8694e séance – matin
CS/14061

Syrie: les membres du Conseil de sécurité s’opposent au sujet de l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière

La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires a prévenu, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la situation humanitaire s’était encore dégradée en Syrie et justifie de poursuivre les efforts d’acheminement de l’aide au travers d’opérations transfrontalières, alors que les délégations ont affiché des divergences marquées sur le renouvèlement du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière.

Mme Ursula Mueller a notamment décrié une situation « alarmante » dans le nord-ouest du pays où les civils payent le prix des raids aériens conduits par le Gouvernement syrien et ses alliés, tandis que les groupes armés augmentent leurs attaques contre les zones sous contrôle gouvernemental. 

Rien que dans la région d’Edleb, 60 000 personnes ont encore été déplacées dans des conditions précaires ces dernières semaines a-t-elle déploré, précisant que pour supporter le vent, le froid et la pluie, des familles faisaient brûler des pneus et des vieux vêtements.  Et dans le nord-est, où la Turquie et des groupes armés non étatiques alliés ont lancé l’opération Source de paix au mois d’octobre, la situation humanitaire reste très grave même si les hostilités ont récemment diminué.

Selon les estimations, 11 millions de personnes auront besoin d’une aide régulière en 2020, dont cinq millions nécessitant une aide d’urgence, et l’ONU table sur des besoins financiers similaires aux 3,3 milliards de dollars demandés cette année.  À cela s’ajoute les plus de 5,6 millions de réfugiés syriens qui vivent dans la région et qui ont également besoin d’aide, ce qui représente un coût estimé à 5,2 milliards de dollars. 

La Sous-Secrétaire générale a, cependant, indiqué que la situation serait bien pire sans les opérations transfrontalières d’acheminement de l’aide qui ont permis d’éviter une crise humanitaire de plus grande envergure.  Elle a d’ailleurs indiqué que le Secrétaire général compte sur le Conseil de sécurité pour renouveler promptement les modalités de la résolution 2165 (2014) qui a institué le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière.  « Ce renouvellement est indispensable pour continuer de sauver des vies », a-t-elle souligné, insistant en outre sur l’importance de maintenir ouverts les quatre postes frontière par lesquels transite l’aide.

La question des postes-frontière figurait justement parmi les préoccupations du Royaume-Uni qui s’est interrogé sur la réduction « drastique » de leur nombre que proposent certaines parties. Disposer de moins de quatre points de passage signifiera que moins de vies pourront être sauvées et que davantage de souffrances seront engendrées, s’est inquiétée la délégation.

L’Allemagne, l’un des trois porte-plumes, avec la Belgique et le Koweït, d’un projet de résolution prévoyant le maintien des quatre postes actuels, a rappelé que le but de ce texte est d’apporter une assistance transfrontière vitale à plus de quatre millions de personnes.  La délégation a également insisté sur la tentative de compromis qui a prévalu pour « que le Conseil parle d’une seule voix ». « Le monde nous regarde », a-t-elle lancé.

Lui emboitant le pas, le Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït, M. Khaled Sulaiman Aljarallah, a souligné que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière était « irremplaçable » compte tenu du nombre de personnes nécessitant une aide.

« En 2020, aucun Syrien ne devrait se voir privé du droit de recevoir une assistance humanitaire parce qu’il vit dans une région non contrôlée par le Gouvernement ou craindre que les opérations militaires du régime d’Assad et de la Russie n’obligent les convois d’aide de l’ONU à rebrousser chemin », a appuyé la délégation des États-Unis, qui ont en outre prévenu que l’attitude cynique du « régime syrien » ne sera pas tolérée.

La Chine a toutefois indiqué entretenir quelques réserves sur ledit mécanisme, estimant que c’est au Gouvernement syrien de mener des opérations humanitaires dans son pays.  Il faut donc travailler en coopération avec lui et tenir compte de ses vues, a souligné la délégation. 

La Fédération de Russie a, pour sa part, affirmé que la région d’Edleb reçoit déjà une aide et que celle-ci se poursuivra, devant continuer d’être acheminée par la frontière turque.

Concernée au premier chef puisque l’aide transite par son territoire, la Turquie a affirmé que le mécanisme transfrontalier reste indiscutablement « vital » pour des millions de gens.  Il n’y a là-dessus aucune question politique, il ne s’agit que d’une urgence humanitaire, a martelé le représentant en appelant les membres du Conseil de sécurité à laisser de côté leur « calculs politiques » et à se concentrer sur les conséquences humanitaires de la crise en Syrie. 

Les mises en cause de son gouvernement ont été vivement démenties par le représentant syrien, qui a dénoncé l’attitude de certains membres du Conseil mus, selon lui, par leurs inimitiés contre la Syrie et leur « obsession » de l’accuser sans relâche en voulant ignorer que le centre de contrôle du pays se trouve à Damas.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT – (S/2019/949)

Déclarations

Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué qu’en cette fin 2019, la situation humanitaire en Syrie s’est encore dégradée, ce qui justifie de poursuivre les efforts d’acheminement de l’aide au travers d’opérations transfrontalières. 

Dans le nord-ouest de la Syrie, la situation demeure « alarmante » avec des raids aériens conduits par le Gouvernement syrien et ses alliés contre des zones sous le contrôle de groupes armés, y compris des groupes terroristes à Edleb et Alep.  Ces groupes ont de leur côté augmenté leurs attaques contre les zones sous contrôle gouvernemental.  Et des deux côtés, les civils en paient le prix, a-t-elle déploré.  Ainsi, le 20 novembre, 16 personnes ont été tuées dans un camp d’Edleb et le lendemain, d’autres ont subi le même sort dans le secteur d’Alep, soit 23 civils tués en 24 heures, auxquels s’ajoutent de nombreux blessés, a énuméré Mme Mueller.  Le personnel médical et les infrastructures ont également été touchés, avec quatre centres de santé affectés entre le 4 et le 6 novembre. 

Dans tout le nord-ouest, les civils sont exposés à la violence et 60 000 d’entre eux ont été déplacés à Edleb ces dernières semaines, dans le vent, le froid et la pluie qui aggravent encore leurs conditions de vie.  Le prix du carburant demeure très au-dessus du prix moyen en Syrie et la livre syrienne s’est encore dépréciée, une situation qui contraint des familles à faire brûler des pneus et de vieux vêtements pour se réchauffer.  Les organisations humanitaires font leur possible pour apporter une aide d’urgence, notamment le Programme alimentaire mondial (PAM) qui ravitaille plus d’un million de personnes chaque mois via ses opérations transfrontalières.  Bien que le niveau d’hostilités reste inférieur à ce qu’il était en milieu d’année, une offensive militaire à grande échelle serait dévastatrice pour les trois millions de civils qui résident dans cette zone. 

Dans le nord-est, où la Turquie et des groupes armés non étatiques alliés ont lancé l’opération Source de paix au mois d’octobre, la situation humanitaire reste très grave même si les hostilités ont récemment diminué, a-t-elle poursuivi.  Plus de 70 000 personnes demeurent déplacées et près de 17 000 se sont réfugiées en Iraq.  Les organisations humanitaires ont mis en place un plan de réponse, mais avec 1,8 million de personnes dans le besoin, la tâche est considérable.  Un accès rapide et sans entrave demeure donc indispensable pour faire face à la situation.  Les évaluations doivent être facilitées pour recenser les besoins les plus urgents et les postes frontière doivent rester ouverts pour permettre d’acheminer l’assistance aux populations et aux missions de surveillance d’effectuer leur travail, a plaidé Mme Mueller, qui a appelé les parties au conflit à faciliter cette coordination. 

La Sous-Secrétaire générale a également indiqué que la situation dans le camp de Hol nécessite un plan d’urgence: plus de 60 000 personnes y vivent dont 94% sont des femmes et des enfants.  Elle a exhorté les gouvernements à récupérer leurs ressortissants, notant que nombre d’enfants non accompagnés et d’orphelins ont besoin d’une assistance particulière compte tenu des abus qu’ils ont déjà subis.  Leur meilleure chance de survie dépendra de leurs gouvernements, a-t-elle insisté. 

Mais, a poursuivi Mme Mueller, la situation serait bien pire sans les opérations transfrontalières.  L’aide fournie a permis d’éviter une crise humanitaire de plus grande envergure, car sans elle, des millions de civils seraient privés de soins et de nourriture.  Elle a indiqué que le Secrétaire général compte sur le Conseil de sécurité pour veiller à ce que l’ONU se voit autorisée à répondre aux besoins des personnes nécessitant une aide, notamment en renouvelant promptement les modalités de la résolution 2165 (2014).  Dans une lettre datée du 18 novembre, le Coordonnateur des secours d’urgence a, de son côté, insisté sur l’importance de maintenir ouverts les quatre postes frontière.  Ce renouvellement est indispensable pour continuer de sauver des vies, a-t-elle souligné.

Passant à la situation dans le camp de Roukban, dans le sud du pays, Mme Muller a indiqué que malgré leurs efforts répétés, l’ONU et le Croissant-Rouge arabe syrien n’étaient pas parvenus à y retourner depuis le mois de septembre pour appuyer les départs volontaires.  Beaucoup de résidents veulent quitter ce camp pour gagner des zones contrôlées par le Gouvernement mais les difficultés financières les en empêchent, a-t-elle expliqué.  Elle a toutefois qualifié d’encourageant le fait que le Gouvernement syrien ait autorisé l’ONU à effectuer des missions de suivi dans deux camps à Homs, où transitent des gens venant de Roukban.

Mme Muller a ensuite attiré l’attention sur les tendances qu’elle voit se dessiner pour 2020, avertissant que l’ampleur des besoins humanitaires ne risque pas de baisser.  Selon les estimations, 11 millions de personnes auront besoin d’une aide régulière, dont 5 millions nécessitant une aide d’urgence, et l’ONU table sur des besoins financiers similaires aux 3,3 milliards de dollars demandés cette année.  Dans la région, plus de 5,6 millions de réfugiés syriens ont également besoin d’aide ainsi que les communautés qui les accueillent, ce qui représente un coût estimé de 5,2 milliards de dollars.  Un soutien financier est donc fondamental, a-t-elle insisté. 

Mme Mueller a également prévenu que la situation économique de la Syrie risque d’aggraver les besoins humanitaires à mesure que le coût de la vie augmente, les revenus stagnent et la livre syrienne -qui a perdu la moitié de sa valeur en 2019- se détériore.  Les organisations humanitaires doivent pouvoir apporter une assistance pour éviter aux plus faibles de basculer dans la pauvreté, a-t-elle affirmé. 

La Sous-Secrétaire générale s’est par ailleurs inquiétée du nombre croissant d’incidents, dans le nord de la Syrie, impliquant des engins explosifs improvisés dans les marchés, les quartiers résidentiels et d’autres zones peuplées.  Quelque 49 incidents ont été vérifiés depuis fin octobre, dont 43 dans des zones contrôlées par les forces turques et des groupes armés non étatiques affiliés.  Au moins 78 civils ont été tués et plus de 300 blessés.  Elle a ensuite espéré que l’année à venir sera meilleure pour la population du pays.

« Pendant que nous nous préparons pour les vacances, près de trois millions de personnes à Edleb ont désespérément besoin d’un abri, de nourriture ou de médicaments et ne savent pas de quoi demain sera fait », a déclaré M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne).  Il a rappelé que, plus tard dans la journée, les membres du Conseil seront appelés à voter sur un projet de résolution, parrainé par le Koweït, la Belgique et l’Allemagne.  « Nous avons négocié ce texte ces dernières semaines d’une manière transparente, inclusive et approfondie avec tous les membres du Conseil et avons consulté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires et les pays voisins. »

Il a rappelé que le but de ce texte est d’apporter une assistance transfrontière vitale à plus de quatre millions de personnes.  Le délégué a aussi déclaré que lors des négociations « nous avons veillé à parvenir à un compromis afin que le Conseil parle d’une seule voix ».  Certains membres peuvent penser que ce texte, fruit d’un processus inclusif, peut encore être amélioré, a-t-il noté.  « Mais c’est la définition même d’un compromis: une amélioration est toujours possible, et ce n’est jamais à prendre ou à laisser. »  Le délégué allemand a exhorté le Conseil à envoyer un « signal fort d’unité ».  « Le monde nous regarde. »

M. KHALED SULAIMAN ALJARALLAH, Vice-Ministre des affaires étrangères du Koweït, a rappelé que son pays est co-porteplume de la résolution sur le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière en Syrie.  Il a souligné que ce mécanisme était « irremplaçable », compte tenu de la situation et du nombre de personnes qui ont besoin de cette assistance.  Pour cette raison, sa délégation entend avec d’autres travailler à un consensus sur cette question.

Le représentant a également déclaré que la crise syrienne a donné lieu  à une des « pires tragédies » humanitaires de l’époque, avec plus de 11 millions de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire en Syrie.  Le Koweït n’a cessé de mobiliser ses efforts, y compris en déboursant des fonds ou en organisant des conférences de donateurs.  Le Koweït a ainsi pu mobiliser 1,9 milliard de dollars, faisant de lui, un des premiers bailleurs de fonds pour la situation humanitaire en Syrie, a assuré le Vice-Ministre.

Il s’est également opposé à l’impunité pour les crimes commis en Syrie.  Pour cette raison, sa délégation soutient tous les mécanismes de reddition de comptes, dont le Mécanisme international chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international dans le conflit en Syrie.

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), le renouvellement du mécanisme de l’aide humanitaire transfrontalière est une priorité absolue, car il est indispensable pour venir en aide à plus de quatre millions de personnes dans le besoin.  Le régime de Damas, a-t-elle dénoncé, « obstrue l’accès humanitaire » et utilise l’aide à des fins politiques, et la situation reste instable.  La France appelle donc les membres du Conseil à faire preuve de responsabilité en reconduisant la résolution 2165 (2014) alors que la population s’apprête à affronter « les rigueurs d’un nouvel hiver de guerre ».  La survie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants en dépend, a-t-elle insisté. 

Par ailleurs, le respect du droit international humanitaire s’impose à tous et n’est pas négociable, a continué Mme Gueguen en condamnant les attaques contre les civils et les infrastructures civiles, notamment dans le nord-ouest de la Syrie.  Le Bureau d’enquête créé par le Secrétaire général doit apporter toute la lumière sur ces incidents.  Alors que plus de 70 000 personnes supplémentaires ont été déplacées en novembre, tout doit être fait pour établir un cessez-le-feu à Edleb, a-t-elle déclaré.  Enfin, la lutte contre le terrorisme est un enjeu crucial mais ne saurait être invoquée pour justifier les violations du droit international humanitaire, et ceux qui se rendent responsables de tels actes devront rendre des comptes devant la justice.  « Les preuves ne disparaîtront pas », grâce au mécanisme international, impartial et indépendant d’enquête sur les crimes commis en Syrie, a prévenu la représentante.  En conclusion, elle a rappelé qu’il n’y aurait pas de solution durable pour les Syriens sans processus politique crédible et estimé que la résolution 2254 (2015), qui demeure la feuille de route pour sortir du conflit, doit être mise en œuvre dans toutes ses composantes.

Compte tenu de la résurgence des hostilités dans les provinces d’Edleb, Hama, Alep et Lattaquié, qui ont provoqué le déplacement d’environ 60 000 personnes, en plus des 400 000 déjà répertoriées par l’Observatoire syrien des droits de l’homme, M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a appelé toutes les parties au conflit à mettre fin à la violence, assurer la sécurité et le bien-être des civils dans la conduite des opérations militaires et respecter le droit international humanitaire, notamment les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution.  Il s’est félicité des efforts visant à assurer la poursuite des livraisons humanitaires transfrontalières en faveur de milliers de personnes affectées par le conflit, notamment le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière institué par la résolution 2165 (2014).  La délégation appuie donc le renouvellement du mandat du mécanisme pour une période de 12 mois et exhorte la communauté internationale à appuyer les efforts destinés à garantir un accès humanitaire sûr, sans entraves et durable aux populations en détresse. 

M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS YABRA (République dominicaine) a constaté que les besoins humanitaires « écrasants » en Syrie le deviennent encore plus à chaque escalade de la violence.  Il s’est inquiété du fait que suite à l’incursion turque d’octobre, la situation demeure fragile.  Ainsi, 75 000 personnes sont encore déplacées et des milliers d’autres se heurtent à une pénurie d’eau et au manque d’abris et de soins de santé.  La situation au camp de Hol, dont la population est essentiellement composée de femmes et d’enfants, nécessite une réponse humanitaire urgente, en particulier le rapatriement des ressortissants étrangers dans leurs pays d’origine. 

Le représentant a jugé indispensable de mettre les « impératifs humanitaires » au cœur des décisions du Conseil, et a regretté qu’il ne réussisse pas à « rendre à ses décisions politiques leur humanisme ».  Il a souligné que la garantie d’une assistance humanitaire à quatre millions de personnes dans le nord de la Syrie par le truchement du mécanisme transfrontière est une responsabilité « exclusive, non transférable et surtout morale » que le Conseil ne saurait déléguer.  Chaque membre de cet organe a la possibilité de permettre, ou d’éliminer, le passage de 41% de l’assistance humanitaire à la Syrie partant du fait que l’appui au mécanisme est « l’unique moyen » de subsistance pour des millions de personnes.  Un peuple affamé, aux besoins aigus et avec sa vie en danger mérite tout notre courage, notre volonté politique et notre action résolue, a-t-il encore exhorté, appelant à l’unité du Conseil. 

Après deux années de discussions sur les questions humanitaires en Syrie, M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a constaté l’existence de deux camps irrémédiablement opposés.  Le panorama général de la situation humanitaire et sécuritaire en Syrie exige que les membres du Conseil, garants de la paix et la sécurité internationales, transcendent leurs égoïsmes, intérêts particuliers ou géostratégiques pour se centrer sur l’être humain comme pôle de tous les débats et discussions sur la question, a-t-il souligné.  Il a prévenu qu’une éventuelle opération d’envergure à Edleb et dans les régions adjacentes où s’affrontent encore l’armée gouvernementale et les forces de l’opposition notamment, aura certainement des conséquences potentiellement graves sur des millions de civils et sur le travail des services humanitaires. 

M. HAITAO WU (Chine) a estimé que pour résoudre la crise humanitaire en Syrie, il faut un certain nombre de conditions préalables.  En premier lieu, il faut respecter la souveraineté et l’intégrité territoriales de la Syrie.  La Chine salue les débuts de la Commission constitutionnelle syrienne et attend qu’elle puisse travailler en toute indépendance, sans ingérence extérieure et dans le cadre d’un dialogue intersyrien.  Il faut ensuite appuyer les mesures prises par le Gouvernement pour répondre à la situation humanitaire et lever les sanctions, a poursuivi le représentant.  Tout doit être fait pour l’aider à garantir le retour des réfugiés et l’accompagner dans la reconstruction économique et sociale pour un retour à une vie paisible pour les Syriens.  C’est ce que fait la Chine, à titre national, a-t-il assuré.

Enfin, a fait valoir M. Wu, il faut enfin lutter contre les groupes terroristes qui représentent une menace à la paix et à la sécurité partout dans le monde et dans la région.  Ils s’en prennent aux civils et causent des catastrophes humanitaires, a dit le représentant.  S’agissant du mécanisme de l’aide humanitaire transfrontalière, le représentant a déclaré que son pays avait quelques réserves sur ledit mécanisme.  C’est au Gouvernement syrien de mener des opérations humanitaires dans son pays, a-t-il argué.  Il faut donc travailler en coopération avec lui et tenir compte de ses vues. 

« Le monde regarde, la communauté internationale regarde, mais nous ne sommes pas là juste pour regarder », s’est désolé M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie).  Il a appelé le Conseil à agir, « puisque son mandat est de sauver des vies », réclamant dans la foulée une désescalade immédiate avant d’exhorter l’ensemble des principales parties prenantes en Syrie à respecter rigoureusement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  La délégation a également appelé les parties à mettre un terme aux attaques ciblant les civils ou leurs infrastructures. 

M. Djani a ensuite insisté sur l’importance de permettre un accès sûr, sans entraves et durable pour permettre la livraison de l’aide humanitaire.  Il s’est prononcé en faveur du renouvellement du mécanisme de surveillance de l’acheminement de l’aide transfrontalière humanitaire en Syrie.  Le délégué a en effet expliqué que quatre millions de gens dépendent du mécanisme pour survivre, et qu’il n’y avait pas d’autres alternatives.  

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) s’est déclaré gravement préoccupée par la situation humanitaire désastreuse en Syrie, tout en se félicitant des efforts déployés par l’ONU et ses agences humanitaires pour fournir une aide vitale à des millions de Syriens.  Il a fait part de son plein appui au programme d’aide humanitaire transfrontière et a souhaité son renouvèlement.

M. Mabhongo s’est en outre inquiété de l’escalade des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie.  La destruction des infrastructures civiles, en particulier des installations de santé et d’éducation, est particulièrement alarmante, car elle touche de manière disproportionnée les groupes les plus vulnérables de la société.  L’Afrique du Sud appelle, à cet égard, les parties aux différents accords de cessez-le-feu à respecter leurs obligations. 

Le représentant a également appelé toutes les parties à fournir l’assistance nécessaire pour appuyer le départ « en toute sécurité et dans la dignité » des quelque 4 000 personnes souhaitant quitter le camp de Roukban et de prodiguer l’aide à celles qui y restent. 

Ce sont les civils, en particulier les enfants, qui paient le prix fort de la guerre en Syrie, a souligné Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), dénonçant les attaques répétées contre des établissements scolaires et de santé à travers le pays.  Pas plus tard qu’il y a deux jours, a-t-elle rappelé, l’intensification des raids aériens à Edleb a fait de nombreuses victimes parmi les civils, causant notamment la mort de plusieurs enfants.  La représente a exhorté les parties à respecter les différents accords de cessez-le-feu en vigueur et à garantir le libre accès des agents humanitaires aux personnes dans le besoin.  Cela suppose, a-t-elle ajouté, d’assurer la sécurité des convois transfrontaliers acheminant de l’aide humanitaire dans les zones prioritaires. 

En moyenne, a poursuivi la déléguée polonaise, l’ONU vient en aide à 5,6 millions de Syriens dans le besoin chaque mois depuis le début de l’année, dont 4,2 millions ont bénéficié cet automne d’une aide alimentaire.  Face à un tel degré de vulnérabilité, a-t-elle ajouté, l’aide humanitaire transfrontalière est d’une importance capitale.  Aussi, la représentante a-t-elle réaffirmé l’appui de son pays au renouvellement du mécanisme de l’aide humanitaire transfrontalière.  « Sans lui, il serait impossible d’apporter une assistance vitale à des millions de personne », a-t-elle insisté.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les situations humanitaire et militaire les plus difficiles se situent dans les zones qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement syrien.  Il a affirmé que la zone de désescalade d’Edleb continue d’être un foyer du terrorisme, regrettant que les frappes menées par les terroristes ne fassent l’objet que de quelques lignes dans les médias alors, a-t-il affirmé, que 600 attaques ont été dénombrées en octobre et encore récemment à Alep.  Il s’est aussi inquiété du recours de plus en plus fréquent aux lance-roquettes et mortiers.  Durant la première semaine de décembre, 32 frappes au mortier ont été comptées sur Alep mais personne ne se demande comment ces terroristes se procurent encore ces munitions, a-t-il dénoncé.  Le représentant a également déploré que nul ne parle des cas nombreux où les terroristes se cachent parmi les civils et les utilisent comme boucliers humains, notamment à Edleb. 

M. Nebenzia a aussi regretté les accusations portées contre l’Armée syrienne à Edleb, « alors qu’elle respecte le cessez-le-feu ».  Après avoir indiqué que la Russie travaille avec Ankara pour éviter des heurts et pour améliorer la situation humanitaire dans le nord de la Syrie, M. Nebenzia a attiré l’attention sur Raqqa occupée pendant quatre ans par Daech et visée par les frappes de la coalition internationale.  L’infrastructure civile n’y existe quasiment plus, et il n’y a pas d’eau potable, ni vivres, ni médicaments, s’est-il alarmé.  Le représentant a appelé les organisations internationales à redoubler d’efforts pour faire face à la situation et la communauté internationale à rejoindre le processus de normalisation.  Si Damas pouvait retrouver le contrôle de son pétrole, les autorités syriennes auraient les moyens de rétablir la situation, a-t-il ajouté.

M. Nebenzia a par ailleurs indiqué qu’à la frontière entre la Syrie et l’Iraq, des points de passage contrôlés par l’armée avaient été ouverts.  Il a jugé faux d’affirmer que la région d’Edleb a besoin d’aide car, a-t-il affirmé, elle en reçoit déjà et cette aide va se poursuivre.  Il a toutefois convenu que l’aide destinée à Edleb doit continuer d’être acheminée par la frontière turque.

M. POPOLIZIO (Pérou) a exprimé sa préoccupation face à la dégradation de la situation humanitaire en Syrie.  En dépit des développements significatifs intervenus ces derniers mois sur les plans politique et militaire, des millions de personnes restent confrontées à des conditions d’absolue précarité, aggravées par la rigueur de l’hiver, a-t-il déploré, jugeant que ce constant rend impératif l’accès immédiat de l’aide humanitaire par tous les moyens disponibles, y compris transfrontaliers.  Pour le Pérou, a souligné le représentant, il est essentiel de prolonger de 12 mois cette modalité d’assistance en raison notamment de l’absence de moyens alternatifs pour accéder aux personnes vulnérables.  Il a souhaité, à cet égard, que la question soit abordée dans l’après-midi par le Conseil et a appelé ce dernier à se montrer uni face à sa responsabilité de protection de la population syrienne. 

Observant que la situation dans le nord-ouest du pays demeure volatile, du fait notamment du contrôle étendu de la zone par des groupes terroristes, M. Popolizio s’est dit alarmé par l’augmentation du niveau des violences, depuis le mois d’octobre, marquées par 136 nouveaux décès, des détentions arbitraires, des enlèvements et des destructions d’infrastructures.  Tout en réitérant sa condamnation des actes terroristes commis à Edleb et ailleurs en Syrie, il a souligné que la lutte contre ce fléau ne peut justifier la mise en danger de millions de personnes. 

Dans ce contexte, le Pérou salue les efforts déployés par les Nations Unies et d’autres agents humanitaires pour fournir une assistance aux plus de 67 000 personnes déplacées internes qui se trouvent dans le camp de Hol, et ce, dans des conditions logistiques extrêmement complexes.  Notant que près de la moitié de ces personnes sont originaires d’Iraq, il a encouragé les autorités de ce pays à faciliter le retour de ses ressortissants.  Il a estimé à cet égard que les initiatives conduisant au retour en Syrie de réfugiés ou de personnes déplacées doivent être menées selon des paramètres internationalement acceptés, qui garantissent un retour digne, sûr et volontaire. 

Le représentant a également jugé essentiel que les parties continuent à travailler à des mesures de renforcement de la confiance, en vue notamment de permettre la libération de détenus, l’identification de personnes disparues et la remise de dépouilles mortelles.  Enfin, il a souligné l’importance d’une mobilisation de la communauté internationale pour appuyer le déminage humanitaire et l’élimination des engins explosifs improvisés en Syrie.  À ses yeux, seule la réalisation d’une solution politique basée sur la résolution 2254 et sur le Communiqué de Genève permettra de surmonter la catastrophe humanitaire en Syrie, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays.   

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a estimé que la communauté internationale ne fait pas autant qu’elle le pourrait pour aider la population syrienne malgré les efforts « héroïques » des agences de l’ONU et des Casques blancs.  Elle a relevé qu’après sept années terribles, le processus politique a peut-être une chance, mais que sur le terrain, d’autres éléments ne progressent toujours pas à cause des autorités syriennes et des pays qui les soutiennent. 

La représentante a appelé à garantir le droit international humanitaire à Edleb et à Roukban, où les infrastructures civiles sont prises pour cibles, soulignant que la lutte contre le terrorisme ne peut justifier les attaques commises.  La situation est difficile et se détériore pour quatre millions de personnes, s’est-elle inquiétée.  Pour cette raison l’assistance transfrontalière demeure essentielle, a souligné Mme Pierce.  Elle a cependant averti que disposer de moins de quatre points de passage signifiera que moins de vies pourront être sauvées et que davantage de souffrance seront engendrées.  Elle a avoué ne pas comprendre ce qui a changé depuis l’an dernier pour justifier, aux yeux de certains membres du Conseil, une réduction si drastique du nombre de points de passage, qui passerait de quatre points pendant un an à deux points pour six mois seulement.

Mme Pierce a appelé le Conseil à adopter le texte des délégations porte-plumes et à mettre tout en œuvre pour protéger les civils.  Si l’ONU ne peut aider ces communautés, aucune preuve n’indique que le Gouvernement syrien souhaite ou peut le faire à sa place, a-t-elle affirmé.

Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a déclaré qu’une « nouvelle ère » se profilait à l’horizon pour la Syrie, avec une « lueur d’espoir », celle de voir la situation de 11 millions de personnes s’améliorer.  La communauté internationale et les millions de Syriens attendent et demandent un réaménagement de la résolution 2165 (2014). 

En 2020, a poursuivi la représentante, aucun Syrien ne devrait se voir privé du droit de recevoir une assistance humanitaire parce qu’il vit dans une région non contrôlée par le Gouvernement ou craindre que les opérations militaires du régime d’Assad et de la Russie n’obligent les convois d’aide de l’ONU à rebrousser chemin.  Elle a appelé le régime d’Assad et la Russie à respecter immédiatement le cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie. L’attitude cynique du « régime syrien » ne sera pas tolérée, a-t-elle prévenu.

La représentante a ensuite appelé le Conseil à prendre des mesures pour augmenter la qualité et le nombre d’accès de l’ONU en Syrie qui, a-t-elle déploré, demeure à seulement 30% du niveau désiré.  L’ONU doit également pouvoir étendre ses opérations au sud-ouest du pays, à Homs et dans la banlieue de Damas.

Mme Norman-Chalet a aussi estimé que l’ONU et les autres organisations humanitaires doivent avoir accès au nord-est de la Syrie pour venir en aide aux communautés qui se remettent du fléau de l’État islamique, ainsi que pour veiller à ce que le groupe ne réapparaisse ni en Syrie, ni en Iraq.

La délégué s’est, par ailleurs inquiété, de l’arrestation de plus de 150 personnes qui avaient volontairement quitté le camp de Roukban pour se rendre à Homs et a réclamé leur libération immédiate.

M. LOUAY FALOUH (République arabe syrienne) a indiqué que son pays a consenti des efforts considérables pour fournir une aide de base à tous ses citoyens, mais que ses efforts se sont heurtés aux terroristes et à l’embargo imposé par des gouvernements qui, a-t-il accusé, s’ingèrent dans les affaires syriennes de manière dévastatrice, bloquant toute solution. 

Il a également affirmé que les représentants de certains membres du Conseil, incapables de se comporter de manière constructive, ne sont mus que par leurs inimitiés contre la Syrie et leur « obsession » de l’accuser sans relâche, en brandissant des accusations montées de toutes pièces et niant tous ses efforts.  Il a ensuite accusé OCHA de manipuler les données pour faire passer l’aide aux terroristes et en priver ceux qui en ont besoin.

Le représentant a ensuite rejeté le projet de résolution des porte-plumes, déplorant que ces derniers continuent d’ignorer que le centre de l’action en Syrie est Damas.  Ils s’entêtent à méconnaître les développements sur le terrain depuis juillet 2014, quand l’État syrien a recouvré son contrôle sur toutes les zones que l’ONU considérait comme cernées ou difficiles d’accès, a déploré le délégué.  De son côté, OCHA s’est avéré incapable d’apporter des informations ou d’expliquer certains des partenariats engagés pour vérifier l’acheminement de l’aide.  Selon M. Falouh, les dispositions du projet de résolution témoignent d’une position hostile du Conseil envers la Syrie. 

Le délégué a ensuite appelé OCHA à instaurer une relation professionnelle avec les responsables syriens pour parvenir aux objectifs escomptés et à cesser toute instrumentalisation.  Il a aussi estimé que les gouvernements qui ont pris part à l’aggravation de la situation, refusent de reconnaître que la fin des souffrances nécessite le rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité de la Syrie.  Il importe également de veiller à la levée des restrictions imposées aux Syriens et à la sortie des forces américaines qui occupent les zones pétrolières et gazières en Syrie à des fins de piraterie de ces ressources, a-t-il ajouté.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a déclaré que la situation humanitaire demeurait « catastrophique » en Syrie, notamment à Edleb.  L’escalade en cours dans cette région a créé une nouvelle une vague de déplacements qui, aujourd’hui, pousse 50 000 personnes vers la frontière turque.  Cela n’affectera pas que la Turquie, mais ira au-delà, a prévenu le représentant, appelant à déployer tous les efforts pour faire d’Edleb, une zone de désescalade. 

Le représentant a également assuré que l’opération Source de Paix  lancée par son pays dans le nord de la Syrie est en train de rétablir une normalisation de la vie dans la région.  La bande de terre courant d’Afrin à l’Iraq, tout le long de la frontière turco-syrienne, est désormais libérée de toutes les organisations terroristes, rendant de fait la situation stable et sécurisée.  À tel point, a-t-il ajouté, que les agences turques y distribuent une aide humanitaire depuis octobre.

Il a également déclaré que les précédentes opérations que la Turquie avait conduites dans le nord-ouest avaient permis le retour de 370 000 personnes sur une base volontaire.  Son pays vise le même objectif pour la région du nord-est où 123 000 personnes sont déjà retournées à ce jour.  Tous les retours seront volontaires et sécurisés, a-t-il assuré. 

S’agissant du mécanisme transfrontalier, M. Sinirlioğlu a affirmé qu’il restait indiscutablement « vital » pour des millions de gens.  Il n’y a, là-dessus, aucune question politique: il s’agit d’une urgence humanitaire, a-t-il souligné.  Lorsque le Conseil de sécurité votera cet après-midi, il devra choisir entre les besoins du peuple syrien et le souhait du « régime d’Assad », a déclaré le représentant.  Il a appelé les membres du Conseil de sécurité à laisser de côté leur « calculs politiques » et à se concentrer sur les conséquences humanitaires de la crise en Syrie.  La politisation de cette question, notamment en ce qui concerne l’ajout du point de passage de Tell Abyad, ne servira pas les besoins du peuple syrien, a-t-il conclu.

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