SC/13904

Déclaration publique du Président du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé

À sa 83e séance, le 30 juillet 2019, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé a décidé, à l’occasion de l’examen du cinquième rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Myanmar (S/2018/956), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de son président, le message suivant:

À toutes les parties au conflit armé au Myanmar qui sont mentionnées dans le rapport du Secrétaire général, en particulier la Tatmadaw Kyi, dont les forces intégrées de gardes-frontières, ainsi que les groupes armés non étatiques, comme l’Armée de libération nationale karen, l’Armée unifiée de l’État wa, la Democratic Karen Benevolent Army, l’Armée de l’indépendance kachin, l’Armée karenni, le Conseil pour la paix de l’Union nationale karen et l’Armée du Sud de l’État shan:

  • Condamne vigoureusement toutes les violations et atteintes qui continuent d’être commises sur la personne d’enfants au Myanmar, les prie instamment de prévenir et faire cesser immédiatement toutes les violations du droit international applicable concernant le recrutement et l’utilisation d’enfants, les enlèvements, les meurtres et atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les attaques contre des écoles et des hôpitaux, l’utilisation d’écoles à des fins militaires et le refus de l’accès humanitaire, et de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international; et demande au Gouvernement du Myanmar d’ériger en infraction les six violations graves commises contre des enfants en temps de conflit armé;
  • Se déclare gravement préoccupé par le fait que toutes les parties au conflit armé, y compris les groupes armés non étatiques, continuent de recruter et d’utiliser des enfants en violation du droit international, que les enlèvements d’enfants, notamment à des fins de recrutement, se poursuivent et que des enfants associés aux forces ou groupes armés sont placés en détention;
  • Se déclare profondément préoccupé par le grand nombre d’enfants tués ou blessés, qui sont notamment les victimes directes ou indirectes des activités menées par l’armée et les forces de sécurité du Myanmar, des combats entre les parties au conflit armé et des attaques lancées contre la population civile, y compris au moyen de mines antipersonnel, et exhorte toutes les parties à respecter les obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire applicable, et en particulier les principes de discrimination et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire au minimum les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil;
  • Demande à toutes les parties au conflit armé de permettre et de faciliter un acheminement sûr, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire aux enfants, d’en respecter le caractère exclusivement humanitaire et impartial, et de respecter les activités de tous les organismes humanitaires des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires, y compris les acteurs de la protection de l’enfance, sans distinction;
  • Demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux, y compris leur personnel, et de prévenir et faire cesser les attaques ou menaces d’attaques délibérées, disproportionnées ou indiscriminées contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable;
  • Demande instamment à toutes les parties à l’Accord de cessez-le-feu national de se conformer pleinement aux dispositions visant à prévenir les six violations graves commises contre des enfants et aux acteurs qui participent ou participeront au processus de paix de respecter scrupuleusement l’engagement qu’ils ont pris en juillet 2018 lors de la troisième session de la Conférence de paix (Conférence de Panglong du XXIe siècle) de mettre en place et de mener des programmes visant à garantir les droits des enfants, d’appliquer la Convention relative aux droits de l’enfant pour assurer le développement global des enfants et de mettre fin aux six violations graves commises sur la personne d’enfants;
  • Prie instamment toutes les parties au conflit armé de continuer à donner suite aux précédentes conclusions du Groupe de travail (S/AC.51/2008/9, S/AC.51/2009/4, et S/AC.51/2013/2);

Au Gouvernement du Myanmar:

  • Se déclare gravement préoccupé par les violations et les atteintes commises contre des enfants par toutes les parties, y compris l’armée et les forces de sécurité du Myanmar, dans les États rakhine, kachin et chan, en particulier contre des membres de la communauté rohingya et d’autres minorités ethniques, notamment les violations impliquant le recours systématique à la force et à l’intimidation, les meurtres d’enfants, les violences sexuelles et la destruction et l’incendie de maisons et de biens;
  • Souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants touchés par le conflit armé, et se déclare profondément préoccupé de ce que toutes les parties au conflit armé qui commettent des violations et des atteintes contre des enfants ne soient pas amenées à répondre de leurs actes, et demande instamment au Gouvernement du Myanmar de mettre un terme à l’impunité en veillant à ce que les responsables soient rapidement traduits en justice et répondent de leurs actes, notamment au moyen d’enquêtes et de poursuites rigoureuses, rapides, indépendantes et impartiales;
  • Demande instamment au Gouvernement du Myanmar de prendre immédiatement des mesures concrètes pour faire cesser et prévenir les viols et les autres formes de violence sexuelle commis sur des enfants par des membres de son armée et de ses forces de sécurité, et souligne qu’il importe que les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre contre des enfants répondent de leurs actes;
  • Demande au Gouvernement du Myanmar de veiller à ce qu’il ne soit plus recouru de manière excessive à la force militaire et de s’acquitter des autres obligations que lui impose le droit international, notamment le droit international humanitaire applicable, en particulier les principes de discrimination et de proportionnalité et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire au minimum les dommages causés aux civils et aux biens de caractère civil;
  • Prend note de la création, le 7 janvier 2019, du Comité interministériel chargé de la prévention des six violations graves commises en temps de conflit armé, et demande au Gouvernement du Myanmar de collaborer avec l’Organisation des Nations Unies en vue d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre sans tarder des plans complets de lutte contre les meurtres, les atteintes à l’intégrité physique, les viols et les autres formes de violence sexuelle – faits pour lesquels la Tatmadaw, dont les forces intégrées de gardes-frontières, a été inscrite sur la liste du rapport annuel du Secrétaire général –, et de prendre des mesures en vue de prévenir toutes les violations dont sont victimes les enfants, notamment par la promulgation et l’application d’ordres du commandement militaire et de directives réprimant les six violations graves commises contre des enfants;
  • Prie le Gouvernement du Myanmar de permettre à l’équipe spéciale de surveillance et d’information de rencontrer en toute sécurité et sans entrave les autres parties du Myanmar énumérées dans l’annexe I du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, notamment celles qui ont signé l’Accord de l’Union lors de la troisième session de la Conférence de paix (Conférence de Panglong du XXIe siècle), l’objectif étant que les groupes armés arrêtent sans plus tarder leurs plans d’action, conformément à la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité;
  • Se félicite des efforts qui sont faits pour s’attaquer à la question du recrutement et de l’utilisation d’enfants au Myanmar et des progrès réalisés à cet égard depuis la publication des dernières conclusions du Groupe de travail (S/AC.51/2013/2), mais se déclare préoccupé par les nouveaux cas de recrutement et d’utilisation d’enfants signalés par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé le 10 juin 2019 (S/AC.51/2019/COMM.7);
  • Se félicite que la Tatmadaw ait libéré des enfants, et demande au Gouvernement du Myanmar de prendre de nouvelles mesures en vue de mettre en œuvre intégralement le plan d’action visant à éliminer et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants dans la Tatmadaw, y compris dans les forces intégrées de gardes-frontières, tout en se conformant à ses obligations internationales et en appliquant systématiquement les principes en découlant, qui sont également énoncés dans le plan d’action, comme la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à titre prioritaire, le fait que les enfants ayant affaire à la justice doivent être traités avant tout comme des victimes, et l’application du bénéfice du doute de sorte que les mineurs présumés dont l’âge ne peut être établi de façon certaine soient traités comme des enfants et bénéficient des mesures de protection indispensables attachées à ce statut, y compris en ce qui concerne leur libération de la Tatmadaw, et souligne qu’il importe de lutter contre l’impunité des personnes qui recrutent et utilisent des enfants, notamment par l’incrimination du recrutement et de l’utilisation d’enfants et par la promulgation d’ordres du commandement militaire interdisant et punissant le recrutement et l’utilisation d’enfants et les autres violations commises contre des enfants;
  • Se félicite que le Gouvernement du Myanmar ait signé le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et lui demande d’envisager, à titre prioritaire, de ratifier le Protocole et d’adopter dans les meilleurs délais un texte de loi protégeant les droits des enfants qui soit conforme aux obligations et aux normes internationales;
  • Se félicite que le Gouvernement du Myanmar ait fait siennes les conclusions de la conférence de 2007 qui s’est tenue à Paris;
  • Demande instamment au Gouvernement du Myanmar d’assurer immédiatement aux organismes des Nations Unies et à leurs partenaires, ainsi qu’aux autres organisations non gouvernementales nationales et internationales qui fournissent une aide humanitaire, un accès sûr et sans entrave aux États rakhine, kachin et chan, notamment à des fins humanitaires;
  • Se félicite que le Gouvernement du Myanmar et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) coopèrent, notamment au sein du Centre de coordination de l’aide humanitaire de l’ASEAN, afin de fournir une aide humanitaire aux réfugiés, notamment aux enfants, d’assurer leur protection et d’œuvrer à leur retour librement consenti, en toute sécurité et dans la dignité, et leur demande de coordonner leur action avec l’Organisation des Nations Unies;
  • Engage le Gouvernement à s’employer à offrir aux enfants touchés par des conflits armés, notamment à ceux qui ont été libérés par des groupes armés, quelles que soient les modalités de la participation du groupe au processus de paix, des possibilités de réintégration et de réadaptation globales et durables, qui tiennent compte du sexe et de l’âge, y compris un accès égal aux soins de santé, au soutien psychosocial et aux programmes éducatifs, et à sensibiliser les populations, en travaillant avec elles, en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en tenant compte des besoins particuliers des filles et des garçons, afin de contribuer au bien-être des enfants et à une paix et une sécurité durables;
  • Salue les efforts déployés par le Gouvernement du Myanmar pour organiser des formations sur les six violations graves et partager des connaissances sur la manière de prévenir efficacement ces violations et de renforcer la protection des enfants touchés par les conflits armés, et l’invite à poursuivre ces efforts en vue de proposer des mesures de prévention concrètes et d’amener les auteurs de violations et d’atteintes commises sur la personne d’enfants à répondre de leurs actes;

Aux groupes armés:

  • Note les efforts faits par l’Armée de l’indépendance kachin, le Parti national progressiste Karenni/Armée karenni, la Democratic Karen Benevolent Army, le Conseil pour la paix de l’Armée de libération nationale karen et l’Armée du Sud de l’État shan pour coopérer avec l’ONU sur les questions relatives à la protection de l’enfance, ainsi que l’engagement qu’ils ont pris de faire cesser et de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants;
  • Demande instamment à tous les acteurs non étatiques de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre pleinement en œuvre leurs engagements et obligations et élaborer rapidement des plans d’action conformément aux résolutions 1539 (2004), 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) et 2068 (2012) du Conseil de sécurité.

Aux notables locaux et aux chefs religieux:

  • Souligne le rôle important que jouent les notables locaux et les chefs religieux pour ce qui est de renforcer la protection des enfants dans les conflits armés et de promouvoir la coexistence pacifique des groupes religieux et ethniques;
  • Les exhorte à condamner publiquement les violations et les atteintes commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques visant des écoles et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, tout en continuant de se mobiliser pour faire cesser et prévenir ces violations et atteintes, et à se concerter avec le Gouvernement, l’Organisation des Nations Unies et les autres parties prenantes compétentes pour favoriser la réintégration et la réadaptation, au sein de leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par des activités de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants. 
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