8645e séance – après-midi
CS/13994

Conseil de sécurité: après l’offensive turque en Syrie, l’ONU réclame le passage de l’aide humanitaire par la frontière turco-syrienne

Malgré ses divisions flagrantes sur le conflit syrien, le Conseil de sécurité, réuni dans le cadre de l’exposé mensuel de l’ONU sur la situation humanitaire dans ce pays, s’est accordé, cet après-midi, sur la nécessité absolue de garantir la délivrance sûre et sans entrave de l’aide humanitaire aux populations dont le sort s’est encore dégradé après la récente offensive de la Turquie dans le nord-est syrien.

Avant l’intervention des Forces turques et de leurs alliés, qui a provoqué de nouveaux déplacements, déjà 1,8 million sur trois millions de personnes dépendaient de l’aide dans cette région, a rappelé la Sous-Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, Mme Ursula Mueller.  « Les hostilités les plus récentes aggravent une situation déjà très difficile », a-t-elle prévenu.  Pour continuer d’œuvrer efficacement, dans des conditions toujours plus compliquées pour les personnels humanitaires et leurs organisations, l’aide doit pouvoir être acheminée par la frontière turco-syrienne a-t-elle dit, en réclamant le renouvellement de la résolution 2165 (2014) qui garantit les opérations transfrontalières.

Cette nouvelle prorogation de la résolution a été appuyée également par la France et le Koweït, qui, s’exprimant au nom de la Belgique et de l’Allemagne, délégations porte-plumes sur la situation humanitaire en Syrie, a souhaité qu’elle intervienne « d’ici à la fin de l’année ».

Sur l’ensemble du territoire syrien, les Nations Unies et leurs partenaires fournissent une assistance humanitaire, depuis le début de l’année, à plus de 6 millions de personnes par mois, a expliqué Mme Mueller.  Cependant, le Plan d’aide humanitaire pour la Syrie n’est encore financé qu’à 45% et il faudra de nouveaux efforts pour répondre aux besoins de millions de personnes en Syrie bientôt confrontées à l’arrivée de l’hiver.  Pour la Sous-Secrétaire générale, trois priorités s’imposent: protéger les civils et les infrastructures dont ils ont besoin, garantir un accès sûr et sans entrave aux populations - y compris un accès transfrontalier - et enfin, cesser les hostilités, enclencher une désescalade au nord-est et au nord-ouest de la Syrie dans la région d’Edleb.

« À cause de nos rivalités internes, nous échouons dans notre tâche.  Nous devrions au moins être capables de nous mettre d’accord sur l’assistance humanitaire », a tancé l’Afrique du Sud, rappelant que le Conseil n’avait déjà pu se mettre d’accord le mois dernier pour condamner les hostilités dans le nord-ouest de la Syrie.  En revanche, « préparer et financer le retour des réfugiés et déplacés dans ces conditions est hors de question », ont prévenu la France, l’Allemagne et la Pologne, rappelant que pour l’Union européenne, la situation est loin d’être stabilisée et les conditions de sécurité réunies.

Le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA), M. Mohamed Khaled Khiari, a également expliqué que les populations craignent, si elles rentrent, de ne plus recevoir d’aide humanitaire mais redoutent tout autant les forces gouvernementales, des vengeances politiques ou encore l’enrôlement de force dans l’armée.

Pour autant, cette nouvelle détérioration de la situation humanitaire ne doit pas entraver le lancement du processus politique, seule possibilité de sortie de crise, seule issue possible au conflit syrien, avec le lancement la semaine prochaine à Genève de la Commission constitutionnelle sous l’égide de l’ONU, ont avancé plusieurs orateurs. 

Alors que les États-Unis se sont félicités de la trêve obtenue auprès de la Turquie et la Fédération de Russie, et de leur mémorandum d’entente sur le contrôle de la frontière, le représentant russe a insisté sur le départ de toute présence militaire étrangère.  Le respect de la souveraineté territoriale syrienne et le rejet de toute tendance séparatiste est indispensable, la sécurité ne saurait être garantie tant que le régime syrien n’aura pas le contrôle de tout son territoire, a-t-il fait valoir.

Toute avancée politique devra toutefois s’accompagner de justice: il faudra que les auteurs d’atrocités soient identifiés et rendent des comptes devant la justice, ont demandé les orateurs européens et le Koweït.  La Pologne a fait état d’exécutions sommaires depuis l’opération turque qui, si les faits sont avérés, constituent des violations graves du droit international humanitaire, voire « des crimes de guerre » et devront faire l’objet d’une enquête, a-t-elle indiqué.

Enfin, le risque de voir Daech se reconstituer à la faveur des derniers troubles dans le nord-est est une inquiétude manifeste au sein du Conseil.  Ce qui se joue au nord-est met en péril plusieurs années de lutte efficace contre Daech aux côtés des forces démocratiques syriennes, a estimé la France qui redoute une « dispersion des combattants terroristes et le renforcement des cellules clandestines de Daech ». 

Le représentant de la Syrie a déploré le fait que « les hauts fonctionnaires onusiens n’ont pas condamné l’agression turque contre son pays », alors que les opérations militaires turques se déroulent bien en Syrie « et non pas sur Mars ni sur Venus ».  Il a dénoncé le prétexte de la Turquie qui justifie cette agression par la nécessité de lutter contre le terrorisme. 

La Turquie a mené cette opération en plein respect du droit international et du droit international humanitaire, s’est défendu le représentant turc. Souhaitant s’expliquer sur l’opération « printemps de la paix » lancée par son gouvernement dans le nord de la Turquie, il a affirmé qu’il s’agissait d’une opération transfrontière destinée à combattre les organisations terroristes, y compris le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le Parti de l’Union démocratique (PYD), les Unités de protection du peuple kurde (YPG) et Daech, dont tous condamnent les « violences inhumaines ». Il a encore reproché à certains États Membres de l’ONU d’approvisionner ces organisations, en dépit des mises en garde répétées de la Turquie.

La Directrice du Service de la lutte antimines de l’ONU, Mme Agnès Marcaillou, a souligné la dimension humanitaire du fléau des mines en Syrie.  Alors que l’ampleur totale de la pollution par les mines n’est pas connue, les projections pour 2020 indiquent que 2 563 communautés, soit 11,5 millions de personnes, seront affectées, soit une augmentation considérable par rapport à 2019, quand 10,2 millions de personnes vivent déjà dans des zones à risques. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT - S/2019/820

Déclarations

Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, a indiqué que depuis le début des opérations militaire lancées par la Turquie et des groupes armés qui lui sont alliés, au début du mois, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a reçu des informations inquiétantes sur la situation humanitaire. 

L’ONU, a-t-elle dit, a reçu des garanties de la Turquie sur la protection des civils et des infrastructures dont ils dépendent, mais les hostilités ont provoqué le déplacement de près de 180 0000 personnes, dont 80 000 enfants qui ont fui vers le sud au cours des deux dernières semaines.  L’ONU demeure très préoccupée quant aux perspectives d’hostilités à venir à la frontière entre la Syrie et la Turquie. 

Les hostilités les plus récentes aggravent une situation déjà très difficile, a insisté Mme Mueller.  Avant l’offensive, 1,8 million de personnes sur 3 millions étaient déjà dans le besoin, et l’ONU et ses partenaires aidaient en moyenne chaque mois 1,25 million de personnes.

Les acteurs humanitaires continuent de travailler sur le terrain dans un contexte dangereux.  Nombre d’organisations non gouvernementales travaillent depuis l’Iraq, mais beaucoup ont dû limiter ou suspendre leurs opérations, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe.  Pour satisfaire les besoins immédiats, les Nations Unies ont fourni une aide alimentaire à plus de 286 000 personnes et plus de 10 tonnes de médicaments.  Le Programme alimentaire mondial (PAM) en particulier s’est efforcé de positionner des stocks pour faire face aux besoins pendant un mois.  Mais les parties doivent garantir qu’elles prendront toutes les mesures nécessaires pour prévenir les dommages causés aux civils. 

« Alors que la situation évolue, le défi majeur des travailleurs humanitaires est de pouvoir continuer d’agir, aussi toutes les parties doivent-elles leur garantir un accès sûr et sans entrave au nord-est de la Syrie, par voie aérienne et terrestre. »  Mme Mueller a indiqué que le fonds humanitaire syrien constitué par 16 partenaires prévoit 15 millions de dollars pour le nord-est. 

Par ailleurs, dans le camp de Hol qui accueille 68 000 réfugiés, dont 94% de femmes et d’enfants, la situation est désespérée, a déploré la Secrétaire générale adjointe.  Malgré une présence réduite, les acteurs humanitaires continuent de fournir des services de base mais il faudra un soutien accru dans les semaines à venir. 

Au nord-ouest, a rappelé Mme Mueller, environ trois millions de personnes vivent dans la zone d’Edleb et il faudra veiller à ce qu’elles reçoivent l’attention nécessaire, alors que 2,1 millions de personnes dépendent de l’aide et qu’1,6 million sont déplacées.  Des rapports récents ayant signalé une reprise des hostilités, elle s’est dite préoccupée à cette perspective alors que plus de 400 000 personne ont été déplacées entre mai et septembre et ont gagné des zones déjà fortement peuplées. 

« Les Nations Unies n’ont d’autres moyens pour acheminer l’aide que d’emprunter la frontière turco-syrienne », a-t-elle prévenu, avant de demander au Conseil de sécurité la prolongation de la résolution 2165 (2014) qui garantit les opérations transfrontalières.

Face aux difficultés opérationnelles, a assuré Mme Mueller, les Nations Unies continuent d’acheminer l’aide partout en Syrie.  Au premier semestre 2019, elles ont atteint en moyenne chaque mois 6,3 millions de personnes.  Sans autre financement, la disponibilité de l’aide va se réduire alors que les mois froids arrivent, a-t-elle toutefois prévenu.  Le Plan d’aide humanitaire est financé à 45% et il faudra de nouveaux efforts pour répondre aux besoins de millions de personnes en Syrie. 

La Secrétaire générale adjointe a insisté sur la nécessité absolue de trouver une solution politique pour mettre fin à la violence.  En résumé, elle a rappelé trois priorités: protéger les civils et les infrastructures dont ils ont besoin; garantir un accès sûr et sans entrave aux civils nécessiteux, y compris un accès transfrontalier; et enfin, cesser les hostilités et enclencher « une désescalade » au nord-est et au nord-ouest de la Syrie.

Le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA), M. MOHAMED KHALED KHIARI, a dit qu’en dépit de la situation humanitaire extrêmement volatile en Syrie, on a noté, ces dernières semaines, une série d’activités diplomatiques « encourageantes » dans le nord-est du pays, même si des incertitudes demeurent. 

Ainsi, le 17 octobre dernier, a rappelé M. Khiari, la Turquie et les États-Unis ont annoncé une pause de 120 heures des opérations militaires turques afin de « permettre le retrait des Unités de protection du peuple kurde (YPG) de la zone de sécurité ».  Le 22 octobre, les Présidents turc et russe ont réitéré « leur engagement à préserver l’unité politique et l’intégrité territoriale de la Syrie, ainsi que la protection de la sécurité nationale turque ».  Ils ont donc décidé de préserver le statu quo et ont convenu que la police militaire russe et les garde-frontières syriens devront entrer dans les zones à l’ouest et l’est de Tall Abyad et Ras al-Aïn, afin de faciliter le retrait des éléments de l’YPG et leurs armes dans la zone de 30 km à l’intérieur des frontières syriennes avec la Turquie. 

L’ONU a pris note de ces accords et salue tout effort de désescalade en vertu de la Charte des Nations Unies, a indiqué le Sous-Secrétaire général.  De même, l’ONU a pris note de l’annonce faite par la Turquie selon laquelle « en ce moment, il n’est plus besoin de mener une nouvelle opération en dehors de la zone actuelle d’opération ». 

M. Khiari a souligné que le mémorandum d’accord entre les parties russe et turque du 22 octobre dernier indique également que des efforts conjoints seront faits pour faciliter un retour sûr et volontaire des réfugiés.  Et le Président turc avait auparavant affirmé que cette opération militaire tenait effectivement compte de cet objectif, et que jusqu’à deux millions de réfugiés pourraient retourner dans la région. 

Le haut fonctionnaire a relevé que « les populations de la région restent dans l’attente et ont peur de ne plus pouvoir recevoir d’aide humanitaire, ou encore de souffrir des conséquences d’un retour des forces gouvernementales ».  Cela inclut, a-t-il précisé, la peur des détentions arbitraires, des vengeances politiques violentes ou encore l’enrôlement de force dans l’armée. 

Il a invité le Conseil de sécurité à tout faire pour protéger les civils et les infrastructures civiles, tout en assurant un accès humanitaire sans entrave et en aidant les parties à résoudre les questions de sécurité par des moyens pacifiques.  Le Sous-Secrétaire général a également invité la communauté internationale à apporter un soutien accru aux pays voisins de la Syrie qui accueillent des réfugiés.  Il a plaidé pour que ces derniers puissent retourner dans leur pays, notamment sur un lieu de leur choix.  Pour que cela se fasse, il a invité les parties à adhérer au principe de non-refoulement. 

En ce qui concerne la situation des camps de Hol et de Roj situés dans le nord-est du pays, M. Khiari a rappelé qu’ils abritent quelque 70 000 civils, dont plus de 95% sont des femmes et des enfants, qui vivent dans des conditions difficiles et dans l’incertitude sur leur sort.  Ils sont ainsi inquiets du risque de ne pouvoir être rapatriés, réhabilités et réintégrés ou d’avoir un procès équitable.  Il a rappelé que tous les enfants, y compris ceux soupçonnés d’avoir été associés à des groupes armés, doivent bénéficier d’une protection spéciale, en vertu du droit internationale humanitaire et du droit international, y compris la Convention relative aux droits de l’enfant.  Ils doivent donc, a-t-il insisté, être considérés comme des victimes.  En outre, le Sous-Secrétaire général a demandé qu’une solution soit trouvée de toute urgence à la question des combattants étrangers.  Il a invité les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour le rapatriement de leurs citoyens, afin que ceux-ci soient jugés, réhabilités et réintégrés, dans le respect du droit international. 

Au sujet de la région d’Edleb, M. Khiari a parlé d’une réduction de frappes aériennes depuis l’annonce d’un cessez-le-feu en août dernier.  Mais les tirs d’artilleries se sont poursuivis, alors que les frappes aériennes ont repris le 12 octobre dernier, avec des rapports faisant également état d’attaques d’hélicoptères et d’usage de barils d’explosifs.  Une offensive militaire à Edleb aurait de graves conséquences en matière de pertes en vies humaines, a-t-il mis en garde.  Il a souligné l’importance d’une sortie de crise en Syrie, dans la ligne des recommandations de la résolution 2254 (2015) qui met l’accent notamment sur un processus politique.  Il a ainsi plaidé pour un processus politique mené par les Syriens eux-mêmes, et dont la prochaine étape est la réunion de la Commission constitutionnelle qui sera à pied d’œuvre à Genève en fin du mois sous l’égide de l’ONU. 

Mme AGNES MARCAILLOU, Directrice du Service de la lutte antimines de l’ONU, a déclaré que la question des mines en Syrie est considérée par tous les acteurs comme relevant d’une priorité immédiate pour répondre de manière adéquate aux besoins humanitaires dans le pays. 

Alors que l’échelle totale de la pollution par les mines n’est pas connue, les projections pour 2020 indiquent que 2 563 communautés, soit 11,5 millions de personnes, seront affectées, soit une augmentation considérable par rapport à 2019, où 10,2 millions de personnes vivant dans des zones à risques. 

Sur la base des chiffres actuels, a expliqué Mme Marcaillou, on comptabilise en moyenne 184 incidents explosifs par jour, avec environ un tiers des survivants amputés d’une jambe.  Le nombre de victimes ne cesse de croître, occasionnant des traumatismes psychologiques.  Par ailleurs, les rapports disponibles montrent que 50% des incidents ont lieu dans les zones rurales, avec un quart des accidents dans les environs immédiats des zones résidentielles. 

Le Service de la lutte antimines a étendu ses activités partout en Syrie, a précisé la Directrice, l’objectif étant de réduire l’impact des engins explosifs sur la population civile, y compris par la fourniture de services de coordination et pour répondre aux besoins les plus urgents.  Depuis janvier, il a formé 70 éducateurs antimines, qui se sont déployés dans les zones rurales de Damas, pour atteindre 18 000 personnes réparties dans 60 communautés.  Le Service a également commencé ses activités de formation dans la province de Hama, où vivent environ 46 communautés gravement menacées par les risques d’explosion. 

Mme Mercaillou a expliqué que son service a également assuré la formation de personnels de 32 agences en guise de soutien aux équipes de pays des Nations Unies.  Des campagnes en ligne sur les réseaux sociaux et par messagerie téléphonique ont été lancées.  Plus de 55 millions d’alertes sur les risques d’explosion ont été envoyées à cet effet.  Par ailleurs, sur la base de la résolution 2449 (2018), de janvier à juillet dernier, 365 communautés ont été contrôlées et 370 engins explosifs identifiés et marqués dans les provinces d’Alep, d’Edleb et de Hama au nord.  De plus, 677 000 personnes ont reçu des formations sur les risques d’explosion dans 73 sous-districts.  Par ailleurs, 280 000 kits éducatifs ont été distribués, y compris dans 100 écoles à risques. 

En outre 3 800 survivants d’explosifs ont reçu une assistance sous forme psychologique ou matérielle.  Enfin, le Gouvernement syrien a accepté que le Service examine la possibilité de renforcer l’implantation de ses activités, avec l’assistance d’autres opérateurs internationaux, dont le Gouvernement établira la liste, a conclu la Directrice, assurant que ses activités s’inscriraient dans le cadre du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie et des principes d’impartialité, de neutralité, d’indépendance et d’humanité de l’action humanitaire. 

BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït), également au nom de la Belgique et de l’Allemagne, délégations porte-plume sur la situation humanitaire en Syrie, a qualifié de « profondément préoccupante » l’opération militaire turque en Syrie, avant de rappeler que toute opération militaire doit pleinement respecter le droit international et d’exhorter toutes les parties à la plus grande retenue.  Le délégué a pris note de la violence dans le nord-est du pays et condamné toute attaque contre les civils et les infrastructures civiles.  Les parties doivent se conformer aux principes de proportionnalité, de précaution et de distinction, a-t-il insisté, demandant l’arrêt de la violence.

Le représentant du Koweït a rappelé la nécessité vitale des opérations humanitaires transfrontières, comme souligné par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2449 (2018), et souhaité une nouvelle résolution d’ici la fin de l’année.  Il a insisté sur la nécessité pour toutes les parties de respecter le droit international humanitaire dans toute la Syrie.  M. Almunayekh a demandé une reddition de comptes pour les violations massives du droit international commises en Syrie et soutenu, pour cette raison, le Mécanisme d’enquête international et indépendant sur la Syrie.  Enfin, le délégué a appelé la Commission constitutionnelle, agréée récemment, à progresser sur la voie d’une solution politique, en conformité avec la résolution 2254 (2015). 

M. BARKIN (États-Unis) s’est félicité de la trêve en cours, mais il a déploré les nouveaux déplacements provoqués par les récentes hostilités.  Il a dit avoir « bon espoir » de voir un cessez-le-feu permanent respecté et la vie des civils protégée, ainsi que les acquis contre Daech sauvegardés.  Mais la Turquie doit respecter ses engagements à empêcher Daech de reprendre ses activités en Syrie, a ajouté le représentant.  Il a enjoint la Turquie à enquêter sur d’éventuelles violations du droit des conflits armés.

M. Barkin a également attiré l’attention sur la situation dans le nord-ouest de la Syrie qui se trouve au bord d’une catastrophe humanitaire « sans précédent » dans ce conflit.  Il a demandé une fois encore au régime de M. Assad et à ses alliés de respecter les accords de cessez-le-feu de 2018 et appelé toutes les parties à appuyer l’enquête sur les attaques contre les infrastructures civiles.  À l’avenir, le Conseil de sécurité ne devrait pas oublier que la résolution 2254 (2015) exige la fin des attaques contre les civils, a conclu le représentant, avant de demander à l’ONU d’engager les parties à entamer des négociations officielles pour lancer le processus politique.

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé qu’un mémorandum d’entente avait été signé entre son pays et la Turquie le 22 octobre dernier, que les partenaires iraniens et syriens ont salué.  Selon lui, le problème syrien est simple: c’est la déstabilisation de l’autre côté du fleuve Euphrate et l’occupation illégale de la zone, tout comme cette expérimentation qui a permis de mettre en opposition populations arabe et kurde.  Il a appelé au respect de l’intégrité territoriale de la Syrie, en expliquant que des mesures avaient été prises pour le déploiement des garde-frontières syriens.  Son pays, a-t-il déclaré, est prêt à accompagner le Gouvernement syrien et les kurdes dans le cadre d’un dialogue.  En outre, la police militaire russe est désormais présente dans la zone frontalière avec la Turquie, et des patrouilles conjointes avec les Turcs vont bientôt commencer.  Le représentant a dit qu’à terme, la Syrie doit être libérée de toute présence militaire étrangère. 

M. Nebenzia a aussi fait remarquer que le mémorandum d’entente mentionne l’importance de la poursuite de la lutte contre le terrorisme, notamment contre des éléments qui profiteraient de la situation actuelle pour mener des attaques.  Il a demandé à « ceux qui ont créé les prisons abritant les terroristes » de ne pas confier la responsabilité de leur gestion à d’autres parties.  En effet, il a mis en garde sur le risque de voir ces éléments s’enfuir et reprendre pied dans la région.  Il n’a pas manqué d’insister sur le fait que les terroristes ne doivent pas être catégorisés en « modérés » et « radicaux ».  Le représentant russe a ensuite déploré le fait que des extrémistes présents à Edleb dispersent des manifestations pacifiques en ouvrant le feu sur les foules.  Selon lui, tant que les terroristes contrôlent la région, la situation ne peut qu’empirer. 

Malgré ce qui se passe sur le terrain, il a salué l’annonce de la tenue de la réunion de la Commission constitutionnelle syrienne à Genève la semaine prochaine.  Pour l’instant, la Russie est engagée à soutenir les efforts du Gouvernement syrien pour le retour des déplacés et réfugiés dont des centaines de milliers sont déjà rentrés chez eux.  Le représentant a également déploré la situation catastrophique du Camp de Hol, se disant inquiet de l’idéologie djihadiste qui s’y répand.  Pour lui, il est temps de transférer la responsabilité de ce camp aux autorités syriennes.  M. Nebenzia a conclu en rappelant l’implication russe dans les activités de déminage en Syrie, qui a pour ambition d’œuvrer au retour de la normalisation de la vie des Syriens.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé qu’avec l’Union européenne (UE), la France avait condamné l’action militaire unilatérale conduite par la Turquie en Syrie car « ce qui se joue dans le nord-est syrien est grave ».  C’est le résultat de plusieurs années de lutte contre Daech aux côtés des forces démocratiques syriennes qui se trouve en péril, a-t-il expliqué.  Il a également insisté sur le risque de dispersion des combattants terroristes et de renforcement des cellules clandestines de Daech.  Il a par ailleurs souligné l’impact humanitaire considérable de l’offensive turque dans le nord-est et assuré que la France allait maintenir son assistance avec l’octroi d’une aide d’urgence de 10 millions d’euros.  En revanche il a réitéré la position des 28 de l’UE qui refusent de financer des opérations de retour des réfugiés, jugeant que la situation est loin d’être stabilisée et les conditions de sécurité réunies.

M. de Rivière a appelé au renouvellement de la résolution 2165 du Conseil car il n’y a d’autres solutions pour aider les personnes qui en ont besoin que d’acheminer l’aide par la frontière turco-syrienne. 

« Prenant note » du mémorandum conclu mardi entre la Turquie et la Russie, il a assuré que la priorité restait la prolongation de la trêve en vigueur et une sortie de crise par la voie diplomatique, avant d’exprimer la volonté du Président français d’engager « une discussion franche et exigeante avec la Turquie ».  Cette trêve doit s’accompagner de progrès dans trois directions: poursuite de la lutte contre Daech, protection des populations et reprise rapide du processus en vue d’un règlement politique d’ensemble de la crise syrienne.  Le lancement de la Commission constitutionnelle est un point de départ mais il faudra également avancer sur les autres aspects du processus politique qui passe par des mesures de confiance et des demandes de comptes aux auteurs d’atrocités.  La lutte contre le terrorisme est indispensable mais ne saurait justifier des violations des droits de l’homme, a souligné le délégué.  Il a par ailleurs rappelé que le respect du droit international humanitaire s’impose à tous et n’est pas négociable. 

M. BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a déclaré que la population syrienne ne pourra retourner à une vie normale tant que l’incertitude et l’insécurité prévaudront, et sans un progrès palpable dans le processus politique.  Elle ne pourra le faire sous un « feu croisé » et sous l’énorme menace d’une résurgence du terrorisme tant en Syrie que dans la région, voire au-delà.  Partant, une large concertation politique reste la seule option viable et durable sur laquelle il convient que le Conseil s’engage plus résolument que jamais, a souligné le représentant.  Il a jugé indispensable d’arriver à une cessation des hostilités au niveau national pour alléger le fardeau de la population, établir la confiance et dynamiser le processus politique conformément à la résolution 2254, en mettant l’accent sur les travaux de la Commission constitutionnelle. 

Le représentant a aussi préconisé une action humanitaire « intégrale et robuste », qui contribue à la protection de millions de personnes vulnérables, y compris les déplacés et les réfugiés.  À cet égard, il a réclamé un accès humanitaire sûr et sans entraves à toute la Syrie, demandant aussi la protection des acteurs humanitaires et le respect de toutes les règles du droit international, notamment du droit international humanitaire.

S’agissant de la situation dans le nord-ouest de la Syrie, avec l’offensive militaire en cours et le projet de créer une « zone sûre » avec la réinstallation postérieure des réfugiés, il a exhorté toutes les parties à préserver, d’abord et avant tout, la dignité et la sécurité de toutes les personnes.  Il a aussi appelé à matérialiser l’accord qui ne devra, sous aucun prétexte, violer les droits et libertés de la population civile ni limiter l’assistance humanitaire. 

M. JUN ZHANG (Chine) a plaidé pour une solution politique à la crise syrienne.  Il s’est dit inquiet notamment de la situation dans le nord-est du pays.  La Chine est contre le recours à la force dans les relations internationales, a-t-il rappelé, en invitant au respect de la souveraineté syrienne.  Il a dit espérer que le mémorandum d’entente russo-turc permettrait de suivre la voie de la paix.  Il a également émis le vœu que la réunion de la Commission constitutionnelle prévue à Genève serait couronnée de succès. 

Pour la Chine, le manque de fonds pour financer le plan humanitaire syrien contribue à aggraver la situation.  Le représentant a invité les parties concernées à favoriser le retour des réfugiés syriens, avant de saluer le travail du Service de la lutte antimines de l’ONU.  Il a aussi insisté sur la lutte contre le terrorisme, notamment dans la région d’Edleb.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a salué les efforts de l’ONU et d’autres agences humanitaires pour soutenir les dizaines de milliers de personnes du nord-ouest de la Syrie qui se trouvent dans une situation extrêmement vulnérable.  La délégation a également salué les interventions au plus haut niveau de la Russie et des Etats-Unis auprès des autorités turques afin d’éviter une nouvelle détérioration de la situation et d’établir un cessez-le-feu permanent.  Dans le même temps, elle a fait remarquer que la présence de forces étrangères ne peut avoir qu’un caractère provisoire et ne doit pas conduire à une partition de facto du pays. 

L’accent mis sur la situation dans le nord-ouest de la Syrie ne doit pas faire oublier l’urgence de répondre à la crise humanitaire dans d’autres régions, a continué la délégation, ni l’importance du déminage humanitaire et du retrait d’engins explosifs improvisés qui continuent à faire des victimes dans la population.  Face à l’intensification de la violence ces dernières semaines, il est urgent de parvenir à une solution politique sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève, a conclu la délégation, espérant que la première réunion de la Commission constitutionnelle débouchera sur la réconciliation syrienne.

M. TIÉMOKO MORIKO (Côte-d’Ivoire) s’est dit préoccupé par la reprise des hostilités dans la province d’Edleb en avril dernier, et par l’offensive turque lancée le 9 octobre dans le nord-est de la Syrie.  Déplorant que la frontière turco-syrienne soit devenue « une zone à risques » depuis l’offensive turque, aggravant la situation humanitaire dans le pays, M. Moriko a condamné les attaques contre les populations et les infrastructures civiles, et rappelé aux protagonistes que la conduite des opérations militaires ne saurait les dispenser de leurs obligations au regard du droit international humanitaire. 

Le représentant a par ailleurs salué la poursuite de la trêve unilatérale décrétée depuis le 31 août 2019 par la Fédération de Russie et les forces gouvernementales dans la province d’Edleb.  Il s’est réjoui que les médiations américaines et russes aient abouti à la décision de la Turquie d’observer un arrêt de l’offensive contre les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie.  Encourageant la poursuite du dialogue avec la Turquie et les forces kurdes, M. Moriko a exhorté tous les acteurs de la crise syrienne à œuvrer davantage à la désescalade, ainsi qu’à l’instauration d’un cessez-le-feu définitif, condition nécessaire pour relever les défis humanitaires dans la région et garantir les chances de succès de la réunion prévue le 30 octobre prochain à Genève, en vue d’opérationnaliser la Commission constitutionnelle. 

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a souhaité que les hostilités cessent de manière permanente et a jugé essentiel de prendre des mesures adéquates pour protéger les civils, y compris ceux qui se trouvent dans le camp de personnes déplacées.  Toutes les parties doivent s’assurer que leurs activités respectent le droit international et faire en sorte que les accords de cessez-le-feu deviennent réalité, a-t-il ajouté.  Le délégué a ensuite exhorté les parties à garantir un accès humanitaire immédiat, sûr et sans entraves à toutes les populations dans le besoin.  Les hostilités ne doivent pas interrompre le processus politique en cours, a-t-il dit.  Il a rappelé que le lancement des travaux de la Commission constitutionnelle avait respecté le calendrier fixé, souhaitant que le processus reste sur de bons rails.  Enfin, pour le représentant de l’Indonésie, mettre fin à la crise humanitaire en Syrie est difficile mais « faisable ».

Pour M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) les récents développements dans le nord-est de la Syrie ont confirmé les pires inquiétudes de son pays et provoqué des déplacements massifs de population et des victimes de toutes parts.  Les informations faisant état de crimes de guerre devront faire l’objet d’une enquête indépendante et les coupables devront être traduits en justice, a-t-il réclamé.  Il s’est dit en particulier inquiet des risques de déstabilisation de la région tout entière, d’une nouvelle détérioration de la situation humanitaire et d’un regain d’activité de la part de l’État islamique: le risque de le voir ressurgir et commettre de nouveaux attentats est bien réel, a-t-il insisté.  Tout en saluant les étapes qui ont conduit à cesser les combats dans le nord-est de la Syrie, il a estimé que le succès de ces accords sera jugé selon qu’ils permettront d’aboutir à un véritable cessez-le-feu et à une désescalade à long terme, et de mettre fin à l’offensive militaire turque dans le nord-est de la Syrie. 

Cependant la situation dans le nord-ouest ne doit pas être oubliée en particulier à Edleb où les derniers mois ont vu des offensives militaires brutales menées par le régime syrien et ses alliés.  Il a cité de récentes informations de presse, dans le New York Times, confirmant que les hôpitaux et autres installations civiles ont été délibérément visés par les raids aériens.  Ceci doit faire l’objet d’une enquête car la lutte contre le terrorisme ne peut justifier des attaques indiscriminées contre les civils, a plaidé le représentant.

Plus que jamais, une solution durable au conflit en Syrie ne peut être trouvée sur le plan militaire mais doit passer par un processus politique sous les auspices des Nations Unies, a-t-il insisté en appelant les parties à s’abstenir de toute action qui pourrait l’entraver alors que la Commission constitutionnelle doit entamer ses travaux la semaine prochaine, le 30 octobre, sous les auspices de l’ONU.  Enfin, il a rappelé que pour l’Allemagne les véritables causes du conflit résident dans la politique brutale du régime syrien, la répression et la persécution qui empêchent toujours les déplacés et réfugiés de rentrer chez eux.  Tant que ce régime ne modifiera pas son comportement brutal et ne mettra pas un terme aux violations continuelles des droits de l’homme, l’Allemagne maintiendra sa pression et veillera à ce qu’aucun des crimes commis dans ce conflit ne reste impuni, a-t-il mis en garde.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) s’est dit préoccupé par l’évolution de la situation dans le nord-est de la Syrie à la suite de l’opération militaire turque.  Selon lui, cette incursion pourrait en effet contribuer à une dégradation de la situation humanitaire déjà « dramatique » dans la zone, où plusieurs victimes civiles ont déjà été signalées.  Le représentant a également cité des rapports faisant état de 9 500 enfants répartis dans trois camps de réfugiés, dont la moitié serait âgé de 5 à 12 ans.  Leur survie dépend « exclusivement » de l’aide humanitaire, a-t-il précisé, soulignant que toute interruption dans le fonctionnement de ces camps déjà « débordés » risquerait de mettre la vie de ces enfants en danger.  Le représentant a par conséquent appelé toutes les parties à mettre l’accent sur la protection des civils et à respecter leurs obligations du point de vue du droit international humanitaire.  Il a en outre condamné les exécutions sommaires qui aurait eu lieu dans la zone depuis l’opération turque.  S’ils sont avérés, de tels incidents constituent des violations graves du droit international humanitaire, voire des crimes de guerre.  « Tout rapport concernant ces violations présumées doit faire l’objet d’une enquête et les auteurs doivent être traduits en justice », a-t-il insisté.

Par ailleurs, M.Lewicki a pris note de l’Accord conclu à Sotchi entre la Turquie et la Fédération de Russie, et espéré qu’il puisse entraîner une désescalade à long terme et une stabilisation tangible de la situation dans le nord-est de la Syrie ».  Il s’est encore inquiété de l’incidence potentielle de la récente opération militaire sur les avancées réalisées sous l’égide de l’ONU dans le cadre du processus politique de Genève.  Le représentant a rappelé que la Turquie demeurait un partenaire « clef » de l’Union européenne, un allié au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et un « acteur majeur » de la crise syrienne.  « Nous attendons donc de la Turquie qu’elle agisse de façon responsable et clairvoyante dans le cadre du conflit syrien », a-t-il insisté.  « Nous avons reçu des informations très troublantes concernant l’évasion de prison d’un nombre indéterminé de combattants de Daech », a-t-il encore déploré, estimant que cette évolution risquait d’entraîner une recrudescence du groupe terroriste dans la région.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est félicité de la conclusion d’un cessez-le-feu dans le nord-est de la Syrie.  La délégation se réjouit que ce cessez-le-feu semble à ce jour permanent.  Le Royaume-Uni suivra de très près cette situation, tant il est préoccupé par les conséquences de cette offensive sur les populations civiles.  D’après le représentant, l’Accord de Sotchi n’a pas non plus levé toutes les préoccupations, s’agissant en particulier de la situation humanitaire et les réfugiés.  Pour sa délégation, tout retour des réfugiés doit se faire sur une base volontaire et respecter les principes du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. 

En tant que donateur important, M. Allen a redit que son pays reste sur la même position que ses partenaires de l’Union européenne, à savoir qu’il ne financera « aucune reconstruction dans les zones où les droits de l’homme sont violés ».  Il a également dit attendre la poursuite du processus politique en Syrie, tel que prévu dans la résolution 2254 (2015).  Mais, a-t-il ajouté, la Commission constitutionnelle qui doit se réunir la semaine prochaine à Genève n’est que le début du processus.  « Tant que le régime n’aura pas compris que ces agissements sont l’origine du conflit, rien ne changera », a conclu le représentant.

Face au bilan humain catastrophique de la guerre en Syrie, M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a appelé l’ONU et ses partenaires à ne pas ménager leurs efforts pour éviter une nouvelle détérioration de la crise humanitaire.  En ce sens, l’opération transfrontalière du Mécanisme de surveillance de l’aide humanitaire des Nations Unies doit rester une priorité tant que dureront les hostilités, a-t-il plaidé.  Il incombe également au Conseil de sécurité, a ajouté M. Esono Mbengono, de veiller à ce que les acteurs humanitaires continuent à fournir de l’aide là où l’accès est possible. 

Le représentant a salué les négociations entre les Etats-Unis et la Turquie qui ont permis un cessez-le-feu devant permettre de superviser le retrait des forces kurdes de la frontière entre la Turquie et la Syrie.  Il s’est félicité de la signature, le 22 octobre, du mémorandum russo-turc sur la normalisation de la situation dans le nord-ouest de la Syrie, estimant qu’il contribuera à maintenir la stabilité dans la région et espérant qu’il saura calmer les inquiétudes de la Turquie.  Par la suite, et grâce à la reprise des négociations à Genève dans le cadre de la Commission constitutionnelle, seul un processus politique inclusif et crédible apportera une solution durable au conflit syrien, conformément à la résolution 2254 (2015), a conclu le représentant. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) s’est dit profondément préoccupé par la situation humanitaire en Syrie, aggravée par un nouveau front dans une guerre complexe.  Citant le rapport du Secrétaire général faisant état de plus de 1 000 morts depuis fin avril, dont 209 victimes entre le 1er août et le 22 septembre, ainsi que de 630 000 personnes déplacées, dont certaines cherchent encore un abri, M. Matjila a aussi abordé le cas de la station hydraulique d’Allouk, dont 400 000 habitants de la région dépendent, et applaudi les efforts de réparation des Nations Unies.  Il a appelé toutes les parties prenantes à s’assurer que la station soit de nouveau totalement opérationnelle le plus tôt possible.

Arguant que la situation humanitaire s’était encore aggravée depuis le départ d’ONG et d’agences humanitaires internationales du nord-est de la Syrie, il a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas pu adopter, le mois dernier, une résolution pour résoudre la situation humanitaire critique à Edleb.  « Ce manque d’unité du Conseil de sécurité n’est pas le message que nous voulons envoyer aux Syriens », a-t-il martelé.  « À cause de nos rivalités internes, nous échouons dans notre tâche.  Nous devrions au moins être capables de nous mettre d’accord sur l’assistance humanitaire », a-t-il déclaré.  Toutefois, M. Matjila a perçu un espoir sur le front politique avec le lancement officiel de la Commission Constitutionnelle.  Il a conclu en appelant à une désescalade des hostilités, à la reconnaissance de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’État syrien, avant de demander à toutes les parties prenantes de respecter le droit international humanitaire.

Reprenant la parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a reproché à son homologue allemand d’avoir brandi un article du New York Times qui contient en fait de « fausses nouvelles ».  Il lui a proposé de prendre plutôt connaissance d’un document de la délégation russe qui mentionne comment de fausses nouvelles sont ainsi divulguées dans l’opinion, y compris « en se servant des fonctionnaires onusiens ».  « Que faites-vous pour œuvrer pour la stabilisation de la situation en Syrie? » a-t-il ensuite demandé.

M. ZHANG (Chine) a aussi répondu au représentant allemand, qui devrait, selon lui, commencer par comprendre la teneur des déclarations de ses collègues avant de les commenter.  Le représentant chinois a donc précisé son propos selon lequel « la lutte contre le terrorisme doit se faire dans le respect du droit international ».  La Chine « n’attend de leçons de quiconque ».  De ce fait, ses directives de vote au Conseil de sécurité sont fondées sur les positions de la Chine, qui n’a pas à regarder les positions des autres, et encore moins celles de l’Allemagne.

M. HEUGEN (Allemagne) a rétorqué n’avoir « pas de prédisposition pour engager une discussion avec ses collègues ».  Il a expliqué que son intervention visait à défendre les droits de l’homme, notamment en s’appuyant sur les principes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déploré le fait que « les hauts fonctionnaires onusiens n’ont pas condamné l’agression turque contre son pays », alors que les opérations militaires turques se déroulent bien en Syrie « et non pas sur Mars ni sur Venus ».  Il a dénoncé le prétexte de la Turquie qui justifie cette agression par la nécessité de lutter contre le terrorisme.  Il a rappelé que l’Article 51 de la Charte des Nations Unies évoqué par les Turcs pour agresser son pays a été également mentionné dans d’autres occasions par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la coalition internationale en Syrie.  Le délégué a donc souhaité une explication claire du Conseil de sécurité sur l’interprétation de cet Article 51 qui fait mention de la « légitime défense ».

M. Ja’afari a ensuite fait valoir que les pays qui luttent contre le terrorisme en Syrie sont les mêmes qui ont joué un rôle dans son implantation.  Il a évoqué le rôle de la Turquie, qui a facilité le passage des combattants de Daech en Syrie.  De même, des pays européens demandent de lutter contre le terrorisme en respectant le droit international humanitaire.  Le représentant a dénoncé cette « hypocrisie », ironisant sur le fait que « l’on va bientôt demander d’offrir des hôtels cinq étoiles à ces terroristes ».  Le délégué a rappelé que la Turquie avait « volé le pétrole syrien » par le passé, arguant que ce pays a bénéficié de la déstabilisation de la Syrie.  Le représentant a encore déploré le fait que l’Union européenne a clairement refusé de financer les activités de déminage, alors qu’il s’agit bien d’activités humanitaires.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a reconnu que les développements de ces deux dernières semaines dans le nord de la Turquie ont fait l’objet de larges discussions et que beaucoup d’opinions ont été exprimées.  Souhaitant s’expliquer sur l’opération « printemps de la paix » lancée par son gouvernement dans le nord de la Turquie, il a dit qu’il s’agissait d’une opération transfrontière destinée à combattre les organisations terroristes, y compris le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le Parti de l’Union démocratique (PYD), les Unités de protection du peuple kurde (YPG) et Daech, dont tous condamnent les violences inhumaines. 

Alors que la Turquie est membre de la coalition internationale contre le terrorisme et qu’elle a payé un lourd tribut dans le combat contre Daech, elle constate que des efforts « délibérés » sont faits pour dissimuler ou oublier les réalités desdites organisations kurdes, pourtant désignées comme groupes terroristes par l’Union européenne, l’OTAN et les États-Unis.  M. Sinirlioğlu a reproché à certains États Membres de l’ONU d’approvisionner ces organisations, en dépit des mises en garde répétées de la Turquie, en armes lourdes et en munitions et de les former pour combattre Daech, « comme si l’on pouvait se servir d’une organisation terroriste pour en combattre une autre ».  Sans surprise, ces armes ont été utilisées pour cibler des civils turcs, a dénoncé le représentant. 

Pire que cela, ces organisations ont libéré des terroristes de Daech et changé la démographie des régions sous leur contrôle, en expulsant notamment les arabes et les turkmènes.  Cela est documenté par Amnesty International et Human Rights Watch, a assuré le représentant, affirmant qu’une fois de plus la stratégie d’appui à des groupes terroristes pour combattre d’autres a échoué. 

La Turquie a mené cette opération en plein respect du droit international et du droit international humanitaire, s’est défendu M. Sinirlioğlu.  Elle ne visait que les terroristes, leurs armes, véhicules et cachettes.  Toutes les mesures ont été prises pour prévenir tout dommage collatéral.  C’est pour cela que « les représentants légitimes du peuple syrien », c’est-à-dire la coalition nationale, le Gouvernement intérimaire, les dirigeants tribaux et les représentants des minorités nous soutiennent », a-t-il affirmé.  À ce titre, le représentant a remercié ses amis russes et étatsuniens qui ont reconnu les préoccupations sécuritaires légitimes de la Turquie et accepté de lutter contre les organisations terroristes visées par cette opération.  La Turquie est disposée, comme elle s’y est engagée, à garder prisonniers tous les éléments de Daech et leurs familles détenus dans les régions où s’est déroulée cette opération.  La Turquie est prête à travailler avec les pays d’origine et les organisations internationales pour le retour des personnes qui ne sont pas convaincues de crimes, a assuré M. Sinirlioğlu.  Car tout le monde sait que la seule solution durable est le retour de tous les combattants étrangers et les membres de leurs familles dans leurs pays d’origine, a-t-il dit, ajoutant qu’il était temps d’avoir une discussion franche sur ce sujet.

En ce qui la concerne, la Turquie se réserve le droit de légitime défense contre les terroristes qui resteraient encore dans la zone de l’opération, car « elle ne tolèrera aucune activité terroriste à sa frontière », a prévenu le représentant, appelant à « sortir de la cécité sur le PKK et YPG ».  Concluant son intervention, il a déclaré que « le représentant d’un régime qui massacre sa propre population n’a pas sa place au sein de ce Conseil », ajoutant que « la vérité sera connue de tous un jour ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.