Soixante-quatorzième session,
Forum politique de haut niveau - après-midi
AG/12185

Sommet sur les ODD: les États s’engagent à accélérer le rythme durant la « Décennie d’action » pour réaliser le développement durable d'ici à 2030

« Nous nous engageons à intensifier nos efforts communs » pour concrétiser la vision du monde que nous voulons d’ici à 2030, ont déclaré les chefs d’État et de gouvernements réunis cet après-midi, à New York, pour l’ouverture du Sommet des Objectifs de développement durable (ODD), en se disant convaincus que « les objectifs restent à portée de main si nous acceptons volontiers la transformation et accélérons leur réalisation ».

Le Forum politique de haut niveau pour le développement durable, qui se tient pour la première fois sous les auspices de l’Assemblée générale, se réunit aujourd’hui et demain sous forme de sommet après quatre sessions placées sous la houlette du Conseil économique et social (ECOSOC) depuis l’adoption, en 2015, du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

La bonne nouvelle, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, c’est que « le Programme 2030 se concrétise »: les gouvernements ont intégré les objectifs à leurs stratégies nationales, le secteur privé mise davantage sur l’économie verte, tandis que les villes, les entreprises, le monde de la finance, la société civile, la jeunesse et bien d’autres encore se mobilisent et passent aux actes.

Tout en soulignant cet élan pris depuis l’adoption du Programme en 2015, M. António Guterres a prévenu cependant que « nous ne sommes pas sur la bonne voie », citant, entre autres, le chômage, la faim et les inégalités de genre. 

En effet, selon le Rapport 2019 sur les progrès des ODD, le rythme n’est pas assez rapide pour atteindre les objectifs d’ici à 2030.  De même, le Rapport mondial sur le développement durable du groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes souligne que « malgré les efforts initiaux, le monde n’est pas en passe d’atteindre la plupart des 169 cibles qui composent les ODD ».  Quatre faits inquiètent surtout les experts: les inégalités croissantes, les changements climatiques, la perte de biodiversité, ainsi que les quantités croissantes de déchets de l’activité humaine. 

« Profitons de l’élan de ce Sommet pour aller plus loin et plus vite », a donc lancé M. Guterres.  « Le temps est venu de prendre des décisions audacieuses, tant sur le plan individuel que collectif », a-t-il dit, en appelant notamment les États Membres à respecter leurs engagements en matière d’aide publique au développement.  Une autre de ses recommandations a été de favoriser des solutions ayant un véritable impact sur le développement durable, comme les obligations à impact social et les financements verts.

Les 10 prochaines années doivent être une « période d’action accélérée », a confirmé le Président de l’Assemblée générale, M. Tijjani Muhammad-Bande, en recommandant aux pays d’intégrer le Programme 2030 dans leurs budgets et plans de développement.  La Présidente de l’ECOSOC, Mme Mona Juul, n’a pas dit autre chose en invitant à « passer à la vitesse supérieure » pour promouvoir une croissance économique durable et inclusive.

Donnant l’exemple, le Secrétaire général a fait part de son intention de convoquer une plateforme annuelle pour piloter la Décennie d’action, dont la première rencontre aura lieu en septembre 2020.

Dans la Déclaration politique adoptée par acclamation, les dirigeants du monde disent rester « résolus, d’ici à 2030, à mettre fin partout à la pauvreté et à la faim », avant de couvrir tous les autres domaines d’action où des progrès sont attendus: les inégalités, les sociétés pacifiques et justes, les droits de la personne, l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et des filles, la protection durable de la planète et de ses ressources naturelles, la croissance économique durable, inclusive et soutenue, la prospérité partagée et le travail décent pour tous.

La Déclaration, intitulée « Préparatifs pour une décennie d’action et de réalisations en faveur du développement durable », sera soumise à l’Assemblée générale pour approbation au cours de la présente session.  Dix domaines d’action y sont énumérés en commençant par l’objectif de « ne pas faire de laissés-pour-compte », le principe fondamental du Programme 2030.  Le Programme d’action d’Addis-Abeba, sur le financement du développement, « fait partie intégrante du Programme 2030 », précise le texte.  Mais de nombreux problèmes dans le monde sont dus au manque de compassion plus qu’au manque de ressources, a estimé le Président de la Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, en rappelant que son pays offre l’asile à des millions de réfugiés. 

La Déclaration reconnaît aussi les « synergies » entre la mise en œuvre du Programme 2030 et l’Accord de Paris sur le climat.  Au lendemain du Sommet Action Climat convoqué hier par le Secrétaire général, la Première Ministre de la Norvège, Mme Erna Solberg, a souligné que les changements climatiques risquent de saper tous les progrès effectués en faveur des ODD, tandis que la Coprésidente du caucus mondial de la jeunesse autochtone, Mme Jessica Ortega, a présenté la crise climatique comme une question existentielle pour la plupart des populations autochtones.  La Présidente de l’ECOSOC a, quant à elle, insisté sur le vœu des jeunes d’hériter d’une planète durable. 

« Au moment où nous nous engageons dans une décennie décisive du Programme 2030 », rappelle la Déclaration, les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les autres parties prenantes doivent être encouragés à trouver des solutions et à accélérer les mesures visant à combler les lacunes systémiques décelées dans la mise en œuvre du Programme 2030.  Le Premier Ministre du Japon, M. Shinzo Abe, a donné à cet égard le témoignage de ce que fait son gouvernement qui a créé un prix spécial pour récompenser l’engagement des municipalités, du secteur privé et de la société civile en faveur du développement durable.

Le Forum politique de haut niveau réuni sous les auspices de l’Assemblée générale se poursuivra demain, mercredi 25 septembre, à partir de 10 heures, avec notamment cinq séances de dialogue.

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Adoption de la Déclaration politique issue du Forum politique de haut niveau pour le développement durable organisé sous les auspices de l’Assemblée générale (A/HLPF/2019/L.1)

Dans cette Déclaration, les chefs d’État et de gouvernement et hauts représentants réunis au Siège de l’ONU à New York, pour deux jours de sommet sur les objectifs de développement durable, s’engagent à « intensifier leurs efforts communs » pour « concrétiser la vision du monde que nous voulons d’ici à 2030 », convaincus que « les objectifs restent à portée de main si nous acceptons volontiers la transformation et accélérons leur réalisation ».

Ils sont « résolus, d’ici à 2030, à mettre fin partout à la pauvreté et à la faim; à combattre les inégalités qui existent dans les pays et d’un pays à l’autre; à édifier des sociétés pacifiques et justes, où chacun a sa place; à respecter, protéger et réaliser les droits de la personne et à parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de l’ensemble des femmes et des filles; à protéger durablement la planète et ses ressources naturelles ».  Ils disent aussi demeurer « résolus à créer les conditions d’une croissance économique durable, inclusive et soutenue, d’une prospérité partagée et d’un travail décent pour tous, compte tenu des différents niveaux de développement et des capacités nationales ».

« Notre engagement, « notre monde aujourd’hui » et « notre appel à une action accélérée » sont les trois thèmes de la Déclaration intitulée « Préparatifs pour une décennie d’action et de réalisations en faveur du développement durable », qui sera soumise à l’Assemblée générale pour approbation au cours de sa soixante-quatorzième session. 

Les dix domaines d’action, pour dès à présent et pour la décennie à venir, sont énumérés ainsi: « Ne pas faire de laissés-pour-compte; Mobiliser un financement adéquat et bien ciblé; Renforcer la mise en œuvre au niveau national; Renforcer les institutions en vue de solutions plus intégrées; Renforcer l’action locale pour accélérer la mise en œuvre; Réduire les risques de catastrophe et renforcer la résilience; Relever les défis par la coopération internationale et renforcer le partenariat mondial; Exploiter la science, la technologie et l’innovation en mettant davantage l’accent sur la transformation numérique au service du développement durable; Investir dans les données et statistiques relatives aux objectifs de développement durable; Renforcer le Forum politique de haut niveau ».

Le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement « fait partie intégrante du Programme 2030 », précise le texte de la Déclaration politique en reconnaissant aussi les « synergies entre la mise en œuvre du Programme 2030 et l’Accord de Paris sur le climat ».  La Déclaration souligne en effet la nécessité d’une « action concertée » entre toutes les grandes conférences et réunions au sommet des Nations Unies dans les domaines économique et social et les domaines connexes.

« Au moment où nous nous engageons dans une décennie décisive du Programme 2030 », rappelle la Déclaration, les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les autres parties prenantes doivent être encouragés à trouver des solutions et à accélérer les mesures visant à combler les lacunes systémiques décelées dans la mise en œuvre du Programme 2030.

Déclarations d’ouverture

M. TIJJANI MUHAMMAD-BANDE, Président de l’Assemblée générale, s’est dit encouragé par les discussions qui ont eu lieu au sujet des ODD (Objectif de développement durable) au cours des quatre dernières années: de nombreux forums sur ces objectifs ont été organisés, les activités de plaidoyer ont augmenté et les pays intègrent de plus en plus le Programme de développement durable à l’horizon 2030 dans leurs plans de développement nationaux.  Il s’est également félicité de voir que de nombreux pays avaient présenté avec succès un rapport pour leur « examen national volontaire », dans le cadre du suivi de la mise en œuvre du Programme 2030, avant de rappeler la nécessité de redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs fixés.

Le Président a ensuite félicité les pays qui déploient des efforts considérables pour réaliser les ODD, parfois dans des conditions difficiles, tout en appelant à trouver des moyens d’accélérer l’action en faveur de ces objectifs pour ceux qui demeurent en retard dans leur réalisation.  Il a notamment appelé à approfondir les partenariats pour débloquer les milliards de dollars nécessaires au financement des ODD.  Il a aussi invité la communauté internationale à se pencher sur le sort des pays en situation particulière et à se focaliser sur plusieurs domaines: l’éradication de la pauvreté, l’éducation et d’autres questions fondamentales pour la réalisation des objectifs et cibles arrêtés dans le Programme 2030.

Fort de ces constats, M. Muhammad-Bande a encouragé les dirigeants du monde à prendre la résolution de faire des 10 prochaines années une période d’action accélérée et à intégrer le Programme 2030 dans les budgets et plans de développement nationaux.  Même si les gouvernements ont la responsabilité première de mettre en œuvre le Programme 2030, le Président de l’Assemblée générale a également plaidé pour l’établissement de partenariats mutuellement bénéfiques avec le secteur privé, les jeunes et la société civile.  Pour lui, l’inclusion est essentielle pour renforcer la paix et la sécurité internationales, promouvoir l’état de droit et les droits de l’homme, ainsi que mettre en place des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré qu’il n’avait jamais vu autant de personnes enthousiastes sur les Objectifs de développement durable (ODD) que ces trois derniers jours.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est au cœur de chaque événement de cette semaine de haut niveau, a-t-il d’ailleurs noté.  Évoquant un voyage commencé en 2015 qui a pour cap l’élimination de l’extrême pauvreté et de la faim, l’égalité pour les femmes et les filles et l’autonomisation des jeunes, entre autres, il a souligné que « notre ambition est celle d’une mondialisation équitable ».  La bonne nouvelle, a continué le Secrétaire général, est que « le Programme 2030 se concrétise »: les gouvernements ont entrepris d’intégrer les objectifs à leurs plans et stratégies au niveau national, le secteur privé se rend compte que l’économie verte est une économie prospère, tandis que les villes, les entreprises, le monde de la finance, la société civile, la jeunesse et bien d’autres encore se mobilisent et passent aux actes.  « Nous avançons », a constaté le Secrétaire général.  Ce Sommet qui nous réunit est une preuve sans équivoque de l’engagement mondial en faveur du Programme 2030. 

« Mais soyons clairs: nous sommes encore bien loin du compte.  Nous nous sommes écartés du chemin », a prévenu M. Guterres.  Les conflits meurtriers, la crise climatique, la violence fondée sur le genre et les inégalités qui persistent mettent en péril les efforts faits pour atteindre les objectifs de développement durable, s’est-il inquiété.  En outre, il a fait remarquer que « ceux qui se partagent aujourd’hui la moitié de la richesse mondiale pourraient se tenir autour d’une table ».  À cela, s’ajoutent une croissance irrégulière, l’augmentation du niveau de la dette, de pics de tensions dans le commerce mondial qui créent de nouveaux obstacles à la mise en œuvre du Programme 2030.  En outre, le chômage des jeunes atteint des niveaux alarmants.

Malheureusement, la faim dans le monde gagne du terrain, s’est encore alarmé le Secrétaire général.  Il a aussi noté qu’aucun pays n’est en passe d’atteindre l’objectif de l’égalité des sexes dont pourtant tous les autres dépendent.  En réalité, l’écart se creuse dans plusieurs pays, a-t-il alerté, en signalant en outre qu’un million d’espèces sont menacées d’extinction.  Au rythme actuel, près de 500 millions de personnes pourraient toujours être dans une situation de pauvreté extrême à l’horizon 2030, a-t-il mis en garde.  « Il nous faut redoubler d’efforts, et ce, dès maintenant », a-t-il exhorté, en appelant à regagner la confiance des populations et à répondre aux sentiments d’isolement et d’instabilité, vécus ou perçus, et qui est le résultat du modèle actuel de mondialisation. 

« Le Programme 2030 est la meilleure solution.  C’est notre plan vers une mondialisation équitable. »  Nous devons évoluer vers une économie neutre en carbone, c’est-à-dire atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici à 2050, a rappelé le Secrétaire général.  M. Guterres a appelé à multiplier les perspectives de développement des pays les plus vulnérables et des personnes les plus marginalisées.  Et nous ne devons pas voir le Programme 2030 à travers le prisme de l’économie des 10 dernières années, mais à travers celui des 10 prochaines, a-t-il lancé: il faut exploiter le potentiel de la quatrième révolution industrielle tout en se protégeant des dangers qu’elle entraîne.

Voilà pourquoi, comme demandé par votre Déclaration politique, je lance aujourd’hui un appel mondial en faveur d’une décennie d’action pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, a déclaré le Secrétaire général dont l’appel est guidé pour trois domaines.  Tout d’abord, l’action à l’échelle mondiale: le temps est venu de prendre des décisions audacieuses, tant sur le plan individuel que collectif.  « Nous devons mettre fin aux conflits d’aujourd’hui et prévenir les violences de demain », a invité M. Guterres.  Plaidant pour davantage de ressources, il a souhaité que les États Membres respectent leurs engagements en matière d’aide publique au développement (APD) et demandé de reconstituer intégralement les fonds mondiaux pour le climat et la santé, d’augmenter le financement de l’éducation et des autres objectifs de développement durable, ainsi que de soutenir des formes innovantes de financement.  Il a cité à cet égard les obligations à impact social et préconisé que les pays les plus vulnérables aient davantage accès aux technologies et aux financements verts et à taux réduits. 

Dans le même temps, a poursuivi M. Guterres, nous devons amplifier les investissements privés à long terme en faveur du développement durable et réaliser de vrais progrès dans la lutte contre les flux illicites de capitaux, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale afin de mieux soutenir les pays en développement dans la mise en œuvre de leurs réformes politiques et économiques.  Il a également demandé de privilégier les solutions qui auront le plus d’impact sur le Programme 2030 dans son ensemble, comme l’égalité des sexes, une économie juste et inclusive, des systèmes énergétiques et alimentaires durables, des villes durables et la lutte contre la crise climatique.

Le Secrétaire général a parlé, en deuxième lieu, de la nécessité d’agir sur le plan local: nous devons faire davantage au niveau national, afin d’obtenir des résultats là où cela importe le plus, c’est-à-dire dans la vie des gens.  Il faut donc aligner les politiques et engagements nationaux sur le Programme 2030, élaborer des cadres de financement nationaux intégrés, renforcer les mécanismes de gouvernance du développement durable, créer des systèmes de données utiles et inclusifs et bâtir des plans climatiques ambitieux en 2020.  Enfin, le Secrétaire général a plaidé pour la création d’un environnement qui permette aux villes et aux autorités locales d’exploiter tout leur potentiel, un environnement dans lequel les droits de la personne et l’espace public soient protégés, qui favorise le développement d’un secteur privé durable et qui attire les investissements étrangers directs.

Enfin, prêchant pour l’action individuelle, M. Guterres a appelé la société civile, les associations locales, les médias, le secteur privé, les syndicats et les universités, entre autres, à plus que jamais travailler main dans la main vers des objectifs communs.  Il a invité les innovateurs et les entrepreneurs à adopter de nouveaux modèles économiques qui répondent aux besoins du Programme 2030.  Il a demandé au monde de la science et de la recherche de faire en sorte que les nouvelles technologies servent à réduire les fractures numérique et technologique et soient mises au service du bien commun.  Il a enfin exhorté les jeunes et les membres de la société civile à demander des comptes à leurs dirigeants. 

En concluant son discours, le Secrétaire général a indiqué vouloir convoquer une plateforme annuelle pour piloter la décennie d’action dont la première rencontre dans ce cadre aura lieu en septembre 2020 à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies. 

Mme MONA JUUL (Norvège), Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que, depuis 2016, le Forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous les auspices de l’ECOSOC, s’était réuni chaque année afin de faire le point sur la mise en œuvre des ODD, avec un message toujours très clair: « nous avons besoin de faire davantage d’efforts et de viser plus haut ».  Elle a noté que les inégalités demeurent élevées, notamment à l’intérieur des pays et entre eux.  De même, le Sommet sur le climat d’hier et le Sommet de la jeunesse sur l’action pour le climat de samedi ont permis de mettre en exergue les défis considérables à relever et de lancer des appels urgents à l’action, en demandant plus d’ambition.  Ainsi Mme Juul a invité les délégations, « en tant que propriétaires » du Programme de développement durable à l’horizon 2030, à « passer à la vitesse supérieure » pour promouvoir une croissance économique durable et inclusive et garantir un emploi productif et un travail décent pour tous.  Une transformation juste et participative nécessite, a-t-elle précisé, la paix, la justice et des institutions transparentes et responsables.  De même, une ONU efficace et adaptée à ses objectifs est essentielle pour faire une réelle différence dans la vie des gens. 

La Présidente de l’ECOSOC a aussi souligné quelques avancées depuis 2015, comme les « examens nationaux volontaires » qui ont montré que les gouvernements sont proactifs dans la mise en œuvre du Programme 2030.  De même, a-t-elle noté, le secteur des affaires et la société civile sont à l’avant-garde de ce mouvement.  Mme Juul a ensuite appelé à de nouveaux partenariats inclusifs et innovants, ainsi qu’à une collaboration internationale qui, selon elle, devrait renforcer l’engagement de la société civile.  Elle a aussi recommandé de réduire le déficit d’investissements en faveur des ODD, en tenant dûment compte du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Elle a terminé en prônant l’innovation et l’utilisation des progrès scientifiques et de la technologie en faveur du bien commun.  Il faut tenir compte des appels des jeunes, a-t-elle enfin demandé, en insistant sur le vœu des jeunes d’hériter d’une planète durable. 

Présentation du rapport du Groupe de scientifiques indépendants sur les objectifs de développement durable

La modératrice de ce segment, Mme JOANNIE MARLENE BEWA, Jeune Leader aux Nations Unies pour les objectifs de développement durable et fondatrice de Young Beninese Leaders Association, a assuré que le rapport était étayé par des preuves et orienté vers l’action, avant de poser la question importante de savoir « où en sommes-nous dans la réalisation des objectifs de développement durable? ». 

« Nous nous trouvons dans une situation alarmante », n’a pas hésité à dire M. PETER MESSERLI, Directeur du Centre pour le développement et l’environnement (CDE) de l’Université de Berne (Suisse), en présentant en même temps les trois messages du rapport qui invitent à l’action.  Le rapport, tout d’abord, explique ce qu’il faut faire pour renverser cette tendance.  Puis, il trace la voie et envisage les moyens de mettre en œuvre efficacement le Programme 2030, en soulignant combien les objectifs de développement durable sont liés entre eux.  Le rapport insiste d’ailleurs pour dire que tous les objectifs doivent être mis en œuvre ensemble.  Le troisième message est qu’il faut un plan pour avancer, en renforçant notamment la relation entre les personnes et la nature, l’accès à l’énergie, et les capacités à assurer le bien-être et préserver l’environnement. 

On ne peut pas mettre en œuvre les 17 objectifs « l’un après l’autre », a enchaîné Mme ENDAH MURNININGTYAS, ancienne ministre adjointe des ressources nationales et de l’environnement au Ministère de la planification du développement national et à l’Agence nationale du plan et du développement de l’Indonésie, en invitant les dirigeants du monde à appliquer le Programme 2030 de manière plus systématique et systémique.  Elle a jugé également important de mettre en œuvre le Programme 2030 par une politique fondée sur des faits.  L’éducation scientifique à tous les niveaux, en particulier au niveau universitaire, est essentielle, a ajouté l’experte.  À son avis, les gouvernements, le secteur privé et la société civile doivent repenser leurs liens et leur collaboration.  Ils doivent aussi améliorer les méthodes pour permettre la pleine réalisation du Programme 2030.  Celui-ci doit être comme une boussole pour les gouvernements, la société civile et pour toutes les parties prenantes qui doivent revoir leur partenariat pour arriver à une véritable transformation et atteindre les objectifs à temps. 

Mme EUN MEE KIM, Doyenne de la Graduate School of International Studies, Ewha Womans University de Séoul (République de Corée), a mis en relief certaines des principales conclusions du rapport, soulignant que les inégalités croissantes avaient empêché de nombreuses personnes de profiter des fruits du développement économique et social.  « Cela a conduit à une pauvreté multidimensionnelle touchant en particulier les femmes et les filles, les personnes handicapées et les peuples autochtones », a-t-elle relevé.  Les inégalités entre les sexes sont souvent aggravées par d’autres formes d’inégalité, empêchant les femmes et les filles d’échapper à la pauvreté et aux inégalités intergénérationnelles, a aussi noté Mme Kim qui a souligné la nécessité de renforcer la résilience par l’éducation et de promouvoir l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.  Le Nord a la responsabilité d’aider le Sud, a-t-elle rappelé tout en affirmant que les peuples des pays en développement doivent assumer leur propre destin. 

Pour M. DAVID SMITH, Coordinateur de l’Institut pour le développement durable de l’Université des Indes occidentales, il faut agir à tous les niveaux de gouvernance pour toucher rapidement les plus nécessiteux.  Il faut que tout le monde travaille ensemble pour atteindre les objectifs en particulier dans les petits États insulaires en développement (PEID) qui manquent de ressources, a-t-il dit en appelant aussi à partager les connaissances permettant de régler les problèmes.  M. Smith a souhaité que l’ONU montre l’exemple dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, et que les gouvernements réinventent leurs politiques de développement dans le cadre d’une plateforme d’échanges avec les parties prenantes.  La science peut aider à trouver des solutions pour le développement durable, a-t-il estimé mais il faut aussi que les pays en développement aient accès plus facilement aux données. 

Rapport mondial sur le développement durable du groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes 

Ce rapport de 288 pages, dont plus de 150 pages de revue de littérature et d’annexes, est le tout premier produit par le groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes, créé en 2017 par le Secrétaire général de l’ONU.  Le rapport rendu public, ce jour, souligne que la mise en œuvre du Programme 2030 a pris du retard.  Comme les objectifs de développement durable sont liés les uns aux autres, il serait judicieux de les mettre en œuvre de manière synergique, préconisent les scientifiques qui, dans le même temps, identifient des leviers ou des catalyseurs de changements rapides: la science et la technologie; la bonne gouvernance; l’économie et la finance; et enfin l’engagement personnel et collectif.  Les experts préconisent aussi que les parties prenantes fassent montre d’innovation et que la science soit au service des missions urgentes en vue de renforcer la mise en œuvre du Programme 2030.

En outre, le rapport indique que toutes les initiatives de mise en œuvre doivent être contextualisées pour tenir compte des réalités nationales.  Si la science est vue comme un moyen d’identifier les nouveaux problèmes et obstacles à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, les scientifiques notent que cela nécessite la transformation des institutions scientifiques, la mobilisation des connaissances existantes et le renforcement de l’éducation au développement durable.  Sur le plan national, le rapport suggère la formation d’équipes interdisciplinaires de scientifiques qui auraient pour rôle central d’appuyer le travail des décideurs.

Le rapport est sans appel, car il relève que « malgré les efforts initiaux, le monde n’est pas en passe d’atteindre la plupart des 169 cibles qui composent les ODD ».  Le succès limité des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs suscite de vives inquiétudes et sonne l’alarme pour la communauté internationale.  Quatre faits inquiètent surtout les experts: les inégalités croissantes; les changements climatiques; la perte de biodiversité; et les quantités croissantes de déchets de l’activité humaine.  En effet, des évaluations récentes montrent que, compte tenu des tendances actuelles, les systèmes biophysiques naturels et sociaux du monde ne peuvent soutenir les aspirations à un bien-être humain universel ancré dans les objectifs de développement durable.  Il ne reste qu’un peu plus de 10 ans pour réaliser le Programme 2030, mais aucun pays n’est encore en mesure de répondre de manière convaincante à un ensemble de besoins humains fondamentaux à un niveau d’utilisation des ressources durables à l’échelle mondiale. 

Pour les éminents scientifiques, la transformation universelle vers un développement durable au cours de la prochaine décennie dépend de la réalisation simultanée de voies novatrices propres à chaque pays.  Néanmoins, il y a des raisons d’espérer, car les connaissances scientifiques permettent d’identifier les voies critiques qui brisent ce modèle, et de nombreux exemples du monde entier montrent que c’est possible.  De ce fait, le moyen le plus efficace -ou parfois le seul- de progresser sur un objectif donné est de tirer parti des synergies positives avec d’autres objectifs tout en résolvant ou en améliorant les compromis négatifs avec d’autres encore.  De même, des partenariats innovants et puissants peuvent résulter de collaborations entre les acteurs traditionnels et les acteurs émergents.  Le succès du Programme 2030 dépend donc de la coopération des gouvernements, des institutions, des agences, du secteur privé et de la société civile dans divers secteurs, lieux, frontières et niveaux, souligne le rapport.

Afin de trouver l’équilibre requis entre les objectifs au cours du processus de mise en œuvre, le rapport mondial sur le développement durable définit six points d’entrée offrant les perspectives les plus prometteuses pour réaliser les transformations souhaitées dans les proportions et à la vitesse voulue.  Ces points d’entrée sont: le bien-être humain et les capacités; des économies durables et justes; des systèmes alimentaires durables et une nutrition saine; la décarbonisation de l’énergie et un accès universel; le développement urbain et périurbain; et enfin la prise en compte d’un environnement commun mondial. 

Le rapport identifie également quatre leviers qui peuvent être déployés de manière cohérente à travers chaque point d’entrée pour apporter les transformations nécessaires: la gouvernance; l’économie et les finances; l’action individuelle et collective; et la science et la technologie.  Si chaque levier peut contribuer individuellement à un changement systémique, le rapport affirme que ce n’est que par leurs combinaisons, en fonction du contexte, qu’il sera possible de réaliser les transformations nécessaires pour équilibrer les dimensions du développement durable et réaliser le Programme 2030.

Ce rapport mondial sur le développement durable est distinct et complémentaire du rapport annuel sur l’état d’avancement des objectifs de développement durable préparé par le Secrétaire général, lequel suit l’évolution des objectifs et des cibles à l’aide des indicateurs du cadre d’indicateurs mondiaux.  Le rapport des experts s’appuie sur une base de connaissances étendue et diversifiée, notamment de nombreux articles publiés dans la littérature scientifique, et des évaluations internationales, telles que le rapport d’avancement des objectifs de développement durable du Secrétaire général (2019); les évaluations régionales de l’Avenir de l’environnement mondial 6 (GEO-6) (2019); le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2018); entre autres. 

La préparation du rapport a bénéficié de cinq consultations régionales avec des milieux universitaires, des responsables des politiques, des entreprises et de la société civile.  Ce rapport est le premier d’une série quadriennale et a bénéficié de l’appui d’une équipe spéciale présidée par le Secrétariat de l’ONU, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Banque mondiale.

Dialogue des dirigeants: Les grandes tendances ayant une incidence sur la réalisation des objectifs de développement durable

Le premier dialogue des dirigeants du monde du Forum politique placé sous les auspices de l’Assemblée générale a permis de débattre des grandes tendances mondiales qui ont un impact sur la réalisation de multiples objectifs et cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Pour l’animateur du dialogue, M. NANA ADDO DANKWA AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana, les choix que nous faisons et les décisions que nous prenons en rapport avec des grandes tendances majeures, telles que la croissance démographique et les changements climatiques, pourront orienter durablement la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).  Lui emboîtant le pas, la seconde animatrice, Mme ERNA SOLBERG, Première Ministre de la Norvège, a souligné que les changements climatiques, par exemple, risquent de saper tous les progrès effectués en faveur des ODD.  Elle a aussi noté que les jeunes et leur esprit d’innovation étaient cruciaux pour la réalisation du Programme 2030. 

Parlant de population justement, M. MUHAMMADU BUHARI, Président du Nigéria, a relevé que son pays connaît une croissance de population qui freine la mise en route de certains ODD.  Étant donné la taille importante de la population nigériane, les autorités entendent établir des programmes adaptés, notamment pour la promotion des logements sociaux.

En Slovénie, a indiqué son Premier Ministre, M. MARJAN ŠAREC, les autorités ont pris l’engagement de protéger l’environnement.  M. Šarec s’est félicité du fait que son pays était désormais reconnu comme une « destination verte ». 

Mme KERSTI KALJULAID, Présidente de l’Estonie, a expliqué pour sa part comment son pays avait fait le pari de la technologie du numérique pour faire d’énormes avancées.  Le numérique permet, par exemple, aux enfants d’être scolarisés malgré des problèmes comme l’éloignement des écoles ou les violences sexistes ciblant les jeunes filles, a-t-elle témoigné. 

Son homologue, M. RUMEN RADEV, Président de la Bulgarie, a pour sa part mis en garde contre les concurrences technologiques et a dit privilégier une « science au service de tous ».  Il a par ailleurs estimé que le développement durable ne pouvait être atteint en dehors d’un environnement mondial pacifique qui privilégie le dialogue.  La question de la sécurité était également au cœur du propos de M. VOLODYMYR ZELENSKYY, Président de l’Ukraine, qui a indiqué que son pays ne pouvait prétendre au développement durable dans un contexte d’attaques militaires des territoires de l’est du pays.  Cette situation a fait perdre à l’Ukraine 15% de son produit intérieur brut (PIB) et des milliers de ressortissants, s’est-il plaint.  Pour l’Ukraine, la priorité est donc de retrouver la souveraineté sur ces zones occupées, afin de pouvoir œuvrer en faveur du développement durable, à l’instar des autres Membres de l’ONU. 

De nombreux problèmes dans le monde sont dus au manque de compassion plus qu’au manque de ressources, a observé pour sa part M. RECEP TAYYIP ERDOĞAN, Président de la Turquie, en mentionnant que son pays offre l’asile à des millions de réfugiés.  Il a aussi fait valoir les actions que son gouvernement a engagées pour venir en appui aux nécessiteux.  En Colombie, a expliqué à son tour M. IVÁN DUQUE MÁRQUEZ, le Président de la République, en plus des questions de sécurité, le plan national de développement vise surtout l’éradication de la pauvreté et la promotion de la justice sociale à travers la réduction des inégalités. 

M. SHINZO ABE, Premier Ministre du Japon, a déclaré que son pays s’attèle à autonomiser des millions de femmes à travers le monde.  Pour promouvoir les ODD, le Gouvernement japonais a créé un prix spécial pour récompenser l’engagement des municipalités, du secteur privé et de la société civile.  Un nouveau modèle de mise en œuvre des ODD sera présenté par le Gouvernement japonais d’ici la fin de l’année, a-t-il promis.

M. DAVID MALPASS, Président du Groupe de la Banque mondiale, a replacé le débat dans le contexte des tendances de l’économie mondiale, parlant ainsi d’une croissance qui ralentit et des risques de voir la pauvreté augmenter au cours des prochaines années.  Les ajustements sont possibles mais des réformes sont nécessaires, a-t-il dit.  Il a invité les pays en développement à établir des programmes qui suscitent davantage d’investissements de la part du secteur privé, tout en mettant l’accent sur les infrastructures.  La Banque mondiale, a-t-il assuré, restera disposée à poursuivre sa tâche d’accompagnement des pays les moins avancés (PMA).

Pour ce qui est de la société civile, Mme JESSICA ORTEGA, Coprésidente du caucus mondial de la jeunesse autochtone, a fait remarquer que la crise climatique est une question existentielle pour la plupart des populations autochtones.  Elle a déploré le fait que les États foulent au pied le multilatéralisme, alors que, dans le même temps, le capitalisme néolibéral accentue les inégalités.  Mme Ortega s’est également insurgée contre diverses discriminations qui vont à l’encontre de la promesse de ne laisser personne de côté.  De même, la criminalisation des défenseurs des droits des autochtones prend de l’importance, mais, a-t-elle promis, les populations autochtones sont décidées à résister et veulent continuer à se battre. 

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