8697e séance – matin
CS/14066

Conseil de sécurité: rejet de deux projets de résolution sur l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie

Le Conseil de sécurité n’est pas parvenu, ce matin, à proroger le mandat du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en République arabe syrienne suite au rejet successif de deux projets de résolution concurrents qui proposaient notamment des durées de renouvellement différentes ainsi qu’un nombre distinct de points de passage.

Dans un premier temps, la Fédération de Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution porté par les porte-plume humanitaires, à savoir l’Allemagne, la Belgique et le Koweït (troïka), et en faveur duquel ont voté les 13 autres membres du Conseil. 

Un projet concurrent, présenté par la Fédération de Russie, a ensuite également été rejeté, cette fois-ci par les États-Unis, la France, le Pérou, la Pologne, la République dominicaine et le Royaume-Uni.  Les porte-plume humanitaires et l’Indonésie se sont abstenus, tandis que l’Afrique du Sud, la Chine, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale et la Fédération de Russie ont voté pour.

L’Allemagne a souligné que le projet de texte de la troïka, « fruit d’efforts considérables pour trouver un terrain d’entente », tenait compte de la situation humanitaire « déplorable » en Syrie, où plus de 11 millions de personnes continuent d’avoir besoin d’aide.  Parmi elles, quatre millions dépendent du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière, justifiant la prolongation pour un an de son mandat et le maintien des points de passage.

Mais ce texte a été qualifié d’obsolète par la Fédération de Russie qui a notamment estimé qu’il ne tenait pas compte des évolutions en Syrie depuis 2014.  Notant que l’armée syrienne a repris le contrôle de la majeure partie du territoire, la délégation russe a jugé que l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière n’est donc pas nécessaire dans ces zones, relevant en outre qu’un point de passage n’est plus utilisé depuis plusieurs mois. 

La Chine a également fait part de ses réserves concernant ledit mécanisme, et a souligné c’est au Gouvernement syrien qu’il incombe en premier lieu d’apporter de l’aide à sa population.  La délégation a aussi jugé essentiel de renforcer la neutralité et la transparence dans les opérations de secours, qui, a-t-elle insisté, doivent faire l’objet de coordination avec les autorités syriennes. 

Nombre des délégations favorables au texte de la troïka ont considéré que ce double veto « sinistre et irresponsable » marque un « jour bien triste » pour les Syriens.  Cette « hypocrisie » qui laisse « pantois » met en péril l’acheminement de l’aide humanitaire et aura des conséquences « désastreuses » sur les quatre millions de personnes qui dépendent de ce mécanisme et pour lequel il n’existe pas d’alternative, ont déploré en substance plusieurs délégations, notamment celles de la France, des États-Unis, de la Belgique ou encore du Royaume-Uni et du Koweït.  C’était pourtant un texte « équilibré, opportun et indispensable », a assuré le Pérou, tandis que l’Afrique du Sud et la République dominicaine ont estimé qu’en ne parvenant pas à renouveler ce dispositif « vital » d’acheminement, le Conseil n’a pas réussi à s’acquitter de ses responsabilités.

Pour sa part, la Belgique a insisté sur la dimension purement humanitaire du projet de la troïka, soulignant en outre qu’aucun acteur au sein de la Syrie n’est pour l’heure en mesure de venir en aide à la population depuis l’intérieur du pays.  Il n’existe pas d’alternative au mécanisme, a renchéri le Koweït. 

La Fédération de Russie, dont le texte ne satisfaisait pas aux conditions nécessaires pour offrir une aide vitale aux Syriens, n’a jamais eu l’intention de présenter une solution de compromis, ont accusé les délégations de la Pologne et des États-Unis, tandis que le Royaume-Uni a décrié le « cynisme » des délégations russe et chinoise. 

« Je suis en état de choc », a affirmé la représentante américaine qui a également accusé la Fédération de Russie de vouloir simplement « marquer des points politiques » et « entacher la crédibilité du Conseil ».  La déléguée a notamment expliqué que les États-Unis avaient demandé le renouvellement de cinq points de passage pour 12 mois et ensuite accepté un compromis, à savoir trois points de passage renouvelés pour 12 mois.  « Mais ce n’était pas suffisant pour la Fédération de Russie, ni pour la Chine », a-t-elle déploré, accusant en outre la délégation russe d’avoir proposé une résolution vouée à l’échec « parce qu’elle préfère que des civils syriens meurent de faim plutôt que de décevoir le régime syrien ».

« Qui a gagné aujourd’hui?  Personne.  En revache ceux qui ont perdu, ce sont les Syriens », a retorqué son homologue russe, qui a assuré que sa délégation était prête à renouveler le mécanisme dans les régions où il est véritablement indispensable.  « Mais, a-t-il ironisé, il sera dit dans la presse que la Fédération de Russie a enterré le mécanisme, alors que c’est vous qui avez voté contre. » 

« Si vous vous préoccupez réellement de la Syrie et des opérations humanitaires, pourquoi ne pas avoir voté en faveur du projet de résolution proposé par la Fédération de Russie », a renchéri la Chine, qui a fermement rejeté les accusations proférées à son encontre, dénonçant dans la foulée la « pratique classique du deux poids, deux mesures » employée par certains membres du Conseil. 

Venue assister au vote, la Syrie a dénoncé l’« obstination » des porte-plume qui auraient, selon elle, cédé aux pressions des autorités turques.  La délégation a également affirmé que le Front el-Nosra dépend de la mainmise sur l’aide humanitaire acheminée à partir du territoire turc, insistant en outre sur le fait que « le centre de l’action humanitaire en Syrie est à Damas ».

Le mandat actuel du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière prend fin le 10 janvier 2020.  Avant de clore la séance, la représentante des États-Unis, intervenant en sa qualité de Présidente du Conseil de sécurité, a assuré que la présidence s’emploiera à trouver une issue à la question dans les prochains jours.

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