Dix-huitième session,
5e et 6e séances - matin et après-midi
DH/5433

Instance permanente sur les questions autochtones: les peuples d’Amazonie, notamment du Brésil, lancent un « appel à l’aide »

Au troisième jour de la session annuelle de l’Instance permanente sur les questions autochtones, de nombreux participants ont mis l’accent sur les menaces graves pesant sur les peuples autochtones d’Amazonie, notamment les Yanomami et les tribus isolées de la vallée du Javari, qui ont lancé un « appel à l’aide » face aux « discours haineux » proférés à leur encontre par le nouveau Président du Brésil, M. Jair Bolsonaro.  Il a également été question, lors de cette journée, du manque de rapports concernant la situation des communautés autochtones d’Afrique, une lacune que la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a attribuée aux États du continent, ces derniers ne l’ayant « jamais invitée ».

Les représailles à l’encontre des peuples autochtones et leur criminalisation lorsqu’ils s’opposent à des projets d’exploitation industrielle sur leurs territoires sont en forte augmentation, s’est inquiété en début d’après-midi M. Andrew Gilmour, Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l’homme.  On les accuse de faire obstacle au développement, ce qui en fait la cible de harcèlements, d’insultes racistes, de campagnes de diffamation, voire même d’accusations de terrorisme, a-t-il déploré, pointant notamment du doigt les autorités du Brésil, de la Colombie, de l’Équateur, du Guatemala, du Honduras, du Mexique et des Philippines. 

Selon M. Gilmour, cette tendance s’illustre par les attaques ou intimidations croissantes dont sont victimes les représentants des peuples autochtones dans le but de les réduire au silence.  En Colombie, a-t-il indiqué, 18 défenseurs des droits des communautés autochtones ont été tués l’an dernier.  « Vicky est elle-même harcelée en permanence par son propre gouvernement en raison de son travail remarquable », a dénoncé le Sous-Secrétaire général, en référence à Mme Victoria Tauli-Corpuz, la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, des Philippines.  D’autres représentants ont été mis sous surveillance ou pris pour cible simplement parce qu’ils participaient à des événements onusiens, a-t-il encore indiqué, dénonçant une vaste gamme de représailles, souvent déguisées en obstacles administratifs aux déplacements des personnes concernées.  « Je voudrais vous encourager à signaler les cas d’intimidation et de harcèlement en ligne ou hors ligne dont vous prenez connaissance », a déclaré M. Gilmour, rappelant qu’une adresse e-mail (reprisals@ohchr.org) avait été créée à cet effet.

« Nous faisons face à des menaces terribles », a justement déclaré un représentant du peuple Yanomami de la forêt amazonienne, dénonçant les récentes déclarations incendiaires du Président brésilien à l’encontre de son peuple.  Le Gouvernement du Brésil doit respecter les peuples autochtones, a-t-il déclaré, car « nous sommes les meilleurs défenseurs » des forêts amazoniennes brésiliennes.  « Comment demander de l’aide pour éviter les menaces du Président Bolsonaro? » s’est interrogé le représentant à l’attention de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones.  « La Terre autochtone vous demande de l’aide! »  Au Brésil, 114 peuples vivent en isolement volontaire, a expliqué à sa suite un représentant des tribus isolées de la vallée du Javari.  Or, le Gouvernement brésilien tente depuis plusieurs années d’affaiblir nos peuples, en nous privant de la protection à laquelle nous avons droit et en tentant illégalement d’ouvrir nos territoires à la monoculture.  Face aux incursions de plus en plus fréquentes d’éleveurs sur ses terres, le représentant a appelé le système des Nations Unies à venir en aide aux peuples isolés d’Amazonie. 

Je suis « très préoccupée » par la situation des peuples brésiliens en situation d’isolement volontaire, a répondu Mme Victoria Tauli-Corpuz, qui a pour mandat d’élaborer des rapports sur les violations des droits des peuples autochtones.  La Rapporteuse spéciale a ainsi dénoncé les pratiques des « religions évangélistes » cherchant à convertir ces communautés amazoniennes, considérées par elles comme « païennes », ainsi que les projets d’agribusiness brésiliens qui conduisent à l’expropriation des Yanomami.  En tant que Brésilienne, je suis également très inquiète de la situation dans la zone, a déclaré à son tour Mme Erika Yamada, Présidente du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, un organe subsidiaire du Conseil des droits de l’homme chargé de représenter les peuples autochtones auprès des États.  Mme Yamada a condamné les « discours haineux et discriminatoires » du Président Bolsonaro, qui essaye selon elle de revenir sur le statut quo au moyen d’une « politique assimilationniste ».  Condamnant ce « retour en arrière », la Présidente du Mécanisme d’experts a réaffirmé le droit des peuples autochtones à vivre en isolement volontaire, droit selon elle reconnu par la loi brésilienne depuis 1987. 

Nous reconnaissons plus de 600 territoires autochtones dans la plupart de l’Amazonie, a quant à lui rappelé le représentant du Brésil, affirmant que son gouvernement s’efforçait de défendre les peuples autochtones contre les incursions dont ils sont victimes.  Nous menons également des politiques visant à protéger la sécurité des défenseurs de leurs droits, a poursuivi le représentant, ajoutant que le Brésil avait adopté des programmes de protection des victimes et des témoins.  Nous protégeons aussi les peuples autochtones vivant en isolement volontaire, a-t-il ajouté.  À ses yeux, le fait que le Brésil reconnaisse les mandats de la Rapporteuse spéciale et du Mécanisme d’experts et entretienne un dialogue continu avec ces deux instances marque la bonne volonté du pays.

Outre les peuples autochtones de la forêt amazonienne, de nombreux représentants ont dénoncé des situations similaires d’expropriation et de violences dans d’autres pays, qu’il s’agisse de l’expulsion des Massaïs en Tanzanie, de la mise aux enchères forcée de territoires d’élevage de rennes appartenant aux Samis en Fédération de Russie ou de la destruction de sites patrimoniaux au Canada.  De la même manière, la représentante d’un peuple autochtone camerounais a déclaré que les communautés d’éleveurs d’Afrique de l’Ouest étaient victimes de nombreux assassinats ces dernières années.  Récemment, a-t-elle précisé, plus de 100 personnes ont été tuées en une seule journée au Mali.  La représentante a demandé à la Rapporteuse spéciale pourquoi si peu d’efforts étaient déployés pour mettre en lumière la situation des peuples autochtones d’Afrique, que Mme Tauli-Corpuz n’a jusqu’ici pas rencontrés.  Le protocole des Rapporteurs spéciaux de l’ONU veut que je ne puisse me rendre dans un pays que sur invitation officielle, a répondu Mme Tauli-Corpuz.  « J’ai contacté le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Burundi et ils ne m’ont jamais invitée », a précisé la Rapporteuse spéciale, appelant les organisations autochtones à faire pressions sur leur gouvernement respectif pour qu’elle soit invitée à se rendre dans leur pays. 

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