Soixante-quatorzième session,
19e séance – matin
AG/AB/4348

Cinquième Commission: le Secrétariat de l’ONU répond aux interrogations de la Fédération de Russie sur le bien-fondé des mesures d’austérité

Alors que la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires examinait aujourd’hui l’exécution du budget 2018-2019, la Fédération de Russie a contesté l’ampleur de la crise financière de l’ONU et interpelé son Contrôleur sur le bien-fondé des mesures d’austérité, allant même jusqu’à accuser le Secrétariat de violer ses règles financières.  Sans les mesures prises, a répondu M. Chandru Ramanathan, le débat général de septembre n’aurait même pas pu avoir lieu.  Les pratiques budgétaires du Secrétariat sont parfaitement légales et justifiées par le déficit de trésorerie sans précédent en 2019, a insisté le Contrôleur.

Dans son deuxième rapport sur l’exécution du budget-programme 2018-2019, le Secrétaire général note* que les déficits de trésorerie auxquels l’ONU a dû faire face ont été sans commune mesure avec ceux des 10 dernières années.  L’Organisation a manqué d’argent plus tôt dans l’année et est restée dans le rouge plus longtemps.  Pour faire face à cette crise, le Secrétariat a pris un certain nombre de mesures d’austérité, dont la limitation des dépenses non liées au personnel, le report des paiements, la réduction des avances pour les projets pluriannuels et le gel des recrutements. 

Au cours du dernier trimestre de cette année, des mesures supplémentaires ont été adoptées pour limiter les voyages officiels, reporter certains achats, réduire des dépenses liées à la gestion des installations, dont l’interruption des escalators entre les 2e et 4e étages du Siège de l’ONU, et reporter des réunions.  Compte tenu de la situation, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) recommande** d’approuver la suspension de certaines dispositions du Règlement financier et des règles de gestion financière de l’ONU, pour qu’un montant de 25,19 millions de dollars, au titre des crédits de 2016-2017, ne soit pas restitué aux États Membres et puisse être utilisé en 2020.

Mais, s’est étonnée la Fédération de Russie, le CCQAB a pourtant reconnu que le ratio de liquidité s’est amélioré en 2019 par rapport à 2018 et que le montant des contributions non versées n’est pas pire qu’en 2017.  Comment, dans ces conditions, justifier les mesures « dites d’austérité », qui ont entravé cette année le travail des délégations? s’est interrogé la Fédération de Russie, en voulant en savoir plus sur les économies réalisées grâce à ces mesures.  Avant de nous prononcer sur les 25,19 millions de dollars qui ne seraient pas restitués aux États Membres, peut-on connaître les soldes des tribunaux fermés?

La Fédération de Russie a expliqué que c’est seulement en additionnant ces derniers avec les soldes du compte spécial et des opérations de maintien de la paix fermées, soit 385 millions de dollars, que les États Membres pourront évaluer le montant des réserves que le Contrôleur sera autorisé à utiliser en cas d’urgence, comme il le fait déjà en empruntant auprès des comptes des opérations clôturées, « en violation » du Règlement financier et des règles de gestion financière de l’ONU. 

Si le ratio de 2019 est meilleur, a professé le Contrôleur, c’est tout simplement parce que nous n’avons pas été en mesure de couvrir les dépenses.  Cette année, a-t-il insisté, l’ONU a connu le déficit de trésorerie le plus important depuis 2010.  Nous n’étions même pas certains de pouvoir payer les salaires en novembre, a-t-il rappelé, arguant que sans les mesures d’austérité, l’ONU aurait accusé un déficit de 600 millions de dollars dès le mois de septembre.  Si nous avions suivi à la lettre le Règlement, le débat général aurait été perturbé, a encore rappelé le Contrôleur.  Par ailleurs, a-t-il affirmé, rien dans le Règlement financier n’interdit les emprunts sur les comptes des opérations de maintien de la paix au profit du budget ordinaire.

Malgré les mesures d’austérité et le gel des recrutements, l’ONU accuse toujours un déficit de 221 millions de dollars, a poursuivi le Contrôleur, précisant qu’après le paiement des salaires de décembre sur les réserves, il ne restera que 13 millions de dollars pour payer les factures.  « Ne pensez pas qu’en 2019 nous étions en meilleure forme qu’en 2018, car ce n’est évidemment pas le cas », a martelé le haut fonctionnaire.

Par ailleurs, les États Membres étaient saisis d’une demande*** de crédit de 103 690 800 dollars, avant actualisation des coûts, pour financer en 2020 le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, soit une hausse de 5 641 700 dollars par rapport aux crédits ouverts pour 2019.  Le Secrétaire général attribue cette tendance aux ressources nécessaires à la division d’Arusha qui a ouvert, en 2018, une affaire d’outrage dite « Turinabo et consorts » et qui espère l’arrestation de l’un des trois derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

L’arrestation « éventuelle » d’un fugitif, commente**** le CCQAB, ne devrait pas être inscrite dans un projet de budget.  Les sommes doivent être demandées une fois le fugitif arrêté.  Le Comité consultatif recommande par conséquent une enveloppe de 97 962 400 dollars, correspondant également à des coupes liées au dépenses en personnel et aux voyages officiels.  Jugeant ces réductions « arbitraires et injustifiées », le Groupe des 77 et la Chine se sont dits préoccupés par la concentration des ressources à la division de La Haye, alors que la charge de travail est plus lourde à Arusha. 

Également en désaccord avec les recommandations du CCQAB, le Groupe des États d’Afrique a appuyé le montant proposé par le Secrétaire général, une enveloppe que la Tanzanie aurait souhaité plus importante.  Ces délégations ont en outre appelé à une solution pour que le Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone soit hébergé à la division d’Arusha, sans incidence sur l’exécution des mandats respectifs.

La Commission a aussi examiné une demande***** de 49 450 100 dollars de crédit pour la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020.  Une partie de l’enveloppe devrait financer la liquidation administrative de la Mission, officiellement clôturée depuis le 15 octobre 2019 et remplacée par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).  Ici aussi, le CCQAB recommande****** une réduction de 327 200 dollars.  Il explique qu’étant donné que depuis la création du BINUH, les ressources demandées pour lui visent à financer le déploiement de 13 policiers hors unités constituées et de 2 membres du personnel fournis par des gouvernements, il faut réduire les ressources proposées pour le déploiement à la MINUJUSTH de 11 policiers des Nations Unies et de 2 agents fournis par des gouvernements pour la période du 16 octobre au 31 décembre 2019.

La prochaine séance publique de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

*A/74/583
**A/74/583
***A/74/566, A/74/355 et A/74/355/Corr.1
****A/74/593
*****A/74/532
******A/74/589

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