Il a dénoncé les combats dans les centres urbains où, ces deux derniers mois, au moins 19 civils auraient perdu la vie et plus de 60 autres auraient été blessés, et d’où 586 000 civils auraient fui.  La vaste majorité des gens continuent d’avancer vers le nord et l’ouest de la province dans de petites enclaves désormais surpeuplées.  Les gens se dirigent aussi dans des zones contrôlées par la Turquie.  Les Nations Unies et la communauté humanitaire, a assuré le Coordonnateur des secours d’urgence, continuent de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour répondre aux besoins de quelque trois millions de personnes, dans ce qui est l’opération transfrontalière la plus importante depuis les premières en 2014.  Un nouveau plan de réponse humanitaire a été lancé pour collecter la somme de 336 millions de dollars et aider pendant les six prochains mois une population en détresse.  Si les pauses humanitaires négociées avec la Fédération de Russie se sont avérées utiles, le temps presse, a prévenu M. Lowcock: la ligne de front se déplace rapidement à quelques kilomètres de la ville d’Edleb, le plus grand centre urbain de la province du même nom. 

Le caractère alarmant de la situation a été confirmé par l’Envoyé spécial des Nations Unies.  M. Geir Otto Pedersen a parlé des bombardements aériens et terrestres, de la violation du nouveau cessez-le feu que la Fédération de Russie et la Turquie ont conclu le 12 janvier dernier, de l’offensive terrestre des forces syriennes dans le sud-est de la zone de désescalade et de leur avancée vers le nord.  Dans le même temps, Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), l’organisation terroriste inscrite sur la Liste du Conseil de sécurité, et des groupes armés de l’opposition lancent attaques et contre-attaques, y compris dans l’ouest et dans le nord d’Alep.  Des bombardements sont signalés dans des zones civiles ainsi que le lancement de drones armés contre les installations militaires syriennes et russes dans le sud-ouest de la province.  À ce sombre tableau, il faut ajouter les affrontements, du 3 janvier dernier, entre forces turques et syriennes. 

Mais nous avons appris de l’expérience, a rappelé l’Envoyé spécial, que l’approche militaire ne résoudra pas le problème.  L’accord sur les zones de désescalade du 4 mai 2017 peut permettre de longues périodes de calme.  C’est ce message que j’ai lancé à Moscou et à Damas et c’est ce message que je lancerai dans les jours à venir à Téhéran, a annoncé l’Envoyé spécial, en citant les garants du processus d’Astana.  Il a appelé à la cessation immédiate des hostilités et à un effort international sérieux pour coopérer sur Edleb. 

Que faut-il faire pour que les autorités syriennes acceptent enfin un cessez-le-feu? s’est demandé le Royaume-Uni.  La question syrienne suscite décidément de nombreuses réunions au Conseil de sécurité, a ironisé la Fédération de Russie, comptant les séances ordinaires et d’autres, comme celle-ci, qui sont généralement convoquées quand le Gouvernement syrien semble prendre l’avantage militaire sur les terroristes.  La lutte contre le terrorisme, s’est indignée la France, ne saurait justifier le sacrifice des populations civiles et les violations répétées du droit international humanitaire.  Elle a prévenu que la poursuite des hostilités ne fera qu’amplifier la menace terroriste, parce qu’elle favorise la radicalisation des combattants et entraîne un véritable risque de dissémination de terroristes à la faveur des mouvements de populations. 

Ces violations constantes du cessez-le-feu, s’est impatienté le Royaume-Uni, montrent que ce sont bien les Nations Unies et non les garants du processus d’Astana qui devraient mener le processus de paix en Syrie.  L’ampleur des destructions facilitées par la Russie, ont renchéri les États-Unis, prouve à suffisance que ni elle, ni l’Iran, et encore moins le « régime d’Assad », ne peuvent garantir un cessez-le-feu.  Ils ont donc appelé l’Envoyé spécial des Nations Unies à tourner son attention vers des efforts visant à faire taire les armes dans le nord-ouest de la Syrie.  Il est essentiel, ont repris en chœur les délégations, que toutes les parties s’emploient à mettre en œuvre la résolution 2254, adoptée « à l’unanimité » en 2015, ont rappelé les États-Unis.

Il est bon, a ironisé, à son tour la Syrie, que le Conseil convoque une séance pour dénoncer « les agressions, les pillages et les vols commis par le régime turc ».  Nous n’avons fait qu’exercer notre droit de légitime défense, s’est défendue la Turquie, appuyée fermement par les États-Unis.  Elle a argué que ses forces sont dans la province d’Edleb, dans le cadre d’un mémorandum signé avec la Fédération de Russie en septembre 2018 pour stabiliser la région et préserver son statut de zone de désescalade.  Elle a demandé à ses amis et à tous les membres de la communauté internationale de tenir compte de ses inquiétudes sécuritaires légitimes.  Êtes-vous prêts à revivre la crise des réfugiés de 2015 quand plus d’un million de Syriens se sont déversés sur l’Europe? a demandé la Turquie, avant de réclamer une désescalade immédiate à Edleb au risque de courir inévitablement à l’échec du processus politique.  La situation dans la province ne peut être résolue que par des moyens politiques, dans le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique de la Syrie, a souligné l’Iran qui a annoncé la prochaine réunion des garants d’Astana, bientôt à Téhéran. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a confirmé le caractère alarmant de la situation dans le nord-ouest de la Syrie laquelle s’est encore aggravée la semaine dernière.  Les bombardements aériens et terrestres ont causé des vagues de déplacements massifs et de grandes pertes en vies humaines, créant une catastrophe humanitaire, des souffrances humaines « inacceptables » et de réelles menaces à la paix et à la sécurité internationales.  Cette situation, a estimé l’Envoyé spécial, peut, et en conséquence doit, cesser maintenant. 

Le 12 janvier, a-t-il rappelé, la Fédération de Russie et la Turquie ont annoncé un accord sur un nouveau cessez-le-feu dans le nord-ouest.  Pourtant, les affrontements et les bombardements se sont poursuivis et deux jours plus tard, les frappes aériennes du Gouvernement syrien et leurs alliés ont repris.  Depuis lors, les forces gouvernementales ont lancé une offensive terrestre dans le sud-est de la zone de désescalade d’Edleb.  Elles font des progrès importants et viennent de prendre le contrôle de la ville de Maarret el-Nouman dont la population a fui dès les premières attaques. 

Les forces gouvernementales continuent à pousser vers le nord, atteignant la ville de Saraqeb, à la jonction des autoroutes M5 et M4 et près de la ville d’Edleb.  Dans la ville même, les frappes aériennes du Gouvernement se poursuivent et les hostilités se sont intensifiées sur d’autres fronts, en particulier dans l’ouest d’Alep où les forces gouvernementales ont avancé.  Pendant la même période, Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), l’organisation terroriste inscrite sur la Liste du Conseil de sécurité, et des groupes armés de l’opposition ont lancé plusieurs attaques et contre-attaques sur ces fronts, y compris dans l’ouest et dans le nord d’Alep.  L’on signale des bombardements dans des zones civiles et le lancement de drones armés contre les installations militaires syriennes et russes dans le sud-ouest d’Edleb.  Le Ministre russe des affaires étrangères a d’ailleurs confirmé des morts parmi les soldats. 

Les forces turques et celles du Gouvernement syrien se sont directement affrontées sur le sol syrien, provoquant des morts, de part et d’autre.  Jusqu’ici, s’est désolé l’Envoyé spécial, les appels du Secrétaire général à la cessation des hostilités sont restés vains.  Il semble que l’on perde de vue le principe de proportionnalité alors que les attaques contre les personnes et infrastructures civiles restent « inacceptables », a martelé l’Envoyé spécial.  Les gens à Edleb, en particulier les femmes, vivent dans la peur et se sentent complètement ignorés.  La société civile, le meilleur antidote contre le radicalisme, est plongée dans le désespoir et se sent abandonnée.  La population a explosé, atteignant désormais les trois millions de personnes.  Mais Edleb est aussi l’endroit où se sont réfugiés les combattants.  Le HTS et d’autres groupes terroristes listés par le Conseil de sécurité, y sont une force réelle. 

Mais nous avons appris de l’expérience, a souligné l’Envoyé spécial, que l’approche militaire ne résoudra pas le problème et coûtera très cher.  L’approche militaire, nous le savons, ne fera qu’approfondir les divisions internationales, en affaiblissant la perspective d’une dynamique graduelle de rétablissement de la confiance.  Les événements de ces derniers jours où les armées de deux États Membres des Nations Unies, la Syrie et la Turquie, se sont affrontées sur le sol syrien augurent d’une déflagration dans la région, voire au-delà. 

Mais nous savons aussi, a poursuivi l’Envoyé spécial, qu’il est possible, grâce à un accord, de stabiliser des régions de la Syrie et de travailler à une sortie de crise.  L’accord sur la zone de désescalade de mai 2017 peut permettre de longues périodes de calme.  C’est ce message que j’ai lancé à Moscou et à Damas et auprès des hauts responsables turcs et des Coprésidents du Groupe de travail humanitaire.  C’est ce message que je lancerai dans les jours qui viennent à Téhéran, a annoncé l’Envoyé spécial. 

Je ne prétends pas, a-t-il avoué, avoir une formule magique pour Edleb.  Mais je suis convaincu qu’avec un recours sérieux à la coopération internationale, une solution peut être trouvée, en s’appuyant sur les accords existants mais aussi en les renforçant.  Ce qu’il faut, a énuméré l’Envoyé spécial, c’est un cessez-le-feu durable et un accès humanitaire immédiat.  Il faut aussi contenir la situation pour donner du temps à la recherche d’une solution et consulter plus systématiquement la population.  La question des combattants étrangers doit être examinée et la fourniture d’un appui à des groupes terroristes listés doit être interdite.  Il faut également faire en sorte que toute utilisation de la force contre ces groupes soit ciblée avec la plus grande précision.  Il faut enfin réfléchir à une présence internationale renforcée, avec le consentement des autorités syriennes.  La communauté internationale doit mettre à la disposition de ces efforts les ressources nécessaires.

J’appelle, a conclu l’Envoyé spécial, à la cessation des hostilités et à un effort international sérieux pour coopérer sur Edleb.  C’est un impératif humanitaire et c’est un moyen efficace de lutter contre le terrorisme qui va dans l’intérêt de la paix et de la sécurité régionales et internationales.  C’est aussi, a-t-il ajouté, la base essentielle d’une voie durable vers la fin d’un conflit qui approche sa dixième année.  Le Conseil l’a reconnu dans la résolution 2254 (2015) dont les dispositions demeurent la seule voie pour sortir du conflit.  Les principaux acteurs et les membres du Conseil doivent peser de tout leur poids pour appuyer cette logique.

À ce jour, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) décompte 373 morts parmi les civils depuis le 1er décembre 2019, a indiqué M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.  Il a ajouté que 49 morts ont été confirmés entre le 1er et le 5 février à Edleb.  Il s’est inquiété des combats dans les centres civils du nord-ouest où, ces deux derniers mois, au moins 19 civils auraient perdu la vie et plus de 60 autres auraient été blessés.  Plus de 95% des morts parmi les civils ont été enregistrés dans les zones contrôlées par le Gouvernement, a-t-il souligné.  Ces deux derniers mois, on estime à 586 000 le nombre de civils qui ont fui.  Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) précise que quelque 300 000 enfants ont fui depuis le 1er décembre et la vaste majorité des gens continuent d’avancer vers le nord et l’ouest dans de petites enclaves contrôlées par des groupes non gouvernementaux.  Ces enclaves sont désormais surpeuplées et quelque 80 000 personnes vivent dans des maisons ou des immeubles en construction.  Les gens se dirigent aussi dans des zones contrôlées par la Turquie et leur nombre est désormais estimé à 144 000. 

Les Nations Unies, a indiqué le Coordonnateur des secours d’urgence, continuent, avec la Fédération de Russie, à se mettre d’accord sur des pauses sur des routes identifiées pour permettre aux gens de fuir dans un minimum de sécurité.  Entre le 27 janvier et le 2 février, les ONG locales ont profité de ces pauses pour accompagner quelque 4 000 personnes dans des zones plus proches de la Turquie.  De son côté, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a indiqué que 53 centres médicaux ont cessé leurs activités après les frappes aériennes et les bombardements.  Quelque 26 centres de vaccination ont fermé depuis le 1er décembre. 

Il faut, a plaidé à son tour le Secrétaire général adjoint, une cessation immédiate des hostilités.  Si les pauses sont en effet utiles et bienvenues, n’oublions pas, a-t-il rappelé, que des millions de gens continuent de vivre dans l’insécurité la plus totale.  Un cessez-le-feu élargi est la seule façon d’assurer leur protection. 

Les Nations Unies et la communauté humanitaire continuent de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour répondre aux besoins de quelque trois millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, dans ce qui est l’opération transfrontalière la plus importante depuis les premières en 2014.  Nous avons aussi cette semaine, a rappelé le Secrétaire général adjoint, lancé un autre plan de réponse humanitaire pour le nord-ouest visant une somme de 336 millions de dollars pour les six prochains mois.  Le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) a déjà débloqué 44 millions de dollars pour toute la Syrie, ce qui est sa plus grande contribution depuis le début de la crise.  Aujourd’hui même, une autre somme de 30 millions sera ponctionnée du Fonds pour le nouveau plan à Edleb.  Mais le Fonds a une capacité limitée, a prévenu M. Lowcock, en regardant du côté des donateurs.

Le temps presse, a-t-il alerté.  La ligne de front se déplace rapidement à quelques kilomètres de la ville d’Edleb, le plus grand centre urbain du nord-ouest de la Syrie.  Il faut, a-t-il répété, une cessation immédiate des hostilités et un effort international sérieux pour coopérer sur Edleb.  C’est un impératif humanitaire, a-t-il souligné à son tour.  Mais ce qu’il faut surtout, c’est un véritable dialogue entre toutes les parties au conflit pour trouver une solution politique durable conforme à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, a-t-il souligné. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est alarmée de ce que « le pire cauchemar » soit en train de se réaliser à Edleb.  La zone de désescalade est prise pour cible, n’épargnant pas les civils.  Les attaques des forces syriennes, russes et iraniennes ont provoqué le déplacement de près de 250 000 personnes, alors que les Turcs font tout pour éviter l’escalade, a-t-elle énuméré.  Elle s’est inquiétée des combats entre les forces turques et syriennes, avant d’expliquer qu’avec la France et les États-Unis, son pays a demandé cette réunion du Conseil de sécurité pour appeler à un cessez-le-feu immédiat.  Que faut-il faire pour que les autorités syriennes acceptent enfin un cessez-le-feu? s’est-elle demandé.  Expliquez-nous, a-t-elle dit à l’adresse du représentant syrien dans la salle, pourquoi aucun cessez-le-feu n’a jamais été respecté?  Ces violations constantes, a-t-elle tranché, montrent que ce sont bien les Nations Unies et non les garants du processus d’Astana qui devraient mener le processus de paix en Syrie. 

Mon pays, a-t-elle assuré, est prêt à soutenir toute action de l’ONU pour obtenir le respect d’un cessez-le-feu.  Nous avons, a-t-elle souligné, déboursé pas moins de 50 millions de dollars pour l’aide humanitaire en Syrie en 2019.  Au total, c’est plus de 3 milliards de dollars qui ont été dépensés en Syrie depuis le début de la crise.  Pourquoi ce conflit se poursuit-il? a-t-elle demandé au représentant syrien. 

Les États-Unis se sont joints au Royaume-Uni et à la France pour demander la convocation de cette réunion compte tenu de notre sentiment d’horreur devant l’escalade du « régime d’Assad » dans le nord-ouest de la Syrie, a dit Mme KELLY CRAFT.  La représentante américaine a condamné, dans le termes les plus fermes, l’offensive militaire « injustifiée et barbare » du « régime d’Assad », de l’Iran, du Hezbollah et de la Russie.  Soyons clairs, a-t-elle dit: nous sommes devant une violence meurtrière et délibérée contre des milliers d’innocents.  C’est une violence qui non seulement terrorise et soumet mais qui envoie aussi un message effrayant: le « régime d’Assad » et ses alliés rejettent les efforts du Conseil de sécurité pour rétablir la stabilité en Syrie, grâce à un processus politique facilité par l’ONU. 

Si ce Conseil, a prévenu la représentante, veut maintenir un semblant de crédibilité, il ne peut tout simplement pas ignorer les résolutions qu’il adopte.  En 2015, il n’a pas seulement adopté la résolution 2254, il l’a fait à l’unanimité.  Pour les États-Unis, a poursuivi la représentante, la situation en Syrie exige donc un cessez-le-feu immédiat, global et vérifiable.  Nous savons, a-t-elle averti, que l’on ne peut faire confiance au forum d’Astana pour garantir le cessez-le-feu.  Nous le savons parce que ce sont les avions russes qui violent régulièrement les cessez-le-feu que la Russie elle-même a conclu.  Nous savons que ce sont les bombes russes qui ont détruit des hôpitaux syriens et qui poussent les enfants syriens sur les routes.  L’ampleur des destructions facilitées par la Russie montre que ni elle, ni l’Iran, et encore moins le “régime d’Assad”, ne peuvent garantir un cessez-le-feu et certainement pas une solution politique.  Nous appelons donc l’Envoyé spécial, a dit la représentante, à tourner son attention vers des efforts visant à obtenir un cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie pour préserver les progrès de la Commission constitutionnelle. 

Il est essentiel que toutes les parties s’emploient à mettre en œuvre la résolution 2254 et commencent par donner leur plein appui aux efforts de l’ONU pour établir un cessez-le-feu dans toute la Syrie et assurer l’aide humanitaire transfrontalière autorisée par la résolution 2504.  Les Nations Unies, a ajouté la représentante, doivent faire valoir leur neutralité et leur impartialité pour obtenir un cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie.  En lançant son assaut, le « régime d’Assad » n’a pas seulement exacerbé la situation humanitaire, il a aussi ouvert la voie à une escalade plus large, mettant les Syriens en danger et menaçant l’espoir d’une solution politique conforme à la résolution 2254.  Alors que « le régime » paraît immunisé contre la honte ou la culpabilité pour les souffrances qu’il cause, il ne devrait pas se faire d’illusion, a menacé la représentante.  Sa cruauté et sa violence ne resteront pas impunies.  La Turquie, « notre alliée de l’OTAN », a notre plein appui, a-t-elle souligné, en voyant chez son alliée un acte de légitime défense contre les attaques « injustifiées » du « régime d’Assad » contre ses postes d’observation.  Les États-Unis, a-t-elle prévenu, ne débourseront pas le moindre argent pour la reconstruction dans les zones contrôlées par « le régime ».  L’Administration Trump n’épargnera aucun effort dans sa compagne pour isoler « le régime d’Assad » économiquement et diplomatiquement aussi longtemps qu’il continuera à rejeter le processus politique énoncé dans la résolution 2254, a encore prévenu la représentante. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que nous sommes entrés ces derniers mois dans un nouvel acte de la stratégie impitoyable du régime syrien.  Après l’horreur de la destruction d’Alep fin 2016, après celle de la bataille de la Ghouta en 2018, nous assistons à un scénario militaire similaire à Edleb, mais cette fois-ci, d’une ampleur inédite puisque trois millions de Syriens sont concernés, a-t-il précisé.  Face à ce constat, il a jugé urgent de faire taire les armes, sans oublier de condamner les bombardements intenses de l’aviation du régime et de ses alliés qui visent de manière indiscriminée les populations et les infrastructures civiles.  Trois millions de personnes, dont près de 80% de femmes et d’enfants, et près de 600 000 personnes nouvellement déplacées depuis décembre, sont exposées aux attaques quotidiennes. 

Le représentant a prévenu que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier le sacrifice des populations civiles et les violations répétées du droit international humanitaire.  Il a aussi prévenu que la poursuite des hostilités sur le terrain ne fera qu’amplifier la menace terroriste, parce qu’elle favorise la radicalisation des combattants et parce qu’elle entraîne un véritable risque de dissémination de terroristes à la faveur des mouvements de populations.  Il a appelé les signataires de l’accord de Sotchi de septembre 2018, en premier lieu la Russie, à assurer une véritable cessation des hostilités dans le nord-ouest. 

Par ailleurs, le représentant a jugé inacceptable que les infrastructures de santé et les écoles continuent d’être la cible d’attaques au mépris du droit international humanitaire.  Dans ce contexte, il a appelé à tout mettre en œuvre pour garantir un accès humanitaire immédiat, sûr, durable et sans entrave à l’ensemble des personnes ayant besoin d’aide.  Il a estimé que l’urgence de la situation à Edleb ne doit pas nous faire oublier l’urgence politique.  La France, a-t-il rappelé, souligne que seule une solution politique pourra stabiliser durablement la Syrie.  Il est plus que jamais urgent de remettre sur les rails le processus politique en vue de la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  Il faut, a ajouté le représentant, travailler en parallèle à la conclusion d’un cessez-le-feu, au lancement de travaux de la Commission constitutionnelle et aux autres volets de la résolution 2254 (2015).  Le représentant a assuré que la France et ses partenaires européens seront prêts à financer la reconstruction et à lever les sanctions, dès lors qu’un règlement politique sera solidement et irréversiblement engagé. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a réitéré son ferme soutien aux « efforts authentiques » visant à instaurer une paix durable en Syrie, et ce, pour tous les Syriens.  Tant que des civils ont besoin de protection, nous devons être présents, a-t-il affirmé.  Tant que les accords de cessez-le-feu sont violés par l’une ou l’autre des parties, tant que des informations font état d’enfants tués ou forcés de quitter leur foyer ou leur école, nous devons être présents.  Mais il est également fondamental de protéger le processus politique, a argué le représentant, déplorant toutefois que les atteintes au droit international en Syrie empêchent de progresser vers une solution politique négociée. 

Au regard des développements récents sur le terrain, le délégué a demandé à l’Envoyé spécial de préciser au Conseil quelles sont les étapes nécessaires pour parvenir à la cessation immédiate des hostilités et éviter une confrontation totale entre toutes les parties engagées à Edleb.  À ses yeux, une inaction sur ce point, avec les conséquences imaginables pour la population civile, resterait comme un « point noir » dans l’histoire de l’humanité.  Jugeant « inacceptable » que la Commission constitutionnelle ne parvienne pas à avancer dans ses travaux, il a interrogé M. Pedersen sur les « perspectives réelles de progression ».  Si ces travaux ne sont pas une fin en soi, a-t-il souligné, ils constituent tout de même la clef pour entrer dans un large processus politique.  Il a conclu son propos en appelant les parties au conflit à garantir la protection des civils et l’accès de l’aide humanitaire à l’ensemble des personnes dans le besoin.  

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a constaté que le cessez-le-feu négocié par le processus d’Astana a échoué, et que les zones de désescalade sont désormais des zones de guerre, avec les bombardements quotidiens du régime syrien et de la Fédération de Russie.  Il a salué la présence du représentant turc au Conseil, souhaitant obtenir de sa part des éclaircissements sur les récents développements en Syrie.  Il a relevé que six soldats turcs ont été tués par des tirs d’artillerie syrienne lundi dernier.  Est-ce cela que l’on appelle une désescalade? s’est-il indigné.  Le représentant a appelé à une pause humanitaire sur tout le territoire syrien afin d’empêcher la catastrophe qui se prépare.  Mettre fin à la violence est une condition préalable à un dialogue sérieux.  La poursuite des opérations du régime et de ses alliés, a-t-il prévenu, bloque cette perspective et sape la confiance du peuple syrien dans le Conseil de sécurité. 

Personne ici ne nie qu’il y ait des éléments radicaux à Edleb, a-t-il reconnu.  Mais, a-t-il tonné, cela ne justifie pas les attaques aveugles contre les populations civiles.  Les auteurs de ces attaques doivent rendre des comptes à la justice, a-t-il martelé, avant de demander que des voix autres que celles des représentants du régime syrien soient également entendues au Conseil de sécurité.  Après tout, la Commission constitutionnelle compte bien des représentants de l’opposition, a rappelé le représentant qui a conclu en estimant que la solution à la crise syrienne passe par une transition politique, en droite ligne de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Gravement préoccupé par les hostilités dans le nord-ouest de la Syrie, M. PHAM HAI ANH (Viet Nam) a insisté sur le fait que la protection des civils doit rester la priorité des priorités pour toutes les parties, tout comme le maintien et le fonctionnement des établissements sanitaires et des activités humanitaires.  Le représentant a appelé les parties à cesser immédiatement les hostilités, à faire preuve d’un maximum de retenue et à respecter scrupuleusement le droit international, y compris le droit international humanitaire et les résolutions des Nations Unies.  M. Pham a souligné que le conflit en Syrie ne peut être réglé que par une solution politique, conforme au droit international et aux buts et principes de la Charte des Nations Unies.  Il a exhorté le Gouvernement de la Syrie et toutes les parties à redoubler d’efforts pour désamorcer la situation et ouvrir la voie à une solution globale et durable.  Le délégué a aussi appelé les partenaires internationaux à intensifier les efforts diplomatiques bilatéraux et multilatéraux afin de créer des conditions favorables à la paix et à la stabilité en Syrie. 

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a noté avec préoccupation l’escalade des tensions dans le nord-ouest de la Syrie et exhorté les parties à œuvrer pour éviter toute aggravation de la situation.  Toute action contre le terrorisme doit respecter le droit international et tout appui extérieur aux groupes armés doit immédiatement cesser.  Les parties doivent respecter le droit international en ce qui concerne la protection des personnes et infrastructures civiles, a insisté le représentant.  L’affrontement militaire doit être évité à tout prix au profit d’un dialogue, sous les auspices de l’Envoyé spécial, a-t-il plaidé.  Il a espéré que la troisième session de la Commission constitutionnelle se déroulera bientôt et que les discussions seront empreintes de sincérité. 

Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) s’est dite, à son tour, profondément troublée par les informations faisant état de violences et d’une escalade des tensions dans le nord-ouest de la Syrie.  Elle a fait écho aux appels à la cessation immédiate de toutes les hostilités afin de prévenir d’autres souffrances humaines.  Elle a condamné les attaques contre les personnes et infrastructures civiles, en particulier les établissements sanitaires et scolaires.  Mme King a imploré toutes les parties au conflit à un cessez-le-feu.  Elle a salué les étapes franchies par la Fédération de Russie et la Turquie pour améliorer la coordination de leurs actions en Syrie.  Ces efforts devraient promouvoir la désescalade et contribuer à la protection des civils.  Les opérations militaires et celles contre le terrorisme doivent respecter les principes fondamentaux du droit international, a martelé, à son tour, la représentante.  Le principe de distinction, de proportionnalité et de précaution doit guider toutes les opérations car les atrocités commises en violation du droit international ne seront pas être ignorées et leurs auteurs répondront de leurs actes.  Avant de terminer, la représentante a souligné la nécessité d’une solution politique menée et dirigée par les Syriens eux-mêmes. 

M. ROLLIANSYAH SOEMIRAT (Indonésie) a tout d’abord rappelé que sa délégation avait précisé sa position sur la situation humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie et sur les travaux de la Commission constitutionnelle lors des deux réunions tenues le même jour, la semaine dernière.  Si nous accordons une grande importance à chaque réunion du Conseil, il nous paraît préférable qu’elles aient lieu lorsque que cela est nécessaire, sans creuser le fossé entre les membres du Conseil.  En ce moment, a estimé le représentant, la meilleure approche et la priorité des priorités est de rester face aux dossiers syriens.  Le représentant a ensuite réaffirmé la position de son pays sur trois points essentiels, à commencer par la nécessité d’une cessation immédiate des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie et l’urgence, pour toutes les parties, de respecter leur obligation de protéger les civils, au titre du droit international humanitaire. 

Il a ensuite rappelé que la population civile a besoin d’une assistance humanitaire immédiate, 390 000 personnes ayant fui leur domicile dans le nord-ouest du pays depuis début décembre pour échapper aux combats.  La plupart de ces personnes ont déjà fui à de multiples reprises et sont vulnérables, a-t-il martelé.  Enfin, le délégué a exhorté les parties syriennes à poursuivre leurs efforts pour faire progresser les travaux de la Commission constitutionnelle.  Il a émis le vœu sincère qu’un accord se fera jour prochainement afin que les membres de la Commission puissent entrer dans la « partie cruciale » de ce processus politique.  « La clef, c’est la confiance entre les parties syriennes », a-t-il souligné. 

Au nom des porte-plume humanitaires, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est inquiété du « carnage » que l’on observe à Edleb, où 34 civils ont été tués entre le 1er et le 4 février alors que 83 avaient déjà été tués entre le 20 et le 30 janvier.  Il a noté que 586 000 personnes ont été déplacées par les dernières offensives autour d’Edleb et que 6 500 enfants doivent fuir chaque jour.  Nous devons faire la lumière sur les conséquences humanitaires en Syrie, a souhaité le représentant de l’Allemagne en notant que la densité de la population augmente chaque jour à la frontière turque où les populations fuient les combats.  Il a rappelé l’obligation pour les belligérants de protéger les populations.  Il a avoué qu’il est de plus en plus difficile de fournir de l’aide médicale aux trois millions de personnes dans le besoin.  Les responsables de cette situation doivent rendre compte de leurs actes, a martelé le représentant qui s’est particulièrement inquiété des attaques syriennes contre des postes d’observation turcs, lesquelles ont coûté la vie à sept soldats turcs. 

M. RABII ZENATI (Tunisie) a condamné toutes les attaques contre les civils et a demandé que toutes les parties respectent leurs obligations en vertu du droit international.  Il a plaidé pour un cessez-le-feu et a invité toutes les parties à œuvrer en faveur de la désescalade à Edleb.  Il faut, a-t-il pressé, trouver une solution pratique à la présence de groupes terroristes à Edleb.  La seule façon de mettre fin à la crise humanitaire, a-t-il dit à son tour, est d’avancer dans le règlement politique de la crise syrienne, en vertu de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

M. WU HAITAO (Chine) a déclaré que le règlement politique est le seul moyen de mettre un terme au conflit en Syrie.  L’indépendance des travaux de la Commission constitutionnelle doit être préservée, sans ingérence extérieure, a tranché le représentant.  Les organisations terroristes doivent être combattues dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Le représentant a d’ailleurs appelé à la création d’une base de données sur les combattants terroristes pour leur barrer l’accès à d’autres pays.  L’ONU, a-t-il conclu, doit être dotée de suffisamment de fonds et de ressources pour fournir un aide humanitaire à toutes les personnes qui en ont besoin en Syrie. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a constaté que la question syrienne suscite de nombreuses réunions au Conseil de sécurité, certaines, ordinaires et d’autres, comme celle-ci, dites réunions d’urgence, sont généralement convoquées quand les terroristes sont combattus et que le Gouvernement semble prendre l’avantage.  Ce sont les terroristes qui ont lancé des tirs de roquettes ces derniers jours, ce qui a été confirmé mais ignoré par certains membres du Conseil.  Durant le mois de janvier, l’on a décompté 1 000 attaques, sans compter celles des terroristes près de Homs.  Mais cela n’a pas empêché le Secrétaire d’État américain de publier, le 4 février dernier, une déclaration pour condamner « les attaques du régime syrien et de ses alliés contre le peuple d’Edleb ».  Le « peuple d’Edleb », a rectifié, M. Nebenzia, n’existe pas.  Les gens de cette région font partie intégrante du peuple syrien.  Le représentant s’est aussi étonné que les groupes terroristes d’Edleb soient présentés comme des groupes de l’opposition modérée, alors que la résolution 2254 (2015), dont plusieurs délégations ont fait mention, souligne la nécessité de lutter contre le terrorisme en Syrie.

Mon pays, a assuré le représentant, entend travailler avec la Turquie pour maintenir la désescalade.  Nous avons travaillé, a-t-il aussi assuré, dans le respect des normes du droit international humanitaire.  Nos opérations militaires sont ciblées et proportionnelles.  Ce sont les terroristes qui transforment les sites civils en positions militaires, a affirmé le représentant qui s’est insurgé « contre ceux qui nous accusent de barbarie » pour leur rappeler que les opérations de Mossoul et Raqqa n’avaient en leur temps pas suscité les mêmes critiques.  Pourtant, Raqqa avait été entièrement détruite, y compris ses infrastructures médicales, comme l’avait confirmé OCHA.  On disait à l’époque, s’est souvenu le représentant, que les opérations étaient nécessaires pour lutter contre les terroristes.  Qu’en était-il des 55 000 habitants de la ville?  Que faut-il dire des actions similaires menées par la coalition internationale en Afghanistan et en Somalie?  Les critiques contre mon pays sont infondées, a tranché le représentant qui s’est dit consterné que les initiateurs de cette « campagne cynique » invoquent le droit humanitaire. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) s’est dit gravement préoccupé par l’escalade militaire en Syrie.  Nous soutenons la lutte contre le terrorisme, mais jamais, jamais les efforts de lutte contre le terrorisme ne peuvent exonérer les parties de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, y compris les principes de distinction, de précaution et de proportionnalité, s’est-il indigné.  Il a regretté que l’externalisation des travaux relatifs au cessez-le-feu au format Astana n’ait pas fonctionné, et, au vu des nombreux civils qui en payent le prix, il a demandé aux parties de faire preuve de la plus grande retenue.  La Belgique, a-t-il dit, s’attend à ce que l’ONU, et en particulier son Envoyé spécial, ne ménage aucun effort pour rétablir le calme.  La Belgique appelle à une cessation des hostilités à l’échelle nationale ainsi qu’à une solution négociée afin de relever durablement les défis complexes dans le nord-ouest, comme dans l’ensemble de la Syrie.  La seule voie vers la stabilité est une solution politique crédible, a-t-il martelé, une solution facilitée par les Nations Unies, conformément à la résolution 2254 (2015).

Constatant l’impact dévastateur des armes explosives à large portée sur les civils dans les zones habitées, le représentant s’est demandé comment la Syrie peut bombarder des infrastructures civiles en zones urbaines comme des écoles, des hôpitaux, des réseaux d’électricité et de distribution d’eau.  Comment peut-elle faire cela et demander en même temps que la communauté internationale paye pour la reconstruction.  Conformément à la politique européenne, la Belgique, a prévenu le représentant, ne participera pas au processus de reconstruction tant qu’une solution politique ne sera pas solidement en place.

M. BASHAR JA’AFARI (Syrie) a rappelé que cela fait huit ans qu’il y a une volonté de « diaboliser » le Gouvernement syrien pour provoquer l’escalade.  Non sans une pointe d’ironie, le représentant a remercié le Conseil de sécurité d’avoir convoqué cette réunion « pour dénoncer les agressions, les pillages et les vols commis par le régime turc en Syrie ».  Il a dénoncé les agissements des milices « ottomanes du Caucase » installées sur le territoire syrien à la frontière de la Turquie pour provoquer un changement démographique, comme ce que fait Israël en Palestine.  Il y a quelques heures à peine, une réunion a eu lieu à l’aéroport d’Alep entre les groupes terroristes Jabhat el-Nosra et les troupes turques.  Le Conseil devrait chercher à en savoir plus sur une réunion entre des forces turques et des groupes terroristes.  Mais, chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil s’est transformé en un forum de l’OTAN pour discréditer la Syrie et justifier les campagnes « interventionnistes et agressives » des grandes puissances. 

Lorsque la représentante des États-Unis juge utile de qualifier la Turquie « d’alliée de l’OTAN », nous ne sommes plus au Conseil de sécurité de l’ONU mais dans une annexe de l’OTAN, a fustigé le représentant.  Le règlement politique de la crise en Syrie passe d’abord, a-t-il martelé, par l’examen des politiques d’agression de certaines puissances étrangères.  Toutes les forces étrangères présentes à Edleb doivent quitter le territoire syrien, a-t-il réclamé. 

Dans une motion d’ordre, le représentant de la Fédération de Russie a réagi à l’interjection du Président du Conseil de sécurité qui demandait au représentant syrien de respecter le temps de parole.  Nous parlons, a dit le représentant, de la situation de la Syrie.  Faites au moins preuve d’un minimum de respect et laissez le représentant du pays dont on parle aujourd’hui s’exprimer. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a indiqué que le 3 février dernier, le régime syrien qui contrôle certaines régions du pays a délibérément ciblé des forces turques, faisant sept morts parmi les soldats turcs ainsi qu’un personnel civil.  Agissant en légitime défense, les forces armées turques ont répliqué.  Les soldats turcs sont à Edleb, a-t-il rappelé, dans le cadre d’un mémorandum signé par la Turquie et la Fédération de Russie en septembre 2018 afin de stabiliser la région et préserver son statut de zone de désescalade.  Tous les déploiements des forces armées turques, y compris les plus récents, ont été faits en coordination avec les autorités russes.  En dépit de toutes nos notifications, le régime a ouvert le feu sur nos positions turques, a dénoncé le représentant.  Certains postes d’observation sont aujourd’hui encerclés par les amis du régime.  Les autorités turques ont donc été obligées de déployer des troupes supplémentaires pour protéger ses soldats dans les postes d’observation et prévenir de nouvelles escalades à Edleb, en vertu de leurs responsabilités de garant du processus d’Astana.

Le représentant a rappelé que la Turquie accueille quatre millions de réfugiés Syriens, soit le cinquième de la population syrienne d’avant le début d’un conflit qui est né du fait que le « tyran de Damas » n’a pas voulu que son peuple jouisse de ses droits les plus élémentaires.  Maintenant, « il veut entraîner mon pays dans cette sale guerre en ciblant les forces armées turques », a-t-il dénoncé.  Tout acte contre les forces et les civils turcs sera sévèrement puni, a-t-il averti, ajoutant que son pays ne va pas hésiter à user de son droit de légitime défense.  « Je ne trace pas une ligne rouge », a-t-il tempéré, « mais je lance un avertissement ».  Le représentant a rappelé que son Président a demandé au « régime syrien » de retirer ses troupes de ses positions actuelles d’ici à la fin du mois.  Nous espérons que « le régime » et ses alliés prendront des mesures en ce sens.  La Turquie attend également de ses amis et de tous les membres de la communauté internationale qu’ils tiennent compte de ses inquiétudes sécuritaires légitimes. 

M. Sinirlioğlu a rappelé qu’en vertu du mémorandum de Sotchi, la Fédération de Russie est censée, en tant que garant, empêcher toute attaque militaire à Edleb et maintenir le statu quo.  Un nouveau cessez-le-feu a été signé le 12 janvier dernier après la visite du Président Putin en Turquie, a rappelé le délégué, ajoutant que depuis lors, il a été violé plus de 6 500 fois.  Avec plus de trois millions de civils regroupés dans des quartiers étroits à Edleb, la lutte contre le terrorisme ne peut y être menée qu’en violation claire du droit international humanitaire, a tranché le représentant.  La volonté réelle du « régime syrien », a-t-il soupçonné, n’est pas de lutter contre le terrorisme, mais de punir son peuple et de museler l’opposition. 

La Turquie, a averti le représentant, ne retirera pas ses troupes et n’évacuera pas ses postes d’observation.  Quand les bombes tombent, les civils continuent d’affluer vers la frontière turque et cette escalade provoque des réactions en chaîne qui n’affectent pas seulement la Turquie, mais qui vont même au-delà.  Le représentant a donc demandé si le monde est prêt à revivre la crise des réfugiés de 2015 quand plus d’un million de Syriens sont arrivés en Europe.  Il a réclamé des actions concrètes, déplorant le fait que la crise humanitaire d’Edleb n’attire pas assez l’attention des gouvernements et des médias.  Il faut, a-t-il conclu, une désescalade immédiate à Edleb sinon nous courrons inévitablement à l’échec du processus politique. 

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a indiqué que la lutte contre les terroristes doit se faire dans le respect de la vie des civils, comme cela a été rappelé dans les documents du processus d’Astana.  Il a demandé la mise en œuvre de l’accord de Sotchi sur Edleb, ajoutant qu’il faut s’assurer que cette crise soit réglée par les moyens politiques.  Mais, a-t-il prévenu, les terroristes ne doivent pas exploiter le contexte actuel pour consolider leurs positions et transformer Edleb en refuge sûr, ou pour tuer plus de civils encore et continuer de prendre de larges pans de la population en otage.  Le représentant a conseillé la vigilance pour ne pas confondre protection des civils et protection des terroristes. 

En tant que l’un des garants du processus d’Astana, l’Iran, a-t-il dit, est prêt à user de ses bons offices pour contribuer au règlement politique des différends entre la Turquie et la Syrie sur Edleb.  La prochaine réunion des garants d’Astana, qui aura bientôt lieu à Téhéran, offrira l’occasion d’examiner la situation syrienne.  L’Iran va également recevoir l’Envoyé spécial des Nations Unies, samedi prochain, pour discuter entre autres de la Commission constitutionnelle.  Pour l’Iran, a conclu le représentant, la lutte contre le terrorisme doit se poursuivre et des efforts doivent être faits pour protéger les civils.  La situation à Edleb ne peut être résolue que par des moyens politiques, dans le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique de la Syrie, a estimé le représentant.

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