8699e séance – matin
CS/14071

Conseil de sécurité: après les récentes tensions au Moyen-Orient, appels à un retour aux principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies

À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, le Conseil de sécurité a rappelé, ce matin, l’importance cruciale de la Charte des Nations Unies dans une déclaration présidentielle, point d’orgue d’un débat qui aura vu les délégations appeler, après les vives tensions de ces derniers jours, à une désescalade au Moyen-Orient et le Secrétaire général plaider pour un retour dans la « maison commune » de la Charte.

La déléguée des États-Unis a déclaré que la décision de la riposte militaire contre l’Iran n’avait pas été « prise à la légère », tandis que le représentant iranien a assuré que son pays avait exercé son droit à la légitime défense en frappant, hier, une base aérienne en Iraq.  Il s’est exprimé au nom du Ministre des affaires étrangères, qui s’est vu refuser un visa par les États-Unis, comme l’ont regretté la Fédération de Russie, l’Afrique du Sud ou bien encore la Présidente du Conseil des sages.

Dans sa déclaration présidentielle, le Conseil demande aux États Membres de se conformer pleinement à la Charte, de la promouvoir et de la défendre.  Le Conseil rappelle également sa détermination à faire appliquer la Charte dans toutes ses activités et à œuvrer pour que ce texte, « outil indispensable » au maintien de la paix et de la sécurité internationales, soit mieux appliqué.

Premier orateur d’un débat auquel se sont inscrites plus de 100 délégations, le Secrétaire général António Guterres a souhaité adresser un « message direct » au Conseil.  « La guerre n’est pas inévitable, c’est un choix et elle est souvent la résultante d’erreurs de calculs faciles.  La paix, aussi, n’est pas inévitable, elle est le produit d’un travail acharné et nous ne devons jamais la considérer comme acquise », a-t-il affirmé.

Évoquant le risque d’explosion des lignes de fracture mondiale, le Secrétaire général a plaidé pour un retour aux principes fondamentaux de la Charte, un « cadre commun qui nous réunit ».  Le renforcement de l’engagement en faveur de ce document flexible, résilient et visionnaire est le moyen le plus efficace pour répondre collectivement aux défis globaux en nos temps troublés, a conclu le Secrétaire général.

Lors son allocution, Mme Mary Robinson, Présidente du Conseil des sages que Nelson Mandela avait fondé, a identifié deux menaces « existentielles »: la prolifération nucléaire et la crise climatique.  À l’instar de la majorité des orateurs, elle a largement évoqué les tensions entre l’Iran et les États-Unis, jugeant que c’est précisément dans des moments comme celui-ci qu’il faut entendre tous les acteurs.

Les récents événements inquiétants qui ont eu lieu au Moyen-Orient soulignent encore plus l’importance de respecter la Charte, a renchéri le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Viet Nam.  Insistant sur les principes de non-utilisation de la force, de respect de la souveraineté et de l’intégrité, le Ministre a estimé qu’en ces temps difficiles, la Charte est plus essentielle que jamais.

Le Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines a, lui, estimé que c’était une erreur, pour un État ou un groupe d’États, de rechercher l’hégémonie et de s’engager dans l’unilatéralisme, en utilisant le commerce international, la finance ou les activités bancaires comme des armes.  La légitime défense ne peut être exercée de manière disproportionnée, a affirmé le Premier Ministre.

De son côté, le délégué de l’Afrique du Sud a affirmé que même lorsqu’il y a les éléments d’une menace réelle et crédible, tout recours à la force aux fins de légitime défense doit être autorisé par ce Conseil.  Le délégué de la Chine a, lui, qualifié de « sacrée » la responsabilité première de la sécurité donnée par la Charte au Conseil et assuré que son pays, le premier à avoir signé la Charte, ne cherchera jamais à s’étendre de manière hégémonique.

À l’instar des nombreux orateurs, il a dénoncé les actions unilatérales des États-Unis qui ont entraîné, selon lui, des tensions au Moyen-Orient.  Son homologue russe a fustigé la sortie unilatérale du Plan d’action global commun sur le programme nucléaire iranien, dont le représentant de l’Union européenne a souhaité la préservation, en tant qu’« élément crucial » de la sécurité de la région et du monde.

Le délégué de l’Iran a dénoncé le « régime voyou » des États-Unis, qui s’efforce « frénétiquement de revenir en arrière dans le temps ».  L’attaque du 8 janvier qui visait la base aérienne en Iraq à partir de laquelle « l’attaque lâche contre le martyre Soleimani a été lancée », est une réponse mesurée et proportionnelle à cette attaque terroriste, en application du droit à la légitime défense, prévu à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, a-t-il argumenté.

Depuis des années, « l’Iran et les milices à sa solde dans la région » ont montré un mépris constant pour l’autorité de l’ONU, a réagi la déléguée des États-Unis, évoquant les « événements récents liés à ce débat ».  Elle a assuré que son pays agira de façon déterminée pour protéger ses citoyens chaque fois que cela sera nécessaire, comme cela est prévu par la Charte.  Cela étant, les États-Unis sont prêts à œuvrer avec tous ceux qui recherchent la paix, a-t-elle déclaré.

Le Royaume-Uni est conscient de la menace que représente l’Iran dans la région, a déclaré de son côté sa représentante, en affirmant respecter le droit à l’autodéfense et en appelant les parties à la désescalade.  La Ministre d’État au Ministère des affaires étrangères de l’Allemagne s’est, elle, dite « soulagée » par les signes de désescalade.

Enfin, ce débat a été l’occasion pour de nombreux pays de demander un encadrement du droit de veto, dont l’usage a augmenté de manière significative cette dernière décennie, comme l’a rappelé le Liechtenstein.  Cette délégation a souhaité que l’Assemblée générale se réunisse chaque fois que le veto est utilisé, tandis que la France et le Mexique ont rappelé que 105 États ont rallié leur initiative en faveur d’une suspension du veto en cas d’atrocités de masse.

Ce débat ouvert organisé par la présidence vietnamienne du Conseil se poursuivra demain, vendredi 10 janvier.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Respect de la Charte des Nations Unies S/2020/1

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, le Conseil de sécurité réaffirme son attachement à la Charte des Nations Unies, notamment aux buts et principes qui y sont énoncés, et à un ordre international fondé sur le droit international, lequel est au fondement d’un monde plus pacifique, plus prospère et plus juste, de la coexistence pacifique et de la coopération entre États face aux menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, il réaffirme son attachement au multilatéralisme et au rôle central joué par l’Organisation. 

Le Conseil reconnaît l’importance cruciale que revêt la Charte dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales et le développement du droit international, y compris les principes qui régissent les relations entre États en vue d’aider à prévenir le fléau de la guerre.

Le Conseil rappelle que la Charte lui assigne la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et, à cet égard, souligne que tous les États et toutes les organisations internationales et régionales et autres doivent la respecter.

Le Conseil demande aux États Membres de se conformer pleinement à la Charte.  À cet égard, il demande à tous les États Membres de promouvoir et de défendre la Charte, notamment en la faisant connaître auprès du public et en faisant prendre conscience à celui-ci que son respect contribue au maintien de la paix et de la sécurité internationales, en prenant davantage en compte les buts et principes qui y sont énoncés dans les mécanismes et activités d’élaboration et de mise en œuvre des politiques relatives à la paix et à la sécurité, et en veillant à ce que toutes les questions touchant la paix et la sécurité internationales soient traitées dans le plein respect de ses dispositions.  Il se félicite de tous les efforts qui sont déployés pour aider les États Membres, par un accroissement de l’assistance technique et de l’appui au renforcement des capacités, à s’acquitter en interne des obligations que leur fait la Charte, lorsque ceux-ci le demandent.  Il souligne également la nécessité d’un dialogue plus inclusif, étant dans l’intérêt de tous les États Membres qu’ils puissent partager leurs diverses expériences, leurs meilleures pratiques nationales et les enseignements qu’ils tirent de la mise en œuvre des obligations que leur fait la Charte.

Le Conseil salue la contribution positive que l’Organisation apporte depuis 75 ans à la défense de la Charte et rappelle qu’il importe que les activités des organes et institutions des Nations Unies soient menées conformément à celle-ci.  Il souligne qu’il importe de faire connaître intimement la Charte auprès d’un public le plus large possible, y compris par la voie de formations appropriées à l’intention des États Membres, des organisations internationales et régionales et de leurs fonctionnaires.  Il encourage le Secrétaire général de l’Organisation à continuer de s’employer à aider les États Membres et les organisations régionales à défendre la Charte, notamment par des activités de renforcement des capacités, et, à cet égard, encourage en outre le Secrétaire général et les organismes compétents des Nations Unies à prévoir des activités visant à promouvoir le rôle de la Charte dans leurs programmes de célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation.

Le Conseil souligne que les organisations et accords régionaux et sous-régionaux jouent un rôle important et qu’il est indispensable de coopérer avec eux, conformément au Chapitre VIII de la Charte, pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales, cela contribuant aux efforts internationaux visant à faire respecter la Charte.  Il se félicite que les organisations régionales et sous-régionales contribuent à la promotion et à la mise en œuvre d’activités conformes à la Charte.  Il les exhorte à cet égard à faire mieux connaître la Charte et à la faire appliquer dans toutes leurs activités liées à la paix et la sécurité internationales.  Il les invite à envisager de prêter assistance aux États Membres qui s’emploient à faire appliquer la Charte dans tout ce qu’ils entreprennent, si ceux-ci le demandent, et de coopérer davantage avec l’Organisation et d’autres organisations en vue de renforcer l’attachement des États Membres à la Charte, notamment en encourageant le partenariat, le dialogue et l’échange de vues.

Le Conseil souligne qu’il est déterminé à faire appliquer la Charte dans toutes ses activités et qu’il entend collaborer étroitement avec tous les partenaires concernés pour que la Charte, outil indispensable au maintien de la paix et de la sécurité internationales, soit mieux appliquée.

Déclarations

« La paix est notre valeur la plus précieuse et l’essence de notre travail.  Ce à quoi nous aspirons en tant que famille humaine dépend de la paix.  Mais la paix dépend de nous », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU.  Malheureusement, la nouvelle année a commencé avec de nouvelles tensions et des souffrances de longue date qui se poursuivent, a-t-il ajouté.  Les tensions géopolitiques ont atteint un niveau dangereux, plus récemment dans le Golfe, tandis que les conflits sans vainqueur se poursuivent, de la Libye à la Syrie et à l’Afghanistan, en passant par le Sahel.  Le Secrétaire général a aussi pointé la perte de confiance entre les nations, la déconnection entre les peuples exprimant leurs frustrations et le personnel politique incapable de tenir leurs promesses.  Il a dressé le même constat au sein de ce Conseil, lorsque ses membres ne parviennent pas à un terrain d’entente.  La crise climatique est désormais là, avec une rage qui ne cesse de croître, n’épargnant personne, a-t-il ajouté, y voyant là autant de défis lancés au multilatéralisme.  « La coopération internationale est à la croisée des chemins. »

Rappelant que la défense de la Charte incombe en premier lieu au Conseil, il a indiqué que ladite Charte demeure « le cadre commun de la coopération internationale au service du bien commun ».  « À une époque où la haine et l’impunité se propagent, la Charte nous rappelle la primauté de l’état de droit et de la dignité humaine. »  M. Guterres a indiqué que les valeurs et objectifs de la Charte perdurent, à savoir le règlement pacifique des différends, l’égalité des droits entre hommes et femmes, le principe de non-intervention, le droit à l’autodétermination et l’égale souveraineté des États, ainsi que des règles claires encadrant le recours à la force.  « Ces principes ne sont pas des faveurs ou des concessions.  Ils sont le fondement même des relations internationales. »  Il a mis en garde contre le chaos, les conflits, la défiance et les désillusions qui surgissent chaque fois que ces principes sont foulés aux pieds, mis de côté ou appliqués de manière sélective.  « Notre défi commun est de faire mieux dans la défense des valeurs de la Charte et dans la réalisation de ses promesses pour les générations à venir », a-t-il expliqué.

Notant que ces principes n’ont pas pris une ride, le Secrétaire général a conseillé d’adapter « nos outils aux nouvelles réalités » et d’utiliser lesdits outils avec « une détermination et une créativité accrues ».  Cela inclut une application des décisions du Conseil par les États Membres en application de l’Article 25 de la Charte, ainsi qu’un accent plus fort sur la prévention.  Il a appelé à une rénovation de l’approche en la matière, la prévention étant par ailleurs au cœur de la Charte, de son préambule à son chapitre relatif au règlement pacifique des différends.  M. Guterres a énuméré les outils prévus au Chapitre VI et rappelé leur efficacité lorsqu’ils sont utilisés avec unité et dans un but précis.  Il a appelé ce Conseil à utiliser davantage les pouvoirs que la Charte lui a accordés, y compris la demande d’un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ).  Qualifiant les objectifs de développement durable « d’un de nos meilleurs outils de prévention », le Secrétaire général a appelé les États à miser davantage sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Il a ensuite rappelé l’aspect visionnaire de la Charte, qui envisage une coopération dynamique de l’ONU et des organisations régionales au service de la paix.  « J’ai mis l’accent sur le partenariat stratégique avec l’Union africaine, tandis que l’Union européenne fournit un appui fort et que nous œuvrons au renforcement des liens avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) », a-t-il dit. 

Le maintien de la paix n’est pas mentionné dans la Charte, mais il est enraciné dans les idéaux de la Charte et incarne l’action collective envisagée par celle-ci, a-t-il encore noté.  Il a rappelé que 100 000 soldats de la paix de l’ONU sont actuellement déployés dans le monde, avant de souligner le soutien fort qui est nécessaire pour un maintien de la paix efficace. 

Enfin, alors que le monde marque le soixante-quinzième anniversaire de la Charte, M. Guterres a souhaité adresser un « message direct » au Conseil.  Il a rappelé les responsabilités éminentes de ses membres, en particulier dans le règlement et la prévention des conflits, ajoutant que les désaccords présents et passés ne doivent pas empêcher les actions nécessaires pour répondre aux menaces actuelles.  « La guerre n’est pas inévitable, c’est un choix et elle est souvent la résultante d’erreurs de calculs faciles.  La paix, aussi, n’est pas inévitable, elle est le produit d’un travail acharné et nous ne devons jamais la considérer comme acquise. »

Évoquant le risque d’explosion des lignes de fracture mondiale, le Secrétaire général a plaidé pour un retour aux principes fondamentaux, pour un retour « au cadre commun qui nous réunit ».  « Nous devons revenir dans la maison commune de la Charte des Nations Unies », a-t-il dit en concluant que le renforcement de l’engagement commun en faveur de ce document flexible, résilient et visionnaire est le moyen le plus efficace pour répondre collectivement aux défis globaux en nos temps troublés.

En ce soixante-quinzième anniversaire de la Charte des Nations Unies, a déclaré Mme MARY ROBINSON, Présidente du Conseil des sages, j’aurais voulu que le Fondateur du Conseil, Nelson Mandela, soit ici, avec sa voix forte et inimitable et sa vision tout aussi forte.  « Mais vous n’avez que moi, avec mon accent irlandais, essayant humblement de me hisser à la hauteur de la tâche ».  Se hisser à la hauteur de la tâche, c’est ce que nous devons absolument faire, a dit Mme Robinson, plus sérieusement.  Le monde, a-t-elle estimé, fait face à deux menaces « existentielles »: la prolifération nucléaire et la crise climatique.  Or, relever ces défis est encore plus difficile au moment où la coopération multilatérale est compromise par le populisme et le nationalisme. 

Cette approche collaborative, a rappelé Mme Robinson, est au cœur de la Charte et elle est tout aussi nécessaire pour stopper l’escalade alarmante des tensions au Moyen-Orient.  Je crois comprendre, a-t-elle avoué, que le Ministre iranien des affaires étrangères devait prononcer un discours aujourd’hui sur le rôle de la Charte en appui à la paix et à la sécurité internationales.  Le Ministre n’a pas pu le faire, a vivement regretté Mme Robinson, du fait des tensions entre son pays et les États-Unis.  Mais c’est précisément à des moments comme celui-ci, qu’il faut entendre tous les acteurs concernés, a martelé la Présidente du Conseil des sages, soulignant que la Charte dispose que les parties à un conflit qui menace la paix et la sécurité internationales doivent tenir des négociations ou recourir à tout autre moyen pacifique pour résoudre la situation.  La gravité de la crise actuelle au Moyen-Orient signifie que le dialogue et les négociations sont des nécessités urgentes.  Ce qu’il nous faut aujourd’hui, a poursuivi Mme Robinson, c’est une nouvelle vision de la manière de libérer le monde du fléau de la guerre. 

Sur le front du contrôle des armes nucléaires, les Sages, a-t-elle rappelé, ont « avec clarté et force » parlé de la nécessité pour tous les États nucléaires de se montrer sérieux, résumant leur position en « 4D »: Doctrine, Désamorçage, Déploiement et Décroissance.  Au lieu d’une nouvelle course aux armements, ils demandent la redynamisation du Traité sur la non-prolifération et un accord américano-russe sur la prorogation jusqu’en 2026 du nouveau traité START. 

Quant à la crise climatique, Mme Robinson s’est dite déçue du résultat de la COP25 à Madrid laquelle a démontré l’absence d’une volonté politique pour une action urgente et collective contre une éventuelle catastrophe.  Il nous faut, a-t-elle estimé, un nouvel état d’esprit qui reconnaisse l’urgence qu’il y a à contenir la température terrestre et à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici à 2030.  Le Conseil de sécurité pourrait faire émerger ce nouvel état d’esprit mais trop de ses membres, dont ceux qui ont eu une responsabilité particulière dans leur siège permanent, traitent cette instance comme un forum pour avancer leurs propres intérêts.

S’adressant au Conseil comme « une femme et en fait comme une grand-mère », Mme Robinson a affirmé que si les femmes avaient un pouvoir égal aux hommes dans le monde d’aujourd’hui, nous aurions une manière très différente de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés.  Or les femmes subissent un recul, 25 ans après Beijing, s’est-elle alarmée.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à accorder une plus grande priorité au terrible problème de la violence systémique et de la discrimination.  Elle a appelé le Conseil à financer la mise en œuvre des nombreuses résolutions qu’il a adoptées contre les inégalités entre les sexes, en commençant par la résolution 1325 qui fêtera son vingtième anniversaire cette année. 

Écoutez aussi les enfants et les jeunes qui ont compris l’importance de penser mondialement et d’agir localement, a lancé Mme Robinson.  Ces enfants et ces jeunes sont soudés par l’urgence climatique et ils nous demandent de les écouter et d’écouter la science, laquelle exige la pleine mise en œuvre des engagements pris « volontairement » dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.  Il nous faut, a précisé Mme Robinson, une vision plus ambitieuse et un changement d’attitude.  Chaque pays doit examiner avec sérieux le rapport de la Commission mondiale sur l’adaptation et renforcer la résilience des communautés à la nouvelle norme dont les terribles feux de forêt en Australie confirment l’existence.  L’appel à l’action retentit de plus en plus fort, a prévenu la Présidente du Conseil des sages.  La société civile se réunit le 20 janvier pour « Peuples et Planète 2020 ».  En avril, la « Journée de la Terre +50 » promet d’être la plus grande mobilisation de l’histoire de l’humanité, a encore prévenu Mme Robinson. 

Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, M. PHẠM BÌNH MINH, a souligné que les principes de la Charte sont devenus les fondements du droit international qui guident les relations amicales entre États et la coopération entre les nations.  Selon lui, l’histoire des Nations Unies est la preuve vivante de la vraie valeur de la Charte.  Et le respect de cette dernière a été crucial pour éviter une nouvelle guerre mondiale, promouvoir des solutions pacifiques aux conflits à travers le monde et assurer le maintien de la paix et la sécurité internationales.  Les récents événements inquiétants qui ont eu lieu au Moyen-Orient soulignent encore plus l’importance de respecter la Charte, a-t-il argué, insistant sur les principes de non-utilisation de la force, de respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et de règlement pacifique des différends. 

M. Phạm Bình a relevé qu’en ces temps difficiles, la Charte des Nations Unies démontre qu’elle est encore plus importante et essentielle que jamais.  Il a demandé de promouvoir le multilatéralisme et des relations équitables entre États, en accord avec la Charte, assurant que c’est le seul moyen de maintenir la paix et la sécurité internationales, de promouvoir le développement durable, de faire face aux changements climatiques et de faciliter la reconstruction après les conflits.  En outre, en tant que principal organe en charge du maintien de la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit être à l’avant-garde du respect des buts et principes et de la Charte, et les membres du Conseil doivent montrer le bon exemple, a-t-il estimé. 

Le Vice-Premier Ministre a ensuite invité la communauté internationale à renforcer son engagement en faveur du multilatéralisme, en plaçant l’ONU en son cœur.  Il a aussi demandé de renforcer le rôle des organisations régionales et d’étendre leur collaboration avec l’ONU et le Conseil de sécurité dans le cadre du maintien de la paix et la sécurité internationales dans leur région de compétence, et même au-delà.  M. Phạm Bình a rappelé qu’en Asie du Sud-Est, c’est la Charte des Nations Unies qui a inspiré celle de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Il a également souhaité que tous les États, grands comme petits, adhèrent aux principes fondamentaux du droit international et de la Charte des Nations Unies dans le cadre de la planification et de la mise en œuvre de leurs stratégies de développement, de sécurité et de défense, ainsi que dans le cadre de leurs politiques étrangères.  En tant que pays profondément marqué par la guerre, a-t-il témoigné, le Viet Nam a une profonde compréhension de l’importance cruciale du respect de la Charte dans l’optique d’assurer une paix durable, bâtir un ordre international basé sur le droit et promouvoir des relations amicales et équitables entre États.  Il a enfin promis que le Viet Nam allait continuer à assurer le respect de la Charte, en sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité ainsi qu’en sa qualité d’État Membre des Nations Unies. 

M. RALPH GONSALVES, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, a estimé que pour un petit État insulaire comme le sien, la nécessité d’une ONU qui fonctionne à merveille est la plus grande des priorités.  En ce début de la seconde décennie du XXIsiècle et alors que l’ONU commémore cette année son soixante-quinzième anniversaire, il a jugé sage de se rappeler des principes et buts de la Charte, de s’engager de nouveau à les respecter et de réformer l’Organisation afin qu’elle soit à même de mieux remplir son mandat dans ce monde qui change rapidement.  Mais gardons-nous, a-t-il averti, de démonter la fondation que les bâtisseurs avaient si soigneusement mise en place, et que leurs estimés remplaçants ont si soigneusement entretenue ou fortifiée. 

Le Premier Ministre a estimé que c’était une erreur, pour un État ou un groupe d’États, de rechercher l’hégémonie et de s’engager dans l’unilatéralisme, en utilisant le commerce international, la finance ou les activités bancaires comme des armes.  M. Gonsalves a indiqué que la légitime défense ne peut être mise en œuvre de manière disproportionnée, tout en décriant ceux qui soutiennent ou protègent des terroristes et des criminels internationaux, ainsi que ceux privant les gens de leurs droits fondamentaux.  Il s’est insurgé contre le fait que « dans les salles sacrées de notre ONU, il y a un régime quotidien de justification pour ce qui est manifestement faux ou inacceptable ».  Nous devons nous résoudre à cesser de le faire, a-t-il plaidé. 

Le Premier Ministre a rappelé que la Charte promet également un développement et un bien-être économiques qui s’appuient sur la paix et la sécurité internationales.  Il a donc demandé que soient trouvées des solutions au sous-développement, à l’insécurité économique et à la vulnérabilité aux chocs externes, ainsi qu’aux inutiles conflits et discordes.  De même, il faut prendre des mesures pour faire face aux conséquences des changements climatiques et à la mauvaise gestion des ressources de la terre, y compris celles des plateaux continentaux, tout en évitant la prolifération des armes dans l’espace extra-atmosphérique.  Le Premier Ministre a enfin déploré « une absence de vertu, une tendance à l’ignorance, une irresponsabilité et une hypocrisie » qui sont des dangers clairs et présents, et qui touchent à la fois les puissants et les faibles, mais à des degrés différents.  Il a conclu en disant à ceux qui ont plus, qu’on attend aussi plus d’eux, à juste titre.

Après avoir rappelé la situation qui prévaut au Moyen-Orient, M. URMAS REINSALU (Estonie) a appelé les parties à des négociations afin d’apaiser les tensions et éviter la prolifération nucléaire.  Le représentant a ensuite dit qu’il observait avec préoccupation les violations de la Charte, y compris en Europe, notamment en Ukraine et en Géorgie sur lesquels le Conseil de sécurité a attiré l’attention à cause des graves entorses au droit international contre ces pays.  Il a rappelé que l’Assemblée générale avait adopté des résolutions exprimant ses graves inquiétudes concernant les actions contre la souveraineté, l’indépendance politique, l’unité et l’intégrité territoriale de ces deux pays. 

Favorable à ce que le Conseil de sécurité agisse et réagisse en cas de violation des droits de l’homme, M. Reinsalu a déploré que ce ne soit pas le cas dans la tragédie en Syrie dans laquelle le veto a été utilisé.  À cause de cela, le peuple syrien paie le prix fort, a dénoncé le délégué, qui a paraphrasé le Secrétaire général: « bien que les principes de la Charte soient toujours aussi pertinents, nous devons continuer à mettre à jour ses outils, nous devons utiliser ces outils avec une plus grande détermination ».  Les pays qui ont le droit de veto devraient s’abstenir de voter contre les initiatives visant à empêcher ou mettre fin aux atrocités de masse, a suggéré le représentant pour lequel le Conseil de sécurité doit montrer la direction par l’exemple.

Mme MICHELLE MÜNTEFERING, Ministre d’État au Ministère des affaires étrangères de l’Allemagne) a fait valoir que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont les « raisons fondamentales » des travaux de l’Organisation qui guident notre coexistence pacifique.  Soixante-quinze ans après l’adoption de la Charte, a-t-elle souligné, nous ne savons pas vraiment comment ce progrès remarquable pour le genre humain sera transmis au prochain siècle.  « À quoi ressemblera le monde dans 75 ans, à la veille du XXIIe siècle? »  Cette Charte, a poursuivi la Ministre, représente un nouvel espoir pour les peuples du monde.  Les problèmes de paix devraient être réglés par ce biais plutôt que par la force.  L’Allemagne, qui s’est vu accorder un siège à la table des Nations Unies en 1973, a un passé qui lui donne une responsabilité particulière, a-t-elle ajouté.

En tant que membre du Conseil de sécurité, nous sommes convaincus que le respect de la Charte et des règles internationalement convenues est la meilleure manière de protéger la paix et la sécurité.  Il faut revenir aux fondements de cette Organisation sur la base d’un partage des pouvoirs, du respect mutuel et de la responsabilité commune, a-t-elle plaidé, relevant que les conflits du passé nous ont enseigné que la paix ne peut être atteinte par des moyens militaires.  De fait, il convient de donner la priorité à la prévention et d’examiner les causes à long terme des conflits.  Le programme Femmes, paix et sécurité est une autre priorité de l’Allemagne au Conseil de sécurité, a-t-elle ajouté, notant que cette année, qui marquera le vingtième anniversaire de la résolution 1325, sera cruciale pour la mise en œuvre de la résolution 2467 sur l’élimination des violences sexuelles en période de conflit.  En sa deuxième année au Conseil, l’Allemagne continuera de plaider pour le respect du droit international, y compris le droit de la mer, le droit international humanitaire et la promotion des droits de l’homme.

Mme Müntefering a, d’autre part, indiqué que la coopération multilatérale est la pierre angulaire de la politique étrangère de son pays.  C’est pourquoi, a-t-elle dit, le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, M. Heiko Maas, son homologue français, M. Jean-Yves le Drian, ont cofondé l’an dernier avec d’autres partenaires l’Alliance pour le multilatéralisme, afin de renforcer l’ordre international basé sur des règles, avec la Charte de l’ONU en son centre.  Un cadre dans lequel œuvrent ensemble 50 pays.  Dans ce contexte, la représentante a encouragé le Conseil de sécurité à faire face aux menaces pour la paix et la sécurité que sont, entre autres, les changements climatiques et les risques liés à l’utilisation des nouvelles technologies.  Elle a enfin évoqué les événements récents au Moyen-Orient, les qualifiant de « grave préoccupation pour nous tous ».  Se disant soulagée par les signes de désescalade, elle a appelé les parties concernées à faire preuve de la retenue maximale, jugeant qu’une nouvelle guerre aurait des conséquences terribles pour les peuples de la région.  Les conflits ne peuvent être réglés que par des moyens politiques, a-t-elle conclu.  

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a regretté le non-octroi d’un visa au Ministre des affaires étrangères de l’Iran, soulignant que cela empêchait un acteur important de la région du Golfe de faire valoir ses vues.  Le refus d’entrée opposé aux représentants d’États Membres, dont l’un a participé à la rédaction de la Charte et a déposé son instrument de ratification le 24 octobre 1945, contrevient à l’Accord de Siège et entrave la résolution des conflits au moyen du dialogue, selon M. Matjila.  Il a rappelé que la Charte est l’expression de l’espoir que les peuples peuvent vivre dans la paix.  « Les espoirs qui ont été soulevés dans de nombreux cœurs excèdent les limitations de la nature humaine », a-t-il dit, citant ces mots de Dag Hammarskjöld. 

Le représentant a regretté les violations de certains principes fondamentaux de la Charte, ainsi que l’application sélective de celle-ci.  La Charte est très claire lorsqu’elle dispose que ce Conseil est le seul organe à autoriser le recours à la force, a fait valoir M. Matjila.  Afin de rester fidèle à l’esprit de ce texte, il a été d’avis que même lorsqu’il y a les éléments d’une menace réelle et crédible, tout recours à la force aux fins de légitime défense doit être autorisé par ce Conseil.  Il a plaidé pour que les intérêts politiques ne sapent pas le droit international, que ce soit au Sahara occidental ou dans les territoires palestiniens occupés. 

M. Matjila a appelé à un renforcement du partenariat stratégique avec l’Union africaine et à une retouche de la Charte.  Le dernier amendement apporté à la Charte remonte à près de 47 ans, a-t-il rappelé.  « Nous devons procéder aux changements nécessaires pour faire en sorte que les États Membres soient correctement représentés au sein des principaux organes de l’ONU, y compris ce Conseil », a-t-il conclu.

M. ZHANG JUN (Chine) a fait observer que la Charte des Nations Unies avait marqué la naissance de l’Organisation et ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire de l’humanité.  Elle est devenue la pierre angulaire du multilatéralisme et a établi les principes fondamentaux du droit international, a souligné le représentant, notant que les buts et principes de la Charte, qui posent les règles d’interaction entre les États, sont aujourd’hui ancrés dans l’esprit des populations et ont contribué à la paix et à la sécurité internationales.  Toutefois, a-t-il dit, la paix universelle reste une réalité lointaine.  En raison d’un protectionnisme généralisé, l’économie mondiale est affectée.  De plus, la recrudescence des tensions au Moyen-Orient a augmenté les risques de guerre.  De fait, a argué le représentant, le monde d’aujourd’hui rend plus nécessaire que jamais de respecter la Charte.  En cette année du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, il convient, selon lui, de garder vivace l’esprit de la Charte.  Il suffit en effet de l’ouvrir pour trouver le préambule qui appelle à préserver les générations futures du fléau de la guerre, a souligné le délégué.  Soixante-quinze ans plus tard, il nous faut nous demander si nous sommes parvenus à cet objectifs, a-t-il dit. 

En respectant la Charte, il nous faut aussi tendre vers la coopération mutuelle, a plaidé le représentant, faisant valoir qu’aucun pays ne peut à lui seul relever les défis de notre temps.  Il importe de travailler en coopération et à la recherche du bien commun sur un pied d’égalité, a-t-il ajouté.  De l’avis du délégué, nul ne peut agir à sa guise et de manière hégémonique.  Les questions internationales doivent être délibérées entre tous, les grands pays ayant pour devoir d’aider les plus petits.  Il s’agit également de respecter la souveraineté et l’indépendance des pays et leur choix en matière de développement.  À cet égard, a-t-il relevé, la Charte donne au Conseil de sécurité la responsabilité première de la sécurité, et c’est une « responsabilité sacrée ».  Dans ce cadre, a-t-il poursuivi, il nous faut renforcer l’unité, éviter la politisation et nous engager à garantir un monde plus sûr.  Dénonçant les actions unilatérales des États-Unis qui ont entraîné des tensions au Moyen-Orient, il a salué les appels à la retenue du Secrétaire général et exhorté les parties prenantes à reprendre la voie du dialogue, à œuvrer à la désescalade et à préserver l’accord nucléaire iranien. 

Enfin, rappelant que la Chine a été le premier pays à signer la Charte de l’ONU, le représentant a assuré que son pays œuvre sans relâche à son application.  Face à la nouvelle situation, l’attachement de la Chine à la Charte est indéfectible, a-t-il juré.  Le pays appliquera le principe de non-recours à la force et ne cherchera jamais à s’étendre de manière hégémonique, a renchéri le délégué.  En outre, Beijing honorera ses engagements financiers à l’égard des Nations Unies et mettra en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a noté que, comme le Président Emmanuel Macron l’évoquait le 24 septembre devant l’Assemblée nationale, le monde devenu multipolaire doit « réinventer un multilatéralisme fort qui voit l’esprit de la Charte des Nations Unies et la diplomatie l’emporter sur le repli national, les États respecter leurs obligations de manière inconditionnelle et le Conseil de sécurité agir pour rétablir la paix et la sécurité ».  Pour le représentant, « c’est plus que nécessaire au Moyen-Orient quand on voit les tensions actuelles et les risques de conflit ».  Alors que les populations civiles n’y ont déjà que trop souffert du fléau de la guerre et du terrorisme, il est temps d’aller vers une désescalade, a-t-il plaidé.  Dans ce cadre, il a invité à privilégier le canal de la négociation politique pour mettre un terme aux conflits, là où les logiques militaires et violentes prévalent, comme c’est le cas notamment en Libye, en Syrie, au Yémen, au Sahel, au Soudan, au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine.  Il a, à cet égard, salué le rôle éminent que jouent le Secrétaire général et ses représentants.

Souhaitant que le multilatéralisme s’attelle aux défis de notre temps -inégalités, changements climatiques, discriminations contre les femmes-, le représentant a invité les États à rehausser les engagements qu’ils ont pris dans le cadre de l’Accord de Paris.  Il a aussi conseillé de prendre en compte les impacts des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales, avant de demander au Secrétaire général de présenter régulièrement un rapport sur ces risques ainsi que des propositions de mesures de prévention.  En outre, il a sollicité pour l’ONU l’appui de tous, organisations régionales, société civile et entreprises.  C’est pourquoi, a-t-il dit, avec le Mexique et ONU-Femmes, la France lancera des coalitions engagées en faveur de l’émancipation des femmes lors du forum « Génération Égalité » qui se tiendra à Mexico et à Paris en 2020, 25 ans après la Conférence de Beijing.  Le Conseil de sécurité doit y contribuer dans le cadre de l’agenda Femmes, paix et sécurité.

M. de Rivière a aussi jugé que le Conseil de sécurité ne pouvait rester silencieux face aux violations massives du droit international et des droits de l’homme.  C’est pourquoi, a-t-il rappelé, la France et le Mexique ont, dès 2013, appelé à une suspension du veto en cas d’atrocités de masse sous la forme d’un engagement politique, volontaire et collectif des cinq membres permanents, une initiative à laquelle se sont ralliés 105 États.  Il a également appelé à la ratification universelle du Statut de Rome afin que ces violations ne se reproduisent pas et que justice soit rendue aux victimes.

M. de Rivière a par ailleurs invité le Conseil à continuer de tirer pleinement parti des outils qu’offre la Charte, à commencer par ceux du règlement pacifique des différends.  Il a salué à ce propos la mise en place par le Secrétaire général du Conseil consultatif de haut niveau chargé des questions de médiation.  Lorsque les autres moyens de règlement pacifique des différends ne le permettent pas, le recours aux modes de règlement judiciaires peut aider les États à parvenir à une solution, a-t-il affirmé.   Enfin, le représentant a plaidé pour une ONU plus moderne et plus efficace, en soulignant l’urgence à réformer le Conseil de sécurité pour refléter la réalité du monde contemporain et en rappelant que la France est favorable à l’élargissement des deux catégories de membres et soutient les membres du G4 pour l’obtention d’un siège de permanent et une présence accrue de l’Afrique, y compris parmi les permanents.  

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a jugé « ironique » qu’alors que 2020 marque le soixante-quinzième anniversaire de la Charte de l’ONU, l’année ait commencé sur une note « très sombre ».  « La Charte qui nous est si chère est en péril », s’est-il alarmé, notant que celle-ci « est en train d’être violée encore et encore ».  Nous ne pouvons devenir des spectateurs et permettre à nos efforts collectifs déployés pendant trois quarts de siècle de sombrer dans l’oubli, ni voir les futures générations succomber au fléau de la guerre, a-t-il dit.

M. Syihab a appelé à cesser les actions unilatérales qui violent la Charte et à privilégier le dialogue et la résolution pacifique des différends.  L’usage de la force n’a jamais été une solution et ne le sera jamais, a-t-il insisté avant d’appeler les États Membres à pleinement mettre en œuvre la Charte.  Le représentant a également plaidé pour un renouvèlement de l’engagement en faveur du multilatéralisme, notant que pour étayer celui-ci, il importe également de continuer à renforcer le rôle des organisations régionales et sous-régionales.  Il a ensuite réclamé la mise en œuvre fidèle des accords, résolutions, décisions et déclarations sur lesquels s’est accordée la famille de nations.  Il a en outre estimé qu’on ne peut discuter du respect de la Charte sans aborder la question de la Palestine.

M. MONCEF BAATI (Tunisie) a indiqué que la Charte, lors de sa rédaction, visait à incarner l’unité des peuples des mondes et à refléter leur volonté de vivre dans la paix.  Il a noté les bouleversements que le monde a connus depuis plus de 70 ans.  « Nous sommes loin d’avoir réalisé les promesses de la Charte », a-t-il dit.  Il a noté que les principes de la Charte, à savoir le règlement pacifique des différends, le principe de non-intervention, le droit à l’autodétermination et l’égale souveraineté des États, continuent de guider notre action.

Après avoir rappelé que la Tunisie siégeait au sein de ce Conseil pour la quatrième fois, il a assuré que son pays voulait défendre le multilatéralisme lors de son mandat.  Il a souligné l’importance du Chapitre VIII de la Charte et souhaité un renforcement du partenariat stratégique avec l’Union africaine et des liens avec la Ligue des États arabes.  Le délégué a aussi souligné la nécessité de remédier au manque d’unité et de crédibilité de ce Conseil.  Enfin, évoquant la question palestinienne, il a appelé tous les États Membres à respecter les résolutions de ce Conseil.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est tout d’abord félicitée de l’esprit de coopération qu’a fait régner la mission du Viet Nam pour la préparation de ce débat.  Pour la représentante, nul ne peut accuser les Membres fondateurs de l’ONU d’un manque d’ambition.  Pourtant, les Nations Unies ont parfois été prises au piège du fossé entre la vision initiale des fondateurs et les actions effectivement menées.  L’ONU a cependant une incidence sur la vie de millions de citoyens, a-t-elle fait remarquer, rappelant que l’Organisation déploie 13 missions de maintien de la paix dans des régions qui accueillent 1,8 milliard de personnes, que le Haut-Commissariat pour les réfugiés avait appuyé en 2019 quelque 20,4 millions de réfugiés et que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vaccine des millions de personnes dans le monde entier.  Si les Nations Unies n’existaient pas, il faudrait les inventer, a-t-elle lancé, avant de se féliciter que la Charte s’attache à harmoniser l’action commune.  Le système mondial basé sur des règles et représenté par la Charte est, selon elle, la meilleure façon d’affronter les défis du monde présent.

Alors que le Royaume-Uni s’apprête à quitter l’Union européenne, a poursuivi Mme Pierce, il attend de l’ONU qu’elle soit une enceinte de politique étrangère encore plus robuste.  Dans un monde où le changement est permanent, la Charte doit être perçue comme un cadre pour structurer les ripostes aux défis, a-t-elle souligné.  Attirant l’attention du Conseil sur les crises internationales actuelles, la représentante a estimé que la Charte ne doit pas limiter la communauté internationale mais au contraire créer des possibilités d’interaction et de coopération.  De plus, a-t-elle ajouté, il nous faut nous tourner vers l’avenir et donner plus d’importance à des questions comme l’émergence de nouvelles technologies et les impacts des changements climatiques, autant de défis que n’avaient pas prévus les auteurs de la Charte.

Dans ce contexte, les responsabilités des différents organes des Nations Unies perdurent, a relevé la représentante.  Tout pouvoir est assorti de lourdes responsabilités, a-t-elle insisté, jugeant que le Conseil de sécurité et le Secrétaire général ont à cet égard un rôle capital à jouer.  Évoquant la réforme du droit de veto, elle a rappelé que son pays est signataire de l’initiative prônant la suspension de ce droit en cas d’atrocités de masse.  Le respect de la souveraineté des États et l’entraide ne peuvent justifier l’absence de réaction en cas de violation du droit international humanitaire, a-t-elle fait valoir.  S’agissant enfin de la situation au Moyen-Orient, Mme Pierce a assuré que le Royaume-Uni est conscient de la menace que représente l’Iran dans la région.  Le Royaume-Uni respecte le droit à l’autodéfense et appelle les parties à la désescalade.  Sur cette base, a-t-elle conclu, Londres est prêt à appuyer tout effort diplomatique.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé les principes essentiels de la Charte qui doivent être respectés en toutes circonstances et l’esprit de multilatéralisme qui l’anime.  « Ce multilatéralisme ne plaît pas à tout le monde », a-t-il cependant noté.  Il a critiqué les tentatives de révisionnisme de la Charte et de dépassement du système de sécurité collective qu’elle établit.  Certains prônent un ordre basé sur des règles arbitraires et une usurpation des prérogatives de ce Conseil, a-t-il dénoncé.  Il a évoqué le dossier des armes chimiques en Syrie, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) étant désormais chargée de nommer les coupables.  Il a aussi fustigé la création, par l’Assemblée générale, du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie.

L’invasion de l’Iraq, le non-règlement de la question palestinienne ou bien encore les efforts de renversement du Gouvernement légitime en Syrie sont d’autres exemples de cette posture délétère, selon M. Nebenzia.  Mais pour lui le point d’orgue a été la sortie unilatérale du Plan d’action global commun sur le programme nucléaire iranien, a-t-il dit.  Évoquant également les évènements de ces derniers jours, il a appelé à une désescalade immédiate.  Enfin, M. Nebenzia a critiqué le refus de visa au Ministre des affaires étrangères de l’Iran en vue de participer à ce débat.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a salué la tenue de ce débat l’année où l’on commémore les 75 ans de la Charte des Nations Unies et à une période de grandes tensions, soulignant que le respect des dispositions de la Charte est plus important que jamais.  Il a vu dans la Charte un document qui donne les directives de droit international, un guide indispensable pour toutes les nations qui sont engagées sur un chemin commun: la paix, qui va au-delà des mandats des gouvernements.  La Charte des Nations Unies a comme principal objectif de sauvegarder la dignité de l’être humain par le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, a-t-il expliqué.

Le représentant a invité les États à favoriser le règlement pacifique des différends, dans le cadre du multilatéralisme, comme mécanisme de prévention des conflits, en utilisant les différents outils qu’offre la Charte.  Il a engagé la communauté internationale à reprendre confiance dans le pouvoir résolutoire du dialogue et de la concertation.  Il faut aussi, a-t-il conseillé, continuer à œuvrer au renforcement de la culture de paix.  Le représentant a enfin souligné le consensus sur la nécessité d’édifier un monde meilleur.  Notant que la Charte sert de manuel de vivre-ensemble, il a invité à la défendre et à la promouvoir.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a rappelé à la communauté internationale qu’en rejoignant la famille onusienne, qui a presque quadruplé depuis 1945, on accepte des obligations au bénéfice d’un dessein supérieur.  Ces dernières années, de nouveaux instruments pour la mise en œuvre de la Charte ont été développés, a-t-il constaté en citant les tribunaux pénaux internationaux, le renforcement des mandats des opérations de maintien de la paix en matière de protection des civils, ou encore l’imposition de sanctions ciblées.  Il a également mentionné les bons offices du Secrétaire général et le rôle « indispensable » des organisations régionales notamment en matière de prévention des conflits et d’alerte précoce.

Pourtant, a-t-il regretté, l’ONU n’a pas pu protéger toutes les populations « du fléau de la guerre »: un coup d’œil sur la carte du monde suffit pour constater la fragilité de la paix.  De nouveaux défis testent « notre résilience » en tant que communauté internationale, a poursuivi M. Pecsteen de Buytswerve en évoquant notamment la multiplication des acteurs non étatiques menaçant la sécurité, le risque de course aux armements ainsi que les changements climatiques et leur impact sur la sécurité.  Pour y répondre il est impératif de rendre le « système que nous avons créé » plus opérationnel, a-t-il tranché.  En effet, malgré les outils et moyens à la disposition de l’Organisation, « nous réagissons souvent trop lentement, parfois trop tard », a-t-il déploré en remarquant que « nous tardons à nous accorder sur l’interprétation des signaux annonciateurs de crise, comme des violations massives des droits de l’homme, et sur les réponses collectives à y apporter.  La Belgique encourage la prévention et le règlement pacifique des conflits, et souligne le rôle crucial de la CIJ à cet égard à travers ses avis consultatifs.  Toutefois, cette Cour ne sera pleinement efficace que si tous les États Membres acceptent sa juridiction obligatoire, a-t-il tempéré.

Enfin, la Belgique demande des réformes pour renforcer la légitimité, la représentativité et l’efficacité de ce Conseil.  C’est pourquoi, elle soutient pleinement le code de conduite élaboré au sein du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence et l’initiative franco-mexicaine sur l’encadrement du droit du veto.  En particulier, on ne saurait ignorer le principe de l’état de droit dans le cadre des procédures et méthodes de travail du Conseil, a encore souligné le représentant.  Pour être cohérent, a-t-il renchéri, le Conseil de sécurité doit garantir aux individus le droit à une procédure régulière ou à des procédures justes et claires en matière de sanctions.

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) s’est félicitée que le moment fort de la présidence du Viet Nam mette l’accent sur le respect de la Charte des Nations Unies.  Il y a 75 ans, a-t-elle rappelé, les nations du monde ont élaboré la Charte qui, aujourd’hui encore, repose sur notre foi en les libertés fondamentales et les droits humains.  Les États-Unis, a souligné la représentante, sont fiers d’avoir joué un rôle fondateur dans la naissance de cette Charte qui a créé un espace pour que les nations souveraines se retrouvent et délibèrent.  Malheureusement, a-t-elle ajouté, nous devons nous demander si l’ONU continue à servir sa mission fidèlement.  À ses yeux, le Conseil de sécurité doit reconnaître des lacunes de crédibilité en raison de son inaction.  En tant qu’organe chargé de la paix et de la sécurité internationales, il doit retrouver son unité d’action et faire respecter les principes fondamentaux de la Charte, a-t-elle plaidé.

Les États-Unis, qui sont fermement engagés en faveur des buts et principes de la Charte, estiment qu’il faut agir et non seulement professer un appui à ces principes.  Ce type d’hypocrisie nuit à l’ONU et à cet organe en particulier, a insisté Mme Craft.  Grâce à des mesures ciblées et contenues, le Conseil de sécurité peut, selon elle, avancer sur des questions comme le conflit en Syrie, pour que ceux qui forcent des populations à fuir leur pays soit tenus responsables et que la prolifération nucléaire soit maîtrisée.  Affirmant par ailleurs que la réforme de l’ONU reste l’une des principales priorités de son pays, la déléguée a estimé qu’en réitérant notre engagement en faveur du respect de la Charte, nous pouvons envoyer un message important au monde.  Nous continuerons à agir sur la base de cette conviction pour apporter plus de paix et de sécurité à toutes les personnes, a-t-elle dit.

Évoquant ensuite les « événements récents liés à ce débat », Mme Craft a rappelé que, la semaine dernière, les États-Unis ont pris des décisions militaires en riposte à la menace iranienne.  « Cette décision n’a pas été prise à la légère », a-t-elle assuré, estimant que, depuis des années, « l’Iran et les milices à sa solde » dans la région ont montré un mépris constant pour l’autorité de l’ONU.  Le Président Donald Trump a dit que son devoir est de défendre notre nation et nos citoyens, a-t-elle souligné, ajoutant que son pays agira de façon déterminée pour protéger ses citoyens chaque fois que cela sera nécessaire, comme cela est prévu par la Charte.  Cela étant, a conclu la déléguée, les États-Unis souhaitent un « excellent avenir » à l’Iran et sont prêts à œuvrer avec tous ceux qui recherchent la paix.  

M. ABDOU ABARRY (Niger) a déclaré que ce débat donnait l’occasion de rappeler les priorités, face aux multiples crises et défis dans le monde, ainsi que de proposer les mécanismes appropriés pour y faire face.  C’est aussi l’occasion de faire preuve de davantage de rigueur dans la prise en compte de certains impératifs dans l’application de la Charte, a estimé le représentant.  Il a dénoncé le fait que « nous n’avons pas pu prendre les mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, ou autre rupture de paix » comme cela a été prescrit dans les buts et les principes de la Charte.  Bien au contraire, a poursuivi M. Abarry, aux conflits d’intensité variable se sont ajoutés les menaces du terrorisme et de la cybercriminalité, ainsi que les graves épidémies et les effets néfastes des changements climatiques. 

Pour le représentant, le terrorisme mérite une attention particulière tant ses méfaits, en plus d’emporter des vies, sapent les fondements mêmes des États-Nations.  C’est le cas, en particulier, dans la région du Sahel, confrontée ces dernières années à des actes de groupes terroristes.  C’est là l’un des domaines où l’action solidaire de la communauté internationale devrait se manifester, en particulier celle du Conseil de sécurité, a suggéré le délégué.  Il a rappelé que les principes de la Charte appellent les États Membres à privilégier les mesures collectives en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, dans le respect de l’égalité souveraine des États Membres.

M. PÉTER SZIJJÁRTÓ, Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, a rappelé l’histoire, jalonnée d’invasions étrangères, de la Hongrie, « pays de taille moyenne, combattant de la liberté », très attaché à la Charte.  Il s’est dit très préoccupé par la situation au Moyen-Orient, qui a des conséquences directes en Europe, et a demandé une désescalade immédiate.  Il est temps de prendre la Charte au sérieux et de l’appliquer, a-t-il dit.

Le Ministre a affirmé, contrairement à ce que dit le Pacte mondial pour les migrations de Marrakech, que les vagues migratoires représentent une menace à la paix et à la stabilité.  Ces vagues migratoires ont fait peser un risque terroriste en Europe et doivent être évitées à tout prix, a-t-il déclaré.  Il a aussi souhaité que le nombre de pays détenteurs de l’arme nucléaire n’augmente pas, en mettant en garde contre le danger de la prolifération nucléaire et d’une course aux armements.  Enfin, le Ministre hongrois a souhaité que les défis mondiaux soient relevés dans l’esprit du multilatéralisme.

M. DIONISIO DA COSTA BABO SOARES, ­Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Timor-Leste, a déclaré que l’expérience de son pays démontre que les défis et les tensions mondiaux ne peuvent être abordés et évités que par le biais du multilatéralisme, fondé sur l’esprit de solidarité, d’inclusion et de partenariat pour le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine.  À cette fin, le Conseil de sécurité a un rôle fondamental, a estimé le Ministre.  Il a également cité la récente conclusion du traité frontalier avec l’Australie, grâce à l’utilisation du mécanisme de conciliation dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et qui « réaffirme notre foi dans un ordre international fondé sur le droit et dans les Nations Unies, comme plateforme mondiale qui permet aux États Membres de dialoguer, de négocier, de résoudre les différends et d’aplanir les différences de manière pacifique ». 

M. Soares s’est inquiété de l’augmentation des confits dans le monde qui posent des menaces conventionnelles et non conventionnelles à la sécurité mondiale.  Dans ce contexte, a-t-il enchaîné, l’autorité du Conseil de sécurité est nécessaire pour répondre de manière adéquate à ces menaces à la paix et à la stabilité mondiales, et faire respecter la Charte.  « Alors que nous commémorons le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, nous exhortons tous les États Membres à s’engager à nouveau dans le but et les principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que dans le droit et les normes internationaux », a lancé M. Soares.  Il a exhorté les grandes puissances à donner l’exemple sur la manière d’aligner les décisions et les actions sur les questions de sécurité internationale, et de veiller à ce que les mesures prises ne contreviennent ni ne sapent les objectifs et les principes de la Charte.

 

M. DENIS RONALDO MONCADA COLINDRES, Ministre des affaires étrangères du Nicaragua, a déclaré que les récents événements mondiaux confirment que nous nous trouvons proche du point de basculement de la civilisation et que les espoirs de paix entre les États et les peuples font face à une dangereuse insécurité alimentée par le terrorisme d’État, les atteintes à la souveraineté et la violation du droit international.  Aucun État ne peut avoir recours à l’usage ou la menace du recours à la force dans les relations internationales, a-t-il insisté, notant que de telles politiques d’exception ne permettent pas de résoudre les conflits de manière pacifique.  Il a appelé à régler les différends interétatiques conformément aux dispositions de la Charte.

Le Ministre a condamné les mesures illicites visant à renverser des gouvernements démocratiques, notamment en entravant l’ordre constitutionnel et en débouchant sur une violence généralisée dans le but de fomenter des coups d’État.  Il a aussi rejeté les politiques interventionnistes agressives, notamment l’imposition de mesures économiques unilatérales coercitives et/ou de sanctions.  M. Colindres a ensuite insisté sur l’importance de la Cour internationale de Justice (CIJ), notant que son action contribue à la promotion du règlement pacifique des différends.  Il a jugé indispensable de promouvoir une culture de paix, et a appelé à condamner les politiques agressives et belliqueuses.  Il s’est dit consterné par l’assassinat ciblé des dirigeants d’États Membres, avant d’inviter la communauté internationale à travailler ensemble dans le respect de la Charte.

M. BOCCHIT EDMOND, Ministre des affaires étrangères et des cultes d’Haïti, a souligné que la Charte des Nations Unies occupe une place centrale dans la vie internationale, arguant que son respect scrupuleux conduira certainement au développement d’un multilatéralisme plus apte à favoriser la paix et la sécurité internationales.  De ce fait, il a appelé à « lutter de toutes nos forces et sans relâche pour préserver tous les acquis, en respectant l’esprit et la lettre de la Charte ».  Selon lui, le compromis est indispensable si nous voulons relever les menaces et défis interconnectés de notre temps.  De même, il a vu comme une impérieuse nécessité la réforme de l’ONU qui doit prendre en compte les défis actuels et émergents. 

Le Ministre a évoqué ensuite le dixième anniversaire du tremblement de terre qui a ravagé Haïti le 12 janvier 2010, faisant au moins 220 000 morts, dont 102 membres de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), ainsi que des dégâts matériels d’une ampleur épouvantable.  Il a souligné la volonté du Président haïtien d’engager le pays, de façon durable, sur la voie d’une véritable reconstruction.  Ainsi, l’organisation d’un dialogue national inclusif devant aboutir à une gouvernance politique, économique et sociale apaisée et respectueuse des prescriptions de la Constitution constituera un pilier incontournable des prochaines actions du Président de la République, a-t-il promis.  Il a terminé son propos en souhaitant que l’ONU continue de jouer un rôle important dans le pays, notamment à travers le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).

M. SERGIY KYSLYTSYA, Ministre des affaires étrangères adjoint de l’Ukraine, a commencé par remercier tous ceux qui ont exprimé leurs condoléances suite à la mort des 176 passagers et membres d’équipage du vol de l’Ukrainian International Airline qui s’est écrasé près de l’aéroport international de Téhéran.  Il a indiqué que les circonstances de cette catastrophe ne sont pas encore claires et que c’est à l’équipe d’experts dépêchée sur place de faire toute la lumière sur les causes de cet accident.

Le Ministre a rappelé que toute nation qui devient Membre de l’ONU doit pleinement adhérer à ses principes et être prête à les défendre.  Aujourd’hui, 75 ans plus tard, il a dit pouvoir affirmer que l’Ukraine, « une nation qui s’est battue au nom des Nations Unies et un pays victime d’une agression armée de la part d’un des membres permanents du Conseil de sécurité », a rempli les attentes des pères fondateurs de l’ONU.

Depuis 1945, il y a eu de nombreuses réunions du Conseil de sécurité et d’autres manifestations dédiées à la Charte des Nations Unies, a poursuivi le Ministre, en rappelant notamment le sommet du Conseil de sécurité du 31 janvier 1992 et les discours « euphoriques et remplis d’idées » des chefs de gouvernement à l’époque, une époque marquée par le début de la guerre des Balkans et par l’effondrement de l’Union soviétique.  Il a estimé que la réunion d’aujourd’hui représente une nouvelle opportunité pour faire le point sur comment les principes de la Charte sont, ou ne sont pas, respectés dans le contexte cette fois de l’escalade des conflits régionaux et de la guerre continue entre Membres de l’ONU en Europe.  Le Ministre a dit pouvoir adhérer à une série de déclarations faites aujourd’hui qui insistent sur la suprématie du droit international et le triomphe des principes de la Charte, « si seulement certaines de ces déclarations n’avaient pas été prononcées par certains qui, en devenant membres permanents du Conseil de sécurité, de l’OSCE et du Conseil de l’Europe, ont lancé plus d’une guerre contre leurs voisins immédiats ».  « Ne les jugeons pas dès lors par le style fleuri de leurs déclarations, mais plutôt par leurs actions concrètes et leur respect de la Charte », s’est exclamé le Ministre. 

M. Kyslytsya a regretté que l’Article 27 de la Charte soit souvent ignoré au nom de la convenance politique, alors même qu’il vise à éviter toute possibilité pour un membre du Conseil de voter lorsqu’il existe un conflit d’intérêt évident.  Il a notamment regretté l’inaction du Conseil en mars 2015 lorsque l’Ukraine lui avait demandé de déployer une mission de maintien de la paix robuste dans le Donbass occupé.  Aujourd’hui, cinq ans plus tard, le Président Zelensky souligne à nouveau l’importance du déploiement des Casques bleus sur la frontière russo-ukrainienne, ce qui pourrait aider le retour à la paix en Ukraine, a indiqué le Ministre.

Le Ministre ukrainien a ensuite salué la contribution des membres non permanents qui ont quitté le Conseil, regrettant notamment le départ de la Pologne.  Il a émis l’espoir qu’en octobre, lors de l’anniversaire officiel des 75 ans des Nations Unies, l’Organisation aura le « droit moral » de célébrer et ne se limitera pas à simplement marquer un autre anniversaire.

M. TOM AMOLO (Kenya) a rappelé que la raison d’être de l’Organisation est consacrée dans le contrat passé avec le peuple, à savoir la Charte de l’ONU.  Il a jugé important aujourd’hui d’identifier et d’affronter les risques et les menaces qui jalonnent cette route commune.  L’esprit de la démocratie mérite aussi d’être renforcé, a estimé le représentant, se félicitant que la Charte facilite la concrétisation de cette promesse et permette de s’attaquer aux problèmes qui menacent la paix et la sécurité tout en traitant chacun sur un pied d’égalité.  Dans ce cadre, a-t-il ajouté, il est inévitable que les organes qui régissent cette architecture élargissent leur représentation pour tenir compte de la diversité géographique et démographique des Nations Unies.  Bien que cette question ne soit pas spécifiquement abordée dans la Charte, l’heure est venue, selon lui, de garantir une représentation géographique équitable au Conseil de sécurité, et ce, dans les deux catégories de sièges.  L’Afrique, a-t-il déploré, demeure la seule région non représentée parmi les membres permanents.  

Saluant l’outil de prévention des conflits que représente la Charte, le représentant a indiqué que son pays s’était inspiré de la lettre et de l’esprit de ce texte fondateur dans le cadre d’un programme en 10 points présenté à l’occasion de sa campagne pour devenir membre du Conseil en 2021-2022.  Sur la base de ce programme, le Kenya s’engage à « jeter des ponts » pour travailler avec tous les Membres de l’ONU d’une façon inclusive, réactive et ouverte à la concertation.  Fort de sa participation à des missions de paix dans 40 pays, il veut également renforcer l’appui au maintien de la paix et soutenir le rôle de la Commission de consolidation de la paix.  Le Kenya entend par ailleurs mettre son expérience en matière de diplomatie préventive et de règlement des conflits au service du Conseil.  Il prône, à cet égard, un partenariat renforcé entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale et une plus grande coopération entre le système onusien et les organisations régionales, à commencer par l’Union africaine.  Il souhaite aussi défendre les principes du droit international, le droit des peuples à l’autodétermination et le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de tous les États Membres, ainsi que le prévoit la Charte.

« Les grandes puissances écrivent toujours les règles, avant de les briser », a déclaré Mme PORNPIMOL KANCHANALAK, Envoyée spéciale du Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande.  Ces puissances recourent au multilatéralisme lorsqu’il en va de leur premier intérêt, qui, a-t-elle ajouté, n’est pas forcément dans leur meilleur intérêt.  Elle a indiqué que lorsqu’un pays est, de manière disproportionnée, acculé, il recourt à n’importe quel moyen, même dangereux, pour se sortir de cette situation.  C’est une course vers l’abîme, qui ne saurait avoir de vainqueur, a-t-elle prévenu.  Rien ne peut remplacer le dialogue et la diplomatie, a ajouté Mme Kanchanalak.  Enfin, elle a insisté sur l’importance des organisations régionales, plaidé pour une revitalisation des outils à disposition du Conseil et appelé à une désescalade au Moyen-Orient.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a dit qu’il suivait les dernières tensions au Moyen-Orient avec une grande préoccupation et a exhorté les parties à faire de leur mieux pour résoudre les questions pacifiquement.  Il a appelé au respect de l’ordre international et des règles convenues.  Il a également rappelé que la Charte exige que les États Membres acceptent et exécutent les décisions du Conseil de sécurité et a jugé profondément regrettable que certains membres ne respectent pas ses décisions.  Il a notamment dénoncé le fait que la République populaire démocratique de Corée poursuit ses programmes de missiles nucléaires et balistiques en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité.  Il convient également de rappeler que ces résolutions imposent également certaines obligations aux autres États Membres, a-t-il ajouté. 

Pour que l’ordre international fondé sur des règles soit respecté, a-t-il poursuivi, l’organe de gouvernance mondial doit maintenir son efficacité et sa légitimité.  Le Conseil de sécurité doit être rénové pour mieux refléter les réalités du monde contemporain dans lequel davantage d’États Membres ont la volonté et la capacité de contribuer au maintien et au rétablissement de la paix.  Le Japon, a souligné le représentant, attend avec intérêt des progrès tangibles dans la réforme attendue depuis longtemps du Conseil et demande le lancement de négociations fondées sur le texte adopté lors de cette session, a dit le représentant.  Il a également souhaité que les provisions de la Charte déclarées obsolètes par l’Assemblée générale soient enlevées à la première occasion. 

Mme AUDRA PLEPYTÉ (Lituanie) a indiqué que cette année marque le trentième anniversaire du rétablissement de l’indépendance de son pays, une expérience nationale qui l’a motivé à défendre et à adhérer aux principes de la Charte.  Elle a ensuite appelé à identifier de nouvelles approches pour répondre aux nouveaux défis que représentent les changements climatiques, la cybersécurité et les menaces hybrides.  La représentante a décrié les mesures prises par certains gouvernements pour transformer des affirmations contestées en faits accomplis en violant les principes de la Charte.  Elle a notamment cité la persistance du conflit au Moldova, la violation de l’intégrité territoriale de la Géorgie ainsi que l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie et les actions militaires de cette dernière dans l’est de l’Ukraine.  Elle a insisté sur l’importance de la diplomatie préventive, de l’action précoce et de la médiation, ainsi que sur la lutte contre l’impunité.

Mme Plepyté a également appelé à ne pas laisser le Conseil de sécurité perdre sa pertinence, notant que son inaction encourage de manière directe ou indirecte l’agression, le recours à la force, menaçant ainsi le système multilatéral dans son ensemble.  Elle a appelé à limiter l’utilisation du droit de veto dans les cas d’atrocités de masse, de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a rappelé que les engagements pris par les États Membres en vertu de la Charte sont les mêmes et doivent être respectés sans aucune distinction.  Il a regretté le refus des États-Unis d’accorder un visa au Ministre des affaires étrangères iranien pour qu’il puisse participer à cette réunion.  Ce comportement du pays hôte mine ses engagements au titre de l’Accord de Siège et de la Charte, a-t-il déploré.  Il a estimé que le monde est profondément divisé parce que certains gouvernements pensent que leur puissance économique leur donne le droit de décider du sort des autres.  L’ONU risque d’être vouée au même destin que la Société des Nations si elle cède aux pressions de ces puissances, a-t-il prévenu.

Le représentant a ensuite estimé qu’une réunion de ce type devrait déboucher sur des recommandations pour pouvoir traiter avec sérieux des menaces auxquelles le monde est confronté.  IL a notamment cité l’augmentation des actes de terrorisme, la propagation d’armes, les violations des accords internationaux, y compris les embargos sur les armes, ainsi que les blocus économiques imposés à certains États.  Rappelant que le Gouvernement syrien a réussi à faire reculer le terrorisme, le représentant a regretté que là encore certains gouvernements aient eu des comportements « irresponsables » en cherchant à renverser « notre Gouvernement » et en falsifiant la réalité dans les cas de l’Iraq, de la Syrie et d’Israël.  Dès lors il a invité à la réflexion sur pourquoi les dispositions de la Charte ne sont pas respectées par certains, avant d’adresser une série de questions à la salle: Pourquoi Israël continue-il d’occuper certaines parties de la Palestine et le Golan syrien?  Pourquoi le Conseil de sécurité ne fait-il pas appliquer ses résolutions pertinentes sur la question?  Pourquoi ne dit-on rien aux Nations Unies sur l’assassinat du dirigeant iranien impliqué dans la lutte contre l’EILL?  Pourquoi certains membres du Conseil de sécurité ignorent-ils la nécessité de retirer les combattants terroristes étrangers qui sont présents en Syrie?  Et qu’en est-il des transferts de combattants terroristes étrangers de la Syrie vers la Libye?

« Et on parle ici de respect de la Charte », s’est-il indigné en martelant que ce texte doit s’appliquer à tout le monde sans distinction.

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a plaidé pour un renouvellement de l’engagement en faveur des principes de la Charte, notamment au vu de l’érosion de certaines dispositions clefs de la Charte, y compris celles en rapport à l’utilisation de la force.  Elle a rappelé qu’en rejoignant les Nations Unies, les États ont reconnu que l’utilisation de la force était illégale, excepté quand cela est autorisé par le Conseil de sécurité ou dans des situations de légitime défense.  En invoquant l’Article 51 de la Charte de manière préventive, a-t-elle souligné, les États se doivent de fournir une justification détaillée auprès de la communauté internationale, y compris en apportant des preuves de l’imminence d’une menace extérieure et en mentionnant la proportionnalité des mesures prises pour y faire face.  De ce fait, des interprétations excessivement expansives et incontrôlées de l’Article 51 sont une menace à l’ordre international basé sur le droit et constituent un obstacle à la promotion de la paix et la sécurité internationales.

Mme Oehri a rappelé que depuis 2018, la Cour pénale internationale (CPI) avait désormais compétence sur les crimes d’agression, ce qui fait que le Conseil de sécurité pourrait renvoyer à la Cour des cas de cette nature.  Ce nouvel outil est d’autant plus important dans le contexte actuel de prolifération de cyberattaques, a-t-elle noté.  La représentante a déploré le fait que l’usage du droit de veto ait augmenté de manière significative au cours de la dernière décennie, paralysant ainsi l’action du Conseil de sécurité.  Le Liechtenstein a indiqué que dans cette situation, l’Assemblée générale a la responsabilité de demander des comptes au Conseil de sécurité.  Le pays soutient le principe de réunions de l’Assemblée générale chaque fois que le veto est utilisé au Conseil, afin de discuter de la question l’ayant provoqué.  La déléguée a affirmé que la situation au Myanmar est un exemple de cas où le Conseil a failli à ses obligations du fait de la menace d’usage du veto.  Elle a conclu en souhaitant que le Conseil de sécurité puisse remplir pleinement sa mission telle que prévue par la Charte.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) a relevé que, 75 ans plus tard, les principes de la Charte des Nations Unies restent intacts.  Cependant, face aux discours corrosifs contre le multilatéralisme, aux risques de résurgence des nationalismes et à l’augmentation de l’extrémisme violent, une nouvelle occasion est offerte de rénover notre engagement envers la Charte, a-t-il constaté.  Il a rappelé qu’en tant que premier rapporteur de la Première Commission, l’Équateur avait eu l’honneur de présenter à l’Assemblée générale le premier projet de résolution de cet organe pour la création d’une commission chargée des problèmes causés par la découverte de l’énergie atomique.  En 2020, année où sera célébré le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, se tiendra aussi la Conférence de révision du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, a souligné le représentant en appelant à être plus ambitieux pour arriver à l’universalisation de ce texte.  Il a aussi appelé à améliorer l’architecture du système de consolidation de la paix et des Nations Unies.  Il ne nous reste que 10 ans pour atteindre les objectifs de développement durable, a-t-il aussi rappelé.

Selon le représentant, ce débat arrive à point nommé alors que l’on vit des moments difficiles, de grande incertitude, dans le contexte des tensions géopolitiques les plus fortes du siècle.  Il a cité le pape François, qui a demandé à toutes les parties d’éviter d’exacerber la confrontation et de maintenir allumée la flamme du dialogue.  L’année 2020 nous offre l’occasion de mettre fin aux conflits mais il peut en surgir d’autres, a-t-il prévenu.  M. Gallegos Chiriboga a conseillé de faire preuve de volonté politique si on ne veut pas que le Conseil de sécurité et nos institutions ne deviennent des coquilles vides.  Enfin, il a plaidé pour que les différentes présidences du Conseil de sécurité organisent d’avantage d’activités ouvertes comme ce débat, et pour que les méthodes de travail soient plus transparentes et inclusives.

M. MOHAMMAD W. NAEEMI (Afghanistan) a mis l’accent sur les efforts du Secrétaire général en matière de prévention des conflits, ainsi que les réformes engagées par ce dernier.  Il a rappelé le soutien de l’Afghanistan en faveur de la réforme du Conseil de sécurité, afin de renforcer sa représentativité et améliorer ses méthodes de travail, ainsi que pour faire en sorte que cet organe puisse travailler d’une manière plus transparente et efficace.  Il a aussi souhaité que le Conseil continu d’œuvrer au respect de ses propres résolutions par tous les États Membres, qu’ils soient ou non membres de cet organe.  Pour sa part, a-t-il promis, l’Afghanistan, qui continue de souffrir du terrorisme et de l’extrémisme violent, est disposé à partager son expérience afin de permettre que l’ONU et le Conseil de sécurité commémorent leur soixante-quinzième anniversaire en réaffirmant les valeurs de la Charte.

M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) s’est dit profondément préoccupé par les dernières confrontations au Moyen-Orient.  Au nom de la sécurité et de la stabilité régionales et internationales, il est essentiel, a-t-il souligné, de prévenir toute autre escalade et de ménager un espace pour la diplomatie.  C’est le seul moyen, a martelé le représentant, de parvenir à une solution politique et à une paix durable, dans le respect du droit international et du rôle de l’ONU.  La crédibilité de tout le système international, a-t-il insisté, dépend de notre capacité de prévenir effectivement les graves violations du droit international et de répondre à la multitude de nouveaux défis.  Dans ce cadre, le Conseil de sécurité assume la responsabilité spéciale de « gardien » de la paix et de la sécurité internationales.  Or, il n’est pas toujours à la hauteur de cette responsabilité, comme en témoignent l’aggravation des crises humanitaires et la naissance de nouveaux conflits.  Le droit de veto, a souligné le représentant, ne devrait jamais s’appliquer en cas d’atrocités de masse. 

Le Conseil, a-t-il poursuivi, doit dûment dénoncer ce qui se passe en Syrie.  Il a jugé « cruciale » la mise en œuvre rigoureuse de tous les aspects du mandat du Mécanisme d’enquête, avant de dénoncer l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie et les actes qu’elle pose dans l’est de l’Ukraine, en violation des principe « fondamental » d’intégrité territoriale, consacré par la Charte.  Le représentant s’est réjoui de l’engagement pris au Sommet du format Normandie et a appelé la Fédération de Russie à mettre pleinement en œuvre l’Accord de Minsk et à rétablir la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Il a terminé par des appels au règlement des conflits gelés en Abkhazie et en Ossétie du Sud, en Transnistrie et au Nagorno-Karabakh, et ici aussi, dans le respect du droit international et des principes de souveraineté nationale et d’intégrité territoriale. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a jugé nécessaire de mettre l’accent comme aujourd’hui sur l’importance qu’il y a à respecter la Charte des Nations Unies, dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales, compte tenu des menaces que sont les problèmes actuels pour notre ordre international fondé sur des règles.  Mais parler ne suffit pas, a estimé le représentant.  Ce qu’il faut, s’est-il expliqué, c’est une action déterminée pour réaliser les objectifs fixés.  Nous devons d’abord respecter et promouvoir le droit international, y compris la Charte, et donc répondre à ses violations.  La plus grave de ces violations, a estimé le représentant, est l’annexion illégale par la Fédération de Russie de la Crimée et de la ville de Sébastopol.  Les États Membres de l’ONU doivent réaffirmer leur attachement à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans les limites des frontières reconnues. 

Nous devons ensuite, a poursuivi le représentant, prévenir et punir les atrocités criminelles et donc adhérer aux instruments juridiques internationaux et les mettre en œuvre.  Nous devons aussi, a-t-il ajouté, mettre pleinement en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité, y compris celles sur la protection des civils dans les conflits armés dont la dernière consacrée aux personnes handicapées.  La Pologne, qui vient d’achever son mandat de deux ans au Conseil de sécurité, continuera, a promis le représentant, à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, en promouvant la Charte, en honorant de bonne foi ses obligations et en travaillant à la réalisation des buts et objectifs de l’ONU.  Nous appelons les autres États car ce que les peuples des Nations Unies veulent c’est la solidarité, la responsabilité et l’engagement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Conseil de sécurité, a martelé le représentant.

M. CHO HYUN (République de Corée) a souligné que l’existence même de son pays est la parfaite illustration de la pertinence de la Charte des Nations Unies.  Ce sont les Nations Unis, a-t-il rappelé, qui ont aidé mon pays à surmonter les horreurs de la guerre.  Sans leur aide à la reconstruction, la République de Corée, telle que vous la voyez aujourd’hui, n’existerait tout simplement pas.  Le représentant en a profité pour rappeler les trois principes de la paix sur la péninsule coréenne: zéro tolérance pour la guerre, garantie de sécurité mutuelle et coprospérité.  C’est sur la base de ces principes que mon pays a proposé la transformation de la zone démilitarisée en une zone internationale de paix, a-t-il aussi rappelé.

La Charte, a poursuivi le représentant, est toujours confrontée à de nombreux défis comme les conflits prolongés, les graves violations des droits de l’homme ou les questions transnationales complexes comme le terrorisme et la traite des personnes.  Il faut ajouter à cela, a dit le représentant, le scepticisme qui entoure de plus de plus le multilatéralisme et l’ONU.  Comment faire alors pour renforcer l’engagement en faveur de la coopération internationale et des principes de la Charte?  Il faut d’abord, a estimé le représentant, que le Conseil de sécurité magnifie la valeur de cette coopération et donne vie à la Charte.  Le Conseil doit faire plus pour surmonter ses divisions, embrasser les agendas de la prévention et de la consolidation de la paix et exploiter les instruments décrits au Chapitre VI de la Charte comme la médication.  Les États doivent dégager un consensus sur la réforme du Conseil et en faire un organe plus démocratique, plus transparent, plus inclusif, plus effectif et caractérisé par une « répartition géographique équitable ».

En deuxième lieu, a poursuivi le représentant, il faut renforcer la coordination dans tout le système des Nations Unies, en brisant les silos entre les organes principaux et en promouvant les réformes proposées par le Secrétaire général.  Ardent défenseur de l’initiative Action pour le maintien de la paix, la République de Corée accueillera la prochaine réunion ministérielle sur la question l’année prochaine, et pour renforcer la solidarité mondiale autour de l’Accord de Paris sur le climat, elle accueillera, plus tard dans l’année, le deuxième cycle du « Partenariat pour la croissance verte et les objectifs mondiaux 2030 (P4G) », a conclu le représentant. 

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a constaté que, dans un monde sans cesse plus complexe, la Charte conserve toute son importance en matière de paix et de sécurité collectives, de développement et de droits de l’homme.  La Charte, a-t-il ajouté, constitue le fondement central du cadre juridique international sur lequel s’appuient aujourd’hui les États Membres.  Dans ce contexte, a souligné le représentant, l’heure a sonné pour les États et la société civile de faire entendre leur voix pour soutenir le multilatéralisme.  De la liberté de navigation aux armes chimiques en passant par la redevabilité pour les crimes internationaux les plus graves, nous devons garantir que les normes bâties sur la base de la Charte sont respectées, a-t-il plaidé, observant que les pressions exercées sur cet ordre basé sur des règles continuent de s’intensifier.  « Il s’agit d’un problème collectif qui nécessite une solution collective », a-t-il dit, avant d’appeler à garantir que les normes fondamentales reflétées dans la Charte soient protégées, et ce, pour tous les États Membres et pour les millions de personnes qui comptent sur l’ONU pour protéger leur vie et leurs droits humains.  « La crédibilité du système des Nations Unies dépend de la volonté et de la capacité de l’Organisation à agir de la sorte », a-t-il martelé. 

Mais cela dépend aussi des États Membres eux-mêmes, a poursuivi le délégué, ajoutant que, confrontée à des signes d’alerte, l’ONU doit user de son autorité politique et des outils de prévention à sa disposition pour faire face aux conflits potentiels et rechercher une désescalade.  Pour cela, a-t-il insisté, « la volonté politique des États Membres est centrale ».  Il a plaidé pour l’application du principe de la responsabilité de protéger et invité les membres actuels et futurs du Conseil à le rappeler lors de leurs délibérations.  Le représentant a enfin appelé à une coopération accrue, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’ONU, à plus d’efficacité sur le terrain et à une utilisation des outils de prévention, exhortant les États Membres à renouveler leur engagement en faveur d’une sécurité collective qui permette au système de s’adapter aux nouveaux défis. 

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a espéré que les pourparlers entre les États-Unis et les Taliban, que le Pakistan a facilités, produiront bientôt des résultats, notamment un accord permettant le retrait des troupes étrangères du pays, la cessation de la violence, un dialogue intra-afghan et l’élimination du terrorisme en Afghanistan.  Le représentant a ensuite assuré que le Pakistan ne sera jamais partie à un conflit régional: au contraire, le pays sera toujours un partenaire en faveur de la paix. 

M. Akram a ensuite affirmé que les mesures unilatérales imposées au Jammu-et-Cachemire le 5 août dernier constituent la première étape du plan du parti au pouvoir en Inde visant à supprimer du pays tous les vestiges de l’Islam.  Il a rappelé que sa délégation a fait circuler un dossier contenant des rapports de journalistes et observateurs indépendants qui font mention du climat de peur et du règne de la terreur que l’Inde a imposés sur les populations du Jammu-et-Cachemire.  Il a aussi évoqué des éléments qui laissent croire qu’une attaque indienne contre le Pakistan est en préparation, notamment contre les territoires de l’Azad Jammu-et-Cachemire et du Gilgit-Baltistan.  M. Akram a aussi mentionné la possibilité pour l’Inde de créer un autre incident fallacieux afin d’attaquer le Pakistan.  Il a assuré que le Pakistan ne veut pas d’une guerre contre l’Inde.  Mais si l’Inde initie une nouvelle « guerre limitée » comme celle qui a lieu en février dernier, « il n’y a pas d’assurance qu’elle restera limitée », a-t-il averti.

M. SYED MOHAMAD HASRIN AIDID (Malaisie) a relevé que le débat se tient avec en toile de fond, la montée de la haine et de la méfiance, l’aggravation de la menace extrémiste et terroriste et la prolifération des armes de destruction massive.  Ces menaces sont partagées et les efforts pour les atténuer doivent l’être aussi.  Il y a quelques jours, a avoué le représentant, nous avons été « stupéfaits et profondément alarmés » par les tensions géopolitiques au Moyen-Orient.  Partisane du règlement pacifique des conflits, conformément aux principes du droit international, la Malaisie, a dit le représentant, se joint aux autres États pour appeler toutes les parties concernées à éviter d’autres provocations, à exercer un maximum de retenue et à désamorcer les tensions.  Il est fondamental, a-t-il poursuivi, de réaffirmer notre foi dans le multilatéralisme avec les Nations Unies en son centre, en respectant la Charte et en faisant avancer les trois piliers de la paix et de la sécurité, les droits de l’homme et du développement.

Le multilatéralisme, a insisté le représentant, ne menace en rien les nations.  C’est au contraire une plateforme et un moyen pour relever des défis complexes qu’aucun État ne peut relever seul.  Membre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la Malaise, a promis le représentant, continuera à contribuer à la paix et à la sécurité régionales et internationales.  Nous sommes prêts à renforcer la collaboration ASEAN-ONU dans le maintien et la consolidation de la paix, grâce aux programmes de formation et à l’échange des meilleures politiques et pratiques.  Dans ce cadre, a conclu le représentant, la Malaisie appelle à des efforts collectifs pour réformer le Conseil de sécurité et améliorer ses méthodes de travail.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a dit s’exprimer au nom du Ministre des affaires étrangères, M. Zarif, dénonçant le fait que les États-Unis ont refusé de lui donner un visa « ce qui contrevient à l’Accord de Siège ».

Alors que le monde se trouve à la croisée des chemins avec la fin des monopoles de pouvoir, « un régime s’efforce frénétiquement de revenir en arrière dans le temps », a constaté le représentant.  Il a indiqué que l’unilatéralisme américain nocif, qui fait fi des normes et du droit international, a récemment débouché sur l’assassinat ciblé de certains héros qui étaient le cauchemar de groupes comme l’EILL.  Depuis son inauguration, ce régime a également lancé une série de nouvelles menaces et d’attaques contre le peuple de l’Iran et d’autres nations souveraines, en violation de la Charte, a poursuivi le représentant.  Et il semblerait que ce régime cherche maintenant à émuler les crimes de guerre de Daech, en menaçant de détruire l’héritage culturel de la civilisation millénaire de l’Iran, a-t-il renchérit.

S’expliquant sur l’attaque du 8 janvier qui visait la base aérienne en Iraq à partir de laquelle « l’attaque lâche contre le martyre Qassem Soleimani a été lancée », le représentant a indiqué qu’il s’agissait d’une réponse mesurée et proportionnelle à cette attaque terroriste, en exercice du droit légitime à l’autodéfense de l’Iran en vertu de l’Article 51 de la Charte.

M. Takht Ravanchi a également décrié le fait que le « régime voyou des États-Unis » se soit retiré de plusieurs accords internationaux dont l’Accord de Paris et le Plan d'action global commun, ce qui représente, a-t-il dit, un camouflet pour le Conseil de sécurité.  Le représentant a aussi accusé le régime américain de « terrorisme économique » et de chercher à étouffer l’Iran en ne permettant pas l’accès de sa population aux aliments et aux médicaments et en lui imposant des sanctions unilatérales « qui n’épargnent personne ».

Face à ce constat, a estimé le représentant, la question est de savoir comment protéger la Charte si les autres États deviennent des unilatéralistes passifs ou s’ils sacrifient les principes de la Chartes au nom de gains à court terme, encourageant par inadvertance les unilatéralistes « sans foi ni loi » à les intimider.

Pour protéger le multilatéralisme il faut apaiser les tensions et lutter contre l’unilatéralisme, a tranché le délégué, qui a appelé à élaborer un instrument pour sauvegarder les valeurs, principes de la Charte et du multilatéralisme qui est en son cœur.  Un tel instrument devrait notamment comprendre un engagement renouvelé en faveur de la Charte, en particulier la non-intervention dans les affaires internes, et l’interdiction du recours à la force.  Il doit également rejeter les mesures unilatérales coercitives, y compris les sanctions, et engager la responsabilité pénale internationale lorsque certains États s’opposent à l’aide humanitaire d’une quelconque manière.

Pour sa part, l’Iran reste engagé en faveur du multilatéralisme et aux principes de la Charte, a assuré son représentant, en voulant pour preuve son engagement en faveur du Plan d'action global commun et de l’initiative Hormuz Peace Endeavor (HOPE).  L’Iran est convaincu qu’avec l’engagement d’autres pays littoraux du Golfe persique, les objectifs de HOPE peuvent être réalisés et espère pouvoir compter sur le soutien de l’ONU, a dit M. Takht Ravanchi.

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a rappelé qu’en 1945, l’Éthiopie fut l’un des rares pays africains ayant signé la Charte.  Le pays a également contribué au maintien de la paix et la sécurité internationales, notamment par le déploiement de plus de 90 000 Casques bleus dans les missions de maintien de la paix onusiennes comme dans celles de l’Union africaine.  Au vu des mutations que connaît le monde aujourd’hui, le représentant a appelé les États Membres à renouveler leur engagement en faveur du multilatéralisme et de l’efficacité du système de l’ONU. 

Pour ce faire, il a proposé de renforcer les partenariats à tous les niveaux afin de revitaliser le système.  De même, les États Membres doivent s’engager sérieusement en faveur des réformes de l’ONU, afin d’éviter les conflits ou les escalades, réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et lutter contre l’impact catastrophique des changements climatiques.  Le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU doit aussi être l’occasion de développer et renforcer les partenariats et la coopération, notamment avec les organisations régionales et sous-régionales.  Dans la Corne de l’Afrique par exemple, des réformes politiques et le rapprochement régional initiés par l’Éthiopie ont fait renaître l’espoir d’une stabilité durable et ouverts la voie à une nouvelle ère de coopération régionale, a-t-il indiqué.

M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a déclaré que si la Charte n’était ni une baguette magique, ni une panacée, elle demeurait un outil puissant pour la prévention des conflits et le maintien de la paix, pour autant que les États Membres appliquent l’ensemble de ses articles.  Les similarités entre la Charte et la Constitution fédérale de la Suisse sont frappantes, a-t-il ajouté.  Toutes les deux favorisent la prospérité commune, le développement durable et le respect des droits de l’homme, a constaté le représentant.  La Charte fournit également le fondement de l’action du Conseil de sécurité, y inclus en ce qui concerne ses obligations vis-à-vis de l’Assemblée générale.  Parmi celles-ci, a-t-il poursuivi, figure notamment le devoir d’assurer une interaction adéquate du Conseil de sécurité avec l’Assemblée générale selon l’Article 24.  Ceci est rappelé régulièrement par le groupe interrégional ACT, coordonné par la Suisse, et qui prône la responsabilité, la cohérence et la transparence du Conseil.  Ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise, a ajouté le représentant. 

La Charte, a-t-il insisté, reste le dénominateur commun, notre point de départ pour renforcer le multilatéralisme, dans un esprit d’inclusion et de dialogue.  Les 75 ans de l’ONU et de sa Charte sont l’occasion de rappeler que les organismes multilatéraux et le droit international, y inclus les droits de l’homme et le droit international humanitaire, sont essentiels pour assurer la paix et la sécurité internationales.  Il est plus que jamais crucial que le Conseil de sécurité assume pleinement les responsabilités que lui confère la Charte à cet égard, a insisté le représentant.

Pour faire respecter la Charte, Mme BESIANA KADARE (Albanie) a proposé trois éléments.  Premièrement, il faudrait faire de la prévention de conflit une réalité.  Nous devons nous mobiliser collectivement afin de prévenir la détérioration des situations en s’attaquant aux racines des conflits avant qu’ils n’empirent.  Cela requiert une approche proactive et inclusive ainsi qu’une vision mondiale, a-t-elle estimé.  Pour ce faire, il faut reconnaître le rôle de la participation de la femme qui renforce les accords de paix et fait des sociétés plus résilientes. 

Deuxièmement, nous avons besoin d’un Conseil de sécurité plus réactif et plus efficace, a estimé la représentante, qui a souligné que l’appartenance au Conseil n’est pas un privilège mais une responsabilité qui doit s’exercer à la lumière des buts et principes de la Charte.  C’est la raison pour laquelle le recours au veto pour défendre les intérêts nationaux étriqués, dans des situations d’atrocité de masse, est inacceptable. 

Troisièmement, les droits de l’homme sont l’affaire du Conseil de sécurité, a souligné Mme Kadare.  La Charte appelle les États Membres à respecter ces droits mais aussi parce que les violations des droits de l’homme conduisent inévitablement à l’instabilité, et menacent la paix et la sécurité.

Pour Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) l’impératif de la Charte de « préserver les générations à venir du fléau de la guerre » est d’autant plus important aujourd’hui à la lumière des nouvelles tensions et de la prolifération des crises régionales.  Les menaces actuelles pesant sur la paix et la sécurité mondiales nous poussent à nous réengager en faveur du désarmement et de la non-prolifération, a-t-elle estimé, en se disant consciente des critiques faites à l’ONU et au système multilatéral basé sur la Charte ainsi que des difficultés du Conseil de sécurité à offrir des solutions aux principales crises politiques actuelles.  Cela n’empêche, selon la représentante, que les principes sous-tendant la Charte sont tout aussi convaincants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 1945.  La réponse au recul auquel nous assistons aujourd’hui n’est pas moins de multilatéralisme mais plutôt plus, a-t-elle martelé en préconisant une approche plus sophistiquée capable de faire face aux crises actuelles.  Elle a également réclamé une démarche holistique qui conjugue sécurité, développement, état de droit et droits de l’homme ainsi que la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques de manière à créer les conditions propices à une paix durable et la prospérité des générations à venir.

Reprenant le constat du Secrétaire général selon lequel la coopération internationale se trouve à la croisée des chemins, la représentante a appelé à mieux faire respecter les valeurs de la Charte.  Elle a fait part de son appui au processus de réforme de l’ONU.  De plus, en tant que principal pays fournisseur de contingents parmi les pays occidentaux, l’Italie défend l’initiative Action pour le maintien de la paix et encourage l’ONU à renforcer sa coopération avec les organisations régionales comme l’UE et l’UA.  Cette notion cruciale est reflétée dans l’engagement de l’Italie en faveur d’un Conseil de sécurité réformé pour le rendre plus représentatif, responsable, démocratique, transparent et efficace, a souligné la représentante, qui a également plaidé en faveur de l’égalité entre les sexes et de la possibilité pour les femmes de participer aux processus de prise de décisions.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé qu’après 75 ans, l’ONU a rempli sa mission de devenir un espace de résonnance des espoirs et des inquiétudes du monde entier, ainsi qu’une plateforme de promotion de la coopération et des partenariats et un outil permettant d’utiliser la diplomatie et le dialogue pour régler les différends.  L’ONU a également réalisé ce qui est peut-être sa plus grande aspiration: éviter une autre guerre systémique entre les principales puissances du monde.  Il a expliqué que la plupart de ces succès ont été possibles grâce aux dispositions de la Charte, notamment le principe de la résolution pacifique des différends comme mode d’opération des relations interétatiques. 

Tout en reconnaissant ces succès, M. de Almeida Filho a demandé à la communauté internationale de renouveler son engagement en faveur de la paix et la sécurité, et de réformer la structure du Conseil de sécurité.  Il a plaidé pour l’élargissement des deux catégories de membres, y compris en octroyant une représentation permanente de l’Afrique en son sein.  À l’approche du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU et de la Charte, le délégué a demandé de ne point oublier que l’avenir de l’humanité est tributaire de la capacité de chaque nation à faire valoir son identité et à exercer sa souveraineté.  L’ONU doit être le lieu où nous nous mettons ensemble pour le bénéfice de nos peuples, a-t-il ajouté.

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) s’est dit profondément préoccupé par les tensions croissantes au Moyen-Orient qui ont marqué cette nouvelle année.  Dans ce contexte, a-t-il estimé, le débat que tient le Conseil aujourd’hui revêt une signification particulière.  Nous devons, a préconisé le représentant, renforcer le respect de la Charte pas seulement par les mots mais aussi par les actes.  Le système multilatéral fondé sur des règles exige, pour exister, le respect par tous les États du droit international, et ce, à tout moment.  Quand nous nous taisons devant les approches sélectives de ce droit ou les actions unilatérales au mépris de ce même droit, nous encourageons la culture du non-respect, a prévenu le représentant.  Nous devons aussi, a-t-il poursuivi, mettre davantage l’accent sur la diplomatie préventive et le règlement pacifique des différends. 

Le Conseil de sécurité doit pour sa part, a-t-il poursuivi, faire mieux pour montrer un front uni face aux principaux problèmes actuels.  Quand des positions communes sont trouvées, il revient à tous les Membres de l’ONU de les mettre pleinement en œuvre.  Nous ne pouvons laisser les pays appliquer ou ignorer de manière sélective les décisions du Conseil.  Quand nous méprisons ces décisions, nous compromettons la crédibilité du Conseil dans son ensemble et nous affaiblissons notre faculté à maintenir la paix et la sécurité internationales, a encore prévenu le représentant.  Pour être efficace, a-t-il ajouté, le Conseil doit travailler en coordination avec l’Assemblée générale, la Commission de consolidation de la paix et les organisations régionales.  Ces dernières ainsi que les organisations sous-régionales ont joué, ces dernières années, un rôle de plus en plus important dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Le Conseil, a conclu le représentant, est sur la ligne de front des efforts de l’ONU pour maintenir cette paix et cette sécurité et il est temps que ses membres, en particulier les membres permanents, mènent par l’exemple.

M. ANDREAS MAVROYIANNIS (Chypre) a voulu que le débat aille au-delà de la simple confirmation de la Charte comme fondation du système de sécurité collective, et du Conseil de sécurité, comme organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Nous devons, s’est-il expliqué, réévaluer l’évolution du Conseil, parce qu’il est le reflet de la Charte, et son bilan, parce ce qu’il est le reflet du système des Nations Unies dans son ensemble.  Nous devons ancrer ce débat, a ajouté le représentant, à ceux en cours sur les méthodes de travail du Conseil, son élargissement et sa représentativité, la définition de plus en en plus élargie des menaces à la paix et à la sécurité internationales et sur l’efficacité de ses décisions et de ses actions.  Le monde a changé depuis 1945 et l’adaptation est normale, voire bienvenue.  Le Conseil, a précisé le représentant, est appelé à adopter une approche plus globale de la sécurité et à s’appuyer sur des indicateurs de conflit.  Il doit aussi ajuster ses outils à un monde en constante mutation.

Nous savons tous, a avoué le représentant, que la manière dont le système fonctionne aujourd’hui est bien loin de l’action envisagée dans le Chapitre VII de la Charte.  Seule une synergie et une complémentarité plus marquées entre le Conseil de sécurité et les autres organes de l’ONU, et entre les États et les institutions internationales, dans une « relation « dialectique » peut contribuer à l’émergence si nécessaire d’une approche globale et intégrée.  Travailler ensemble et non en concurrence ne peut que renforcer l’efficacité de l’action collective.  Épicentre du système, le Conseil de sécurité profiterait de la double redéfinition de l’ampleur et du contenu de sa mission, d’une part, et des outils dont il dispose, d’autre part, a conclu le représentant.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a déclaré que l’objectif de la Charte est de développer des relations amicales entre les nations, fondées sur le respect de l’égalité des droits et de l’autodétermination des peuples.  Le droit à l’autodétermination est un principe fondamental qui a conduit à une augmentation significative du nombre de Membres de l’ONU depuis sa fondation, a-t-il indiqué.  Il a souligné que le droit inaliénable du peuple du Haut-Karabakh à l’autodétermination par la libre expression de sa volonté juridiquement contraignante représente un principe fondamental et une prémisse de base pour le règlement pacifique du conflit.  Il a salué l’appui de l’ONU et du Secrétaire général aux efforts du Groupe de Minsk pour le règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh. 

Préoccupé par la situation qui prévaut au Moyen-Orient et le risque de déstabilisation du voisinage immédiat de l’Arménie et au-delà, le représentant a estimé que cette situation ne peut être résolue que par le dialogue et des moyens pacifiques.  Il a estimé que la lutte contre Daech et Al-Qaida doit continuer d’unir la communauté internationale et servir de base à la consolidation de la paix et de la sécurité régionales.

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a jugé le moment opportun pour faire le point sur les défis auxquels est confrontée la Charte, un texte qui, a-t-il souligné, ne saurait être remis en question.  Sans ses principes, le système international ne saurait fonctionner, même s’il existe aujourd’hui une série de défis.  Il les a expliqués en partie par le fait que la réalité actuelle diffère de celle d’il y a 75 ans avec l’apparition du terrorisme, des changements climatiques, et du manque de ressources hydriques, entre autres.  Tous les États doivent s’engager à respecter les principes de la Charte et à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité, « ce qui n’est pas le cas pour tout le monde », a remarqué le représentant, pointant notamment la politique de deux poids, deux mesures pour ce qui est de la question palestinienne.  Une solution au conflit israélo-palestinien permettrait pourtant de stabiliser la région du Moyen-Orient, a-t-il fait valoir.  Le représentant a également demandé l’abolition du droit de veto qui crée un déséquilibre au sein du Conseil de sécurité. 

Pour éviter que l’ONU ne devienne « le babysitter » de la communauté internationale, le représentant a appelé les États à respecter les résolutions du Conseil de sécurité, en citant les cas de la Libye et de la Syrie où, a-t-il affirmé, le terrorisme est sponsorisé par des États.  Il a également réclamé plus de coordination au sein de l’ONU pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme.  Il faut en outre permettre aux pays en développement d’avoir accès aux sources de financement privées, le sous-développement étant la source de nombreuses crises, a-t-il ajouté.  Le délégué a par ailleurs souhaité que la réforme du Conseil de sécurité permette de régler le problème de l’injustice faite au continent africain.

M. LUIS ANTONIO LAM PADILLA (Guatemala) a souligné trois priorités pour la défense de la Charte des Nations Unies.  Tout d’abord le premier paragraphe de son préambule qui vise à préserver les générations futures du fléau de la guerre, raison pour laquelle l’ONU a été mandatée pour créer des mécanismes de paix et de prévention des guerres.  Ensuite l’Article 1 qui énonce le but des Nations Unies, à commencer par le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce qui inclut des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait ainsi la responsabilité de ce maintien de la paix, par le biais du règlement pacifique des différends en exerçant ses fonctions, conformément au Chapitre VI de la Charte.  Enfin, il a cité la première résolution de l’Assemblée générale, celle qui a souligné l’’importance de l’élimination des armes atomiques de destruction collective.

Le représentant a souligné la confiance que les États Membres ont placée dans les organes de l’ONU, citant notamment la CIJ dont son pays reconnaît le travail important.  Le représentant a aussi réitéré son appui au Conseil de sécurité et à ses fonctions relevant du Chapitre VI de la Charte.  Il a conclu en citant le pape François pour lequel une éthique et un droit basés sur la menace de destruction mutuelle, et potentiellement de toute l’humanité, vont à l’encontre de l’esprit des Nations Unies.

M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) a souligné qu’après 75 ans d’existence de l’ONU, le monde fait toujours face à de nombreux défis tels que les conflits, la pauvreté et la faim, le terrorisme et l’extrémisme violent, ainsi que les violations des droits de l’homme, les crises financières et économiques et les changements climatiques.  Dans le même temps, le respect des normes et institutions internationales s’affaiblit alors que le multilatéralisme est plus que jamais mis à rude épreuve.  Il est donc important que la communauté internationale renouvelle son engagement à défendre la Charte et les principes du droit international.  Il a également demandé que les États Membres se gardent, dans le cadre des relations internationales, d’utiliser la force ou de menacer de l’utiliser contre un État tiers ou de toute autre manière incompatible avec les buts de l’ONU. 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a insisté sur le fait que les relations entre l’ASEAN et l’ONU trouvent leurs origines dans les deux Chartes.  L’Article 2 de la Charte de l’ASEAN compte que ses États membres promeuvent la Charte des Nations Unies et le droit international.  De même, l’Article 52 de la Charte des Nations Unies parle du rôle des arrangements régionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La coopération pour promouvoir la paix et la sécurité régionales et internationales est la principale caractéristique du Partenariat global entre l’ASEAN et l’ONU, a souligné la représentante.

Après avoir passé en revue les mesures prises pour donner vie à ce Partenariat, Mme Azucena s’est exprimée à titre national.  Elle a souligné que la Déclaration de Manille de 1982 sur le règlement pacifique des différents internationaux est le document-référence des Philippines par rapport à la Charte des Nations Unies.

Elle a aussi prévenu que le terrorisme et ses liens avec le trafic de drogues et la criminalité transnationale organisée est la plus grave menace à la paix et à la sécurité internationales.  Les Philippes, a-t-elle dit, appuient les efforts qui se fondent sur la Charte et les instruments juridiques développés au fil des ans, y compris au Conseil de sécurité, pour s‘attaquer à ces fléaux.  Enfin, la représentante a réitéré l’attachement de son pays au principe de souveraineté nationale consacré par la Charte.  Les Nations Unies, a-t-elle estimé, se tiennent sur le pilier unique de la somme des souverainetés nationales.  Elles tirent parti de ces souverainetés non pour en dresser quelques-unes contre d’autres mais pour l’intérêt commun de la paix et de la coopération.  Le règlement des conflits actuels, a-t-elle souligné, exige le respect du principe de souveraineté nationale et non pas des arguments simples sur la primauté du multilatéralisme sur des États souverains.  C’est cette posture contre la souveraineté qui compromet l’ordre international comme nous le voyons quand des États échouent à cause d’une action multilatérale, a professé la représentante.

Mme ISBETH QUIEL (Panama) a réaffirmé l’attachement du Panama aux principes et objectifs de la Charte et a dépeint son pays comme un défenseur du multilatéralisme, y voyant le « mécanisme par excellence » pour traiter des problèmes dans le monde et pour favoriser la coopération en vue de promouvoir un ordre pacifique, juste et équitable pour tous.  Elle a insisté sur le fait que dans la conjoncture actuelle, il importe de veiller au respect des obligations qui émanent des traités et autres instruments du droit international.  Un engagement renouvelé pour assurer un climat de convivialité, de confiance et de tolérance pour tous est impératif, a estimé la délégation du Panama.  Il est urgent de réfléchir au respect des droits de l’homme, a poursuivi la représentante, et de ne pas oublier le contexte dans lequel la Charte a été élaborée, au lendemain de deux guerres mondiales, dans l’objectif d’éviter aux générations futures de connaître le fléau de la guerre.

La déléguée a souligné que l’efficacité de l’ONU dépend de la volonté politique des États, leur rappelant que le coût de leur inefficacité se mesure en nombre de vies perdues.  Il faut dès lors revenir à la genèse de l’ONU et renouveler l’engagement collectif en faveur de la culture de paix envisagée par les fondateurs de la Charte, a conclu la représentante.

M. ION JINGA (Roumanie) a indiqué que la Charte est un document « visionnaire » et « vivant », contenant les outils nécessaires pour répondre aux défis sécuritaires.  « Il est de notre devoir d’améliorer ces instruments. »  Qualifiant de « volatile » l’actuel environnement international, il a jugé la désescalade plus nécessaire que jamais.  La communauté internationale a la responsabilité de créer des voies pour des solutions politiques en appui d’une paix durable, a-t-il dit.  Il a souligné l’importance de la coopération avec les organisations régionales, ainsi que celle des opérations de maintien de la paix, véritable « Chapitre VI et demi de la Charte », comme le disait Dag Hammarskjöld.  Enfin, M. Jinga a rappelé la participation de son pays à de nombreuses missions onusiennes.

Nous vivons, a déclaré M. OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne, dans un monde interconnecté et en mutation rapide où le respect des règles et des normes agréées doit être vu comme le premier outil disponible pour relever des défis de plus en plus complexes.  La Charte des Nations Unies et la coopération multilatérale qu’elle a créée, ont été des succès « remarquables », a souligné le représentant.  La Charte est au service de tous, qu’ils soient ou non puissances militaires et économiques.  Notre seul point de départ pour régler des problèmes complexes, interconnectés et mondiaux, c’est la coopération multilatérale qui nous unit tous, avec la Charte des Nations Unies en son cœur, a martelé le représentant.  Il est vrai, a-t-il poursuivi, que le multilatéralisme est en difficulté et que la légitimité du système multilatéral s’étiole, mais basons nos discussions sur les faits. 

Écarter le multilatéralisme et revenir aux règles d’avant la Charte, a-t-il prévenu, c’est retourner à une situation que nous, les Européens, ne connaissons que trop bien: le chaos et la violence.  Le pouvoir, a averti le représentant, n’est pas un jeu à somme nulle et le respect d’un système international fondé sur des règles est dans l’intérêt de tous.  En la matière, a estimé le représentant, l’escalade que l’on voit aujourd’hui au Moyen-Orient est un cas d’école.  Elle peut compromettre la sécurité régionale et donner des ailes au terrorisme.  L’Union européenne est donc profondément préoccupée par les dernières confrontations en Iraq.  Elle appelle à la désescalade, au dialogue et au respect de la souveraineté du pays.  La seule voie possible, c’est une solution politique régionale respectueuse du droit international, a martelé, une nouvelle fois, le représentant. 

L’Union européenne, a-t-il souligné, attache une grande importance à la préservation du Plan d’action global commun et à sa mise en œuvre.  C’est un « élément fondamental » de l’architecture internationale de la non-prolifération nucléaire et un « élément crucial » de la sécurité de la région et du monde.  Dans un monde fracturé, il est essentiel, a ajouté le représentant, que tous les États laissent l’ONU jouer son rôle de plateforme du dialogue.  C’est la base même d’une désescalade pacifique de tensions qui peuvent échapper à tout contrôle et donner lieu à de nouveaux conflits armés meurtriers.  Le message de la nouvelle direction européenne est clair: l’Union est et continuera d’être la « gardienne » du multilatéralisme car c’est la responsabilité de tous les Membres des Nations Unies. 

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a demandé à la communauté internationale d’utiliser à bon escient les outils qu’offre la Charte afin de préserver la paix et la sécurité internationales.  Il a déploré les évènements violents du Moyen-Orient, avertissant que ceux-ci pourraient avoir un impact partout dans le monde.  Il a ainsi rappelé que l’Argentine avait était la cible de deux tentatives d’acte terroriste en rapport avec la situation au Moyen-Orient.  Le représentant a demandé aux organisations internationales spécialisées dans le domaine de la paix et de la sécurité d’assumer leurs responsabilités pour éviter l’apparition de conflits, rappelant dans la foulée que le Conseil de sécurité est le premier organe chargé du maintien de la paix et la sécurité internationales.

M. García Moritán a également rappelé que l’utilisation de la force est bien encadrée par la Charte, et les membres du Conseil de sécurité en premier sont astreints à respecter la Charte.  Il a plaidé pour un Conseil plus démocratique et plus responsable vis-à-vis de la communauté internationale.  Selon le délégué, le débat relatif à la réforme de cet organe onusien est fondamental dans ce monde instable.  De même, il est urgent de renforcer le multilatéralisme et d’assurer le respect du principe de règlement pacifique des conflits.  Les évènements qui ont eu lieu depuis une semaine au Moyen-Orient laissent voir que les buts et principes de la Charte sont d’une actualité sans pareil, a-t-il insisté. 

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a estimé que le potentiel de l’ONU pour consolider un monde de développement, d’harmonie et d’égalité sociale dépend du respect du principe fragile mais impérieux suivant: l’interdiction expresse de la menace ou de l’usage de la force dans les relations internationales.  Le Conseil de sécurité, dépositaire de la responsabilité principale de maintenir la paix et la sécurité internationales, joue un rôle fondamental en ce sens, selon le représentant, qui a appelé à le consolider comme organe de prévention par excellence.  Dans les affaires où la paix et la sécurité internationales sont en jeu, les États doivent agir de manière conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international, a-t-il plaidé en demandant au Conseil de sécurité d’être à la hauteur pour défendre la Charte lorsque les États ne respectent pas cette obligation. 

Dans ce contexte, le Mexique a appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait, en particulier les membres permanents du Conseil, à se joindre à l’initiative franco-mexicaine sur la restriction au veto en cas d’atrocités de masse, une initiative qui a été endossée par 105 États Membres.  Le représentant a aussi réitéré sa préoccupation face à l’invocation répétée de l’Article 51 de la Charte par certains États pour réagir militairement à des menaces à la paix et la sécurité internationales, en particulier contre des acteurs non étatiques.  Cette pratique fait courir le risque d’élargir les exceptions à l’interdiction générale d’utiliser la force irrégulièrement, a-t-il craint.  Il a aussi suggéré une révision des méthodes de travail du Conseil au sujet des notes qui lui sont transmises sur l’Article 51, en particulier lorsqu’est invoqué le droit de légitime défense.

Mme MONA JUUL (Norvège), qui s’exprimait au nom des pays nordiques, a affirmé que ces pays sont de fervents défenseurs d’un ordre mondial basé sur des règles du multilatéralisme, du règlement pacifique des conflits, de la lutte contre la pauvreté et du respect des droits de l’homme.  Elle a mis en exergue trois réalisations que « nous, les peuples des Nations Unies » avons accompli dans le cadre de la Charte à commencer par les missions politiques spéciales et les envoyés spéciaux qui ont joué un rôle critique dans la réduction des tensions, voire évité des conflits, en ouvrant la voie à une sortie de crise par la diplomatie.  Les opérations de maintien de la paix ont également fait leurs preuves pour créer des environnements propices à la paix, et, dans ce contexte, les pays nordiques encouragent une collaboration et une coordination étroites avec les acteurs nationaux et régionaux.  Les organisations régionales, comme l’Union africaine, et sous-régionales, comme la CEDEAO, sont instrumentales à la fois dans la prévention et dans la levée des menaces à la paix, a souligné la représentante.

Mme Juul a ensuite affirmé que le Conseil de sécurité a une légitimité et des pouvoirs uniques pour faire respecter le droit international, mais, pour cela, il faut pouvoir compter sur l’unité entre ses membres.  On assiste actuellement à une tendance alarmante qui cherche à remettre en question le système multilatéral tout comme les règles et normes qui le sous-tendent.  La récente escalade « dramatique » des tensions au Moyen-Orient est profondément préoccupante pour toute la communauté internationale, a poursuivi Mme Juul.  Elle a appelé les parties à la plus grande retenue, à reprendre le dialogue et à régler leurs différends par des voies pacifiques, engageant par là même la communauté internationale à tout faire pour contribuer à une solution politique durable à la situation actuelle.

Le monde fait face aujourd’hui à des défis comme les changements climatiques, les migrations irrégulières, le terrorisme, les crises humanitaires et des conflits qu’aucun État ne peut régler seul, a-t-elle poursuivi.  Dès lors, à l’aune du soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, les pays nordiques appellent à une mobilisation renouvelée en faveur du multilatéralisme.  Ils soutiennent le processus de réforme en cours à l’ONU pour permettre une approche plus holistique de la paix et de la sécurité, du développement et des droits de l'homme.

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a relevé que dans un monde en constante mutation, les défis à la paix et à la sécurité internationales ont une longueur d’avance sur les systèmes conçus pour les affronter.  « Il est évident aujourd’hui que le feu est partout », s’est-il inquiété.  Il a rappelé que la prémisse centrale de la Charte est de garantir la paix mondiale dans le respect de la loi.  Hélas, cet objectif a été difficile à atteindre, a regretté M. Akbaruddin.  Pour le délégué, le génie de la Charte était non pas de restreindre mais d’amplifier les capacités des États souverains.   Il y a donc lieu de plaider en faveur d’innovations qui élargissent la vision de l’état de droit mondial, a avancé le représentant.  La réponse aux crises auxquelles le Conseil est confronté consiste à invoquer et à élaborer des dispositions de la Charte qui prévoient des réformes et des changements.  Nous avons besoin d’un Conseil représentatif, crédible et légitime, plutôt que d’un Conseil qui repose simplement sur la prétention qui existait au départ.  Le Conseil doit être adapté à l’objectif du XXIsiècle, a conclu le représentant.

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