8468e séance – matin
CS/13715

Conseil de sécurité: évaluation de la stratégie de sortie de l’Opération Union africaine-Nations Unies au Darfour

La Sous-Secrétaire générale aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, et aux opérations de paix a fait le point aujourd’hui au Conseil de sécurité de la visite qu’elle a effectuée avec deux de ses collègues, au Soudan, dans le cadre de la stratégie de sortie de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) créée par la résolution 1769 du 31 juillet 2007 et dont le retrait est prévu en juin 2020.   

Le but de notre visite, a expliqué Mme Bintou Keita, était d’insuffler un nouvel élan au processus de transition, transmettre le même message sur le retrait de la MINUAD et sur la transition au Gouvernement soudanais, aux interlocuteurs de l’ONU et aux autres parties concernées, et explorer les défis et les modalités d’une transition rapide et efficace.  La déclaration de l’état d’urgence par le Président Al-Bachir, le 22 février dernier, la dissolution des gouvernements fédéral et fédérés, la nomination de 18 nouveaux gouverneurs issus de l’appareil militaire et sécuritaire et la prise en charge par les Forces armées soudanaises du maintien de l’ordre public et de la défense nationale ont tous eu lieu, a précisé la Sous-Secrétaire générale, alors qu’au Darfour, le processus de paix est « une nouvelle fois » au point mort et que les manifestations contre la situation économique et sociale se poursuivent dans le pays. 

Arguant d’un geste de solidarité avec les manifestants, le Mouvement pour la justice et l’égalité-faction Gibril Ibrahim (MJE-faction Gibril Ibrahim) et l’Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi (ALS-MM) sont revenus sur l’accord de négociation préalable qu’ils ont signé, le 6 décembre dernier, à Berlin, avec le Gouvernement soudanais.  Le 9 février, les deux mouvements, avec deux autres groupes, ont prorogé pour une nouvelle période de trois mois, la cessation unilatérale des hostilités au Darfour et dans les États du Kordofan septentrional et du Nil-Bleu après que le Président du Soudan a déclaré, le 28 janvier, une cessation des hostilités illimitée au Darfour et dans les deux zones.  En revanche, dans le Jebel Marra, des affrontements sporadiques ont eu lieu entre les Forces armées soudanaises et l’ALS-faction Abdul Wahid, a alerté la Sous-Secrétaire générale.

La MINUAD et l’équipe de pays des Nations Unies, a affirmé Mme Keita, continuent de travailler ensemble pour assurer une transition sans heurt du maintien à la consolidation de la paix.  Il est important, a-t-elle insisté avec toutes les délégations, que le retrait de la MINUAD ne crée pas un vide conduisant à des tensions locales ou à de nouveaux facteurs de risques.  D’ici au mois de juin 2019, a-t-elle rappelé, nous aurons l’occasion d’évaluer et de recalibrer ce que la MINUAD a accompli et ce qu’elle laisse derrière elle.  L’examen stratégique des Nations Unies et les recommandations que présenteront le Secrétaire général de l’ONU et le Président de la Commission africaine sur le renouvellement du mandat de la Mission seront l’occasion de mieux mettre l’accent sur les indicateurs prévus par la Déclaration présidentielle que le Conseil de sécurité a publiée le 11 décembre dernier.

Dans cette Déclaration, le Conseil saluait « l’amélioration constante des conditions de sécurité au Darfour, en dehors du Jebel Marra » et demandait que l’on accorde une priorité particulière aux objectifs et indicateurs relatifs à la protection de la population civile, en particulier en matière de personnes déplacées et de réfugiés retournant dans leur pays, de droits de l’homme, d’état de droit, de situation humanitaire ainsi que de désarmement, de démobilisation et de réintégration.  Aujourd’hui, les États-Unis ont estimé que les indicateurs doivent être revus et alignés avec les priorités stratégiques, dont la cessation des hostilités et un accord politique global mutuellement acceptable.  La situation au Darfour doit se lire dans le contexte soudanais et ne peut être isolée, a estimé la Belgique, craignant que le contexte actuel de tension ait un impact négatif sur l’engagement des parties au conflit au Darfour à dialoguer.  La Fédération de Russie a d’ailleurs déploré l’« intransigeance » de l’opposition armée qui s’efforce « d’attiser de nouveaux foyers de violence ».  Elle a mis en garde Abdul Wahid al-Nour contre les sanctions qui pourraient être envisagées s’il ne fait pas preuve de bonne volonté.

La Fédération de Russie a aussi appelé les pays donateurs à honorer leurs engagements et à fournir l’appui financier nécessaire pour que le relèvement rapide, la consolidation de la paix et les activités de développement puissent être entrepris de manière durable au Darfour.  Pour la France, la question des financements sera cruciale.  Nous devons prendre cette question à bras-le-corps, de façon responsable, et cela s’inscrit dans nos engagements en faveur de l’Action pour le maintien de la paix, a-t-elle souligné.  Le Soudan en a profité pour fustiger les sanctions unilatérales imposées sans l’approbation du Conseil de sécurité alors qu’il souffre d’une dette « colossale », qu’il est classé parmi les pays les moins avancés (PMA), et qu’il abrite plus de deux millions de réfugiés.  Les « partenaires de la paix », « dont certains sont des membres de ce Conseil », ont tourné le dos à leurs « promesses » de contribution, a accusé le Soudan, en soulignant que c’est l’absence de développement qui est à la base du conflit au Darfour.  Se prévalant tout de même d’une situation stable dans cet État, le Soudan a précisé que si deux millions de personnes y vivent, le Jebel Marra n’est qu’une partie de l’une des cinq provinces du Darfour.  En conséquence, la situation au Darfour ne saurait être lue à l’aune de ce qui se passe dans cette zone.  

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2019/44)

Exposé

Mme BINTOU KEITA, Sous-Secrétaire générale aux affaires politiques et de consolidation de la paix, et aux opérations de paix, a fait le point de sa visite récente au Soudan et au Darfour, aux côtés des deux Sous-Secrétaires généraux, Oscar Fernandez-Taranco et Mourad Youssef Magdi Wahba, du Bureau d’appui à la consolidation de la paix et du Bureau régional pour les États arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le but de la visite, a-t-elle expliqué, était d’insuffler un nouvel élan au processus de transition, transmettre le même message sur le retrait de la MINUAD et la transition au Gouvernement soudanais, aux interlocuteurs de l’ONU et aux autres parties concernées, et explorer les défis et les modalités de la transition et la manière de le faire rapidement et efficacement.

À ce jour, a-t-elle poursuivi, le développement le plus significatif a été la déclaration de l’état d’urgence par le Président Bachir, le 22 février dernier, laquelle s’applique à tout le pays pour une période d’un an.  Dans ce contexte, les gouvernements fédéral et fédérés ont été dissous, contrairement aux assemblées nationale et fédérées.  Le Ministre de la défense a été nommé pour assurer les fonctions de Vice-Président.  De plus, 18 nouveaux gouverneurs (walis), issus de l’appareil militaire et sécuritaire, ont été nommés alors que les Forces armées soudanaises sont désormais chargées du maintien de l’ordre public et de la défense nationale.  Ces développements ont eu lieu alors qu’au Darfour, le processus de paix est une nouvelle fois au point mort et que les manifestations contre la situation économique et sociale dans le pays se poursuivent.

Au Darfour, a précisé la Sous-Secrétaire générale, les manifestations sont restées sporadiques.  Mais par solidarité pour les manifestants, le Mouvement pour la justice et l’égalité-faction Gibril Ibrahim (MJE-faction Gibril Ibrahim) et l’Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi (ALS-MM) sont revenus sur l’accord de décembre 2018 prévoyant la reprise des pourparlers avec le Gouvernement soudanais, en janvier 2019.  Entre temps, le Président du Soudan a déclaré une cessation des hostilités illimitée au Darfour et dans les deux zones, le 28 janvier.  En conséquence, le 9 février, le MJE-faction Gibril Ibrahim et l’ALS-MM ainsi que deux autres groupes ont prorogé la cessation unilatérale des hostilités au Darfour et dans les États du Kordofan septentrional et du Nil-Bleu pour une période supplémentaire de trois mois.

L’impact de ces derniers développements sur le processus de paix au Darfour doit encore être évalué mais le remplacement de tous les gouverneurs pèsera, certains groupes rebelles ayant déjà montré une certaine radicalisation de leur position.  Dans le Jebel Marra, des affrontements sporadiques ont eu lieu entre les Forces armées soudanaises et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid.  Qui plus est, des luttes intestines entre deux sous-factions ont été signalées.  Ces factions ne seraient pas d’accord quant à leurs perspectives de participation au processus de paix, a précisé Mme Keita, qui a aussi parlé des informations faisant état de violences sexuelles et appelé le Gouvernement soudanais à créer des conditions propices au retour des déplacés.

Conformément à la résolution 2429 du Conseil de sécurité, a poursuivi la Sous-Secrétaire générale, 10 bases d’opération ont été fermées, au mois de décembre, et transférées au Gouvernement soudanais.  Les anciens quartiers généraux des secteurs de Nyala, Daeïn et Geneina devraient fermer leurs portes d’ici à juin 2019, les 13 sites restants étant dans le Jebel Marra et la base logistique d’El-Fasher.  Le nouveau quartier général de la Mission à Zalingei est maintenant pleinement opérationnel alors que le Bureau du Représentant spécial conjoint a été transféré à Khartoum.

La MINUAD et l’équipe de pays continuent de travailler ensemble pour assurer une transition sans heurt du maintien à la consolidation de la paix.  Le Secrétaire général a publié, le 7 février dernier, une Directive sur la planification de la transition au Darfour.  Il est important, a-t-elle dit, que le retrait de la MINUAD ne crée pas un vide conduisant à des tensions locales ou à de nouveaux facteurs de risques.  L’engagement du Gouvernement soudanais sera plus que jamais essentiel dans ce contexte, a-t-elle martelé.  Mais, malgré les efforts de la Mission et l’équipe de pays pour conclure en moins de deux mois le mémorandum d’accord sur les fonctions de liaison avec l’État et l’allocation des ressources programmatiques pour que l’équipe de pays puisse s’acquitter des mandats dans les domaines de la protection des droits de l’homme, de l’état de droit ou encore du retour des personnes déplacées, la pénurie de liquidités rend les choses difficiles.  Mme Keita a appelé la communauté internationale à mobiliser les ressources nécessaires pour appuyer la stratégie de sortie de la MINUAD et son impact immédiat sur la faculté du Gouvernement soudanais et de l’équipe de pays de relever les défis de la transition au Darfour, tout en travaillant à la situation économique, sociale et humanitaire difficile dans tout le pays.

La voie à suivre s’agissant du processus de paix au Darfour, a estimé la Sous-Secrétaire générale, doit être discutée entre les Nations Unies et l’Union africaine.  Le Jebel Marra est toujours une zone de conflit et le Darfour compte toujours près de deux millions de déplacés.  Il faut renforcer les capacités locales en matière d’état de droit et les questions des droits de l’homme demeurent essentielles.  D’ici au mois de juin 2019, a-t-elle rappelé, nous aurons l’occasion d’évaluer et de recalibrer ce que la MINUAD a accompli et ce qu’elle laisse derrière elle.  L’examen stratégique des Nations Unies et les recommandations que présenteront le Secrétaire général de l’ONU et le Président de la Commission africaine sur le renouvellement du mandat de la Mission seront l’occasion de mieux mettre l’accent sur les indicateurs prévus par la déclaration que le Conseil de sécurité a publiée le 11 décembre dernier.

Déclarations

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) s’est félicité de ce que le Mouvement de libération du Soudan-Conseil de transition (MLS-CT), l’Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi (ALS-MM) et le Mouvement pour la justice et l’égalité-faction Gibril Ibrahim (MJE-faction Gibril Ibrahim), groupes non signataires du Document de Doha pour la paix au Darfour, aient renouvelé la cessation des hostilités qu’ils avaient décrétée unilatéralement.  Le représentant a aussi salué l’attachement « indéfini » du Gouvernement soudanais au cessez-le-feu.  Il s’est en revanche dit préoccupé par les affrontements sporadiques entre les Forces armées soudanaises et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW) dans le Jebel Marra, lesquels ont entraîné des déplacements de civils, sur fond de violations des droits de l’homme, y compris des violences sexuelles, et de résurgence des conflits intercommunautaires.  Alors que la MINUAD a jeté les bases de la consolidation de la paix et du développement, le représentant a affirmé que, compte tenu des besoins humanitaires urgents au Darfour, il serait souhaitable que le Gouvernement coopère avec les entités des Nations Unies.  Il s’est dit alarmé par le fait que le Président soudanais ait proclamé vendredi dernier, l’état d’urgence.  Les propositions faites par M. Bachir dans son allocation ne parviendront pas à dégager le consensus nécessaire à la stabilisation du pays, a prévenu M. Hickey.  Les annonces du Chef d’État soudanais et le comportement des Forces de sécurité soudanaises remettent en cause l’engagement pris par les autorités à respecter les droits de l’homme et à réformer le secteur de la sécurité, a-t-il constaté. 

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a appelé le Gouvernement soudanais, le MJE-faction Gibril Ibrahim et l’ALS-faction Minawi à faire fond sur l’accord de négociation préalable signé le 6 décembre dernier en vue de reprendre les pourparlers de paix à Doha.  L’examen stratégique de la MINUAD, a-t-il rappelé, est parvenu à la conclusion que la phase de transition consistera essentiellement à réaliser conjointement des activités concrètes dans des domaines qui font déjà l’objet d’une collaboration entre l’Opération et l’équipe de pays des Nations Unies et à veiller à ce que celle-ci dispose de ressources suffisantes pour progresser dans son œuvre de consolidation de la paix et de développement au Darfour.  Selon lui, la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité en date du 11 décembre 2018 contient tous les paramètres à suivre.  Il s’est toutefois dit préoccupé par la persistance de problèmes communautaires relatifs aux questions de propriété foncière et d’eau.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a mis l’accent sur la situation au Darfour, le retrait de la MINUAD et la nécessité de préparer dès maintenant l’après-MINUAD.  La situation au Darfour s’est améliorée mais d’importants défis restent encore à relever.  Nous déplorons la recrudescence, a-t-elle dit, les affrontements dans le Jebel Marra qui ont entraîné des milliers de déplacés.  Nous sommes également alarmés, a-t-elle poursuivi, par le niveau important de violations des droits de l’homme, notamment de violences sexuelles, par toutes les parties.  La représentante a voulu que les auteurs de ces violences soient traduits en justice et a appelé les autorités soudanaises et les groupes armés à avancer dans le processus de paix.  Il s’agit, a-t-elle précisé, de mettre fin aux hostilités, mais aussi de traiter les causes profondes du conflit.  Saluant la signature, le 6 décembre à Berlin, d’un accord de négociation préalable entre le Gouvernement et certains groupes armés pour une reprise du processus de paix, Mme Gueguen a déploré que les négociations aient été reportées.  La France, a-t-elle souligné, a pris note de l’instauration de l’état d’urgence.  Elle exhorte les autorités soudanaises à garantir le droit à la liberté de réunion, d’association et d’expression.  Toutes les parties devraient faire preuve de retenue et s’abstenir de tout nouveau recours à la violence afin d’apaiser la situation. 

La représentante a aussi déclaré que le retrait de la MINUAD devra intervenir de façon prudente, en fonction de la situation sur le terrain.  Il est important que d’ici à sa fermeture, la Mission reste opérationnelle et participe activement à la stabilisation du Darfour.  Nous devons dès à présent, a-t-elle estimé, préparer l’après-MINUAD, afin de réussir la transition du maintien de la paix à la consolidation de la paix.  Le principal défi est de faire en sorte que la situation au Darfour reste stable après le départ de la MINUAD.  La question des financements sera cruciale, a-t-elle dit en paraphrasant le Secrétaire général.  Nous devons prendre cette question à bras-le-corps, de façon responsable, et cela s’inscrit dans nos engagements en faveur de l’Action pour le maintien de la paix.  Nous nous sommes en effet engagés, s’est expliquée la représentante, à appuyer, dans les périodes de transition, les équipes pays des Nations Unies pour leur permettre de continuer à aider les pays hôtes à consolider la paix.  Nous encourageons la MINUAD et l’équipe de pays à travailler au maximum ensemble, afin de préparer au mieux cette transition.  Il est également important que la communauté internationale puisse suivre l’évolution de la situation au Darfour.  Le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme aura un rôle essentiel et la Commission de consolidation de la paix peut aussi être une enceinte pertinente pour avoir un dialogue avec les autorités soudanaises, a conclu la représentante.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a avoué que son pays continue d’évaluer l’impact de l’annonce du Président du Soudan, vendredi dernier.  Il s’est, en effet, dit profondément préoccupé par la proclamation de l’état d’urgence et a appelé le Gouvernement à respecter les droits de tous les citoyens, à mettre fin à la répression des manifestations et à traduire en justice tous ceux qui se sont rendus coupables de violations et d’abus.  Au lieu des mesures prises pour renforcer la capacité des forces de sécurité à s’attaquer aux manifestants et à l’opposition, il nous faut plutôt des mesures pour créer un environnement favorable à un processus politique inclusif qui traite véritablement des revendications légitimes des citoyens et qui mène à une paix et à une démocratie durables.  Le représentant est revenu sur la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité et a estimé que les indicateurs existants doivent être revus et alignés avec le mandat et les priorités stratégiques, dont la cessation des hostilités, la protection des civils et un accord politique global mutuellement acceptable.  En la matière, il a dit attendre les recommandations de l’évaluation stratégique.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a constaté que les efforts inlassables que la communauté internationale a déployés, ces dernières années, ont débouché sur une amélioration considérable de la situation sécuritaire au Darfour.  Il s’est toutefois inquiété de la situation dans le Jebel Marra, jugeant que des efforts supplémentaires sont nécessaires dans cette région où les accrochages compromettent la vie de nombreux civils vulnérables.  Il a notamment appelé l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW) à résoudre ses différends par les voies du dialogue politique déjà établi.  Il a également jugé impératif que les parties continuent de mettre en œuvre les dispositions en suspens du Document de Doha pour la paix au Darfour et qu’elles demeurent engagées dans le processus de négociation mené sous les auspices de l’Union africaine.  Il a aussi exhorté le Gouvernement du Soudan à combattre la violence sexuelle dans les situations de conflit.

Le représentant a ensuite parlé de l’importance qu’il y a à assurer un accès humanitaire aux zones touchées et une transition à l’aide à la reconstruction et au développement dans la perspective du retrait de la MINUAD.  La Mission, a-t-il dit, doit continuer de fournir un appui technique et logistique à la Commission soudanaise pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration.  Pour faciliter la transition, notamment en relocalisant à Khartoum le Bureau du Représentant spécial conjoint, M. Matjila a jugé essentiel d’impliquer les autorités locales.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a réaffirmé l’appui de son pays à la transition du maintien à la consolidation de la paix et au développement au Darfour.  Elle a néanmoins prévenu que « la complaisance serait inappropriée », ajoutant qu’une approche prudente d’un retrait soigneusement accompagné s’impose.  De manière générale, la mise en place de l’état de droit et le respect fondamental des droits de l’homme sont des éléments clefs du futur du Darfour.  De même, la protection de la population civile, l’amélioration de la situation humanitaire ainsi que le désarmement, la démobilisation et la réintégration, et la réforme du secteur de la sécurité restent essentiels pour une sortie de crise durable.  La représentante s’est dite préoccupée par la situation dans la région du Jebel Marra en particulier, compte tenu des incidents armés entre le Gouvernement soudanais et l’ALS/AW.  Saluant la signature à Berlin, en décembre dernier, de l’« International Community based Pre-Negociation Agreement » entre le Gouvernement soudanais et deux mouvements basés au Darfour, la représentante a jugé regrettable le report des négociations. 

La situation au Darfour, a-t-elle souligné, doit se lire dans le contexte soudanais et ne peut être isolée.  Elle s’est donc dite préoccupée par la situation actuelle dans le pays, dont les manifestations et la répression violente.  Alors que le pays traverse une situation difficile, eelle a appelé à la retenue dans l’usage de la force par les services de sécurité et à la libération immédiate des manifestants détenus arbitrairement.  De même, les autorités soudanaises doivent respecter pleinement le droit de manifester de façon pacifique, protéger les civils et garantir l’usage strictement proportionné de la force.  Le représentant a noté que le contexte actuel de tension risque d’avoir un impact négatif sur l’engagement des parties au conflit au Darfour à dialoguer.

M. DIAN RIANSYAH DJANI (Indonésie) a insisté sur la stabilité de la situation sécuritaire au Darfour et appuyé le processus de reconfiguration de la MINUAD.  La Mission doit continuer de jouer un rôle clef dans la protection des civils et la consolidation de l’état de droit, a-t-il dit.  Le délégué a ajouté que le Gouvernement soudanais doit à terme endosser la pleine responsabilité des tâches sécuritaires au Darfour et a souligné, dans ce contexte, la nécessité de remédier aux causes profondes du conflit, y compris les contentieux fonciers.  Après avoir plaidé pour un plein accès humanitaire, il a prévenu qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit.  Il a exhorté les parties non signataires du Document de Doha à se joindre au processus de paix.  Il s’est dit, enfin, en faveur d’une conférence des donateurs pour doter l’équipe de pays de l’ONU de ressources suffisantes.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est inquiété de voir que les causes fondamentales des conflits intercommunautaires n’ont toujours pas été résolues, soulignant notamment la persistance des conflits ayant pour origine des différends fonciers.   Il a noté que ces conflits affectent les personnes déplacées qui cherchent à revenir chez elles.  Le représentant a aussi dénoncé les attaques et menaces visant le personnel humanitaire.  Il a en même temps relevé « avec optimisme » les progrès réalisés dans le processus de paix au Darfour avec la signature, le 6 décembre, d’un accord de négociation préalable entre le Gouvernement, l’ALS-MM et le MJE-faction Gibril Ibrahim.  Il a appelé à renforcer la mise en œuvre du Document de Doha, surtout les dispositions relatives aux déplacés et à la réintégration des anciens combattants, ainsi que les promesses de soutien financier de la communauté internationale.

Le représentant a également soulevé le problème de la violence faite aux femmes et aux filles, en appelant à discuter davantage de la façon de la prévenir, avant de mentionner les priorités écologiques.  Le Conseil de sécurité, a-t-il dit, a ici une occasion d’aborder, de manière unie, les risques associés aux changements climatiques et le rôle de ceux-ci comme multiplicateur de fragilité, de vulnérabilité et de cause de conflits.  Pour ce qui est du processus de réduction de la MINUAD, la République dominicaine est d’avis que cette réduction ne doit être qu’opérationnelle.  Il faut une transition fluide, qui implique les autorités locales, les administrations autochtones, les personnes déplacées, les jeunes et les femmes, a précisé le représentant.  En outre, la fermeture des bureaux des équipes d’enquête sur le terrain ne doit se faire qu’en consultation avec les autorités locales.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a constaté que la situation est restée globalement stable au Darfour, affirmant que le Gouvernement soudanais œuvre à la consolidation de la paix.  Il a cependant jugé regrettable que certains de ses « collègues occidentaux » aient saisi l’occasion de cette séance pour aborder des sujets qui n’ont rien à voir avec l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Le représentant a appelé les pays donateurs à honorer leurs engagements et à fournir l’appui financier nécessaire pour que le relèvement rapide, la consolidation de la paix et les activités de développement puissent être entrepris de manière durable au Darfour.  Il a déploré l’opposition armée « intransigeante » qui, en dépit de son absence sur le terrain, s’efforce « d’attiser de nouveaux foyers de violence » au Darfour, regrettant que cet aspect soit insuffisamment mis en exergue dans le rapport dont est saisi le Conseil.  Prenant acte du cadre de négociation préalable conclu le 6 décembre dernier à Berlin, il a toutefois mis en garde contre les sanctions qui pourraient être envisagées si Abdul Wahid al-Nour ne fait pas preuve de bonne volonté.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) est revenu sur la situation sécuritaire au Darfour pour noter une amélioration progressive.  Il faut appuyer, a-t-il plaidé, les efforts du Soudan pour asseoir sa souveraineté sur tout le territoire de manière à procéder au retrait de la MINUAD, dans les meilleures conditions.  Il a encouragé le retour des personnes déplacées et s’est félicité, en la matière, de la coopération en cours entre le Gouvernement, la MINUAD et les provinces pour gérer leur retour.  En prévision du retrait de la MINUAD, l’an prochain, il a appelé le Conseil de sécurité à accorder la priorité à des solutions politiques sur la base du Document de Doha.  Appuyer une paix pérenne au Darfour signifie que la communauté internationale suive de près les besoins du Gouvernement soudanais, a-t-il souligné, en saluant la visite que viennent d’effectuer trois Sous-Secrétaires généraux des Nations Unies.

M. WU HAITAO (Chine) a souligné la nécessité de continuer d’appuyer les efforts du Gouvernement soudanais pour consolider la paix, en renforçant ses capacités dans le domaine du maintien de l’ordre pour aider les forces soudanaises à assumer leurs tâches au Darfour.  Le représentant a également plaidé pour un engagement supplémentaire des bailleurs de fonds internationaux, citant en exemple son propre pays, qui s’est toujours impliqué dans la promotion de la paix et du développement dans cette région soudanaise.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a reconnu l’amélioration de la situation sécuritaire au Darfour, tout en insistant sur la fragilité des progrès accomplis, les causes profondes du conflit n’ayant pas été réglées.  Estimant qu’il n’y a pas d’alternative à une solution politique, elle a salué la signature d’un accord de négociation préalable à Berlin en décembre dernier. Nous regrettons, a-t-elle avoué, la perte d’élan dans le processus de paix en raison de la situation actuelle au Soudan.  Elle a mis en garde contre une réduction de la présence de la MINUAD qui compromettrait les gains enregistrés jusqu’ici.  Le retrait de la Mission doit être compensé par une présence accrue de l’équipe de pays de l’ONU, a-t-elle préconisé, avant d’exhorter la communauté internationale à appuyer le relèvement et le développement du Darfour pour éviter la résurgence du conflit.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a fait état de l’amélioration de la situation sur le terrain ces derniers mois au Darfour, reprochant toutefois au Gouvernement soudanais d’avoir pris des mesures de nature à hypothéquer les progrès accomplis.  Le représentant a fait allusion à la déclaration de l’état d’urgence, avant de saluer les efforts déployés par les autorités locales au Darfour, en coopération avec la MINUAD et l’équipe de pays des Nations Unies, en vue de réduire les violences intercommunautaires et résoudre les causes profondes du conflit, dont l’accès à l’eau.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit avoir noté avec préoccupation la persistance des troubles sociopolitiques occasionnant des pertes en vies humaines et des dégâts matériels.  Appelant toutes les parties à la retenue, le représentant a encouragé le Gouvernement soudanais à poursuivre ses efforts dans la recherche de solutions aux causes profondes de cette crise afin de préserver les acquis du processus politique en cours au Darfour.  Il a aussi exhorté l’ensemble des parties prenantes soudanaises à œuvrer de façon consensuelle en vue de créer les conditions de transparence et de crédibilité des élections prévues en 2020.  S’agissant de la situation sécuritaire, M. Ipo a déploré la reprise des affrontements entre les forces gouvernementales et celles de l’ALS-faction Abdul Wahid, dans le Jebel Marra.  Il a appelé les parties belligérantes à privilégier le dialogue comme moyen de résoudre leurs différends.

Concernant les droits de l’homme, le délégué a noté avec inquiétude les actes de violence répétés à l’encontre des civils, en particulier dans la zone du Jebel Marra, et la recrudescence des violences sexuelles à l’égard des femmes.  Dans ce contexte, a suggéré le représentant, il importe de veiller au renforcement des capacités des institutions judiciaires afin d’aider à l’instauration de l’état de droit.  S’agissant du processus de transition au Darfour, la Côte d’Ivoire, a affirmé son représentant, appuie les efforts des acteurs nationaux et régionaux, de la MINUAD et de l’équipe de pays des Nations Unies, visant à assurer le succès du passage du maintien à la consolidation de la paix au Darfour.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a noté une stabilisation progressive de la situation au Darfour au cours des derniers mois, saluant notamment le fait que cette période n’ait pas été marquée par des incidents graves, à part dans le Jebel Marra.  Le représentant a également fait part des préoccupations de sa délégation face au sort des personnes déplacées qui rentrent chez elles et à la persistance des violences sexuelles.  Il a exhorté toutes les parties au conflit à s’engager en faveur d’un processus politique sur la base du Document de Doha pour la paix au Darfour.  Il a demandé aux pays qui accueillent des groupes armés de trouver une solution pacifique durable.  La pacification du Darfour serait un pas en avant dans les aspirations de l’Afrique de « faire taire les armes », a-t-il fait valoir.  Le représentant a salué les efforts du Gouvernement soudanais et de la MINUAD en matière de collecte des armes et a insisté sur l’importance d’une mise en œuvre complète de ce programme à la fois pour le maintien de la paix dans la région et pour la pérennisation de la paix, en particulier au Jebel Marra.  Avant de conclure, il a appelé à soutenir davantage le processus politique mené par le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine.  Il a également insisté sur le fait qu’il faut éviter que le retrait de la MINUAD laisse un vide et compromette le redressement postconflit.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a déclaré que cette séance se tient au moment où la situation ne cesse de se stabiliser au Darfour, où désormais l’objectif est de soutenir par un développement socioéconomique les progrès « exponentiels » en matière de sécurité.  L’absence de développement, a-t-il rappelé, est précisément à l’origine de ce conflit.  Aussi a-t-il plaidé pour que les bailleurs de fonds internationaux coopèrent avec son pays pour relever ce défi.  Le représentant a annoncé que son gouvernement est prêt et disposé à travailler avec l’équipe des Nations Unies qui sera dépêchée par le Secrétariat de l’ONU et l’Union africaine en mars prochain pour procéder à un nouvel examen stratégique de la MINUAD, dont le retrait a été fixé en juin 2020.

M. Mohamed a ensuite abordé des points importants soulevés par les membres du Conseil, en rappelant que le sujet de cette réunion est « la situation au Darfour ».  Dès lors, a-t-il dit, s’ils souhaitent aborder d’autres questions en dehors de ce point spécifique, ils doivent au préalable en décider par consensus.  Le représentant a aussi fustigé les sanctions unilatérales infligées sans l’approbation du Conseil de sécurité, rappelant que son pays souffre d’une dette « colossale », qu’il est classé parmi les pays les moins avancés (PMA), et qu’il abrite plus de deux millions de réfugiés.  Les « partenaires de la paix », « dont certains sont des membres de ce Conseil », ont tourné le dos à leurs « promesses » de contribution, a poursuivi M. Mohamed.  D’aucuns choisissent d’aggraver ce conflit par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale, a-t-il accusé.

Quant à la situation dans le Jebel Marra, il a tenu à rappeler que si deux millions de personnes y vivent, il n’est qu’une partie de l’une des cinq provinces du Darfour.  En conséquence, la situation dans l’ensemble de l’État ne peut être lue à l’aune de ce qui se passe dans cette zone.   « Le mois dernier, a observé le représentant, j’ai présenté au Secrétaire général des informations qui confirment que les membres de l’ALS-AW sont responsables des violences commises pendant les manifestations aux revendications légitimes ».  De manière plus générale, M. Mohamed a tenu à rappeler que son gouvernement s’acquitte « entièrement » de ses obligations relatives au respect des droits inaliénables tels qu’énoncés dans la Constitution soudanaise et qui figurent dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

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