Soixante-quatorzième session,
12e séance – matin, Réunion conjointe avec l'ECOSOC - après-midi
AG/EF/3520-ECOSOC/7014

L’ECOSOC et la Deuxième Commission examinent les solutions fondées sur la nature pour engager le monde sur une voie durable

La traditionnelle séance conjointe du Conseil économique et social (ECOSOC) et de la Deuxième Commission (questions économiques et financières) de l’Assemblée générale s’est penchée, cet après-midi, sur les approches systémiques qui permettront d’engager le monde sur une voie durable.  Le matin, la Deuxième Commission a terminé son débat sur le développement durable entamé hier.

Notre monde actuel se caractérise par des disparitions d’espèces animales et des changements climatiques qui ont pris un rythme préoccupant et « nous devons identifier des solutions », a d’emblée annoncé la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme Mona Juul, pour poser les termes du débat de l’après-midi.

Les solutions fondées sur la nature peuvent nous aider à surmonter collectivement les obstacles au développement durable, a renchéri M. Cheikh Niang, Président de la Deuxième Commission, en soulignant que « sans les écosystèmes terrestres que sont nos forêts, nos montagnes, nos zones humides, nos terres arides et nos déserts, il ne pourrait y avoir de vie ».  Il a aussi rappelé que la qualité de la nourriture et de l’eau est fonction de la santé des écosystèmes, dont dépendent des millions de personnes qui vivent de l’agriculture, de la pêche, de la sylviculture ou autres.

Pour gérer efficacement les écosystèmes terrestres sans détruire d’autres espèces ni détériorer les terres et les eaux, il faut, selon M. Niang, revoir les modes de vie modernes et les méthodes de développement, comme l’avaient souligné de nombreuses délégations au cours du débat sur le développement durable dans la matinée.

Le premier panéliste de la table ronde, M. Sandeep Sengupta, de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a expliqué que les solutions fondées sur la nature permettent de réaliser un tiers des activités nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celcius.  Par exemple, les plus grandes tourbières découvertes dans le bassin du fleuve Congo pourraient capter l’équivalent de 20 ans d’émissions de combustibles fossiles.  S’étendant sur 250 millions d’hectares, les forêts tropicales de l’Afrique centrale captent, pour leur part, environ 30% des émissions mondiales des gaz à effet de serre, avait fait observer la République démocratique du Congo au nom des pays de la région, dans la matinée.

Pour sa part, Mme Siobhan McQuaid, spécialiste de l’innovation à la Trinity Business School de Dublin, a présenté à la table ronde l’initiative « Connecting Nature », qui accompagne les villes européennes dans la transition verte.  Cette transition est une priorité pour l’Union européenne (UE) qui investit plus de 200 millions d’euros dans ce projet, mis en œuvre en coordination avec des interlocuteurs sur le terrain.  Les solutions fondées sur la nature peuvent améliorer plusieurs aspects de la vie en ville, a expliqué Mme McQuaid.  Par exemple, un parc public ou un mur végétalisé n’ont pas seulement un aspect esthétique, ils créent aussi des îlots de fraîcheur en période de canicule et ont des bienfaits psychosociaux.  S’agissant du financement, l’experte a indiqué qu’en Europe, 75% des initiatives vertes sont financées par des fonds publics, parce que les projets sont trop petits ou manquent de clarté pour attirer les investisseurs privés.

Le troisième panéliste, M. Ben Guillon, Président-Directeur général de Conservation Investment Management, a, lui, expliqué le point de vue des investisseurs privés aux États-Unis, qui souhaitent obtenir de bons rendements financiers tout en ayant un impact positif sur l’environnement.  Selon lui, le capital privé disponible est énorme et va encore augmenter.  Il a conseillé d’impliquer les experts locaux dans les solutions fondées sur la nature, parce que celles-ci doivent être adaptées à chaque contexte local et bénéficier du soutien de la communauté locale.

Pour conclure la table ronde, le Président de la Deuxième Commission a donné un dernier exemple de solution fondée sur la nature: au Sahel, l’initiative Grande Muraille verte a pour objectif de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées afin de retenir 250 millions de tonnes de carbone et de créer 10 millions d’emplois dans les zones rurales.  Le Sénégal s’est également félicité de cette initiative phare du continent africain, allant de Dakar à Djibouti, qui lutte contre les effets des changements climatiques et de la désertification.

Dans la matinée, au cours du débat sur le développement durable entamé la veille, nombre de délégations se sont en effet inquiétées des conséquences des changements climatiques sur la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment les deux premiers objectifs d’élimination de la pauvreté et de la faim.  Elles ont appelé à la pleine mise en œuvre du Cadre de Sendai sur la réduction des risques de catastrophe et de l’Accord de Paris visant à contenir le réchauffement de la planète, afin d’enrayer la fonte des glaciers ou le réchauffement des océans et la perte de biodiversité, entre autres effets néfastes. 

La représentante des États fédérés de Micronésie a été très claire: tous les pays vulnérables du monde font face au risque d’extinction à cause des changements climatiques et de l’augmentation du niveau de la mer.  À ce sujet, le Kenya a rappelé qu’il a prévu d’organiser avec le Portugal, du 2 au 6 juin 2020, la deuxième Conférence de haut niveau des Nations Unies sur les océans, à Lisbonne, qui aidera à préparer la prochaine Décennie des sciences de la mer.

Les énergies renouvelables, les ressources financières pour les pays en développement, la sécurité alimentaire, la gestion durable des forêts ont également été évoquées au cours de ce débat.  Maintes délégations ont appelé à un changement urgent de modes de production et de consommation dans le monde, afin de s’attaquer non seulement aux seuls effets des changements climatiques mais aussi et surtout aux causes. 

La Deuxième Commission entamera demain, mercredi 16 octobre, à 10 heures l’examen de son point de l’ordre du jour consacré à l’élimination de la pauvreté.

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Suite des déclarations

Mme DOMA TSHERING (Bhoutan) a indiqué que le plan national de développement de son pays donne la priorité à l’éradication de la pauvreté, la réduction des inégalités et la réponse aux besoins des groupes marginaux en visant d’y parvenir d’ici à 2023.  C’est en même temps, a-t-elle précisé, un plan de transition pour passer de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) vers une autre catégorie de pays avant 2023 de manière harmonieuse, durable et irréversible.

Dans la poursuite des efforts pour garantir le développement durable « pour notre peuple, la planète et la prospérité », les changements climatiques doivent rester au centre de nos préoccupations, a reconnu la déléguée.  Elle a, à cet égard, exprimé ses inquiétudes quant à l’inadaptation de l’action mondiale face à la hausse de la température, suggérant de saisir l’opportunité offerte par le progrès rapide de la science et de la technologie pour contenir l’impact des changements climatiques.  Ainsi a-t-elle plaidé pour le renforcement de la solidarité et des partenariats internationaux pour renforcer la résilience et la réponse des pays vulnérables.  Le Bhoutan, a ajouté la représentante, a toujours maintenu l’équilibre entre le développement et la conservation de son environnement.   

Mme JANE CHIGYAL (États fédérés de Micronésie) a annoncé que tous les pays vulnérables du monde font face au risque d’extinction à cause des changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer.  Il ne faut pas oublier non plus la question de la souveraineté que cela pose, qui pourrait toucher la Micronésie et l’ensemble de la région du Pacifique.  « Notre zone économique exclusive, qui est à la source de nos moyens de subsistance, pourrait diminuer substantiellement en taille », s’est inquiétée la déléguée, en expliquant que les lignes de base maritimes actuelles pourraient à jamais être submergées.

Toutes les nations du monde, qu’elles soient développées ou en développement, doivent aborder les problèmes cruciaux auxquels notre environnement est confronté avec un engagement beaucoup plus fort pour les résoudre rapidement, a exhorté Mme Chigyal.  Elle a regretté, à cet égard, que les appels à renouveler les engagements politiques n’aient pas été entendus.  Elle a réitéré que les océans sont une composante essentielle des moyens de subsistance de la Micronésie.  Or, les ressources océaniques exigent une gestion adéquate pour les préserver, a-t-elle souligné, avant d’appeler à préserver ces ressources et à maintenir la diversité marine, pour l’avenir de tous et le développement durable des États insulaires.

M. VICTOR MORARU (Moldavie) s’est inquiété que ne soient pas encore atteintes les 21 cibles du Programme 2030 qui auraient dû l’être en 2020 et déclaré qu’en tant que communauté internationale et dans nos propres pays, nous devrions en chercher les raisons et les analyser.  Ces cibles ont trait notamment à l’emploi des jeunes, à l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC), aux émissions de gaz à effet de serre et à la mobilisation de fonds pour l’action climatique.

Ensuite, nous devons tous prendre des mesures cruciales à court et à long termes pour atteindre nos objectifs, en particulier pour 2030, a suggéré le représentant.  Les États Membres doivent assumer la responsabilité de remédier aux échecs et aux lacunes en prenant des mesures urgentes, a-t-il encore recommandé, avant de parler du processus de préparation de la stratégie nationale pour 2030 de son pays.  Cette stratégie fait fond sur l’accord d’association entre la Moldavie et l’Union européenne (UE), a dit M. Moraru, qui a annoncé l’intention de son gouvernement de se soumettre, en 2020, à l’examen national volontaire.

Mme VERONIKA BUSTAMANTE (Pérou) s’est inquiétée des derniers rapports consacrés aux changements climatiques, qui incitent à faire des efforts considérables pour endiguer la hausse des températures.  Au Pérou, a-t-elle dit, les changements climatiques se sont traduits par le recul des glaciers, le réchauffement des océans, le stress hydrique et le recul de la biodiversité.  Le Pérou se heurte à une double crise: la crise climatique et la perte de biodiversité.  La représentante a appelé à s’attaquer à ces questions de manière conjointe, de même qu’à celles liées au développement. 

Le Pérou a pris des engagements ambitieux dans le cadre du Programme 2030 et de l’Accord de Paris en adoptant un programme réaliste avec des approches transversales transgénérationnelles ou transculturelles, a fait savoir la représentante.  Les catastrophes naturelles touchent des millions de Péruviens et sapent les efforts pour un développement durable, aussi, la représentante a-t-elle insisté sur la mise en œuvre du Cadre de Sendai.

M. ANDRES CORDOVA (Équateur) a réitéré son engagement à mettre en œuvre les principaux accords sur le développement durable, en particulier le Programme 2030, le Programme d’action d’Addis-Abeba, l’Accord de Paris, le Nouveau Programme pour les villes et le Cadre de Sendai sur la réduction des risques de catastrophe.  Au niveau mondial, l’élimination de la pauvreté reste le principal défi, a continué le représentant, ajoutant qu’il faut également faire face à la hausse de la faim et de la malnutrition.

En Équateur, a précisé M. Cordova, le Programme 2030 se traduit par une politique d’État dans le cadre du Plan national de développement 2017-2021 « Toda una vida ».  Les mesures d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques se trouvent dans la contribution prévue déterminée au niveau national, préparée conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui est considérée comme une référence mondiale en termes de processus d’élaboration participatif et multisectoriel.  La réduction des risques de catastrophe se concentre sur la prévention et est centrée sur les personnes, a expliqué le représentant, qui a ensuite fait part de sa fierté de faciliter les négociations sur la résolution relative à la Convention sur la diversité biologique durant cette session.

Pour M. MOHAMED ELMAGHUR (Libye), la communauté internationale doit tout faire pour assurer le transfert de capacités dans l’objectif de combler les lacunes entre le monde développé et le monde en développement.  La Libye souffre de la rareté de l’eau et d’une hausse de la désertification, exacerbées par l’instabilité politique, qui paralyse les efforts, a fait savoir le représentant.  Il s’est aussi inquiété de la paralysie du développement du secteur des transports, qui constitue pourtant une base pour le développement durable.  Il a souhaité des efforts internationaux en synergie avec les efforts nationaux pour aboutir à un succès.

Selon M. LORENZO MORINI (Italie), l’Italie a le développement durable pour moteur, particulièrement concernant ses zones montagneuses et ce, depuis le Sommet de Rio de 1992.  Le dernier rapport du GIEC sur les océans et la cryosphère met en exergue que les zones montagneuses sont parmi les plus touchées par les changements climatiques à cause de la fonte de neiges, de glaciers et de permafrosts.  Les glaciers devraient perdre 80% de leur masse d’ici à 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, a noté M. Morini, citant toujours le GIEC.  Or, des millions de personnes dépendent des montagnes pour leur accès à l’eau, a fait remarquer le représentant, avant de souligner l’engagement fort de l’Italie en faveur du développement durable des montagnes.  Avec la Suisse, l’Italie organise chaque année la Journée internationale de la montagne.  Les deux pays ont aussi créé une alliance mondiale de pays autour de la montagne nommée Groupe de réflexion sur la montagne.

M. MOHAMED ALMASS (Bahreïn) a déclaré que son pays était pionnier dans le développement durable.  Le Bahreïn avait ainsi réalisé de nombreux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) avant la date butoir de 2015, a-t-il dit, en citant son pays en exemple et comme source d’inspiration.  Il a vanté un modèle qui repose sur l’économie, le social et le développement durable, et qui est mis en œuvre par le truchement de « politiques intelligentes », et « sans négliger le secteur privé ».  Ce modèle est aussi destiné à attirer les investissements, « malgré notre statut handicapant de petit pays insulaire en développement ».  Fort d’une baisse du chômage et d’un nouveau cadre juridique « protégeant la main-d’œuvre étrangère de tout abus », le Bahreïn, a ajouté le représentant, a réitéré son engagement envers la mise en œuvre du Programme 2030.

M. IGNACE GATA MAVITA WA LUFUTA (République démocratique du Congo) a dit s’exprimer au nom des pays de l’Afrique centrale suivants: Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République démocratique du Congo (RDC) et Tchad, qu’il a regroupés sous le terme « sous-région de l’Afrique centrale ».  Il a noté que, quatre ans après la signature de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, les catastrophes naturelles s’amplifient.  Il en a conclu que la communauté internationale est condamnée à agir ensemble.

S’étendant sur 250 millions d’hectares, les forêts tropicales de l’Afrique centrale captent environ 30% des émissions mondiales des gaz à effet de serre, a-t-il indiqué, en soulignant que ces forêts constituent un atout important pour la planète.  Elles séquestrent « l’équivalent de près de 2 ans d’émissions de dioxyde de carbone des États-Unis et de trois ans d’émission de carbone de la planète ».  Leur protection est une priorité pour les États de la sous-région, qui se sont engagés à renforcer les contributions déterminées au niveau national et à structurer le système de l’économie verte en Afrique centrale, a expliqué M. Mavita.  La sous-région a donc appelé à une action urgente et renforcée de la communauté internationale, « en vue d’offrir à nos pays davantage d’incitations à la préservation et la gestion durable des forêts, sans compromettre le développement des pays de l’Afrique centrale ». 

M. KWAMI GNALEDOME AMEHE (Togo) a relevé plusieurs problèmes qui se posent sur la voie du développement et qui constituent des obstacles aux actions: les difficultés de l’économie internationale à s’installer dans une croissance stable et durable, la raréfaction des ressources financières dans les pays en développement, les dérèglements climatiques, les catastrophes naturelles, les crises énergétiques et les conflits.  Dans ce contexte, il a considéré qu’il serait « chimérique de réaliser le développement durable » sans veiller au respect scrupuleux des différents consensus internationaux dans différents domaines du développement.  « À une décennie de l’échéance des objectifs de développement durable, l’urgence est de mise, nous ne sommes plus véritablement à la croisée des chemins », a insisté le délégué, plaidant pour des actions accélérées.

Pour sa part, le Togo est résolument engagé dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable et a adopté cette année un plan national de développement qui repose sur les trois dimensions du développement durable.  Par des mesures et réformes économiques fortes, il vise à devenir un pays à revenu intermédiaire, économiquement et socialement solide, a indiqué le délégué.  Au titre des risques qui se posent, il a dit que les changements climatiques se traduisent au Togo par une érosion côtière menaçant les populations du littoral.

M. KHALID ALSHUAIBI (Oman) a assuré que le sultanat œuvrait à intégrer les objectifs du Programme 2030 dans ses propres programmes à court et moyen termes. Les défis majeurs peuvent être résumés aux changements et transformations économiques et environnementaux, a dit le représentant.  Oman est un pays pionnier dans les questions relatives au développement et au climat, a affirmé le délégué.  Il a précisé que la situation géographique du sultanat le rendait vulnérable.  Le pays a aussi mis en œuvre des plans pour remplacer 50% de l’énergie issue du pétrole par des énergies renouvelables.

M. FRANCOIS ABOU SOUMAH (Guinée) a indiqué que la Guinée avait créé un comité national de gestion des catastrophes, qui est chargé de l’élaboration et du suivi du plan national de prévention et d’organisation des secours en cas de catastrophe.  Il a relevé que les pays en développement, qui polluent peu et contribuent moins que d’autres au réchauffement de la planète, subissent déjà les conséquences du dérèglement climatique.  « Tous ces phénomènes menacent dangereusement la sécurité alimentaire et compromettent les efforts mondiaux visant à éliminer la pauvreté et la faim d’ici à l’échéance de 2030 », a-t-il souligné.  Pour lui, l’adaptation aux changements climatiques demeure un impératif de premier plan à l’échelon mondial.  Il a plaidé pour que l’unilatéralisme cède la place au multilatéralisme, à la mondialisation et à la globalisation, car non seulement aucun pays n’est à l’abri mais aussi « aucun ne peut mener et gagner ce combat tout seul ».

Concernant les énergies renouvelables, dont le continent africain est richement doté, le représentant a rappelé que l’Union africaine avait confié au Président guinéen, M. Alpha Condé, le leadership de l’Initiative pour les énergies renouvelables en Afrique (AREI).  Elle a pour objectif d’accélérer le développement de l’énergie propre sur le continent et permet de réduire les coûteuses importations de combustibles fossiles.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a déclaré que le Programme 2030 nécessitait de redoubler d’efforts et de s’engager plus fortement pour ces 10 prochaines années.  En tant que pays enclavé et montagneux, l’Arménie est confrontée à des défis spécifiques, a-t-il indiqué.  Le capital humain est le bien le plus important de l’Arménie, c’est la raison pour laquelle tous les efforts du Gouvernement sont consacrés à l’accès égal à une éducation de qualité, à la liberté politique et au marché du travail.  Le réseau de « centres pour une économie créative » a d’ailleurs suscité un fort engouement à l’étranger, a-t-il signalé.  L’Arménie, également engagée dans la lutte contre la corruption et contre les feux de forêts, a appelé à davantage de coopération entre institutions internationales, pays et partenaires de gouvernement pour réaliser les objectifs de développement durable.

Mme OLIVA VAAI (Samoa) a dit que l’archipel cherchait à trouver un équilibre pour garantir le développement durable dans ses trois dimensions.  Citant la santé comme une condition sine qua non pour y parvenir et insistant sur « le dépistage précoce et les soins de santé primaires », elle a précisé que l’objectif de développement durable no 13 sur l’action climatique et l’objectif no 14 sur les océans, les mers et les ressources marines, étaient les deux grandes priorités de Samoa.  Afin d’accélérer les progrès, Samoa comble les lacunes en « rationalisant les ressources existantes », a expliqué la déléguée, en signalant aussi que le pays cherche à investir dans les capacités humaines, notamment en matière d’analyse et de récolte de données.  Enfin, la représentante a salué la décision du Secrétaire général de créer un bureau multipays dans le Pacifique.

M. MERIEM EDDAOU (Maroc) a appelé à accélérer l’intégration des objectifs de développement durable et de l’Accord de Paris sur les changements climatiques dans les politiques nationales.  À l’instar des pays en développement, le Maroc n’est pas à l’abri des effets des changements climatiques, particulièrement les sécheresses de longue durée et les graves inondations qui ont causé plusieurs décès récemment au Maroc.  La stratégie nationale marocaine de développement 2030 vise à poser des bases solides de développement économique pour atteindre 52% de la capacité de production d’énergie verte d’ici à 2030, a indiqué le représentant.  À l’origine de l’initiative « triple A » -Initiative pour l’Adaptation de l’agriculture africaine aux changements climatiques-, le Maroc a introduit cette année à la Deuxième Commission un projet de résolution sur « le renforcement de la coopération dans la gestion intégrée des zones côtières ».

Pour M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua), la mise en œuvre des objectifs de développement durable exige un nouveau modèle économique et financier, ainsi que de nouveaux modes de production et de consommation qui permettent un mode de vie durable et respectueux de la nature.  Si quelques pays ont obtenu des résultats en matière de réduction de la pauvreté et de la faim, le représentant s’est pourtant dit inquiet du manque de ressources et du rythme lent de la mise en œuvre des objectifs de développement durable en général.  Il a appelé les pays développés à respecter leur engagement de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide publique au développement (APD) et a rappelé que les pays en développement ont besoin d’accéder à des ressources financières, aux technologies et à des capacités renforcées.

Sur le plan national, le Nicaragua se félicite d’être parvenu à une réduction soutenue de la pauvreté, qui est passée de 42,5% en 2009 à 24,9% en 2016.  Le représentant a aussi signalé des améliorations en matière de santé et d’éducation, ainsi que des subventions à la consommation d’électricité et aux transports publics.  Le représentant y a ajouté la diminution de la dénutrition chronique des enfants, la réduction des inégalités et l’accès à un logement décent pour de nombreuses familles.

Mme SOLANGE AURRECOECHEA (Mexique) a estimé, en tant que jeune déléguée, que la dimension environnementale du Programme 2030 n’est pas perçue de manière aussi importante et urgente qu’elle le devrait.  Par exemple, la communauté internationale se préoccupe des effets, mais non des causes, des changements climatiques, puisque les émissions de gaz à effet de serre restent très élevées, dépassant même les niveaux atteints en 2016.  Dans ce contexte, l’objectif de l’Accord de Paris de contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés Celcius ne sera pas atteint, a-t-elle prévenu.  « Les conséquences sont dramatiques en termes de pertes économiques et, encore pire, de vies humaines », a lancé la jeune déléguée, rappelant les propos du Secrétaire général lors du Sommet Action Climat: on ne négocie pas avec la nature. 

Elle s’est néanmoins félicitée de l’innovation dudit sommet consistant à intégrer aux débats les solutions basées sur la nature, ce que le Mexique soutient.  Pour elle, il est nécessaire de changer de modes de consommation et de production, de changer de comportement dans la vie quotidienne, à l’incitation des gouvernements.  Enfin, elle a jugé paradoxal que maintes délégations fassent le même diagnostic sans que la Commission ne soit en mesure d’y répondre.  Le développement durable devrait être dans tous les points de l’ordre du jour et pas seulement l’un d’eux, a-t-elle précisé après avoir rappelé que les objectifs de développement durable sont intégraux et indivisibles dans une triple dimension - économique, sociale et environnementale.

Mme STEPHANIE MUIGAI (Kenya) a dit que son pays, très attaché au développement des énergies renouvelables, était parmi les 10 premiers producteurs mondiaux d’électricité géothermique.  « Nous avons récemment lancé un projet éolien de 300 mégawatts, le plus grand parc éolien en Afrique, et nous avons également plusieurs projets de production d’énergie renouvelable en cours de réalisation », a informé la représentante.  De plus, le Kenya et le Portugal ont prévu d’organiser conjointement, du 2 au 6 juin 2020, la deuxième Conférence des Nations Unies sur les océans, à Lisbonne, dont le thème est « Le renforcement des mesures en faveur des océans, sur la base de la science et de l’innovation, pour la mise en œuvre de l’objectif no 14: l’état des lieux, les partenariats et les solutions ».  La Conférence aidera à préparer la prochaine Décennie des sciences de la mer, à renforcer la coopération pour une gestion et une utilisation durable des océans, et à utiliser les opportunités offertes par nos ressources marines, a expliqué Mme Muigai.

Le Kenya est aussi engagé à combattre la désertification comme cela est reflété dans son programme national d’action, a poursuivi la représentante.  Mme Muigai a également exhorté les parties à la Convention sur la diversité biologique à soutenir les négociations pour préparer l’après-2020 et adopter un cadre mondial ambitieux et transformateur pour la biodiversité, avec des mécanismes de mise en œuvre et de responsabilisation solides, ainsi que des engagements nationaux tout aussi ambitieux. 

M. EARL COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a indiqué que le plan de développement à long terme Vision 2030 de la Jamaïque s’aligne sur le Programme 2030.  Par ailleurs, le pays copréside, avec le Canada, le Groupe des Amis du financement des objectifs de développement durable afin de trouver des partenaires de financement, par exemple dans le cadre d’infrastructures durables, conscient que l’APD reste inférieure de moitié aux prévisions.  Pour M. Rattray, il est essentiel que l’appui du système des Nations Unies pour le développement permette une meilleure coordination des efforts entre les PEID.  Cela favorisera le développement durable, a-t-il assuré.  En matière de réduction des risques de catastrophe, la Jamaïque, qui se trouve dans une zone vulnérable, attache une grande importance à la résilience et va mettre en place une stratégie sur différents niveaux, a annoncé le représentant.

M. QAMARINA PG LUBA (Brunéi Darussalam) a focalisé son intervention sur le développement agricole, la sécurité alimentaire et la nutrition.  Un secteur agricole florissant reste un élément fondamental pour lutter contre la famine, stimuler la croissance économique et éradiquer la pauvreté, a-t-il relevé.  C’est avec la sécurité alimentaire que commencent les objectifs de développement durable, a-t-il affirmé.  Il a jugé important que tous les pays travaillent ensemble à l’atténuation de l’impact des changements climatiques en partageant les connaissances et les meilleures pratiques, comme l’amélioration de la technologie et le développement de souches de cultures résilientes.  Le représentant a ensuite souligné que les objectifs de développement durable sont alignés avec la Vision 2035 adoptée par son pays où le développement agricole joue un rôle essentiel.  En conséquence, la production brute a augmenté de 8,1% par an, tandis que le secteur de la pêche a connu une croissance similaire (4,8% par an).  Le représentant a également parlé du rôle important de la jeunesse dans le secteur agricole.

M. CHEIKH AHMADOU BAMBA GAYE (Sénégal) a regretté que les modes de production et de consommation actuels aggravent la crise climatique, et a appelé à une exploitation rationnelle et raisonnable des ressources naturelles.  Le « plan Sénégal émergence » s’est accompagné d’une mise en œuvre de programmes spéciaux, notamment pour le développement communautaire, l’accès à l’eau, la construction de pistes cyclables et d’équipements de production agricole.  Priorité du pays, la lutte contre les changements climatiques fait que le Sénégal s’est engagé à baisser de respectivement 5% et 21%, sa production conditionnelle et inconditionnelle de gaz à effet de serre d’ici à 2030.  Le représentant a enfin évoqué l’initiative Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel, allant de Dakar à Djibouti, initiative phare du continent africain pour lutter contre les effets des changements climatiques et de la désertification.

Mgr FREDRIK HANSEN, observateur du Saint-Siège a dit que prendre soin de notre planète, c’est aller au-delà de changer les modèles de production et de consommation.  Cela requiert plutôt de tenir compte de « nos frères et sœurs » avec qui nous partageons « cette demeure commune », ainsi que ceux qui viendront après nous.  Selon le Saint-Siège, la dégradation environnementale à laquelle nous faisons face aujourd’hui est liée à la rupture humaine, éthique et sociale.  On ne peut donc pas, a souligné le délégué, adopter une approche sectorielle qui réduit le développement durable à la croissance économique, à la protection de l’environnement et aux progrès technologiques.  Il faudrait aussi, a-t-il suggéré, placer au centre des réflexions la dignité humaine de chaque personne, ainsi que la promotion du bien commun.  Le représentant du Saint-Siège a aussi indiqué qu’il n’est plus suffisant de dire que nous sommes concernés par l’environnement et par ceux qui viendront après nous.  On doit également unir nos efforts afin de promouvoir un type de progrès qui soit plus sain, plus humain, plus social et plus intégral, a-t-il conclu.

Mme EVA STAWORZYNSKA, de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a noté que les catastrophes naturelles avaient déjà provoqué des pertes énormes, et que le stress thermique, lié aux changements climatiques et au réchauffement de la planète, pourrait faire perdre en productivité l’équivalent de 80 millions d’emplois à plein temps et 2 400 milliards de dollars de pertes économiques au niveau mondial.  La transition vers l’économie verte est essentielle: il faut adopter des pratiques durables et avoir recours aux énergies propres si l’on veut limiter le réchauffement des températures à 2 degrés Celcius, comme décidé lors de la signature l’Accord de Paris sur les changements climatiques, a rappelé la représentante.

Si la production de véhicules électriques peut générer 24 millions d’emplois, la transition verte fera perdre 6 millions d’emplois dans le secteur du pétrole et du gaz, a tenu à mettre en garde la représentante.  Préconisant une transition juste et équitable vers le développement durable, Mme Staworzynska a recommandé de veiller à ce que les conséquences de cette transition prennent en compte la justice sociale.  L’Accord de Paris appelle à la création d’emplois pour tous, selon les circonstances de chaque pays, a-t-elle rappelé.  Le mois dernier, le Sommet Action Climat des Nations Unies a présenté une ambition historique, avec 50 pays présentant un plan national pour une transition juste, s’est-elle félicitée.  L’OIT, a-t-elle dit, salue toutes les réponses pragmatiques au problème de la transition du marché de l’emploi face au réchauffement.

Selon M. APPOLINAIRE DINGHA (Congo), les pays en développement courent le risque de ne pas être au rendez-vous pour le Programme 2030.  Dressant un bilan mondial en demi-teinte, le représentant a évoqué la stratégie nationale congolaise, mise en place malgré une baisse des cours mondiaux du pétrole, dont le pays est largement tributaire.  Le Congo met un point d’honneur à réaliser les objectifs de développement durable, surtout l’objectif no 4 qui porte sur l’accès de tous à une éducation de qualité: le pays prévoit de faire passer la proportion d’élèves en fin de cycles primaire et secondaire ayant des bases en lecture de 18%, aujourd’hui, à 72% en 2030.  Le Congo s’est aussi engagé à réduire les inégalités et à prendre des mesures d’urgence pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, y compris en préservant ses 17 aires protégées et ses 145 000 km2 de tourbières, a ajouté le représentant.

Mme CARLA MUCAVI, Directrice du Bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à New York, a dit que la transformation des systèmes agricole et alimentaire reste l’outil le plus inclusif pour mettre fin à la famine et à la pauvreté.  Ces systèmes devraient produire suffisamment d’aliments nutritifs pour tous de manière durable, appuyer les moyens de subsistance, en particulier ceux de petits producteurs ainsi que des petites et moyennes entreprises, assurer la disponibilité alimentaire à des prix abordables en vue d’améliorer la gestion de l’eau, préserver la biodiversité et la dégradation du sol, et donner la priorité à une meilleure nutrition et à une alimentation saine.  Ils doivent être inclusifs, en particulier pour les femmes et les jeunes, tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, a énuméré Mme Mucavi.  L’innovation et la technologie peuvent également changer la donne, offrant de nouvelles opportunités aux petits producteurs, en particulier les jeunes. 

Après des années de déclin, la famine a tendance à augmenter depuis 2015 avec 820 millions de personnes qui ont faim dans le monde.  Dans le même temps, la pression accrue sur les terres, l’eau, les forêts, les océans, ainsi que l'épuisement continu de la biodiversité et des ressources génétiques, sont intensifiés par les changements climatiques et les chocs climatiques.  Les conséquences sont particulièrement terribles pour les communautés rurales et montagneuses, et affectent disproportionnellement les PMA et les PEID, a déploré Mme Mucavi en appelant à la coordination et la participation de toutes les parties prenantes pour y faire face.  La Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes, 2021 à 2030, et la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale, 2018 à 2028, offrent une plateforme pour des actions accélérées et coordonnées pour réaliser le développement durable, a-t-elle conclu.

M. AHMED ABDEL-LATIF, Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), a dit que la Feuille de route 2050 de l’Agence, qui vise la transformation énergique mondiale, montre que l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique peuvent générer 90% des réductions d’émissions liées à l’énergie, comme cela est requis pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux.  Cette transformation énergique mondiale augmenterait le PIB mondial de 2,5% en 2050, et le retour sur investissement de chaque dollar dépensé serait de trois à sept dollars.

Pour réaliser un avenir prospère et sans danger pour le climat, le rythme de déploiement des énergies renouvelables doit être multiplié par 6, a indiqué le représentant.  Les investissements annuels dans les énergies renouvelables doivent doubler d’ici à 2030, pour passer d’environ 330 milliards de dollars à près de 750 milliards par an.  Pour mettre les mots en action, l’IRENA, le PNUD, l’initiative Énergie durable pour tous, en collaboration avec le Fonds vert pour le climat, ont annoncé, le mois dernier, la Plateforme pour l’investissement dans le climat, lors du Sommet Action Climat.  Cette plateforme inclusive vise à réunir un large éventail de parties prenantes publiques et privées afin de soutenir les pays à améliorer leur contribution déterminée au niveau national, telle que prévue dans l’Accord de Paris.

RÉUNION CONJOINTE: DEUXIÈME COMMISSION ET CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Déclarations liminaires

Mme MONA JUUL, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que notre monde actuel se caractérise par des disparitions d’espèces animales et des changements climatiques qui ont pris un rythme préoccupant.  Elle a ainsi parlé des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et intenses, des déserts qui remplacent progressivement les terres agricoles, en mentionnant aussi les pénuries alimentaires.  « Nous devons identifier des solutions », a-t-elle lancé, en demandant non seulement de se concentrer sur des approches novatrices, comme les nouvelles technologies, mais aussi de se rapprocher des techniques du passé et des techniques autochtones.  Le concept de solutions fondées sur la nature est une notion neuve, encore en cours d’élaboration, a fait remarquer la Présidente de l’ECOSOC.  « Aucun doute, la séance conjointe de cette après-midi nous permettra d’alimenter la réflexion, de trouver de nouvelles idées, de formuler des recommandations », a espéré Mme Juul. 

M. CHEIKH NIANG (Sénégal) Président de la Deuxième Commission, a posé la question suivante pour guider les discussions de la séance conjointe: comment accélérer la transition vers des approches écosystémiques plus globales en vue de mettre en œuvre les objectifs de développement durable?  Les solutions fondées sur la nature peuvent nous aider à surmonter collectivement les obstacles au développement durable, a-t-il dit, en soulignant que « sans les écosystèmes terrestres qui sont nos forêts, nos montagnes, nos zones humides, nos terres arides et nos déserts, il ne pourrait y avoir de vie ».  Il a aussi rappelé que la qualité de la nourriture et de l’eau est fonction de la santé des écosystèmes, dont dépendent des millions de personnes qui vivent de l’agriculture, de la pêche, de la sylviculture ou autres.

Cependant, la biodiversité diminue rapidement dans toutes les régions du monde, a mis en garde le Président, en rappelant que ce sont les activités humaines qui en sont la principale cause.  Il a donc prôné des approches plus globales pour pouvoir espérer atteindre les objectifs de développement durable.  Pour gérer efficacement les écosystèmes terrestres sans détruire d’autres espèces ni détériorer les terres et les eaux, il faut, selon lui, revoir les modes de vie modernes et les méthodes de développement.  « La bonne nouvelle, c’est que de nombreux efforts sont déjà déployés à cette fin », a dit M. Niang, en citant les gouvernements, le secteur privé et la société civile qui sont de plus en plus conscients de la nécessité d’adopter une approche plus globale du développement durable.  Cela a d’ailleurs inspiré de nouvelles démarches et des indicateurs plus exploitables de la véritable valeur de la nature, a-t-il remarqué. 

Table ronde: « Approches écosystémiques qui permettront d’engager le monde sur une voie durable »

M. SANDEEP SENGUPTA, Coordonnateur mondial du portefeuille de projets en matière des changements climatiques de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN), s’est concentré sur la présentation de solutions fondées sur la nature, après avoir rappelé que l’UICN compte 1 300 organisations membres, plus de 10 000 experts et 900 employés au Secrétariat, qui se trouve à Genève.

« Garantir le bien-être économique dépend d’une biosphère saine », a-t-il d’emblée annoncé, à l’appui de sa présentation faite à l’aide de diapositives.  Les solutions fondées sur la nature permettent de relever les défis auxquels la société est confrontée, comme les changements climatiques ou la sécurité alimentaire.  Ces solutions permettent de réaliser un tiers des actions nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5 degré Celcius, a-t-il souligné.  Pour illustrer son propos, M. Sengupta a expliqué que les plus grandes tourbières découvertes dans le bassin du fleuve Congo pourraient capter l’équivalent de 20 ans d’émissions de combustibles fossiles.  Dans le même esprit, il a parlé du Défi de Bonn qui repose sur la captation de carbone par le reboisement.  Quant aux zones humides, elles ont permis d’éviter 625 millions de dollars de dommages directs liés au passage de l’ouragan Sandy en 2012, a-t-il fait valoir.

M. Sengupta a ensuite fait remarquer que près des deux tiers des signataires de l’Accord de Paris envisageaient l’adoption de solutions naturelles mais a souligné la nécessité de fixer des cibles concrètes et vérifiables.  Ainsi, environ 17% des Contributions prévues au niveau national s’accompagnent de cibles quantifiables et robustes.  Mais rares sont celles qui établissent une synergie avec les solutions fondées sur la nature, a-t-il regretté.  L’UICN a remarqué que certains écosystèmes non forestiers (prairies, terres arides, mangroves et tourbières) étaient assez mal représentés dans ces Contributions prévues.  Autre constatation: les pays à faible revenu sont davantage enclins à adopter des solutions basées sur la nature que les pays à haut revenu.  C’est dans ce contexte, a-t-il expliqué, que l’UICN a recommandé aux pays de renforcer les solutions fondées sur la nature dans leurs Contributions prévues et d’harmoniser ces dernières avec d’autres plans nationaux.  Il est également nécessaire de mobiliser davantage de financements pour la mise en œuvre de ces solutions, a ajouté l’expert. 

La communauté internationale reconnaît aujourd’hui les avantages de ces solutions, comme l’ont montré le succès du Sommet Action Climat et des différents manifestes pour le climat, s’est réjoui M. Sengupta.  Récemment s’est tenue la réunion internationale sur la réduction des risques de catastrophe, et 2020 sera « une super année pour la nature », a-t-il promis.  M. Sengupta a espéré accroître la sensibilisation sur ces solutions lors du prochain congrès mondial de la conservation organisé par l’UICN en 2020 à Marseille (France).

Mme SIOBHAN McQUAID, spécialiste de l’innovation à la Trinity Business School de Dublin, a présenté un exposé sur l’initiative « Connecting Nature » qui accompagne les villes européennes dans la transition verte, dans une perspective économique.  La transition verte est une priorité politique de la décennie prochaine pour l’Union européenne (UE), qui investit plus de 200 millions d’euros dans ce projet, a expliqué Mme McQuaid, avant d’indiquer que l’initiative était mise en œuvre en coordination avec quatre interlocuteurs sur le terrain: les communautés urbaines, les autorités municipales, les universitaires et l’industrie, notamment les PME novatrices.  Elle a observé que l’impact des solutions fondées sur la nature est surtout étudié sous un prisme urbain, parce que 55% des citoyens du monde vivent en ville aujourd’hui, et que ce chiffre grossira à 68% d’ici à 2050. 

Mme McQuaid a fait référence à 68 villes de diverses tailles à travers l’Europe continentale où des solutions fondées sur la nature sont mises en œuvre.  Ces solutions peuvent améliorer plusieurs côtés de la vie en ville: qualité de l’air, urbanisation soutenable, biodiversité, eau, adaptation aux changements climatiques.  Par exemple, l’impact et l’utilité d’un parc public commence seulement à être vraiment pris en compte au-delà de son aspect esthétique: le fait qu’il crée une « zone tampon », un îlot de fraîcheur en période de canicule, des bienfaits psychosociaux, etc.  « On voit aussi de plus en plus de murs végétaux dans les villes, ou des toits végétaux combinés à des panneaux solaires », a poursuivi Mme McQuaid.  Elle a encore donné l’exemple de ce qui se fait en Allemagne: en été, des « salons verts » sont créés ponctuellement pour que les gens viennent se détendre pour échapper aux grandes chaleurs en ville.  De plus, la nature peut être utilisée comme matériel de construction, a ajouté l’experte.

Mme McQuaid a poursuivi son exposé en abordant le financement de ces solutions.  Il existe deux sources de financement en Europe: soit des projets massifs d’infrastructure, soit des microprojets d’un budget inférieur à 500 000 euros.  « En Europe, c’est clair, 75% des initiatives vertes sont financées par des fonds publics, très peu par des institutions financières, parce que les projets sont trop petits ou manquent de clarté pour attirer les investisseurs privés », selon Mme McQuaid.

Un autre problème, pointé par « Connecting Nature », est que les solutions fondées sur la nature sont trop fragmentées.  Elles entrent en concurrence avec d’autres secteurs, comme la santé.  « On ne reconnaît pas assez l’impact positif des solutions fondées sur la nature », a noté l’universitaire.

Le dernier défi, a expliqué Mme McQuaid, est la question de la gouvernance.  « De nombreux acteurs étant impliqués, il est difficile de les réunir.  Si beaucoup de villes sont intéressées par une approche plus collaborative, nous n’en avons pas encore toutes les clefs, a-t-elle reconnu.  Il faut, en tout cas, trouver un « partenariat public-privé-individus » pour mettre en place, en ville, des solutions fondées sur la nature, a-t-elle conclu. 

M. BEN GUILLON, Fondateur et Président-Directeur général de Conservation Investment Management, a présenté le point de vue du secteur privé, et en particulier des investisseurs. Son entreprise reçoit des clients souhaitant obtenir de bons rendements financiers tout en ayant un impact positif sur l’environnement.  Aux États-Unis, au cours des 15 dernières années, plus de 1 300 projets ont été menés pour des montants allant de 3 à 20 millions de dollars, qui s’ajoutent aux investissements publics.  Parmi ces projets figurent, par exemple, la récupération du lit d’une rivière.  Le succès de ce type d’investissements repose sur des moteurs réglementaires clairs et sur la capacité à attirer des capitaux.

Aux États-Unis, la législation guide la plupart des marchés d’atténuation ou de réduction de la pollution.  Par exemple, la loi sur les espèces en danger requiert la restauration de l’habitat de l’espèce par celui qui lui a nui, comme les zones marécageuses.  L’Agence de protection de l’environnement a aussi exigé l’amélioration de la qualité de l’eau pour la ville de New York.  Comme l’eau provient de la région des Catskills, des accords ont été passés avec les agriculteurs et propriétaires terriens plutôt que d’investir bien plus dans de nouvelles stations d’épuration, a expliqué le panéliste pour illustrer quelques-uns de ces projets.

Le capital privé disponible est énorme et va encore augmenter, a assuré M. Guillon, soulignant qu’il s’agit d’une opportunité pour les pouvoirs publics de collaborer avec des individus cherchant à placer leur argent.  Il a regretté que les indicateurs environnementaux ne soient pas suffisamment approfondis et a conseillé d’impliquer les experts locaux dans les solutions fondées sur la nature.  Ces solutions doivent en effet être adaptées à chaque contexte local et soutenues par la communauté locale, a insisté l’expert.

Débat interactif et réponse des experts

La Norvège a démarré le dialogue, souhaitant passer ce message: « il nous faut davantage de nature, pas moins de nature ».  La restauration des écosystèmes est centrale, a plaidé la délégation, en mettant également l’accent sur la nécessité de mettre en place une agriculture de transition et de réformer l’économie des océans, qui permettrait de réduire les émissions de 30% d’ici à 2050.  La Fédération de Russie a ajouté que les nouvelles technologies peuvent permettre d’observer la nature et en être inspirées.

Le Royaume-Uni a regretté le manque de financement envers les solutions fondées sur la nature et le reboisement, mais le pays va doubler les fonds alloués pour la préservation de la biodiversité.  La Chine a, pour sa part, mis en avant ses avancées en matière de solutions fondées sur la nature.

Quant aux États-Unis, ils reconnaissent l’importance des solutions fondées sur la nature, en droite ligne avec leurs objectifs d’autosuffisance, et se considèrent pionniers dans le domaine: « le Département de l’agriculture a une grande expérience en matière de restauration de terres après des catastrophes naturelles. »  Ils ont aussi qualifié l’exposé de M. Guillon, du « Conservation Investment Management », de « frappant »: « créer des incitations fiscales peut contribuer aux investissements dans des solutions fondées sur la nature », ont-ils conclu.

Concernant l’expansion des forêts, l’Arménie a dit s’être engagée à faire doubler sa surface forestière d’ici à 2050 et a annoncé la tenue d’un forum d’experts -le Sommet des forêts- à Erevan, le 23 octobre.  L’Éthiopie a mis en avant son grand programme de reboisement, avec 40 arbres plantés par habitant.

L’Union européenne a remarqué que les questions environnementales étaient, dans le passé, trop circonscrites au seul plan de l’environnement, l’impact économique de ces questions étant négligé: c’est pourquoi elle s’est réjouie de la tenue de cette réunion.

En conclusion de ce dialogue où les délégations se sont montrées enthousiastes pour promouvoir les solutions basées sur la nature, seule l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) a mis un bémol, car elle s’est étonnée que les énergies renouvelables n’occupent pas une meilleure place dans les projets exposés.  « Si Mme McQuaid évoquait çà et là des projets solaires », l’IRENA a jugé que l’ensemble restait assez maigre, et que les initiatives en matière de solutions fondées sur la nature étaient fragmentées, rendant, selon elle, compliquée la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  L’agence IRENA, dont la raison d’être est l’expansion des énergies renouvelables, a pensé que ces dernières devraient être inclues dans les prochaines réflexions sur les solutions fondées sur la nature.

Conclusions

En réaction à ce dialogue, M. Sengupta s’est réjoui de l’unanimité de la salle vis-à-vis des solutions fondées sur la nature.  Il a jugé important que les aspects politiques aillent main dans la main avec les aspects sociétaux.

Mme McQuaid, elle, a rebondi sur les observations des délégations, soulignant l’importance de travailler de concert dans plusieurs domaines comme l’agriculture et la durabilité des océans: elle a invité à ne pas travailler de manière cloisonnée.  Mme McQuaid a aussi jugé le leadership politique « fondamental » pour les solutions fondées sur la nature, et s’est réjouie de le sentir palpable cette après-midi.

Surpris et rassuré par un soutien aux solutions fondées sur la nature « rafraîchissant et unanime », M. Guillon s’est rappelé qu’il y a encore 15 ans, le concept était considéré avec étonnement, voire un certain dédain.  L’évolution des mentalités est, à cet égard, un grand progrès, a-t-il noté.  Il a réitéré que les communautés et les investisseurs souhaitaient devenir partenaires de cet effort, appelant à unir les volontés et à mettre toutes les ressources en commun. 

Observations finales

Le Président de la Deuxième Commission, après avoir remercié les experts et tous les participants à la discussion, a donné un dernier exemple de solution fondée sur la nature: au Sahel, l’initiative Grande Muraille verte a pour objectif de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées afin de retenir 250 millions de tonnes de carbone et de créer 10 millions d’emplois dans les zones rurales.  Plus de 20 pays de la région y participent, par le biais de l’Union africaine, a-t-il précisé, en expliquant que la population se mobilise, du Sénégal à Djibouti, pour améliorer la sécurité alimentaire, l’emploi et la stabilité au quotidien.  Une fois achevée, cette muraille verte fera trois fois la taille de la Grande Barrière de corail.  Avant de conclure la séance, le Président a encouragé tout le monde à passer à l’action et à faire en sorte que le Programme 2030 change véritablement la donne pour les populations et la planète.

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